Commission européenne : Emmanuel Macron cède encore devant Ursula von der Leyen et l’Allemagne

Alors que Thierry Breton vient de quitter ses fonctions sur injonction d’Ursula von der Leyen (présidente de la commission européenne, reconfirmée cet été par le Parlement européen), il doit être rappelé que la Commission européenne est un collège composé de choix émanant des États membres, approuvés par le Parlement européen.

Ainsi, il n’appartient pas à Ursula von der Leyen de décider selon son « bon vouloir » quel commissaire est compatible avec elle, en fonction de son degré d’opposition à la politique du « fait du prince » conduite au sein de la Commission européenne. Il n’appartient pas non plus à l’Allemagne et à sa représentante au sein de la Commission européenne de décider quel commissaire la France doit désigner au sein de l’exécutif européen, notamment pour mieux imposer en Europe les choix décidés outre-Rhin en matière d’énergie, de politique industrielle et commerciale, de défense ou encore dans les domaines numériques !

Enfin et surtout, il incombe au Président de la République comme au Premier ministre d’être garants des intérêts de la France en Europe et de refuser les politiques libérales et d’austérité qui étranglent notre pays depuis des années.

Les eurodéputés français qui ont ratifié la candidature de von der Leyen paient leur naïveté et leur double discours d’une humiliation pour la France. Les macronistes, LR et les socialistes avaient pourtant tous critiqué sa politique et ses méthodes pendant la campagne des élections européennes. Ce dernier et lamentable épisode symbolise et concentre à lui seul l’inconséquence des européistes.

“Barnier représente la continuité avec les politiques budgétaires macronistes”, Emmanuel Maurel sur LCI

Emmanuel Maurel était l’invité de LCI ce lundi 9 septembre 2024 pour parler de la préparation du budget 2025 et des enjeux auxquels il doit répondre.

Il est effectivement de prendre des décisions courageuses, mais ce n’est pas ce qu’ont fait les gouvernements précédents. Plutôt que de se préoccuper du supplice qui attendrait le gouvernement de Michel Barnier, avant tout il faut s’attacher à ce que le budget ne se transforme pas en supplice pour les Français.

On nous annonce des coupes drastiques dans les dépenses publiques. Que prévoit de faire le gouvernement sortant et le gouvernement rentrant ? Car ils sont dans une certaine continuité comme démontre le fait que le directeur de cabinet de Bruno Le Maire soit devenu le directeur de cabinet de Michel Barnier : c’est une continuité de la politique macroniste, mais c’est surtout une politique qui a échoué.

On nous a fait des promesses en termes de baisse de déficits publics. On disait cette année, et ça sera 4,4 % du PIB ; on se retrouve en réalité avec un déficit de 5,6. Cela signifie que, par rapport aux prévisions de Bruno Le Maire on a perdu 30 milliards d’euros. Le diagnostic de nombreux parlementaires à droite comme gauche, c’est qu’on a un problème non pas de dépenses, mais surtout de recettes, c’est-à-dire qu’on a une baisse des recettes fiscales extrêmement préoccupantes. Et ça, c’est la faute du gouvernement qui n’a pas été assez prévoyant et, surtout, qui a multiplié les cadeaux à un certain nombre de publics qui n’en avaient pas besoin. Et cela nous coûte déjà très cher !

Quand on voit les mesures des gouvernements successifs d’Emmauel Macron, qui ont baissé l’impôt sur la fortune, qui ont fait la flat tax pour les revenus les plus aisés, qui ont refusé de taxer les super profits, on se retrouve en effet avec un manque à gagner en termes de recettes fiscales.

Nous sommes dans une situation particulière car tout à l’heure la commission des finances a auditionné deux ministres qui ne le sont plus, même s’ils sont responsables de la calamiteuse situation actuelle, or les députés aimeraient surtout en savoir plus sur ce que Michel Barnier entend faire. Emmanuel Macron a fait perdre beaucoup de temps au pays : la dissolution, les 7 semaines de tergiversations. Et aujourd’hui, les parlementaires ont très peu de documents à leur disposition.

Ce qui compte, c’est la vie des Français, qui mérite qu’on s’y attarde et qu’on fasse un certain nombre de dépenses, indispensables pour eux : pour le monde étudiant, les salariés précaires… Il faut des réponses rapides.

Attention à ne pas faire l’erreur de présenter un budget récessif : couper dans les dépenses publiques plus que raisonnablement, cela a toujours un effet très négatif pour l’économie. Or, un des enjeux pour nous, C’est évidemment de relancer l’activité économique. On a une croissance très faible. On a besoin de mesures en termes d’investissement, pour soutenir la production, la mise en valeur de notre industrie, etc. Tout cela participe à une croissance plus forte et donc plus de recettes fiscales : c’est parfois contre-intuitif pour les gens, mais si vous faites une baisse dans les dépenses publiques cela se traduit trop souvent par une récession de l’activité économique, c’est tout ce qu’il faut éviter.

À droite comme à gauche, il existe des gens qui regardent la situation financière avec lucidité : même l’inspection générale des finances explique qu’il y un problème sur les aides aux entreprises, elles sont mal distribuées, elles coûtent trop cher et elles ne sont pas très efficaces : il existe donc une marge de manœuvre considérable. Le « crédit impôt, recherche », c’est presque 10 milliards d’euros : il est peu efficace, et les entreprises qui en bénéficient – notamment les très grandes – versent de gros dividendes et ça ne les empêche pas de licencier sans investir par là.

Il faut donc arrêter de verser sans aucune condition des aides aux entreprises pour des résultats qui sont peu ou pas démontrés. Alors, évidemment, il y a les PME : on doit les aider, mais il faut arrêter de faire à faire n’importe quoi avec des entreprises qui, en réalité, n’ont pas besoin de ces aides ou des exonérations de cotisations sociales qui contribuent à accroître le déficit des comptes sociaux.

Il y a eu des élections. La politique du gouvernement sortant a été sanctionnée. Il est quand même invraisemblable que cette politique soit poursuivie comme si de rien n’était. Ce n’est pas du tout ce que veulent les Français.

