Le temps des révisions est passé, c’est l’heure du grand examen.
En matière de politique de la santé, l’année 2020 aurait dû être l’année du grand chamboulement !
Le constat est clair et étayé par le panorama des établissements de santé publié en 2019 par la DRES.
Depuis 15 ans 69 000 lits ont été supprimés dans nos établissements de santé. Ce virage ambulatoire, qui n’en finit pas, a pourtant aujourd’hui atteint les limites du tolérable.
À l’occasion de la crise pandémique comme celle que nous vivons, nous ne pouvons que constater les dégâts occasionnés par cette gestion comptable qui ne prend pas en compte l’efficience des soins devant être dispensés dans nos hôpitaux.
Manque de lits, manque de matériel, manque de personnel. Et pour les soignants en poste, toujours faire plus avec de moins en moins de moyens, de repos, de salaire, de considération.
Et la catastrophe arrive.
Une première vague en mars est contenue par l’application d’un confinement général. On peut douter ou critiquer la mesure, mais elle a permis de stabiliser la propagation du virus et a laissé le temps à l’hôpital de s’auto-organiser. Car il s’agit bien de ça, d’une auto-organisation des soignants, tellement la sidération et le manque de vision ont paralysé l’exécutif.
En terme de communication, d’un Premier Ministre à l’autre, d’un Ministre de la Santé à l’autre, d’un porte-parole du Gouvernement à l’autre, les tentatives pour reprendre la main sur l’opinion les ont conduits à dire tout et son contraire, inscrivant ainsi durablement une défiance dans l’esprit des Français.
Le discours du Président de la République, faisant sa déclaration de guerre au virus et actant un « no limit » en matière de soutien financier et de renforcement de l’hôpital, a fait long feu.
Alors depuis le mois de juin, une autre musique donne le cap du gouvernement.
nous disent-ils tous de plateau en plateau, tellement occupés à répéter ces éléments de langage que pas un ne tend l’oreille quand on les prévient de l’arrivée de la deuxième vague et probablement de la deuxième hécatombe.
Et tel un virus, cette incompétence frappe aussi plusieurs ministres, en commençant par celui de l’éducation, qui, répétant de tribune en interview que les protocoles sanitaires sont prêt au cas où, n’est pas capable d’en montrer le moindre bout quand cela s’avère nécessaire.
Pourtant, si l’hôpital a tenu bon pendant cette première crise, cela ne s’est pas fait sans conséquences :
des déprogrammations massives, un épuisement qui s’ajoute à l’épuisement pour les soignants, et peut être le pire dans un moment de crise nationale, la déconsidération des soignants à l’occasion du SEGUR de la santé. On les a applaudis à 20 h 00 tous les soirs, offerts des médailles, et au moment où ils sortent lessivés de cette épreuve, on les brime, on en exclut la moitié et on lance les lacrymos lors des manifestations du 16 juin à Paris.
Quand le gouvernement prend enfin conscience de l’arrivée de la deuxième vague en septembre, il est trop tard.
On ne peut plus déprogrammer les interventions, car il faut bien rattraper les soins qui n’ont pu être assurés lors de la première vague, le contingent sanitaire de renfort n’existe plus tellement la fatigue et le mépris ont eu raison des forces de santé du pays et il n’existe pas plus de moyens à l’hôpital pour faire face au nouveau flux de malades. Pire, alors que la première vague était assez localisée à certaines régions, la deuxième frappe l’ensemble du territoire, rendant ainsi les transferts de malades impossible.
Pour accompagner l’hôpital, le gouvernement, ayant bien appris pendant le premier semestre, met en place un deuxième confinement avec tellement de dérogations que personne ne l’a compris
Le seul espoir reste donc le vaccin. Et celui-ci arrive en cette fin d’année. L’enjeu étant de préparer un plan vaccinal efficace et d’en gérer l’acceptabilité par les Français.
Encore une fois, la communication prend le pas sur l’action gouvernementale, et le Premier Ministre annonce un allégement au mois de décembre sauf pour ceux qui s’étaient pourtant préparés comme le monde de la culture, renvoyant ainsi la possibilité de s’évader d’une réalité morose aux offres des plates-formes de streaming.
Après un phénomène de plateau, indiquant clairement l’impossibilité de descendre en dessous des 5 000 cas par jour, une augmentation des cas et des hospitalisations devient l’horizon funeste pour certaines régions dont le Grand Est.
Dans une ultime tentative, le conseil de défense, obscur club de décideurs tellement confiné et bunkérisé qu’il n’écoute pas le terrain, envoi son soldat de la santé, olivier Véran, sur les plateaux télé pour annoncer l’éventualité d’un renforcement du couvre-feu à compter du 2 janvier de 18h00 à 6h00 sous réserve de concertation locale.
Et bien nous y sommes, la concertation a eu lieu, le constat est accablant et unanime.
Personne ne comprend cette demi-mesure dont aucune étude d’impact n’a accompagné l’annonce.
Personne ne comprend la stratégie vaccinale qui ne priorise pas les territoires les plus touchés et qui n’intègre pas les personnels soignants en ville ou à l’hôpital.
Tout le monde constate la défiance dans ce vaccin tellement le gouvernement qui n’a pourtant que le mot de pédagogie en bouche en a manqué.
Tout le monde est au courant de l’absence totale de marges de manœuvre pour faire face dans les établissements de santé.
Tout le monde redoute la déflagration que provoquera la saturation des hôpitaux dans les jours à venir.
Alors, après avoir tant appris, après avoir tant travaillé, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Ministre des solidarités et de la santé, votre ligne Maginot sur la santé est tombée, votre gouvernement est complice.
Ce n’est pas le virus qui tue l’hôpital, il tue nos concitoyens.
Prenez les mesures rendues nécessaires par votre inaction.
Caroline Fiat, députée de Meurthe et Moselle, le 31 décembre 2020