Éducation : un masque et ça repart !

Ainsi donc les enseignants et les élèves vont rentrer ce lundi 2 novembre aux horaires habituels, selon les modalités habituelles, presque comme si de rien n’était… Buisness as usual. Il faut croire que le gouvernement table sur un mode de fonctionnement de l’opinion publique calqué sur celui en vigueur trop souvent hélas dans le monde médiatique : une émotion chasse l’autre, à chaque jour sa vérité, son sujet chaud. Finalement, l’hommage rendu à Samuel Paty sera tronqué, passé en deuxième page dirait-on dans un journal ; L’École reprendra avec un hommage a minima et puis voila .
Initialement, la matinée du 2 novembre devait commencer par deux heures où Il aurait été permis aux enseignants et aux personnels des établissements scolaires de discuter, de faire le point après le traumatisme de cet attentat, de libérer la parole, de parler des difficultés croissantes , des attaques contre la laïcité, des remises en cause par certaines familles ou groupes de pression ultra religieux de l’autorité morale des enseignants et du contenu de leurs cours ainsi que du cadre républicain de l’enseignement. Il aurait été possible d’évoquer enfin ces attaques au quotidien face auxquelles le monde enseignant se retrouve en première ligne et se sent parfois bien seul, mal soutenu. Cela aurait changé du « pas de vague » devenu bien souvent la règle ces dernières années.

Donc finalement , pas de temps de parole, on remet le masque sur les bouches, ce fameux masque avec lequel les enseignants se débattent depuis la rentrée de septembre , finissant la journée avec des maux de tête et des difficultés à respirer après plusieurs heures non stop à parler masqués face à des classes toujours aussi nombreuses (avec en plus le scandale de masques distribués en septembre par l’Éducation nationale à son personnel qui sont suspectés d’être toxiques et viennent d’être retirés de la circulation !) .

On ne parlera donc pas dans les établissements de ce que l’attentat islamiste qui a frappé Samuel Paty révèle, ni de la chronique de ce drame annoncé (avec cette campagne de lynchage contre le professeur d’Histoire qui a duré plusieurs semaines sur les réseaux sociaux) ou encore de la peur qu’ont de nombreux professeurs désormais à aborder certains aspects ou sujets liés à leurs programmes ou à leurs missions.

On n’évoquera pas la difficulté à porter les valeurs de la République sereinement depuis quelques années, on ne parlera pas de l’offensive des extrémistes religieux qui cherchent ici à limiter la liberté d’expression, là à imposer leur sacré et leurs interdits, à d’autres endroits à s’immiscer dans le contenu des cours de SVT sur la contraception par exemple , ou à remettre en cause le contenu des cours d’Histoire .

Un temps d’échanges, de mise en commun, de solidarité, aurait pourtant été nécessaire dans cette période si difficile. Mais non, au final l’actualité du confinement et la mise en avant de la peur d’un éventuel attentat vont réduire le périmètre de l’hommage : tout le monde sera de retour en classe dès huit heures, une minute de silence sera certes respectée, une lettre de Jaurès aux enseignants sera lue aux élèves, et on passera à autre chose.

Quant aux conditions sanitaires de la reprise, là aussi on balaye la question rapidement : on mettra en place un nouveau protocole sanitaire « si c’est possible », on laissera une semaine aux établissements pour s’adapter ou pas, le nouveau protocole sera mis en place au 9 novembre, au fond ça n’est pas bien grave. Alors que le pays est confiné, alors que la propagation du virus reprend de plus belle, pour les établissements scolaires on est un peu dans la même logique qu’autrefois dans les discours officiels concernant le nuage de Tchernobyl : il faut croire que le virus du Covid a peur des murs de l’éducation nationale ! À défaut de rester un sanctuaire républicain et laïque , l’École serait devenue un sanctuaire sanitaire, barrière naturelle contre tous les virus !

On pourrait en rire si la situation n’était pas aussi inquiétante.

Donc on acte le fait que pour les écoles les dispositifs sanitaires réactualisés ne seront pas prêts lundi. Il eut été logique de fermer les établissements le temps que tout soit prêt , peut-être une journée, peut-être deux, éventuellement une semaine .

Mais non, on reprend là aussi comme si de rien n’était . Quel est donc le message envoyé au monde enseignant, aux élèves, aux familles ? On confine le pays mais dans les seules écoles on ne change rien ou si peu ! Quel manque de considération ! À moins de deux jours et demi de la rentrée, vendredi soir, en quittant leurs établissements les directeurs et directrices d’écoles, les principales ou principaux de collèges, les proviseurs et proviseuses ignoraient tout encore du protocole sanitaire précis qu’ils allaient devoir appliquer théoriquement dès le lundi.

Impréparation, mépris des enseignants, des chefs d’établissements, des élus locaux abandonnés eux aussi face à leurs responsabilités …les volte-face du ministère de l’éducation nationale ces derniers jours donnent une impression d’improvisation totale et d’amateurisme. Une fois de plus, rien n’était prêt. Consternant. Et pas à la hauteur du soutien que la nation doit aux enseignants en ces heures tragiques.

La Gauche Républicaine et Socialiste ne peut que déplorer de telles conditions de rentrée et apporte tout son soutien aux enseignants de notre pays, décidément bien mal considérés par ce gouvernement.

Une analyse des élections américaines

Mardi 3 novembre, les États-Unis vont procéder à une quadruple élection. D’abord, ce qui est le plus médiatisé, ils éliront leur prochain président. Ils procéderont aussi au renouvellement intégral de la chambre des représentants. Un tiers du sénat sera aussi renouvelé. Enfin, onze États procéderont à l’élection de leur prochain gouverneur.