Les collectivités locales, communes et conseils départementaux notamment, se sont insurgés, à juste titre, qu’ils soient de droite ou de gauche, face à cette tentative de leur faire porter une part de responsabilité dans le déséquilibre des comptes publics : on oublie quand même quelque chose d’incroyable, c’est que les collectivités locales ont l’obligation de déposer un budget en équilibre. Elles sont les première à faire des efforts.

Nous avons une inquiétude supplémentaire : Michel Barnier doit vouloir s’attaquer à la dette financière et à la dette écologique. Or quand on lit le dernier rapport de la Cour des Comptes, on sent bien que l’idée derrière est de revenir à une taxe carbone sur les ménages, cette même taxe carbone qui avait suscité le mouvement des « gilets jaunes ».

Nous sommes dans une situation démocratique tendue.Le président n’en a pas tenu compte, n’a pas respecté le résultat des élections.

L’habitude que le gouvernement précédent a pris de faire voter des textes en ayant recours à l’article 49.3 a profondément choqué nos citoyens. Si, demain, on en arrivait à passer un budget par ordonnance – ce qui ne pourrait arriver que si le gouvernement refuse d’écouter les parlementaires – la crise démocratique s’aggraverait encore.

Il faut faire confiance aux parlementaires pour qu’ils soient responsables et trouvent des solutions. Mais pour trouver des solutions, encore faut-il en face un gouvernement qui soit ouvert aux arguments des oppositions diverses, et pour l’instant nous n’en avons malheureusement aucune garantie.

Contre le Front républicain, Emmanuel Macron promeut une alliance de fait Droite/RN

Marie-Lienemann, ancienne ministre, ancienne parlementaire et coordinatrice nationale de la Gauche Républicaine et Socialiste était l’invitée de BFMTV samedi 7 septembre 2024 vers 11h30 pour débattre de la situation politique, qui ne cesse de se dégrader depuis des mois du fait du refus d’Emmanuel Macron de reconnaître sa défaite électorale des 9 et 30 juin et 7 juillet derniers.

Elle débattait avec Agnès Evren, sénatrice LR de Paris, Charles Sapin, journaliste au Figaro, et Arnaud Benedetti, politologue.

Il est de plus en plus clair que le Président de la République a immédiatement bafoué le front républicain et mis en place une alliance de fait Droite/RN. Pour certains, ce serait la faute de la gauche : vaste fumisterie !

Emmanuel Macron a agi en chef de clan et non en Président : avant toute chose, il ne voulait ni revenir sur le départ en retraite à 64 ans, ni la hausse du smic pour atteindre 1600 euros, ni des mesures significatives de justice fiscale pour restaurer les comptes publics et la qualité des services publics.

La gauche doit rester unie et prête à faire face aux mauvais d’un exécutif qui s’appuie désormais sur une majorité parlementaire qui va de Renaissance au Rassemblement national.

Barnier à Matignon : le bras d’honneur de Macron aux Français

L’interminable série de consultations conduites par le Président de la République pour ne pas nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire a pris fin aujourd’hui de la pire des manières.

En choisissant Michel Barnier, dernière roue du carrosse LR, Emmanuel Macron a balayé d’un revers de main les résultats de sa propre dissolution ; et fait un bras d’honneur aux millions d’électeurs de gauche qui ont sauvé la moitié de son groupe parlementaire à l’Assemblée.

Pire : l’Elysée a négocié en direct avec Marine Le Pen les conditions d’une neutralité bienveillante des députés RN en cas de dépôt d’une motion de censure !

Le nouveau Premier ministre, qui lors de la primaire LR avait proposé d’abolir des pans entiers de la Convention Européennes des Droits de l’Homme, ne manquera pas de détailler les termes de cet accord lors de son discours de politique générale.

Les milieux d’affaires et les marchés financiers sont les vrais gagnants de cette forfaiture démocratique. Leur effroi à l’idée d’augmenter les salaires et contribuer davantage aux charges publiques s’est instantanément dissipé. Les dividendes défiscalisés et autres subventions sans contreparties continueront d’arroser leur cours de bourse.

Macron n’a jamais été préoccupé par une quelconque « stabilité institutionnelle ». Son obsession cardinale demeure la préservation des privilèges de son noyau dur de supporters, sous l’œil vigilant de Bruxelles, rassurée par « Barnier l’européen ».

Nos concitoyens n’ont à présent sous les yeux qu’un régime crépusculaire accaparé et dénaturé par un Président méprisant et solitaire. Il reviendra aux forces de gauche de s’opposer radicalement à la poursuite de sa politique d’austérité néolibérale et autoritaire.

Allemagne : Minuit moins le quart

Voici les nouveaux résultats pour les élections en Thuringe et en Saxe, deux régions d’Allemagne de l’Est qui votaient aujourd’hui. La participation fut convenable. C’est en Thuringe un triomphe pour le parti d’extrême droite AfD, premier avec 33,4%.

L‘AfD menée ici par Björn Höcke n’est pas comparable au RN ou à Fratelli d’Italia de Meloni : c’est beaucoup plus radical, assumant d’être catalogué “néofasciste” par la justice allemande, et “catégorie S” par les services de sécurité intérieur. Björn Höcke assume avoir milité jeune dans un groupe néonazi et avoir des candidats néonazis.

Aucun autre parti ne souhaite s’associer avec eux. Mais ayant obtenu 33,4% des suffrages ils obtiendrons plus de 33% des sièges et auront un rôle de blocage, ainsi que la présidence du parlement du Land. L’AfD vient d’annoncer qu’ils regarderaient très en détail les nominations de juges et enseignants – compétence parlementaire et qu’ils peuvent bloquer avec le niveau qu’ils ont atteints.

En Saxe, les chrétiens démocrates de la CDU sont de justesse devant. Mais là aussi l‘AfD va jouer un rôle important.

