Ce que nous dit la démographie de l’état de la Russie

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L’analyse des données démographique est passionnante. Ce sont des statistiques difficiles à falsifier, même pour un régime autoritaire. Pour vous en convaincre, vous pouvez écouter la conférence donnée par Emmanuel Todd dont vous trouverez les références en note de bas de page1.

Voyons ce que nous apprend la démographie russe.

La première chose à dire c’est que la situation démographique russe n’est pas très bonne.
Sa population baisse globalement depuis l’effondrement de l’URSS, le solde migratoire ne compensant pas le déclin naturel. Le taux de fertilité a baissé à 1,4 enfant par femme en 2023.

Si l’on suit l’évolution récente, on remarque que la Russie a d’abord perdu près de 6 millions d’habitants entre 1993 et 2008, puis en a gagné 4 millions entre 2008 et 2018, et enfin elle a perdu environ 800 000 habitants entre 2018 et 2023. Mais il y a certains détails bizarres.

De 2008 à 2018, son solde naturel est négatif, sauf entre 2013 et 2015. C’est grâce à l’immigration que sa population a progressé de 4 millions. Mais le solde naturel s’est énormément dégradé dans la période récente, passant de -0,8‰ entre 2008 et 2018 à -4,3‰ depuis 2018 !

Mais il y a deux années très bizarres, les années 2014 et 2022. Ces années-là, les soldes migratoires ont été respectivement de… 17,8‰ et 10‰. C’est énorme ! Or, ces chiffres officiels traduisent simplement l’annexion de la Crimée en 2014 et de quatre oblasts ukrainiens en 2022.

Autrement dit, le déclin démographique russe a été masqué par sa politique d’annexion, ce qui fait que, à territoire constant, la Russie continue de se dépeupler à toute vitesse, en particulier depuis 2018. Mais il y a encore plus étrange : l’évolution de l’espérance de vie.
L’espérance de vie en Russie n’a jamais été très bonne. 68 ans pour les hommes, 79 ans pour les femmes. Un écart de 11 ans ! Il est de 6 ans en France. En plus, son évolution est complètement chaotique quand on la compare à l’évolution française, ce que je fais dans ces deux graphiques.

Mais observons les toutes dernières années. Quel est cet effondrement de l’espérance de vie en 2020-2021 ? C’est la conséquence de la pandémie de Covid. Entre 2019 et 2021, les Russes ont perdu 2 ans d’espérance de vie pour les hommes, 3 ans pour les femmes !

La gestion du Covid a clairement été catastrophique. En comparaison, les Français n’ont perdu qu’un an d’espérance de vie pendant la pandémie. Et pourtant, la proportion de plus de 65 ans est bien supérieure en France à ce qu’elle est en Russie. Les chiffres démographiques sont implacables. Les deux années précédant la guerre, la Russie a connu une surmortalité de 900.000 à 1 million de personnes. Cette surmortalité, dont une partie était évitable, fut en partie masquée par l’annexion des oblasts ukrainiens l’année suivante.

Mais cela révèle surtout l’incurie totale de ce gouvernement et de sa gestion de la crise sanitaire. Cela démontre aussi le peu de cas que fait le gouvernement russe de sa propre population. Mais voyons si on peut voir les effets démographiques du conflit. Pour cela, il faut regarder non pas l’évolution de la mortalité, mais plutôt l’évolution de l’espérance de vie, car ce sont des hommes relativement jeunes qui meurent à la guerre, alors que c’était des personnes âgées qui décédaient du Covid.

Or, que constate-t-on ? On voit qu’en 2023, l’espérance de vie des hommes est restée inférieure à ce qu’elle était en 2019, alors qu’elle est supérieure d’un an pour les femmes. En France, l’espérance de vie des hommes et des femmes a suivi la même évolution et sont revenues à leur niveau de 2019.

Conclusions :

1/ Le choc du Covid a été considérable en Russie et montre un délabrement du système de santé russe et une incurie du gouvernement.
2/ Le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine n’a pas vraiment permis à la population de demander des comptes à ce sujet.
3/ Le choc démographique de la guerre se voit dans les données de l’espérance de vie 2023. Il faudra attendre de voir si l’écart hommes/femmes s’approfondit ou non en 2024.
4/ La démographie, c’est de la politique et, sur ce point, Emmanuel Todd a raison.

David Cayla

  1. https://www.youtube.com/live/1am5nf9Ponc?si=Z4PDb_trw2mT15rS ↩︎

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