Il y a quatre ans, Donald Trump avait renversé le scénario écrit d’avance et avait battu Hillary Clinton. Pour la deuxième fois en 16 ans, les républicains remportaient l’élection présidentielle avec moins de voix que les démocrates. De fait, depuis 1992, ils n’ont obtenu la majorité des voix qu’une seule fois, en 2004. Qu’en sera-t-il en 2020 ? Rappelons le mode de scrutin particulier de cette élection : le candidat en tête dans un État y remporte la totalité des grands électeurs. La nombre de grands électeurs correspond au nombre de parlementaires issus de cet État. Il y a au total 538 grands électeurs, il en faut donc 270 pour remporter l’élection.

Plutôt que de procéder à un exercice de voyance ou de répéter ce qu’indiquent les enquêtes d’opinion, concentrons-nous sur les enjeux de ces élections. En 2016, Hillary Clinton a perdu des États pivots (les fameux swing states qui font basculer l’élection en faveur de l’un ou l’autre candidat) de la zone désindustrialisée des grands lacs : le Wisconsin, le Michigan, la Pennsylvanie et l’Iowa. Les démocrates avaient jugé gagnés d’avance ces États ouvriers du Blue wall qui votaient pour leur candidat même lors des défaites de 1988, 2000 et 2004. Ils n’ont pas vu venir le basculement de la classe ouvrière dans le camp républicain. Les causes de ce basculement sont multiples, rappelons-en les points essentiels :

·        D’abord, les démocrates sont historiquement libre-échangistes tandis que les républicains sont protectionnistes. Cette dualité n’est pas nouvelle et date du XIXème siècle. La multiplication des accords de libre-échange et la mondialisation destructrice d’emplois industriels ont provoqué le basculement chez les républicains d’ouvriers qui votaient jusqu’alors démocrates, en suivant leurs intérêts immédiats.

·        Ensuite, il y a un recul profond de la syndicalisation chez les ouvriers. Or ce critère est déterminant dans le vote. Chez les travailleurs syndiqués, l’avance d’Hillary Clinton était de onze points, alors que Donald Trump la battait de deux points chez les non-syndiqués. Les politiques anti-syndicales menées par les républicains, et l’abandon des syndicats quand les démocrates étaient au pouvoir et les jugeaient ringards ont mené l’électorat ouvrier à ne plus privilégier ces derniers lors des élections.

·        Enfin, le parti républicain a mené depuis vingt ans une campagne d’anti-intellectualisme reprenant la rhétorique de la lutte des classes pour délégitimer le parti démocrate. Ce point a été analysé longuement par Thomas Frank dans Pourquoi les pauvres votent à droite. Les républicains ont fait passer les démocrates pour des intellectuels bourgeois hors-sol et déconnectés des réalités populaires, tandis que les démocrates abandonnaient peu à peu la classe ouvrière dans leur programme et leurs slogans.

Toutefois, ces trois raisons proviennent de plus loin et procèdent de tendances lourdes.

Historiquement, le parti démocrate était le parti des catholiques, des juifs, des afro-américains, des noirs, des sudistes et des ouvriers, tandis que le parti républicain représentait la classe moyenne et supérieure blanche anglo-saxonne, nordiste et protestante. Le parti démocrate représentait les classes populaires mais aussi les minorités, ce qui lui a garanti une majorité confortable et presqu’ininterrompue à la chambre des représentants de 1933 à 1995 et au Sénat de 1933 à 1980. La mise en place de l’État providence leur est due, et malgré une politique anticommuniste viscérale, les présidents Truman, Kennedy et Johnson ont poursuivi la construction d’un État social entamée par Franklin Roosevelt.

La stratégie des républicains pour briser l’unité populaire autour des démocrates a été de diviser son électorat. Dès les années 70, les républicains ont entamé une longue campagne de délégitimation de l’État-providence en alléguant qu’il ne profitait qu’aux minorités et que c’était un système où les blancs payaient pour les autres. Cette rhétorique a malheureusement traversé l’Atlantique, et nous sommes familiers avec ses arguments éculés : les allocations familiales permettraient aux noirs de vivre sans travailler, les soins sont gratuits uniquement pour les autres, etc. Du reste, cela a été efficace pour briser l’unité populaire. Dans un pays ultra-communautaire comme les États-Unis, monter les communautés les unes contre les autres a été chose aisée.

Par ailleurs, les républicains ont misé sur les valeurs religieuses, faisant passer le progressisme démocrate pour de l’irréligion. La question du droit à l’avortement est une fracture profonde et ultra-violente de la société américaine. La religion tient une place prépondérante dans la vie américaine, et l’avortement y est farouchement combattu par une large partie de la population. Les républicains en ont fait un sujet majeur et central éludant tous les autres sujets. Voter démocrate, ce serait voter pour des tueurs de bébés. Qu’importe que les républicains n’aient jamais réussi à renverser le jugement de la Cour suprême sur le droit à l’avortement, ce sujet leur a garanti un statut de parti unique dans les États très religieux du sud et du midwest.

Les démocrates n’ont pas essayé d’apporter une autre grille de lecture du monde. Ils n’ont pas essayé de ramener le débat à une opposition entre le parti du peuple contre le parti des possédants, comme c’était le cas dans les années 40 à 60. Les démocrates ont renoncé et se sont fait dominer par le discours républicain. Plutôt que d’essayer de reconquérir la classe ouvrière, ils ont cherché une majorité par d’autres moyens.