Dans les deux régions, les Linke, le parti issu des anciens communistes de l’Est (le SED, puis le PDS), s’effondrent. En Thuringe, la popularité du président de la région, issu des Linke, n’a rien pu empêcher. En Saxe, les Linke manquent le score minimum de 5% mais vont gagner directement deux circonscriptions à Leipzig, illustrant à merveille l’impasse de la stratégie qu’ils ont choisi depuis quelques années et que suit également La France Insoumise en France. Ils sauveront une présence minimum au parlement. Les écologistes ont le même problème : vote urbain bourgeois, ils sont ratiboisés en Saxe mais emportent les deux autres circonscriptions de Leipzig.

C’est le nouveau parti de Sahra Wagenknecht, BSW, gauche conservatrice sur les questions sociétales, qui emporte l’électorat abandonné par les Linke, empêchant leur dérive vers l‘AfD. Sans le BSW, l‘AfD serait au dessus de 40%.

Sahra Wagenknecht, fondatrice du parti Alliance Sahra Wagenknecht (Bündnis Sahra Wagenknecht, BSW), en meeting le 29 août dans la ville d’Erfurt, capitale du Land de Thuringe. © Martin Schutt/AP/SIPA

La coalition au gouvernement à Berlin est sanctionnée lourdement. En Thuringe, où le FDP local (le parti libéral allié à Renaissance) avait un temps fait alliance avec l’AfD de Höcke, ils sont balayés, seulement 1,2%. Les libéraux ne serons plus représentés. Le SPD est le parti qui résiste sur un socle très bas. En Saxe, la coalition gouvernementale rassemble 15%, les libéraux n’aurons pas de sièges, les écologistes en sauvent deux à Leipzig, le SPD revient de très loin…

Rappelons qu’à Berlin gouverne, plutôt mal que bien, la coalition rêvée d’Emmanuel Macron : un social-démocrate libéral comme Chancelier, un ministre des finances libéral-centriste, des verts libéraux. C’est un désastre.

La CDU a annoncé dès ce soir vouloir établir un front républicain avec un cordon de protection contre l‘AfD. Il a donc proposé une coalition à l’alliance de Sahra Wagenknecht. Celle-ci l’a accepté, écartant catégoriquement toute collaboration avec l’AfD « néofasciste ». En Thuringe, les Linke soutiendrons, en Saxe, le SPD serait d’accord.
Mais cette alliance va devoir traiter au fond les échecs de la République fédérale allemande depuis 2003 et l’agenda 2010 de Schröder, suivi des années erratiques et sans investissement d’avenir d’Angela Merkel, dont le gouvernement actuel paye les factures cachées, guerre Russie-Ukraine incluse.

Regarder les réalités en face, c’est reconnaître l’absurdité de la règle d’or, la profonde injustice de la répartition de la prospérité des années 2009-2019 et les profonds traumatismes des années 2015-2023, avec deux vagues de réfugiés d’un million de personnes chacune, suscitant plus de solidarité que les 17% de pauvres, dont 10% de salariés pauvres, mais aussi la crise du Covid et l’impact de l’inflation sur les ménages populaires.

Pendant ce temps, les grandes entreprises augmentent leurs dividendes selon un modèle que nous avons observé en France : il conduit à la perte de l’industrie, des inégalités, et l’asphyxie des services publics.

Il est minuit moins le quart.

Fin septembre, la région du Brandebourg, qui encercle Berlin, est la prochaine à voter.

Mathias Weidenberg (GRS, Berlin)

L’enseignement n’est visiblement pas prioritaire dans la gestion des “affaires courantes”

À une semaine de la rentrée, les formateurs/professeurs préparant les étudiants aux épreuves des concours de recrutement ne disposent toujours pas de programmes pour le CAPES de 2026, et donc aucune assurance que ce qu’ils vont commencer à enseigner à leurs étudiants en première année de Master sera ensuite bien au concours.

Cette situation est très inconfortable tant pour les enseignants que pour les étudiants.

Le gouvernement démissionnaire a pourtant pris dans le courant de l’été 2024 des décisions bien plus lourdes que celle-là.

L’éducation ne semble vraiment pas être sa priorité !

La Gauche Républicaine et Socialiste demande instamment que les mesures nécessaires soient mises en œuvre et, plus largement, qu’un gouvernement réellement chargé des affaires de la nation soit installé, dans toute sa légitimité politique – c’est-à-dire qui soit conforme aux aspirations exprimées par les Français lors des élections législatives anticipées.

Choix du Premier Ministre : Pour un sursaut rapide !

Alors que le président de la République reçoit les principales forces politiques représentées à l’Assemblée nationale, la Gauche Républicaine et Socialiste en appelle à un sursaut politique rapide.

Depuis près de deux mois, la France n’a plus, officiellement, de gouvernement. Cette situation est la conséquence de l’entêtement du chef de l’État, qui multiplie les manœuvres dilatoires depuis le 7 juillet. Son inertie procède d’un déni de réalité. Emmanuel Macron a beau répéter que « personne n’a gagné les élections », il y a bien de grands perdants : la coalition qu’il dirigeait et la politique économique et sociale qu’il conduisait !

Encore plus grave : le gouvernement démissionnaire fait plus « qu’expédier le affaires courantes » et continue de prendre des décisions politiques, comme on l’a vu sur les mesures de gel budgétaire prises par Gabriel Attal, sans aucune concertation ni même communication préalable auprès des parlementaires.

Cette situation ne peut plus durer. En l’absence de majorité, la logique démocratique voudrait que le chef de l’État confie à la coalition arrivée en tête la mission de former un gouvernement, à charge ensuite pour celui-ci de convaincre les députés de la pertinence de son programme.

Lors de son entretien avec les représentants du Nouveau Front Populaire, le Président lui-même avait reconnu que les Français souhaitaient un changement d’orientation politique. Il est donc temps de passer des paroles aux actes !

Nous dénonçons le sectarisme de LR qui, fort de ses 5,4% aux élections législatives, prétend gouverner les Français à droite.

