Après le rejet du CETA, on trouvera toujours du sirop d’érable pour napper les pancakes

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Le vote du Sénat hier contre la ratification du CETA marque peut-être la fin d’une hypocrisie…

Hypocrisie d’abord, parce que, bien que la France n’ait toujours pas ratifié cet accord de libre-échange, 90% des dispositions du texte sont déjà appliquées provisoirement depuis sa ratification par le Parlement européen en février 2017, dont les mesures commerciales du traité, comme les tarifs douaniers, qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne. Le CETA supprime ainsi les droits de douane sur 98% des produits échangés entre l’UE et le Canada.

Hypocrisie ensuite, parce que, bien que les Républicains disposent du principal groupe parlementaire de la Chambre Haute (133 sur 348 depuis octobre 2023, 146 en octobre 2020, 145 en octobre 2017), ces derniers se sont bien gardés d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat le projet de loi de ratification qui avait été adopté par 266 voix contre 213 à l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019. Il a fallu que ce soit les sénateurs communistes qui inscrivent dans leur niche parlementaire ce texte du gouvernement, en décidant de sacrifier leurs propres textes. Les députés LR avaient en 2019 massivement voté contre la ratification, pourtant l’entre-deux semblait convenir à Bruno Retailleau (qui ne peut invoquer aucun risque pour l’accord avec les 57 centristes qui complètent la majorité sénatoriale). Il y avait donc hier de quoi rire à gorge déployée, lorsque le Président du groupe LR dénonçait « une volonté d’obstruction manifeste » du camp présidentiel pour empêcher le vote d’avoir lieu dans les 4 heures réservées à la « niche » parlementaire. Depuis près de 5 ans, Retailleau pratique l’obstruction parlementaire à peu de frais : les députés LR assuraient à leur base électorale agricole de la défense de leurs intérêts, les sénateurs LR faisaient l’autruche pour satisfaire les intérêts financiers en jeu. La gauche qui réclame depuis 2019 la poursuite de la procédure de ratification ne peut être accusée d’avoir mis fin à l’hypocrisie ; le groupe CRCE a mis LR devant ses responsabilités en choisissant le moment où ses parlementaires ne pouvaient pas s’y dérober : la campagne des élections européennes.

Hypocrisie enfin, parce que la Macronie a tenté de faire croire pendant quelques semaines qu’elle défendait les intérêts des agriculteurs et des consommateurs français. Le tour de passe-passe a fait long feu et ses parlementaires se retrouvent seuls à soutenir avec le gouvernement un accord commercial absurde. Le CETA, c’est un bilan carbone aberrant lié à l’importation de biens déjà produits sur notre continent, mais avec des règles sanitaires moins strictes ; c’est également un accord qui favorise excessivement les intérêts des multinationales contre ceux des États (et contre l’expression de la souveraineté populaire) au travers du mécanisme de protection des investissements. Ce sont Emmanuel Macron et ses soutiens qui ont refusé de poursuivre la procédure parlementaire pour s’assurer d’une application certes illégitime mais bien réelle de l’accord avec le Canada. Franck Riester s’époumonait hier dans l’hémicycle s’inquiétant du «  signal désastreux  » adressé au Canada en cas de rejet (comme si c’était la préoccupation principale que devaient considérer nos parlementaires), tout en expliquant à d’anciens eurodéputés, comme Yannick Jadot, qu’ils ne comprenaient rien aux procédures européennes… cocasse…

Les députés communistes ont annoncé qu’ils présenteraient le projet de loi dans leur niche parlementaire le 30 mai pour que la navette parlementaire puisse se poursuivre malgré l’obstruction gouvernementale. L’Assemblée nationale sera devant ses responsabilités : les quelques députés macronistes qui s’étaient opposés à la ratification en 2019 persévèreront-ils ? Les députés LR confirmeront-ils leur vote de 2019 et celui, contraint et forcé, de leurs compagnons sénateurs ? Les voix de gauche et du RN étant acquises au rejet, ce sera l’heure de vérité.

Le gouvernement pourra toujours refuser de notifier à la Commission européenne le vote du parlement (Chypre a agi de la sorte) : après avoir piétiné le référendum de 2005, piétinera-t-on le parlement en 2024 au nom du dogme libre-échangiste européen ?

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