Les bruits de bottes retentissent de plus en plus fort au Moyen Orient : à peine un drone américain avait été abattu par l’armée Iranienne, celui-ci ayant, selon l’État-major Iranien, survolé le territoire sans autorisation, que nous apprenions qu’une attaque américaine contre différentes cibles stratégiques Iraniennes était annulée de la main de Donald Trump. A la place, celui-ci adressait une proposition de négociation, via Oman, aux dirigeants de la République Islamique. Ce matin même, deux jours après l’affaire du drone, l’échec d’une cyberattaque contre leurs réseaux de défense était annoncé par les autorités Iraniennes qui accusent les Américains, tendant un peu plus encore la situation. Donald Trump continue donc de souffler le chaud et le froid sur une région qui n’a plus connu la paix depuis 2003 et l’invasion de l’Irak par les Américains.
Cette stratégie de la carotte (la négociation) et du bâton (la menace d’une guerre) poursuit deux objectifs, national et international.
Au plan national, il s’agit d’une part de donner un os à ronger aux farouches défenseurs de la guerre préventive dont le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John R. Bolton, est le principal porte-voix. D’autre part, cela offre, si ce n’est un motif de satisfaction, du moins une raison d’espérer aux contempteurs de l’engagement militaire tous azimuts qui militent pour un retrait des troupes américaines de la zone, conformément à la promesse du Président pendant la précédente campagne. Dernier bénéfice politique : installer Donald Trump dans le rôle de chef de guerre, rôle qu’il n’a jusqu’ici pas endossé, face à un Rogue state (« Etat voyou »), adversaire de longue date des États-Unis.
Au plan international, il s’agit d’accentuer la pression sur l’Iran après l’échec de la politique de sanctions qui avaient accompagné le retrait des États-Unis du traité de Vienne (traité dit « P5+1 » sur le nucléaire Iranien). Politique de la « pression maximale » visant à asphyxier l’économie Iranienne pour pousser la population à se révolter et in fine forcer le changement de régime. Cette technique de « siège » économique se révèle jusqu’à présent inefficace, poussant le régime Iranien à radicaliser ses positions anti-américaines alors même que le traité sur le nucléaire Iranien avait eu pour effet d’ouvrir économiquement le pays à l’Occident. Depuis, les entreprises européennes commerçant avec les États-Unis sont interdites de commercer avec l’Iran sous peine de sanctions. Effet de la désormais fameuse autant qu’inacceptable extra-territorialité des lois américaines, nos entreprises Françaises comme Renault et PSA ont dû plier bagage.
La grande inconnue à l’heure actuelle demeure le rôle que la Russie est, ou non, prête à jouer pour empêcher son principal allié dans la région de se lancer dans un dangereux face-à-face avec les États-Unis.
Le silence des chancelleries occidentales nous alerte sur le degré de vassalisation de l’Europe vis-à-vis des États-Unis : face à un Président qui ne tient pas parole, d’un Etat prompt à déclencher inconsidérément une guerre dans un territoire déjà explosif, nous nous laissons imposer une politique belliqueuse qui nuit à nos intérêts. Nous refusons de remettre en cause notre appartenance à l’OTAN qui nous oblige pourtant à nous aligner sur la politique étrangère américaine.
La France et plus largement l’Union Européenne doivent se rendre à cette douloureuse évidence : les intérêts américains et les intérêts européens ne sont pas superposables. Nous ne pouvons soutenir par un silence coupable une politique qui compromet le mince espoir d’un retour de la stabilité dans cette région clé, déjà ravagée par presque 20 ans de guerres ininterrompues.