Nous dénonçons aussi la tartufferie des macronistes, qui, après avoir posé comme condition l’absence de représentants LFI dans un gouvernement dirigé par Lucie Castets, surenchérissent à présent en menaçant de bloquer toute mesure non-conforme à leur ligne politique.

Les chantages à la motion de censure, d’où qu’ils viennent, témoignent d’une effarante immaturité politique, car ils remettent le RN au centre du jeu : en effet, pour passer le seuil des 289 députés, la censure ne peut être votée qu’avec leurs voix. En outre, l’instabilité permanente à l’Assemblée favoriserait les discours démagogiques sur la nécessité de mettre au pouvoir un homme (ou une femme) providentiel.

Dès lors, le débat sur le contenu des politiques est le seul qui vaille la peine d’être mené. Qu’est-ce qui, dans les propositions soumises aux Français lors du scrutin de juillet, est de nature à susciter l’assentiment d’une majorité de la population ?

Nous sommes convaincus que les priorités économiques et sociale du Nouveau Front Populaire sont susceptibles de convaincre une majorité de citoyens, quels qu’aient été leurs choix électoraux.

Ainsi, la remise en cause de la réforme des retraites est attendue par une très grande majorité de Français. En abrogeant immédiatement cette loi injuste et cruelle adoptée à la faveur d’un 49.3 honteux, l’Assemblée ferait œuvre de salubrité publique.

À cela doit s’ajouter une action résolue en faveur du pouvoir d’achat. La hausse des salaires, après deux années de forte inflation, se justifie pleinement, surtout pour nos concitoyens les plus modestes. Il est assez paradoxal que les gouvernants successifs rabâchent sans cesse leur attachement à la « valeur travail »… tout en le payant de moins en moins à sa juste valeur !

Au-delà de la hausse immédiate du SMIC, la convocation d’une conférence salariale s’impose. Elle permettrait d’identifier les secteurs prioritaires et d’élaborer les mesures d’accompagnement nécessaires dans certaines entreprises ou branches professionnelles. La revalorisation des salaires dans les métiers de l’éducation ou du soin, longtemps négligés, devra être mise en place à cette occasion.

La situation préoccupante de l’accès aux soins inquiète à juste titre nos concitoyens. Il faut en finir avec les coupes budgétaires et voter un plan pluriannuel de remise à flots de l’hôpital public. La décision absurde et dangereuse de diminuer le nombre d’internes, prise en catimini par le gouvernement sortant, devra être annulée au plus vite.

Les macronistes et la droite rétorquent que les mesures de justice sociale et de renforcement des services publics coûtent cher, a fortiori dans un contexte de marges de manœuvres financières réduites. Mais nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes : ce sont eux qui ont volontairement réduit les recettes fiscales, et accru le déficit public, en accordant toujours plus d’exonérations aux plus riches ! Pour pouvoir agir, nous n’avons donc pas d’autre choix que créer immédiatement une taxe temporaire sur les super profits, supprimer la « flat tax » et créer un nouvel ISF.

Mais retrouver des recettes, c’est aussi créer des richesses. Cela passe par le soutien à notre tissu productif et à une vraie politique de réindustrialisation.

La reconquête de notre souveraineté économique et technologique peut et doit faire l’objet d’un consensus transpartisan. Militants inlassables du « Fabriqué en France », nous savons que notre pays dispose d’atouts incomparables pour relancer des filières françaises de production de biens industriels.

Les aides aux entreprises doivent êtres revues en fonction de ces objectifs. Il faut donc non seulement des contreparties en terme d’emplois et d’investissements, mais aussi un criblage des secteurs prioritaires (transition écologique, nouvelles technologies…).

En outre, nous devons mettre en place une véritable stratégie d’intelligence économique, à la fois offensive et défensive, pour protéger nos entreprises de la voracité de nos concurrents.

Ces mesures contribueront à améliorer immédiatement la vie de nos concitoyens et à préparer l’avenir.

Il ne nous a certes pas échappé que le Nouveau Front Populaire n’avait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et nous ne versons pas dans le maximalisme du « tout ou rien » et du « nous tous seuls ».

Nous sommes simplement convaincus que cette feuille de route rapidement esquissée permettra au pays et aux Français d’aller mieux.

Pour la Gauche Républicaine et Socialiste
Marie-Noëlle Lienemann, ancienne sénatrice, ancienne ministre
Emmanuel Maurel, député du Val-d’Oise
Co-fondateurs de la Gauche Républicaine et Socialiste

Emmanuel Maurel sur BFM : Macron doit cesser de jouer et doit nommer un(e) Premier(e) Ministre !

Emmanuel Maurel, député GRS, était l’invité de BFM TV le lundi 19 août 2024 pour débattre avec Andrea Kotarac, porte-parole du RN, et Maud Gatel, secrétaire générale du MoDem.

Seul député sur le plateau, il a rappelé que la priorité n’était pas de savoir s’il fallait destituer le Président de la République Emmanuel Macron (procédure que l’on sait d’avance condamnée à l’échec) mais de rappeler l’exaspération que provoque son comportement pour le moins irresponsable.

Or cette exaspération est parfaitement légitime face à un locataire, qui verse dans l’inertie volontaire et dans le déni de réalité pur et simple. Pendant ce temps, le gouvernement « démissionnaire » décide de couper drastiquement dans les dépenses publiques ! Il est temps qu’Emmanuel Macron arrête de jouer avec les Français et nomme un Premier ministre : il faut qu’un gouvernement légitime travaille enfin au service des Français de leurs demandes en termes de pouvoir d’achat, de réparation de l’injustice politique et sociale qu’a représenté le passage en force sur la réforme des retraites, de relance écologique de l’économie et de la production et aussi de restauration des services publics.

Au Venezuela, Maduro contre le chavisme

Alors que le Venezuela est entré dans une nouvelle crise électorale et politique qui effraie l’Amérique du Sud (et accessoirement semble toujours diviser la gauche française), notre camarade Vincent Arpoulet, spécialiste de l’Amérique latine, décrypte la situation politique et présente les enjeux et les intérêts qui s’affrontent.

