Enfermés dans une coalition mortifère avec la droite ordolibérale, les militants du parti social-démocrate allemand étaient appelés au vote ce samedi pour élire leur direction bicéphale. Le ministre de finances et maire de Hambourg Olaf Scholz faisait figure de favori. Sa défaite permet d’entrevoir non seulement la fin de la GroKo rassemblant conservateurs et sociaux-démocrates, mais aussi un réalignement du SPD sur une ligne politique plus sociale.
A l’heure où les banques allemandes ploient sous les coups de la trappe à liquidité, où l’infrastructure publique est à bout de souffle, et où la fracture sociale entre est et ouest s’agrandit toujours, la poursuite aveugle de l’austérité budgétaire et du totem du zéro déficit (Schwarze Null) par le gouvernement est une inanité idéologique absurde. Monsieur Scholz croyait qu’en défendant son bilan de ministre des finances tenancier de ce Schwarze Null, il s’alignerait un électorat allemand supposément favorable à cette cure d’austérité hors de propos. Force est de constater que les militants du SPD ont fait un autre choix. Le duo élu, Norbert Walter-Borjans et Saskia Esken, demandent des investissements supplémentaires à hauteur d’un milliard d’euros en faveur du climat et des infrastructures, et souhaitent que le salaire minimum soit porté à 12 euros, contre environ 8,8 euros actuellement.
Les déroutes électorales successives du SPD ces quatre dernières années ont prouvé que la social-démocratie échoue lamentablement quand elle cède aux injonctions libérales de réduction de la dépense publique. Depuis quatre ans, les dirigeants du SPD ont tenté de jouer la carte de la responsabilité pour sortir du mouroir électoral dans lequel ils sont coincés : prétendue responsabilité fiscale en défendant le Schwarze Null, prétendue responsabilité politique en s’enfermant dans la Groko. Ce faisant, la responsabilité historique du SPD d’être le parti des classes populaires et de la justice sociale est passée à la trappe, et l’extrême droite est à son plus haut niveau. En revanche, l’électorat aisé favorable à l’austérité ne s’est pas rallié au SPD. Le peuple va toujours au plus court, et ceux qui souhaitaient l’austérité votaient conservateur ou libéraux, laissant les orphelins de l’austérité aux verts, à la gauche radicale, ou même à l’extrême droite.
Les militants sociaux-démocrates, en choisissant Walter-Borjans et Esken à la place de Scholz, ont pris la seule décision réellement responsable, celle de la renégociation de l’accord de coalition avec Angela Merkel, celle de l’offensive sociale et du courage politique face au réchauffement climatique. Le SPD était jusqu’à présent sur la défensive, en adoptant cette nouvelle direction, il est à espérer qu’ils repartiront à la conquête de leur électorat naturel, et laisseront les totems de la droite allemande à Angela Merkel. Certaines questions restent néanmoins en suspens : la droite opposera-t-elle une fin de non-recevoir aux demandes du nouveau tandem dirigeant le SPD ?
Si c’est le cas et que les militants du SPD décident la sortie de la coalition, les parlementaires sociaux-démocrates respecteront-ils la décision de leur base ?
Quels seront les choix en terme d’alliances à gauche ?
Autant de questions qui devront vite trouver des réponses politiques pour transformer l’essai.