À quoi joue Bayrou ?

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Moins de trois semaines après son lancement, le conclave sur les retraites est bel et bien en péril. Prévu pour autoriser une révision, après avoir discuté de tout y compris l’âge de départ, il est remis en cause après les déclarations de François Bayrou affirmant qu’un retour à 62 ans était impossible en raison du contexte économique et de la nécessité d’équilibrer le système d’ici 2030. La CFDT juge cette position « incompréhensible », la CGT menace de quitter les discussions, tandis que plusieurs dirigeants de gauche dénoncent une « trahison ».

Ce revirement pourrait fragiliser le gouvernement. L’intégration de l’âge de départ dans le conclave faisait partie d’un accord entre le gouvernement et le PS pour lui éviter une censure du budget 2025. Il risque donc de ne plus pouvoir profiter de la « neutralité défavorable » du PS.

Pourquoi Bayrou a-t-il pris ce risque ? La maladresse est plausible. Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a réaffirmé que les partenaires sociaux restaient décisionnaires, mais cela relève un cafouillage et des contradictions au sein de l’exécutif. En réalité, Bayrou a fait un lapsus révélateur et avait dès l’origine placé les syndicats face à une impasse : selon la Cour des comptes, un retour à 62 ans déséquilibrerait encore plus le système des retraites, si on n’augmente pas les recettes ce que ni le patronat ni le gouvernement ne sont prêts à permettre. Dès le départ, le cadre fixé par Bayrou rendait un accord impossible.

Mais si c’est bien une « maladresse » [L’hypothèse de la la maladresse est tombée après la rédaction de l’éditorial, François Bayrou ayant réaffirmé à l’Assemblée Nationale mardi 18 mars 2025 après-midi son opposition à tout retour à 62 ans : note des éditorialistes], leur accumulation (Mayotte, le mensonge de Betharram) commence à devenir un problème politique. Jusqu’ici, il a survécu aux polémiques, mais cette fois, son erreur ouvre une fenêtre pour faire chuter son gouvernement.

Cette nouvelle incertitude repose la question de l’équilibre politique qui doit être trouvé pour permettre un gouvernement qui ne peut avoir pour viatique la préservation des « réformes » d’Emmanuel Macron. Or les ex-macronistes s’en donnent à cœur joie dans leur argumentaire absurde sur « la défense contre le modèle social », qu’Édouard Philippe pousse jusqu’à la caricature. Horizons et Renaissance fantasment dans un contexte tendu sur une nouvelle politique d’austérité. Or, cette stratégie serait désastreuse : la refondation de notre système de défense est indexée sur le soutien populaire, soutien populaire qui exige une relance économique conséquente et la justice sociale.

Au moment où l’extrême droite est en embuscade, le premier ministre devrait être plus précautionneux de sa parole politique s’il ne veut pas se laisser enfermer dans une spirale d’échec, qui aggraverait la situation du pays, pour une ligne politique radicalisée avec laquelle il n’est pas forcément en phase.

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