« Le principe fondamental de la souveraineté populaire doit être respecté par le biais de la vérification impartiale des résultats ». Voilà l’objectif prioritaire établi au sein du communiqué publié par les diplomaties brésilienne, colombienne et mexicaine en vue de trouver une issue pacifique à la crise politique qui fracture actuellement le Venezuela.

Si celle-ci ne cesse de s’aggraver depuis que Nicolas Maduro a succédé, en 2013, à Hugo Chavez à la tête de l’État vénézuélien, elle a récemment été exacerbée par les auto-proclamations successives, au soir du dernier scrutin présidentiel qui s’est tenu le 28 juillet, de Maduro ainsi que de son principal opposant de droite Edmundo Gonzalez, avant même la publication des procès-verbaux de l’intégralité des bureaux de vote par le Conseil National Électoral (CNE). Ce dernier prétend avoir été victime d’un piratage informatique l’empêchant, jusqu’à ce jour, de rendre publics l’ensemble des votes qui sont, au Venezuela, réalisés par voie électronique. Or, cette publication est particulièrement attendue en raison du fossé béant qui sépare les résultats nationaux proclamés par le CNE (selon lesquels le président sortant aurait été réélu dès le premier tour avec 52% des voix) et les premiers sondages de sortie des urnes qui plaçaient l’opposition largement en tête. C’est pourquoi, face à la difficulté de tirer le vrai du faux dans un tel contexte, les différents gouvernements de gauche latino-américains mettent l’accent sur la nécessité d’assurer une médiation entre les différentes forces en présence en vue d’aboutir à un audit public des votes, seule manière à leurs yeux de garantir la souveraineté du peuple vénézuélien. Et au vu de l’empressement d’un certain nombre de grandes puissances à reconnaître la victoire du camp le plus susceptible de sécuriser leurs intérêts stratégiques au sein de cet État pétrolier (à l’image de la Chine et de la Russie favorables à Maduro, mais également des États-Unis partisans de Gonzalez), difficile de leur donner tort.

Ces gouvernements prennent ainsi ouvertement leurs distances vis-à-vis d’un certain nombre de dirigeants conservateurs de la région qui, alignés diplomatiquement sur Washington, ont rapidement apporté leur soutien à Edmundo Gonzalez. C’est notamment le cas du président équatorien Daniel Noboa ou de son homologue argentin Javier Milei, qui ne sont par ailleurs pas particulièrement réputés pour leurs préoccupations démocratiques. Cependant, le Brésil, la Colombie et le Mexique s’éloignent tout autant du président vénézuélien sortant – fait particulièrement notable au vu de la proximité entre les rhétoriques anti-impérialistes de figures telles que le président brésilien Lula et celle du gouvernement maduriste.

Cette prise de position peut notamment s’expliquer par le fait qu’au-delà des suspicions de fraude lors du dépouillement, ce scrutin a été biaisé dès le départ par l’invalidation, sur la base de motifs plus ou moins fondés, de plusieurs candidatures d’opposition. Le cas le plus médiatisé est celui de Maria Corina Machado, figure conservatrice ayant largement remporté les primaires organisées au mois d’octobre 2023 par la Table de l’unité démocratique, principale coalition d’opposition au madurisme. Or, celle-ci est déclarée inéligible par la justice vénézuélienne pour avoir appuyé et tiré profit du gel d’un certain nombre d’actifs nationaux placés dans les institutions bancaires de plusieurs États reconnaissant la légitimité de Juan Guaido, l’un des fers de lance de l’opposition qui s’est autoproclamé président du pays entre 2019 et 2023. Si l’utilisation de ces actifs par un dirigeant dont la légitimité démocratique est plus que contestable s’inscrit effectivement dans une forme d’ingérence n’ayant fait qu’aggraver le délitement de l’économie, ainsi que de la société vénézuélienne, il ne s’agit que d’un argument parmi d’autres utilisés pour marginaliser du scrutin un certain nombre d’autres partis d’opposition bien moins suspects d’être à la botte de velléités impérialistes. C’est le cas des oppositions de gauche au madurisme, comme le démontre notamment le reportage réalisé par la politiste Yoletty Bracho pour la revue de critique communiste Contretemps1. L’un des représentants de la gauche vénézuélienne lui confie notamment : « Il est impressionnant de voir que la droite a pu avoir son candidat, mais que c’est nous à gauche qui n’avons pas le droit d’avoir de candidat. Nous n’avons pas de représentation lors de ces élections »2. Sous-entendu, le madurisme s’est détourné de la gauche du paysage politique. Un virage à droite confirmé par le fait que le Parti Communiste Vénézuélien (PCV) est récemment entré dans l’opposition, dénonçant la crise d’un « modèle de capitalisme dépendant (…) en contradiction avec les intérêts des travailleurs »3.

Alors qu’on présente une confrontation entre Madurisme et extrême droite, c’est la gauche vénézuélienne qui est en réalité écartée du débat politique et des solutions