Un de ces moyens a été de miser sur les urbains progressistes et les minorités. Si cette stratégie a pu fonctionner avec Barack Obama, dont les origines ont permis une large mobilisation des afro-américains aux élections présidentielles, ou aux élections de la Chambre des représentants de 2018, où la stratégie de miser sur les circonscriptions des banlieues chics a permis de renverser huit ans de domination législative républicaine, elle a été un cuisant échec aux élections de mi-mandat de 2010 ou aux élections présidentielles de 2016.

Pour les élections présidentielles de 2020, les différents choix des démocrates se sont résumés en deux stratégies a priori incompatibles : la rust belt strategy ou la sun belt strategy. Faut-il essayer de reconquérir les États ouvriers des États industrialisés du nord, ou bien miser sur les métropoles du sud (Atlanta, Phoenix, Austin, Houston…) pour conquérir des États républicains du sud ? Si ces deux choix semblaient incompatibles il y a encore un an, Joe Biden a rendu possible les deux stratégies en segmentant sa communication.

L’ancien vice-président de Barack Obama a profité de deux phénomènes consécutifs. D’une part, le basculement des banlieues opulentes chez les démocrates, de l’autre la renaissance du socialisme à la gauche du parti démocrate.

La haine que Donald Trump et sa rhétorique populiste inspire aux Américains urbains huppés ne suffit pas à expliquer ce basculement. Si les républicains ont pu gagner un électorat populaire en repositionnant le débat sur le thème des valeurs morales et religieuses, ils y ont aussi perdu les riches progressistes. Les démocrates se sont engouffrés dans la brèche, et ont rencontré des succès inimaginables il y a vingt ans : le comté d’Orange, la banlieue hyper riche de Los Angeles, a voté pour la candidate démocrate en 2016 pour la première fois depuis les années 1930. En 2018, des circonscriptions très aisées des banlieues de Houston, Dallas, Atlanta, New York et même Salt Lake City sont passés aux démocrates. Joe Biden a bien compris qu’il y avait là un moyen de conquérir des États pourvoyeurs de grands électeurs. Il force Donald Trump à mener campagne dans des États républicains comme l’Arizona (qui n’a voté démocrate qu’une seule fois depuis 1952), le Texas ou la Géorgie.

Consécutivement, le mouvement socialiste est en pleine expansion à la gauche du parti démocrate. La candidature aux élections présidentielles de 2016 de Bernie Sanders et l’élection en 2018 de la très charismatique Alexandria Ocasio-Cortez ont donné des figures à un mouvement jusque-là moribond. Tout un électorat populaire, jeune, rural comme urbain a été stimulé par ce réveil. Si l’appareil démocrate a tout fait pour empêcher Bernie Sanders d’accéder à la nomination démocrate en 2016 et 2020, il n’a pas pu enrayer la montée socialiste. De plus en plus de primaires démocrates locales sont gagnées par des democratic socialists. Le groupe compte déjà une demi-douzaine de représentants, et va probablement encore s’accroître après les élections de 2020 : deux circonscriptions démocrates à majorité afro-américaine ont voté aux primaires pour un des leurs.

Il faut comprendre l’aspect ultra-communautarisé de la politique, et de la vie en général, aux États-Unis. Une des raisons de la défaite de Bernie Sanders en 2016 a été qu’Hillary Clinton a su fédérer autour d’elle les minorités lors des primaires. La stratégie des socialistes a alors été de miser sur des figures issues des minorités pour combler ce retard. Alexandria Ocasio-Cortez a beaucoup contribué au basculement des latino pour Bernie Sanders aux primaires 2020. La réduction du poids démographique des immigrants d’origine cubaine, farouchement anticommunistes et très républicains, au profit des travailleurs précarisés originaires de l’Amérique Centrale a aussi joué. Toutefois, il manquait à ce mouvement des figures afro-américaines. Les pontes démocrates afro-américains sont situés à l’aile droite du parti. S’ils arrivent à mobiliser la base lors des élections primaires, force est de constater qu’ils n’arrivent pas à enrayer l’abstention croissante et la désinscription massive des listes électorales orchestrée par les républicains. Cori Bush, infirmière et pasteure, ancienne sans-abri, a gagné les élections primaires à Saint-Louis, dans une circonscription imperdable par les démocrates. Jamaal Bowman a quant à lui gagné la primaire démocrate dans une circonscription du Bronx. Comme Alexandria Ocasio-Cortez, ils ont au passage renversé deux éminents démocrates sortants.

Si la stratégie des socialistes de miser sur les communautés qui étaient leur point faible a fonctionné jusqu’alors, ils doivent prendre garde à ne pas basculer dans le communautarisme délétère. Si la société américaine est très communautaire, il n’en reste pas moins que le succès de Bernie Sanders a été de dépasser ces clivages et de défendre les classes populaires sans distinction d’ethnie. Le soutien de Cori Bush et d’Ilhan Omar (représentante de Minneapolis) au mouvement Boycott Israël, la remise au centre du débat de la question migratoire ou bien l’historique de vote pour le moins contestable d’Ilhan Omar sur la reconnaissance du génocide arménien – elle est la seule représentante démocrate à ne pas avoir voté une résolution le reconnaissant – risquent de donner aux républicains et aux démocrates centristes de quoi combattre efficacement le mouvement socialiste en le divisant.

