Alors que de multiples alertes remontent de la part de candidates et candidats de toute sensibilité politique, la Gauche Républicaine et Socialiste exprime sa consternation et sa plus vive inquiétude quant à l’organisation des élections départementales, régionales et consulaires 2021. Délais intenables, règles inédites qui laissent les imprimeurs consternés, informations communiquées au dernier moment, tout semble être fait pour empêcher l’exercice démocratique de la candidature aux élections.
Compte tenu de la situation politique mouvante, alors même que l’incertitude planait voici encore quelques semaines sur le maintien des élections locales au mois de juin, les discussions permettant d’établir les listes régionales et les tickets départementaux n’ont pu être menées qu’au dernier moment. Cela n’est pas forcément à prendre en compte par les pouvoirs publics nous direz-vous, mais il est évident que le gouvernement a créé une situation particulièrement instable. Or il semble qu’une fois faite l’annonce du maintien des élections, avec un report supplémentaire de deux semaines, rien n’ait été mis en place par l’exécutif pour que les candidat(e)s potentiel(le)s avancent dans un cadre précis et serein. Ainsi, les délais pour valider les éléments de campagne essentiels – professions de foi et bulletins de vote – ont été fixés quelques jours à peine avant la fin des candidatures. Cela a contraint les candidats à travailler en urgence à la confection des maquettes de bulletins de vote et de professions de foi. De nombreux candidats n’ont pas été en mesure de les fournir aux préfectures le jour-dit, et celle-ci ne pourra donc pas certifier la validité de leurs bulletins de vote, entraînant un risque d’invalidation de leurs suffrages le jour de l’élection.
Cette situation implique que seuls les appareils politiques disposant d’une infrastructure suffisante pour aider leurs militants et sympathisants à conduire des candidatures en bonne et due forme peuvent mener campagne sereinement. Les règles encadrant une campagne électorale changent d’une élection à l’autre et sont d’une complexité parfois absurde. En 2015, plusieurs binômes de candidats aux élections départementales se sont vus invalider leurs bulletins car les noms n’étaient pas présentés dans l’ordre alphabétique. Nous nous posons toujours la question de l’intérêt de considérations aussi bureaucratiques qu’inutiles.
Passée l’étape de la validation en urgence du matériel électoral vient celle de l’impression et de la livraison. Prétextant des mesures sanitaires, les préfectures les réclament plus d’un mois et demi avant les élections, parfois moins d’une semaine après validation des bulletins de vote et des professions de foi. Cela contraint les imprimeurs et leurs salariés à travailler dans l’urgence. Le pont de l’Ascension du 13 au 16 mai et la disponibilité professionnelle moindre qui en résulte ont été délibérément ignorés par les préfectures ; les capacités des candidats qui n’ont pas d’appareil pour les soutenir ont donc été d’autant plus rognées.
Une des grandes nouveautés de ces élections est la livraison du matériel électoral. Ici aussi, les règles élémentaires de « bon sens » ont été tout bonnement ignorées, laissant place à des décisions absurdes dénuées de toute logique élémentaires.
Certains départements souffrent d’une pénurie de papier à 80 g, format exigé pour les « professions de foi » ; les imprimeurs, faute de mieux, ont annoncé qu’ils ne pourraient imprimer qu’avec du 70 g. Les préfectures ont expliqué qu’elles n’autoriseraient aucune dérogation : les professions de foi ne seront donc pas mises sous pli et adressées aux électeurs. Quand on considère que c’est quasiment le seul support d’information sur les candidats et leurs propositions que recevront les électeurs, c’est une entrave évidente à un choix équitable et informé.
