La question des retraites ne touche pas uniquement les plus âgés. Chacun de nous est concerné, car c’est tout au long de la vie que la retraite se construit. La droite, d’Édouard Balladur à Emmanuel Macron, fait preuve d’une continuité déroutante ; le président candidat a d’ailleurs pour première et principale promesse de campagne de relever à 65 ans l’âge de départ à la Retraite. Les retraites seraient un poids et coûteraient trop cher. Tout le monde sait que cette solution revient à condamner les plus modestes de nos concitoyens à mourir au travail : de cette société là, nous n’en voulons pas !
Face à ces attaques répétées, les Français ont démontré une vigilance constante. Pour autant, les risques s’accroissent car le mouvement social est sur la défensive, tandis que le néolibéralisme est offensif. Nous n’acceptons pas plus la précarisation de l’emploi que la précarisation des retraites, à laquelle elle conduit. La plateformisation de l’économie ou le retour du paiement à la tâche avec l’ubérisation mettent en péril le salariat et les acquis qui vont avec, des droits syndicaux aux retraites. Ces manœuvres pour détourner le droit du travail mèneront une majorité des travailleurs à une retraite famélique et injuste. Si nous n’agissons pas, les inégalités de genre se répercuteront ad vitam æternam avec des retraites moindres pour les femmes, le chômage de masse des plus de 50 ans se traduira par une amputation de leurs retraites du fait du recul de l’âge du départ, et le chômage de masse des moins de 30 ans grève le montant de leur retraite. La reconquête du plein emploi est intrinsèquement liée au sauvetage de notre modèle social.
Le modèle par répartition français risque d’être livré pieds et poings liés au marché dans le but de privatiser d’éventuels profits. Or seul le modèle par répartition garantit la pérennité des retraites et le maintien de leur pouvoir d’achat face à l’inflation ; au moment où cette dernière semble de nouveau s’installer relativement durablement dans le paysage économique, le combat pour consolider le modèle par répartition redevient central. La marchandisation des mutuelles y a tué l’esprit coopératif. Le gouvernement avait tenté de faire passer sa réforme des retraites scélérate et antisociale pour une réforme universaliste. Il a tenté de faire passer le nivellement généralisé vers le bas pour la promesse d’égalité et de justice de l’universalisme.
Avec Fabien Roussel, nous partageons la conviction qu’il faut rétablir le droit au départ à la retraite dès 60 ans. Dans une société où le chômage des seniors est important ou les entreprises ne font pas de nouvelles embauches pour les demandeurs d’emploi qui ont dépassé 55 ans, il est tout simplement absurde de relever indéfiniment l’âge du départ à la retraite.
Il sera enfin nécessaire de :
● Rationaliser et unifier les avantages familiaux et les règles qui prévalent en matière de pensions de réversion ;
● Rehausser le niveau de la retraite minimale comme il était prévu déjà de le faire depuis 2003 ;
● Financer les différents éléments de solidarité du système à travers des moyens séparés et clairement identifiés ;
● Prendre véritablement en compte les différences d’espérance de vie par Catégorie Socio-Professionnelle et revoir en profondeur les règles qui prévalent en matière de pénibilité ;
● Revaloriser la pension de retraite pour invalidité et faire valoir tous ses droits avant l’âge légal de départ à la retraite.
Cela passe en particulier par la réintégration des quatre critères de pénibilité, prévus par la réforme de 2014 et exclus de la réforme gouvernementale ajournée : vibrations mécaniques, port de charges lourdes, postures pénibles et expositions aux risques chimiques. Cela passe aussi par l’abaissement des seuils pour la prise en compte de l’ensemble des dix facteurs de pénibilité.
Les retraites doivent rester financées par des cotisations assisses sur les revenus des actifs couverts (on peut également concevoir que la partie solidarité dispose d’autres ressources, mais elle ne représente en réalité que 9% du montant des retraites). Ces propositions sont financièrement réalistes car, à partir de 2027, la dette sociale aura été remboursée, ce qui libérera une vingtaine de milliards d’euros à partager entre retraite et dépendance. De même, comme nous mènerons une politique active de l’emploi, il est important de rappeler qu’un taux de chômage de 7% libérerait environ 12 milliards d’euros d’excédents à l’UNEDIC. Soit, un total de 1,5 point de PIB sur les 2,4 nécessaires pour faire face à l’augmentation du nombre de retraités.
Dans ces conditions, il est également bon de rappeler que le conseil d’orientation des retraites prévoit un retour à l’équilibre des milieu des années 2030, même en tenant compte des effets à long termes de la crise du COVID. L’offensive contre le système français de retraites par répartition est donc motivée par des raisons bien éloignées des considérations de réalisme budgétaire et financier : il s’agit d’une volonté purement idéologique d’abattre un système qui échappe largement aux logiques de marché. Notre rôle est aussi d’empêcher une telle dérive dans les urnes comme dans la rue.