Toutefois, il est indéniable que les socialistes ont le vent en poupe. Malgré leur opposition violente lors des primaires 2020, Bernie Sanders et Joe Biden travaillent désormais main dans la main pour battre Donald Trump. Joe Biden a su adapter sa communication en profitant de l’aura des socialistes chez les jeunes et dans les États des Grands Lacs et de celle des démocrates centristes dans les banlieues huppées. Ils espèrent remporter ces élections sans précipiter leur parti dans une stratégie ouvertement droitière comme en 2018.

Enfin, Joe Biden profite d’un phénomène qui s’est accentué en quatre ans : le vote massif et majoritaire des femmes pour les démocrates. Déjà en 2016, Hillary Clinton avait 13 points d’avance sur Donald Trump dans l’électorat féminin. Toutefois, ce dernier avait dix points d’avance chez les femmes blanches. Les propos outranciers et vulgaires du président à l’égard des femmes, l’inscription assidue des démocrates dans le mouvement me too et le raidissement de Donald Trump sur la question de l’avortement (en 2016, il apparaissait modéré sur la question, et en parlait peu) ont précipité le basculement des femmes blanches. Il n’est désormais pas impossible que les femmes blanches votent majoritairement démocrate en 2020.

Du côté républicain, la croyance en la victoire de Donald Trump est toujours vivace. Si la campagne anti-Trump de l’establishment républicain en 2016 avait été aussi prolifique qu’inefficace, c’est parce que la base républicaine est solidement arrimée à lui. Le basculement de certaines banlieues huppées vient de ce que les indécis ont voté démocrate. Les sympathisants républicains affichent un soutien constant à Donald Trump, dont la popularité a été remarquablement stable durant son mandat. S’il n’a jamais dépassé les 50% d’approbation, il n’a jamais franchi la barre des 40%. L’Amérique évangélique et rurale lui affiche toujours un soutien massif. Il y a peu de déçus de Donald Trump au-delà de certains pans de l’électorat féminin blanc. Il est probable qu’en nombre de voix, le président sera sensiblement au même niveau qu’en 2016. Ce qui change sera la participation des démocrates et des indécis. Le vote par correspondance a explosé, et il est probable qu’il sera majoritairement démocrate.

Quel que soit le résultat des élections, la société américaine restera durablement fracturée. Les partisans de Donald Trump auront perdu un leader mais pas leurs idées et leur nombre. Les démocrates ne gagneront que grâce à un surcroît de mobilisation qu’ils devront consolider s’ils veulent rester durablement au pouvoir. Mais comment fédérer à la fois les banlieues huppées et les déclassés séduits par le socialisme une fois que le repoussoir Trump sera dehors ? Le choix a pu être repoussé une fois, mais on peut douter qu’il puisse encore l’être. Si Donald Trump est réélu, il fera toujours face à l’opposition viscérale et systématique de la moitié de l’Amérique.

État d’urgence sanitaire : un exécutif en solitaire

Le gouvernement a pris un décret rétablissant l’état d’urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020. Ce décret était valable pour un mois. Le gouvernement soumet donc au parlement la prolongation de cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février prochain. Le texte adopté mercredi 21 octobre en conseil des ministres a été examiné le samedi 24 octobre à l’Assemblée nationale sans qu’il en résulte de modifications importantes.

Ce projet comporte quatre articles :

Le premier article propose de prolonger jusqu’au 16 février 2021 l’état d’urgence sanitaire décrété le 14 octobre 2020.

Le gouvernement demande donc au Parlement de l’autoriser à prolonger l’état d’urgence sanitaire décrété le 14 octobre pour une durée de 3 mois (en plus du mois d’application initial, ce qui fait une durée totale de 4 mois) et à mettre en œuvre le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence à partir du 17 février. Il est quand même à noter qu’au tout début de l’épidémie, la durée de l’état d’urgence sanitaire était dans une première version de la loi du 23 mars calquée sur la durée de l’état d’urgence « sécuritaire » : soit à 12 jours, il a ensuite été prolongé à 1 mois, ce qui paraissait déjà exorbitant…

L’exposé des motifs du texte précise une nouvelle fois que le Parlement sera saisi d’un projet de loi visant à instituer un dispositif pérenne de gestion de la crise sanitaire. Toutes nos craintes de contamination de notre droit commun par un droit d’exception sont donc une nouvelle fois avérées et vérifiées.

Le deuxième article propose de prolonger le régime juridique transitoire de « sortie de l’état d’urgence sanitaire » (loi du 9 juillet 2020) jusqu’au 1er avril 2021.

C’est une façon de prolonger nombre de dispositions de l’état d’urgence à l’issue de celui-ci. Il s’agit en fait du texte sur lequel nous avions rédigé une précédente note (voir ici) et dont l’examen a été suspendu le 13 octobre 2020 au parlement suite à l’annonce de la parution du décret du 14 octobre rétablissant l’état d’urgence sanitaire. Presque toutes les mesures prises dans le cadre du nouvel état d’urgence sanitaire aurait pu l’être dans le cadre de ce régime transitoire baroque ; seule impossibilité : la mesure d’interdiction des déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin (le couvre-feu) prévue par l’article 51 du décret du 16 octobre. La jurisprudence du conseil constitutionnel impliquait en effet que seul l’état d’urgence sanitaire permettait une telle interdiction.

Le troisième article permet la mise en œuvre des systèmes d’information dédiés au covid-19 jusqu’au 1er avril 2021 tout en complétant le dispositif existant pour l’adapter aux nécessités présentes.