Pour les élections régionales en Bourgogne/Franche-Comté, les bulletins de vote devront être délivrés dans 6 lieux différents, tous en dehors de la région. Pour les élections départementales, les bulletins de vote du nord de l’Île-de-France doivent être envoyés dans l’Eure (Normandie) … et enfin pour le département normand de l’Orne, ils doivent être envoyés en région parisienne … Logique ! Cette subtilité a été annoncée à la dernière minute, le plus souvent dans les commissions de validation du matériel électoral. Compte tenu du délai ridicule entre cette commission et la date limite de livraison, de nombreux candidats ne pourront pas délivrer en temps et en heure et au bon endroit leur matériel électoral. Les électeurs seront ainsi privés du choix démocratique, car ils ne se verront pas proposer ces bulletins dans le bureau de vote, en raison de tracasseries administratives qui limitent les candidatures à des professionnels de la politique ou à des gros appareils partisans. C’est une entrave grave à la démocratie.
Les imprimeurs eux-mêmes semblent découvrir ces nouvelles règles. Habituellement, la livraison et la mise sous pli se faisait en préfecture ou en mairie, à proximité des candidats, permettant de fonctionner en circuit court et de ne pas émettre inutilement des gaz à effet de serre en transportant la propagande électorale d’un bout à l’autre de la France.
Malheureusement, décision a été prise d’externaliser cette mission de service public et de la confier à un acteur privé. C’est encore une fois un fiasco, qui va mener à une gabegie démocratique. Le passage au tout numérique a laissé de nombreux candidats sur le carreau, empêchant de fait nos concitoyens ne possédant pas internet ou un ordinateur de présenter leur candidature. Pour déposer une candidature en préfecture, il fallait obligatoirement prendre rendez-vous auprès d’un numéro de téléphone portable. Cela n’a pas été communiqué par voie officielle dans tous les départements, et le numéro de téléphone n’a été transmis qu’à certains contacts privilégiés de la préfecture qui ont été chargés de les transmettre et de les faire circuler. Ces manœuvres obscures concourent à faire perdre toute confiance en l’égalité de traitement des candidats.
Pour les élections des Français de l’étranger, déjà repoussées de plus d’un an, et qui conditionnent le renouvellement de six sénateurs, le gouvernement, incapable de planifier la sécurité sanitaire de ses personnels en poste à l’étranger, envisage aujourd’hui de reporter encore la date du scrutin … mais pas partout. Il semblerait qu’il souhaite maintenir juste assez d’élections pour garantir les élections des sénateurs, et met le paquet, à coup d’engagement des ministres et de favoritisme des services de l’État au profit des futurs grands électeurs qui lui seraient favorables. Ce scrutin était déjà en soi une mascarade démocratique : la campagne officielle est limitée à 12 jours seulement pendant lesquels les Français voteront électroniquement. Aucune liste d’opposition n’a eu le temps de faire campagne, alors que les députés marchistes sillonnent les endroits où aucun report n’est prévu, et font campagne sans le dire. Les services de l’État à l’étranger relayent même sur les réseaux sociaux les prises de positions des élus et candidats favorables au « président de la République ». Loin de l’amateurisme, on reconnaît ici un esprit de système, de mépris des Français à l’étranger : peu leur importe que ces élections soient en l’état mûres pour une annulation en Conseil d’État, ils veulent entre temps accumuler des postes de sénateurs. Ces méthodes démontrent un mépris profond pour le débat démocratique, une poltronnerie devant le contradicteur, une culture détestable qui rappelle les pires heures d’avant l’alternance de 1981.
La crise sanitaire met ainsi en lumière nombre de dispositions tout à la fois inéquitables et absurdes du code électoral, qui plonge les candidats dans des tracasseries administratives sans fin, sans garantir l’exercice équitable de ses droits civiques dans un cadre juridiquement stable. La République en Marche se présentait comme le champion de la simplification administrative pour le secteur privé. Ces beaux principes n’ont pas été appliqués à la démocratie, qui souffre d’une rigidité inutile et contre-productive.
La Gauche Républicaine et Socialiste tient à souligner l’inconséquence lamentable du gouvernement dans l’organisation de ces élections. À plus d’un mois et demi du scrutin, le libre exercice de la démocratie est entaché de ces manquements au principe d’égalité entre les candidats. Cela se paiera par l’abstention, et à long terme par la perte de confiance en la démocratie. Le gouvernement en porte toute la responsabilité.