Ce modèle de capitalisme dépendant repose quasi exclusivement, depuis le début du XXe siècle, sur les revenus générés par les abondantes réserves pétrolières dont dispose le pays. Les données publiées par la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL) mettent en lumière le quasi-monopole occupé par les ressources pétrolières dans les exportations vénézuéliennes dans la mesure où elles représentent environ 85% des produits vendus par le pays sur la scène internationale4. Si cette structure économique n’est pas fondamentalement remise en cause par l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez en 1999, celui-ci modifie en revanche radicalement les modalités d’allocation de ces ressources. En réaffirmant la prédominance de la puissance publique dans la gestion de l’intégralité du processus d’exploitation et de commercialisation des ressources pétrolières, il redirige une majorité des revenus issus de ces activités vers l’État qui est alors en mesure de développer un certain nombre de programmes de redistribution sociale. Cela conduit notamment à une diminution significative de l’extrême-pauvreté qui passe de 22,6% à 8,2% de la population entre 2002 et 2012. Cependant, le fait que ce modèle social repose quasi exclusivement sur les revenus générés par les exportations pétrolières le rend particulièrement dépendant aux variations du prix du baril à l’échelle internationale. Et s’il augmente globalement de manière continue au cours des années 2010, il chute subitement de 100 à 80€ entre 2013 et 2014, ce qui expose l’économie vénézuélienne à une dégradation des termes de l’échange. En effet, si la hausse considérable des exportations de ressources pétrolières provoque un afflux massif de devises en dollars, celles-ci doivent être converties en bolivar, la monnaie nationale vénézuélienne. Or, la contrepartie de la spécialisation dans la production pétrolière est que le Venezuela doit importer de nombreux biens manufacturés nécessaires à la satisfaction de la demande interne, de même que l’ensemble des équipements nécessaires à son industrialisation qui ne sont pas produits sur place. Il se trouve que les importateurs doivent directement régler ces importations en dollars, et non en devises nationales. Lorsque les importations deviennent plus importantes que les exportations, la demande de dollars sur le marché des changes devient plus importante, ce qui déprécie le prix de la monnaie nationale en comparaison du dollar. Le prix de toutes les importations augmente alors puisqu’il faut plus de devises nationales pour se procurer un dollar. C’est pour faire face à cette hémorragie de devises que, tout en conservant officiellement une rhétorique radicalement anti-impérialiste, le gouvernement vénézuélien laisse libre cours à la dollarisation officieuse de son économie. Or, la manière dont s’opère cette dollarisation ne fait qu’accroître la précarisation d’une part significative de la population. En effet, si la plupart des emplois restent rémunérés en bolivar – c’est notamment le cas de l’intégralité des travailleurs de la fonction publique –, la majorité des prix se calent désormais sur le cours du dollar. C’est ainsi que le prix moyen d’un déjeuner classique oscille autour de 10 dollars dans un pays dans lequel le salaire minimum équivaut à peine à 50 dollars par mois à l’heure actuelle.

Mettre l’accent sur la part de responsabilité du gouvernement dans cette crise économique ne doit pas pour autant conduire à occulter le poids tout aussi important des différentes sanctions internationales imposées depuis 2013, en particulier par les États-Unis. A titre d’exemple, le gel du paiement des ressources exportées aux États-Unis par l’entreprise pétrolière publique PDVSA en 2019 la prive de 7 milliards de dollars, ce qui ne fait qu’aggraver l’hémorragie de devises qui frappe le pays sud-américain. Ces sanctions ont récemment été allégées à la faveur du conflit russo-ukrainien – un certain nombre de pays étant désireux de diversifier leurs sources d’approvisionnement en ressources pétrolières en vue de faire face à l’arrêt des importations de pétrole russe – mais comme en Iran, comme à Cuba, elles produisent toujours les mêmes effets : elles ne frappent que les populations civiles, tout en renforçant le virage autoritaire du gouvernement (justifié officiellement par la nécessité de lutter contre un impérialisme étasunien dont on peut, tout en condamnant les dérives du madurisme, difficilement nier l’existence).

La mise en scène d’une confrontation entre des protagonistes incompétents qui se détournent des intérêts populaires, à leur profit et celui des États-Unis d’Amérique,
de la Chine et de la Russie

Un impérialisme étasunien par ailleurs ouvertement plébiscité par une opposition officielle qui semble tout autant incapable de répondre aux aspirations démocratiques exprimées par les mobilisations en cours. Sachant que les oppositions de gauche et/ou centristes au madurisme ont été marginalisées en amont du scrutin, le président sortant faisait en effet face à la frange la plus conservatrice lors de ce scrutin. Si Gonzalez semble relativement mesuré sur certains sujets tels que l’éducation publique qu’il affirme vouloir préserver, celui-ci ne cesse de s’afficher en compagnie de Maria Corina Machado qui incarne un courant politique dont l’objectif est de revenir purement et simplement au néolibéralisme radical en vigueur avant l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez. Thomas Posado, maître de conférences en civilisation latino-américaine, met notamment l’accent sur le fort dogmatisme libéral de Machado qui se traduit par sa volonté affichée, et répétée à de nombreuses reprises, de privatiser PDVSA5. Dans un pays dans lequel cette société est vue comme un joyau de l’État, une telle proposition est particulièrement iconoclaste, y compris au sein de l’opposition au madurisme. Preuve que l’opposition semble à l’heure actuelle noyautée par sa frange la plus radicale. Et ce, d’autant plus que Machado a par ailleurs ouvertement fait appel à de nombreuses reprises à une intervention armée des États-Unis en vue de renverser le chavisme.

En somme, le drame de la situation vénézuélienne, c’est que ni Maduro, ni l’opposition majoritaire ultra conservatrice ne semblent à même de préserver les premiers acquis sociaux du chavisme « première génération » – qui se distingue du madurisme en de nombreux points. Si Chavez inaugure en effet sa première présidence par l’adoption d’une nouvelle Constitution destinée à démocratiser la société vénézuélienne, parallèlement à la réaffirmation de la prédominance du pouvoir politique sur l’armée – le défilé militaire accompagnant traditionnellement la mise en place d’une nouvelle Assemblée constituante n’ayant exceptionnellement pas eu lieu à cette occasion -, son successeur semble à l’inverse assumer de plus en plus ouvertement ses similarités avec les militaires ayant dirigé à plusieurs reprises le pays. En témoigne l’ouverture de centres pénitentiaires de haute sécurité dans lesquels les opposants seront soumis au travail forcé « comme à l’époque »6

Vincent Arpoulet

1 BRACHO Yoletty, «  « Tout le monde sait ce qu’il s’est passé. » Pour une approche de gauche des élections vénézuéliennes », Contretemps. Revue de critique communiste, 6 août 2024 ; https://www.contretemps.eu/gauche-internationaliste-elections-venezuela/

2 Ibid

3 BENOIT Cyril, « Venezuela : les communistes pour une alternative populaire à la crise », PCF, Secteur International ; https://www.pcf.fr/venezuela_les_communistes_pour_une_alternative_populaire_la_crise

4 https://statistics.cepal.org/portal/cepalstat/national-profile.html?theme=2&country=ven&lang=en

5 POSADO Thomas, « Venezuela : Maria Corina Machado, nouvelle figure du radicalisme de droite », France Culture, 26 octobre 2023 ; https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/venezuela-maria-corina-machado-nouvelle-figure-du-radicalisme-de-droite-7868137

6 BRACHO Yoletty, « « Tout le monde …, op. cit.

Retrouvez le communiqué commun de plusieurs partis de gauche français le 9 août 2024

L’émancipation passe par le sport, pas par l’obscurantisme religieux

Si les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont dépassé bien des attentes, que ce soit en termes de médailles françaises, d’ambiance ou d’engouement national, et ce, sans accroc majeur, cela ne doit pas occulter certains points de crispation.