C’était également une mesure prévue dans le texte de prolongation de la « sortie de l’état d’urgence sanitaire ». Or, comme nous l’avions fait remarquer dans notre analyse de ce projet de loi avorté, la Cour de Justice de l’Union Européenne vient de rendre un jugement confirmant que le droit de l’UE interdit la conservation massive des métadonnées de communication téléphoniques et internet par les fournisseurs d’accès et à la demande des États.

Le quatrième article autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances, pour rétablir ou prolonger les dispositions de certaines ordonnances prises dans le cadre de la première phase de la crise sanitaire.

Cet article reprend l’amendement que le gouvernement avait déposé (hors délai de dépôt) le 13 octobre juste avant que le texte qui devait prolonger le régime juridique transitoire de « sortie de l’état d’urgence sanitaire ». L’amendement en question est ici rédigé sous forme d’article direct, mais les dispositions qu’il vise à mettre en œuvre ne sont pas moins problématiques, car les habilitations sont nombreuses et le contrôle parlementaire très limité. Le ralentissement de l’économie et l’interruption contrainte d’un certain nombre d’activités nécessitera évidemment des mesures de soutien, mais il est regrettable que l’exécutif se passe à nouveau des parlementaires pour tenter d’améliorer les dispositifs de ce type qui avaient été mis en place au printemps 2020. De même, un certain nombre de mesures excessives en matière de libertés publiques, de respect du droit et notamment du droit du travail, vont pouvoir être ainsi prolongées sans contrôle.

* * *

Pour la cinquième fois en 7 mois, le parlement est amener à examiner un projet de loi portant des mesures exceptionnelles ; il s’agit de faire face cette fois à la résurgence de l’épidémie, la « deuxième vague », sans que rien n’ait été réellement fait entre temps pour préparer notre système sanitaire à l’affronter et les soignants abordent ainsi cette période dans un état d’épuisement avancé et avec des moyens moindres qu’en mars, c’est un comble !

Par ailleurs, après avoir décrété un couvre-feu le 14 octobre pour 16 départements, puis pour 38 de plus le 22 octobre, et après avoir retiré de l’ordre du jour le précédent projet de prolongation de la « sortie de l’état d’urgence sanitaire », le gouvernement n’a, pour le moins, pas ménagé le Parlement. En réalité, les décisions dans la gestion de cette crise s’abattent sur les parlementaires comme sur les citoyens de manière complètement verticale. La suppression du texte au Sénat en cours de lecture est caricaturale. Plus le temps passe plus la capacité du parlement à contrôler l’action du gouvernement se réduit comme peau de chagrin.

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a rappelé à plusieurs reprises qu’elle veillerait à ce que les mesures liberticides d’exception ne deviennent pas ordinaires, comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme, pour qui « il y a un risque d’accoutumance aux mesures de contrôle. Dans certains cas, les pouvoirs publics peuvent se dire que, après tout, si une mesure n’a pas entraîné de levée de bouclier, on continue. »

Il apparaît évident que l’urgence sanitaire ne doit pas faire oublier les manœuvres politiques. Ce sont même six membres du Conseil scientifique, dont son président Jean-François Delfraissy qui le signalent dans une tribune à The Lancet : « Lorsque les troubles menacent, les gouvernements, au lieu d’organiser un débat sur les différentes options, se sentent obligés de brandir le bâton […] Dans la phase actuelle, il est temps de passer d’une approche verticaliste et technocratique à une approche plus inclusive et ouverte. »

Chili : les électeurs tournent la page Pinochet

Dimanche 25 octobre 2020, les Chiliens ont décidé de mettre fin au compromis qui avait présidé à la sortie de la dictature de Pinochet.

Cette transition démocratique avait établi une constitution néo-libérale qui limitait fortement l’action de l’État et promouvait l’activité privée dans tous les secteurs, notamment l’éducation, la santé et les retraites. Un système qui a maintenu une grande partie de la population dans la pauvreté et a poussé à l’endettement une autre partie, précarisant les classes moyennes. Remplacer la Constitution était donc une des revendications des manifestations lancées à partir du 18 octobre 2019 afin de réclamer une société plus juste. Il y a un an jour pour jour, 1,2 million de personnes descendaient dans les rues du Chili pour manifester contre les inégalités sociales après une hausse de 30 pesos (0,03 euro) du prix des transports publics à Santiago. La goutte avait fait déborder le vase social et politique dans le second pays le plus inégalitaire de l’OCDE.

Le vote s’est déroulé dans le calme et a été marqué par une participation de 50,8 %, un record depuis la fin du vote obligatoire dans le pays, en 2012. C’est en fait la participation la plus forte depuis l’instauration du vote volontaire en 2012. Près de 15 millions de Chiliens étaient appelés à voter. De longues files d’attente ont été observées malgré la pandémie. Les jeunes Chiliens ont visiblement voté en nombre, alors que 60 % s’étaient abstenus lors de l’élection présidentielle de 2017.

Les résultats sont sans appel : plus de 78% des électeurs inscrits ont approuvé la nécessité de donner une nouvelle constitution au pays et près de 80 % des votants ont choisi un groupe composé uniquement de citoyens (et aucun parlementaire – avec une parité hommes-femmes) plutôt qu’une “convention mixte” de citoyens et parlementaires.

Ce vote massif pour une Convention constituante illustre ainsi l’immense rejet de la classe politique par les Chiliens : la crise sanitaire du COVID-19 n’a pas arrangé leur confiance en leurs dirigeants (500 000 contaminations et 14 000 morts pour 18,2 millions d’habitants). L’un des grands défis des mois à venir sera d’élire des représentants qui aient davantage de légitimité auprès de la société.