L’un des sujets ayant fait couler beaucoup d’encre est la question de la présence et de l’autorisation ou non des signes religieux ostensibles portés par les sportifs, plus précisément le port du voile islamique ou hijab.

La France est en effet le seul pays à avoir interdit à ses athlètes le port de tout signe religieux, au nom de la laïcité, du refus de « toute forme de prosélytisme, [et de] la neutralité absolue du service public » (ministère des Sports), dans la lignée de la réglementation récente de la FFF, entérinée par le Conseil d’État.

Comme on pouvait s’y attendre, les partisans du communautarisme, assumé ou non, direct ou non, sont montés au créneau. C’est notamment le cas d’un article de Mediapart intitulé « Voile et JO, l’hypocrisie française »1, qui est une mise en cause directe des principes de la République laïque. Edwy Plenel, cofondateur de la plateforme d’information, a ainsi déclaré sur X : « À la cérémonie de clôture des JO Paris 2024, le hijab de la championne néerlandaise Sifan Hassan en joyeuse réponse à l’archaïque interdiction française du voile pour les sportives. »2

Le port du hijab serait donc quelque chose de « joyeux » et la laïcité un « archaïsme ». On marche sur la tête ! Tragique inversion du sens des mots.

Notons d’ailleurs que Sifan Hassan, championne olympique du marathon, a couru sans son voile : preuve que la respiration laïque est possible et nécessaire pour faire son sport correctement. Le porter sur le podium n’est donc pas forcément innocent.

Au-delà des attaques contre le respect des principes républicains demandé aux athlètes français, il est tout simplement reproché aux autorités française l’application de la Charte olympique, qui stipule dans son article 50.2 : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »

Mais le CIO a décidé que le voile relevait du vêtement culturel et non confessionnel. Sans nier l’aspect culturel, le limiter à ce domaine est évidemment un contre-sens et entre en contradiction avec une bonne partie des arguments contre l’interdiction française de son port. Maria Hurtado, porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, interrogée sur l’interdiction du port du voile pour les Françaises aux Jeux Olympiques de Paris 2024, a déclaré : « De manière générale, le Haut-Commissariat estime que personne ne devrait imposer à une femme ce qu’elle doit porter ou non. » Prise de position hypocrite, car elle se fait contre un pays qui respecte et fait progresser les droits des femmes ; on attend toujours une expression à l’égard d’autres régimes. Qu’en est-il de l’imposition du voile aux sportives de certaines délégations de pays islamistes, notamment iraniennes ? L’Iran avait par ailleurs interdit certaines épreuves, comme la lutte, la boxe, le judo, la gymnastique, la natation ou encore le beach volley, à leurs athlètes féminines. Et qu’en est-il de la « Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » de l’ONU ? Il s’opère un dangereux retournement de valeurs. Hypocrisie encore lorsque le CIO préfère disqualifier la breakdancer afghane Manizha Talash, participant aux Jeux sous les couleurs de l’équipe olympique des réfugiés, pour avoir porté sur son dos une cape avec l’inscription « Free afghan women » (« Libérez les femmes afghanes »).

Malgré leur incontestable réussite sportive et populaire, les JOP ont donné lieu à des commentaires qui témoigne d’une profonde inversion de sens

C’est aussi le cas de l’argumentation principale développée par Mediapart : cela ostraciserait les femmes de la pratique sportive, ce serait une mesure discriminatoire allant à l’encontre de ses prétentions. Les femmes voilées n’auraient ainsi « pas le droit » de participer. Les promoteurs de l’égalité par le hijab taisent à dessein le poids de l’obscurantisme religieux qui interdit aux femmes, ou qui les pousse à s’interdire à elles-mêmes, de retirer le voile. Des sportives le retirent pour pratiquer leur sport, au même titre que des jeunes filles et jeunes femmes le retirent pour aller à l’école.

Le sport tient depuis longtemps une place importante dans notre République, et il doit donc être le reflet de ses principes. Plus encore, lors de la plus prestigieuse compétition sportive internationale, les Jeux Olympiques, on peut considérer que les sportifs exercent une mission de service public, représentant la France, État laïque. Le port de tout signe religieux ostensible serait donc contradictoire avec la mission qu’ils exercent ainsi et qui les apparentent à des représentants de la puissance publique qui ont une obligation de neutralité.

Et plus généralement, c’est l’idée universaliste derrière le sport qu’il s’agit de défendre : toutes et tous se présentent à égalité, soumis aux mêmes règles.

Ce qui s’inscrit en toile de fond de ce débat, c’est bien la confrontation culturelle entre, d’un côté, l’universalisme laïque hérité des Lumières et de la loi de 1905, et de l’autre, un rassemblement hétéroclite, au pire communautariste, au mieux vidant la laïcité de sa substance, la réduisant à la tolérance, au respect de toutes les religions et à la liberté de les pratiquer, faisant disparaître les principes de neutralité et de liberté de conscience (ou de raison). Il s’agit finalement d’une fausse bienveillance, à l’anglo-saxonne, où la liberté et le respect de l’individu et des différences ne valent qu’à la condition que chacun reste en réalité entre soi et ne franchisse pas les limites de sa communauté supposée ou de sa classe. Derrière le mirage qui accompagne un discours sur la liberté absolue de l’individu, il s’agit de masquer l’aliénation et le poids des cultures rétrogrades et patriarcales de certains courants religieux.

Il est à cet aune assez savoureux de considérer que, parmi les leaders d’opinion qui remettent en cause ouvertement ou implicitement les principes de laïcité, on trouve des athées revendiqués qui se paient le luxe d’expliquer à qui voudra bien les entendre ce que c’est que d’être croyant, ce que les fidèles de telle ou telle confession doivent croire et ce qui devrait les choquer. C’est en réalité une posture de condescendance qui n’a rien à envier aux réflexes coloniaux ou néo-coloniaux, une forme de réactivation du mythe du « bon sauvage ». Ainsi, être une bonne musulmane reviendrait en définitive à porter le voile, niant en pratique tout autre rapport possible à la foi islamique pour les femmes. Edwy Plenel n’agit en réalité pas différemment, et on l’a connu plus pertinent sur bien d’autres sujets : ce naufrage philosophique d’un grand intellectuel ne peut que nous attrister. Mais c’est aussi un registre qui a été emprunté à plusieurs reprises ces dernières années par Jean-Luc Mélenchon quand il a expliqué que, pour un véritable croyant, la loi de Dieu était forcément supérieure à celle de la République, le contraire signifiant qu’on serait un « mécréant », ou plus récemment avec ses critiques sur la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris imposant symboliquement aux chrétiens de se rallier aux interprétations les plus réactionnaires de certaines Églises. « L’Église chez elle et l’État chez lui » énonçait le 14 janvier 1850 Victor Hugo à la tribune de l’Assemblée nationale : il serait judicieux qu’Edwy et Jean-Luc l’appliquent à leurs prises de parole.

Il est temps que chacun se rappelle la maxime de Victor Hugo : « L’Église chez elle et l’État chez lui »

Pour autant, les lois laïques sont-elles suffisantes ? Non, la problématique de fond ne pourra pas se résoudre uniquement par des lois, par le haut. L’École pourra aider évidemment, mais in fine, seul un mouvement partant d’en bas, du peuple, dans un élan démocratique et émancipateur pourra résoudre cette contradiction. Contrairement au gloubi-boulga politique qui sourd régulièrement des interventions d’Ersilia Soudais (députée insoumise de Seine-et-Marne), le principe de laïcité ne se limite pas à la loi de 1905, qui contient à la fois un immense élan d’émancipation et de liberté mais aussi des dispositions de contraintes (sur la police des cultes notamment) que les pouvoirs publics oublient trop souvent de mettre en œuvre. Cette mise en œuvre aurait par ailleurs évité un débat autour de la loi « séparatisme » qui a permis une instrumentalisation indigne de la laïcité (retrouvez notre analyse de cette très mauvaise loi ici).

Mais les lois de 1905 ou de 2004 n’en sont pas moins indispensables pour garantir des espaces de neutralité, pour poser des limites à l’imprégnation de l’obscurantisme et de la religion, surtout dans un contexte international qui connaît depuis quarante ans une offensive politique tout azimut des intégrismes religieux. Faire sauter la digue de la laïcité, c’est laisser un boulevard aux intégristes politico-religieux, pour faire leur prosélytisme mais aussi pour exercer plus de pression, en particulier sur les femmes. La chaîne Public Sénat avait organisé le 9 avril dernier un débat intitulé « Laïcité chez les jeunes : pourquoi ça coince ? »3, durant lequel l’argument « tarte à la crème » a évidemment ressurgi : « C’est toujours les mêmes personnes qu’on cible du doigt [sic] quand on parle de laïcité ». Sans nier le fait que certaines forces politiques à l’extrême droite et à l’extrême centre dévoient évidemment nos principes par idéologie ou opportunisme, il est temps de remettre là-aussi la mairie au centre du village. Si les lois de 1905 et 2004 et le principe républicain de laïcité en général sont « moins compris » par les moins de 20 ans, c’est aussi parce qu’ils font volontairement abstraction du contexte international de montée des opérations politiques instrumentalisant le religieux, que ce soit avec les évangéliques, les sionistes-religieux ou évidemment les islamistes – et qu’ils y sont encouragés par divers influenceurs que les générations plus âgées, ne fréquentant pas les mêmes « médias », ne soupçonnent que peu. Et ils sont également dans le déni sur les conséquences nationales de ce contexte international, avec la montée des courants qui remettent ouvertement en cause les principes républicains et démocratiques et qui exercent une pression sociale et politique dans un nombre croissant de quartier. Il n’est pas indifférent de constater que cette offensive et cette pression rencontrent d’autant plus de succès dans les territoires où la promesse sociale et d’égalité de la République n’a fait que reculer depuis quarante ans ou n’a jamais véritablement connu de mise en application.

Bien sûr, l’on pourra toujours arguer que certaines femmes arrêteront leur pratique sportive. Oui, c’est vrai et c’est regrettable, mais ce n’est sûrement pas la laïcité et ses lois qu’il faut blâmer pour cela, sauf à vouloir se mettre à la remorque de l’islamisme. Car, pour finir, si la problématique internationale de l’oppression obscurantiste ne se résoudra pas par des polémiques lancées à l’occasion des Jeux Olympiques ou d’autres évènements grand public (dont le caractère commercial conduit à minorer la liberté d’expression), elle en dit long sur l’offensive politique en cours des intégrismes politico-religieux en France et de leurs alliés, objectifs ou non. Il appartient à la gauche universaliste de faire front face à ces attaques contre les principes républicains, d’où qu’elles viennent.

Julien Zanin, Céline Piot, Frédéric Faravel et Damien Vandembroucq

1https://www.mediapart.fr/journal/france/090824/voile-et-jo-l-hypocrisie-francaise

2https://x.com/edwyplenel/status/1822765041135034486

3https://www.publicsenat.fr/emission/avoir-20-ans/laicite-chez-les-jeunes-pourquoi-ca-coince-e7

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