Sebastian Piñera, président mal élu en 2017 et fragilisé depuis l’année dernière par une contestation sociale massive qui a été conduite hors des partis et des syndicats,  risque de connaître une fin de mandat dans l’ombre du processus constituant. La Tercera, l’un des journaux les plus lus du pays, estime que “ceux qui ont parié sur une solution politique ont gagné”. Pour ce grand quotidien, “ce qui s’est passé devrait adoucir le climat politique et, ce que tout le monde espère, écarter la violence”. Prenant acte de la défaite de son camp, le Président n’a même pas attendu la fin du dépouillement pour s’adresser au pays : « Aujourd’hui, nous avons une fois de plus démontré la nature démocratique, participative et pacifique de l’esprit chilien. […] Jusqu’à présent, la Constitution nous a divisés. À partir d’aujourd’hui, nous devons tous collaborer pour que la nouvelle Constitution soit un espace d’unité, de stabilité et d’avenir ».

Ce référendum marque surtout le début de plusieurs longs mois de réflexion. D’abord, le pays retournera aux urnes le 11 avril 2021 pour élire les 155 membres de l’assemblée constituante. Cet organe aura ensuite neuf mois pour préparer une proposition de texte. La ratification de la nouvelle Constitution ne devrait donc pas avoir lieu avant 2022.

C’est un choc violent, une immense défaite, pour la droite, qui s’attendait à obtenir un tiers des voix. La coalition au pouvoir s’en trouve fragilisée, car il y avait en son sein des personnalités favorables au changement de Constitution, dont l’ancien président de Rénovation nationale. Maintenant la droite doit panser ses blessures. Selon des sondages parus lundi matin, 32% des gens se revendiquant de droite auraient voté oui. Mais au regard du contexte aucun parti politique ne peut revendiquer la victoire. Or si certains veulent voir dans le résultat de dimanche et le processus qui commence un premier pas pour rétablir un équilibre social au Chili, la situation du pays impose de faire des réformes en parallèle du processus constituant, pour répondre aux demandes sociales urgentes de la société. Voilà un enjeu de taille pour la gauche chilienne dans un environnement qui reste particulièrement complexe.

Attaques et insultes de Recep Erdogan et d’Imran Khan contre la France : ça suffit !

La Gauche Républicaine et Socialiste considère avec sidération et colère les attaques contre la France menées par le président turc et aussi par le premier ministre pakistanais.

Jusqu’alors, la solidarité internationale primait sur les basses manœuvres politiques après un attentat. Las, M. Recep Tayip Erdogan a choisi de mener une campagne politicienne odieuse contre la République française, reprenant à son compte la rhétorique des terroristes pour masquer son impopularité grandissante et sa contestation interne.

Oser comparer la situation des citoyens français de confession musulmane à celles des Juifs européens sous le Troisième Reich est donc plus qu’une grave insulte diplomatique.
Alors que la liberté de culte est inexistante au Pakistan et que des non-musulmans y sont condamnés pour blasphème pour avoir bu dans un puits, le premier ministre pakistanais Imran Khan ose comparer le droit à la caricature aux mesures discriminatoires qui frappent les musulmans en Inde.

L’organisation d’un boycott des produits français orchestré par des chefs politiques qui ont choisi la lâcheté face à la Chine qui opprime la population ouighour est une marque supplémentaire de l’indécence de ces deux dirigeants. Nous ne pouvons pas croire que des propos aussi insultants pour notre pays n’entraîneront pas des conséquences diplomatiques fortes.

Nous reprenons à notre compte la phrase de Mustafa Kemal : « L’homme politique qui a besoin des secours de la religion pour gouverner n’est qu’un lâche ! Or, jamais un lâche ne devrait être investi des fonctions de chef de l’État. »

Universités de la Gauche Républicaine les 21 et 22 novembre à Marseille

La Gauche républicaine & socialiste, Les Radicaux de Gauche, République & Socialisme et Nos Causes Communes prennent acte de la situation sanitaire.

Nous décidons collectivement d’annuler la tenue de nos Universités de la

Gauche Républicaine les 21 et 22 novembre à Marseille.

Nous organiserons les UGR aux mêmes dates, en ligne. Les évènements

seront diffusés en direct depuis Facebook, Twitter et Youtube.

Nous annoncerons bientôt le programme et les intervenants.

La Bolivie a de nouveau le Morales !

Dimanche se tenaient les élections générales boliviennes dont le résultat a été sans appel. Le peuple bolivien s’est exprimé très majoritairement en faveur du Mouvement vers le socialisme (MAS). Les enseignements de cette élection et de la crise qui l’a précédée sont nombreux, et illustrent comment la presse conventionnelle peut, elle aussi, participer à la diffusion de « fake news » en vue de déstabiliser un régime démocratique.

Pour comprendre la complexité de cette crise, nous devons revenir sur la précédente élection, en octobre 2019. Afin d’effectuer un mandat supplémentaire, Evo Morales, alors président, avait modifié la Constitution. Si cette décision était critiquable, elle avait tout de même été menée démocratiquement dans le respect de l’Etat de droit.

La loi électorale bolivienne prévoit qu’un candidat peut être élu dès le premier s’il dépasse 50% des suffrages exprimés, ou bien s’il dépasse 40% avec plus de 10 points d’avance sur son concurrent le plus proche. Toujours au-dessus de 40% mais toujours en-dessous de 50%, Evo Morales a vu son avance dépasser les 10 points en fin de soirée électorale. Les résultats se sont nettement accrus en sa faveur en fin de soirée en raison de l’arrivée tardive des procès-verbaux des bureaux de vote des zones montagneuses et forestières, extrêmement favorables au MAS.

Toutefois, les opposants ont refusé de reconnaître ces résultats et ont accusé le président sortant de fraude électorale. Deux phénomènes se sont alors déclenchés et nourris l’un l’autre : l’affolement médiatique, et la déstabilisation diplomatique. Les médias institutionnels, y compris la presse française, ont pris pour argent comptant et sans les remettre en question les accusations infondées de l’opposition bolivienne. Les Etats-Unis et leurs alliés se sont empressés de profiter de la situation pour attaquer un régime qui ne leur était pas favorable. Lâché par l’armée et la police, Evo Morales a dû alors fuir le pays pour éviter un sort funeste.

La bourgeoisie bolivienne s’est alors lancée dans une furie contre-révolutionnaire fort peu démocratique : humiliation publique d’élus du MAS, chasses et ratonnades organisées par l’armée la police et les ligues d’extrême-droite de partisans du MAS, proclamation d’un gouvernement de transition en dehors de toute mesure parlementaire légitime. Sûre de son triomphe, elle préparait alors l’après : l’alignement sur le modèle capitaliste libéral pro-américain. La diplomatie bolivienne a tourné sa casaque, et s’est aligné sur la diplomatie de Donald Trump. Les privatisations des secteurs de la rente minière ont été lancées, et la destruction du modèle économique interventionniste bolivien a été entamée. Dans le même temps, la justice bolivienne a été dirigée toute entière contre Evo Morales, l’empêchant de se représenter. Les préparatifs d’une nouvelle élection pour draper le nouveau régime d’une légitimité démocratique qui lui faisait cruellement défaut ont été lancés.

A mesure que l’absurdité des accusations de fraude se révélait, et qu’il apparaissait de plus en plus clair que nous avions assisté ni plus ni moins à un putsch organisé par l’armée et la bourgeoisie bolivienne avec le soutien d’une puissance étrangère et l’approbation presque unanime de la presse dite progressiste, du New York Times au Monde, le peuple bolivien a montré des signes de résistance à cette prise de pouvoir. Les enquêtes d’opinion ont montré un soutien toujours grandissant au MAS, dont la dissolution, réclamée par les putschistes, n’était plus possible sans provoquer un soulèvement général.

Il faut comprendre le séparatisme et le mépris social et racial considérable de la bourgeoisie bolivienne pour saisir les tenants et les aboutissants de ce putsch. La Bolivie est un des pays d’Amérique latine où la part des amérindiens et des métis est la plus élevée. La bourgeoisie, héritière du système colonial, fait preuve d’un racisme bruyant et retentissant pour légitimer ses privilèges de classe : les amérindiens seraient sales, impurs, fainéants, violents, etc. Le mécanisme de racialisation de la question sociale pour éluder celle-ci est poussé à son paroxysme : en raison de critères ethniques présentés comme essentiels voire génétique, les amérindiens seraient indignes de posséder les richesses et les moyens de production. La politique socialiste et redistributive du MAS a radicalisé la bourgeoisie bolivienne et l’a conduit à appuyer un coup d’Etat grossier.

Le jeu de dupe n’a pas résisté à la mobilisation du peuple bolivien. Non seulement le candidat du MAS, Luis Acre, a remporté l’élection dès le premier tour, mais il a gagné près de 10 points par rapport à Evo Morales en octobre 2019 et obtient 54%. Le candidat des putschistes d’extrême-droite n’a obtenu que 14% des suffrages. Dans les régions où le rapport farfelu de l’opposition quant aux fraudes alléguées prétendait voir des résultats anormalement élevés pour Evo Morales, le MAS passe de 91 à 97% des suffrages. Les résultats préliminaires semblent montrer que le MAS, malgré l’entièreté de l’appareil d’Etat mobilisé contre lui, obtient la majorité absolue dans les deux chambres législatives.

L’élection de Luis Acre, figure extrêmement populaire, n’est pas surprenante. Ministre de l’économie d’Evo Morales, il incarnait le « miracle économique bolivien ». Contrairement à ce que préconise le modèle de pensée unique libérale promu par le FMI, il a refusé de privatiser le secteur minier et organisé un pilotage de l’économie par l’Etat, dans le but de redistribuer les richesses produites et d’empêcher un monopole étranger sur les ressources du pays. Le PIB de la Bolivie a quadruplé et le taux de pauvreté a été divisé par deux. La Bolivie démontrait qu’un autre modèle de développement, plus juste, moins inégalitaire, moins impérialiste, était possible. On peut y voir une des raisons de la mobilisation américaine contre le régime d’Evo Morales.

Le soutien de l’Union Européenne et de la presse institutionnelle à sa destitution, et le fait qu’elles aient massivement colporté des informations erronées, non vérifiées et qui sont apparues ridiculement fausse devrait pousser ces acteurs à reconsidérer les leçons de morale dans lesquels elles se drapent quant aux « fake news ».

La Gauche Républicaine et Socialiste se réjouit de la victoire de Luis Acre, et apporte tout son soutien au gouvernement légitime dans la sortie de cette période troublée, où la démocratie a failli être confisquée non dans le silence, mais dans l’approbation générale.

Attentat de Conflans-Sainte-Honorine : nous devons plus que jamais être unis face à la barbarie

Un professeur d’Histoire a été assassiné puis décapité vendredi en pleine rue à Conflans-Sainte-Honorine par un fanatique islamiste qui lui reprochait d’avoir montré en classe les caricatures de Mahomet à l’occasion d’un cours sur la liberté d’expression.

Nous n’avons pas de mots assez forts pour exprimer l’horreur que nous inspire cet acte ignoble et nous adressons nos condoléances à ses proches, ses collègues, ses élèves et sa famille. À travers ce professeur, c’est l’école républicaine son rôle d’éveil des conscience, l’apprentissage de l’esprit critique, la laïcité, la liberté d’expression, qui sont visés. C’est une volonté de nous terroriser pour qu’aucun citoyen n’ose plus réagir devant l’inacceptable et orienter les contenus scolaires pour faire triompher l’obscurantisme.

Nous ne pouvons cependant en rester là : la République doit être forte et rassembler les Français dans ce moment d’intense émotion et de tristesse.

La Gauche Républicaine et Socialiste propose donc à l’ensemble des forces politiques et sociales attachées aux valeurs de la République de demander ensemble l’organisation d’une journée de deuil national, qui doit être un hommage à la victime et à l’ensemble du corps enseignant qui a la charge de transmette les principes républicains à notre jeunesse.

Nous demandons aussi à la rentrée l’organisation d’une minute de silence dans tous les établissements scolaires, suivis d’échanges et de débats dans toutes les classes pour qu’au-delà de l’émotion la force de la Raison reprenne pleinement ses droits.

Enfin, il est essentiel que l’éducation Nationale soit d’une grande attention et d’une vigilance sans faille pour soutenir et accompagner tous les enseignants qui peuvent être mis en cause, menacés, placés sous pression au regard de leur enseignement.

Plus que jamais nous ne devons rien céder aux fanatismes religieux et au terrorisme islamiste.

Elections en Nouvelle-Zélande : triomphe de la gauche

Les élections en Nouvelle-Zélande ont abouti à un résultat impressionnant et qui paraîtrait hautement improbable s’il avait eu lieu en Europe : la gauche a triomphé.

Le Parti Travailliste a recueilli 49,1% des suffrages, remportant la majorité absolue des sièges, tandis que son partenaire écologiste progresse de même et obtient 7,5% des suffrages. Si l’on y ajoute le résultat du parti communautaire maori, 1% des suffrages, c’est plus de 57% des voix que la gauche dans son ensemble est parvenue à réunir. Les travaillistes obtiennent la première majorité absolue, 64 sièges sur 120, depuis l’instauration de la proportionnelle en 1996. Ils obtiennent le meilleur résultat pour un parti depuis 1953. Comment peut-on expliquer un tel résultat alors que la gauche occidentale connaît une crise sans précédent ? Quelles sont les clefs de compréhension de l’exception néo-zélandaise ?

Une première analyse s’impose : la popularité hors-norme de la Première Ministre Jacinda Ardern a grandement aidé son parti. La Nouvelle-Zélande a connu de multiples crises depuis son accession au pouvoir : attentat de la mosquée de Christchurch qui avait fait 50 victimes, crise du covid-19, crise environnementale durable en Nouvelle-Zélande, dont la biodiversité menace de s’effondrer. Tout au long de son mandat, elle a su réagir à ces crises en menant les mesures qui s’imposaient, en préservant l’unité de la Nation néo-zélandaise.

Depuis son accession au pouvoir, Jacinda Ardern a mené une communication efficace. Son engagement sans faille dans la cause féministe, son inscription dans le mouvement mee too ou dans le combat écologique, ont permis à la gauche institutionnelle d’être le relai et l’écho du féminisme et de l’environnementalisme croissant dans la société. Cet engagement ne s’est toutefois pas contenté d’une campagne de communication, et des mesures concrètes ont permis de répondre aux attentes exigeantes à ce sujet : légalisation de l’avortement, plan d’assainissement des rivières et des lacs, plan de transition vers la neutralité carbone.

Si le gouvernement Ardern a su s’adapter aux attentes écologistes et féministes nouvelles dans la société occidentale, il faut rappeler que le féminisme est un combat de longue date en Nouvelle-Zélande, premier pays à avoir adopter le droit de vote des femmes, et que la conscience environnementale y est très développée. Toutefois, le gouvernement travailliste n’a pas bradé la question sociale au profit de la question environnementale ou féministe, comme l’a fait trop souvent la social-démocratie.

Dès le début de son mandat, le salaire minimum a été augmenté, la sécurité sociale a été étendue et les soins en santé mentale ont été mieux remboursés, des logements sociaux ont été massivement construits, plus de 100 000, alors que la spéculation et l’immigration croissante de catégories aisées ont fait exploser le prix des loyers.

La gauche néo-zélandaise vient de donner une leçon magistrale au reste de la gauche occidentale. Pour accéder au pouvoir, elle n’a pas hésité à s’allier à un parti populiste et au parti écologiste. Une fois au pouvoir, elle a mené une politique d’amélioration des conditions de vie matérielle des classes populaires, tout en s’inscrivant de manière concrète dans les luttes progressistes et environnementales qui faisaient l’actualité. Elle a concilié l’urgence sociale et l’urgence environnementale, a conjugué adaptation aux enjeux culturels modernes et respect de la mission historique de la gauche. Tout cela a été soutenu par une campagne de communication efficace et accessible à tous, où les gestes symboliques et les mesures durables s’alliaient plutôt que ne s’opposaient.

La Gauche Républicaine et Socialiste se réjouit de la victoire du Parti Travailliste, et souhaite que la gauche française, tout en ayant conscience de la différence des contextes, s’inspire de l’exemple néo-zélandais pour réconcilier la gauche et le peuple.

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