Encore une fois, la façon dont le Président de la République et le gouvernement gèrent les différents épisodes de la crise sanitaire ne peut que laisser perplexes ou consternés les citoyens français. Le spectacle donné depuis quelques jours par l’exécutif et sa majorité parlementaire face à la cinquième vague est tout à la fois à la hauteur de l’autosatisfaction, dont il a fait preuve entre fin juillet et décembre 2021, et de l’accumulation de ses approximations mensongères :
- Le premier ministre Jean Castex affirmait ainsi en juillet qu’avec un schéma vaccinal complet, il n’y avait plus de risques de contamination alors même que des cas étaient connus ;
- Le ministre de la santé Olivier Véran n’a cessé d’affirmer au début de l’automne que notre couverture vaccinale nous éviterait une cinquième vague ;
- La députée Aurore Berger rejetait l’augmentation structurelle du nombre de lits de réanimation, sous prétexte que cela signifierait vouloir plus de gens en réanimation (?!?) ;
- Le ministre de la santé nous avait également promis un rempart face à Omicron avant d’annoncer un tsunami…
Soyons clairs sur notre position, nous considérons plus que jamais que la vaccination est un levier essentiel dans la lutte contre le COVID19 : si elle n’empêche pas tout risque d’être contaminé ou de transmettre le virus, elle freine fortement les transmissions et surtout elle empêche les formes graves de la maladie. Les chiffres de la Drees sont sans appel : le risque d’être hospitalisé est aujourd’hui près de trois fois supérieur lorsque l’on n’est pas vacciné. Le risque d’être pris en charge en soins critiques apparaît pour sa part quatre fois supérieur.
Mais, a contrario, sachant désormais qu’un schéma vaccinal complet n’est pas une certitude absolue contre les contaminations – c’est plus le cas après la dose de rappel mais sans garantie à 100 % –, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et les conditions de son examen par le Parlement s’apparentent de plus en plus à une panique morale, une fuite en avant irrationnelle de responsables gouvernementaux habités par la peur, surtout celle de se voir reprochés de n’avoir rien fait après avoir menti… En effet, si on pourrait considérer a posteriori que le « pass sanitaire » proposait une garantie aux personnes disposant d’un schéma vaccinal complet ou d’un test récent d’accéder à des lieux avec une protection plus importante contre le virus, l’imposition d’un « pass vaccinal » qui prétend selon l’exécutif renforcer cette protection n’offre en réalité plus celle-ci : interdire l’accès de certains lieux à des personnes ayant été testées « négatives » est une absurdité, puisqu’elles présentent a priori plus de garanties sur un temps court de ne pas être contaminantes que des personnes vaccinées, protégées contre les formes graves de la maladie mais pas forcément de transmettre le virus…
« Bougisme » sanitaire et parlementaire
L’exécutif agit donc selon une posture bougiste : « faut bien faire quelque chose » ! La peur n’évite pas le danger et l’irrationalité dans laquelle il s’enferme en conséquence l’empêche d’examiner l’efficience réelle de la mesure proposée : le pass vaccinal sera même contre-productif d’un point de vue sanitaire, car il n’incitera pas les 10% totalement rétifs à la vaccination à changer d’avis et risque à nouveau de faire chuter le nombre de tests réalisés ce qui nous amputerait d’un outil de mesure de l’évolution de l’épidémie… Le gouvernement est confronté à une situation qui lui échappe ; c’est donc uniquement un échappatoire en matière de communication politique, car pas plus que les autres gouvernements européens il n’a réussi à être efficace contre l’épidémie.
Les conditions d’examen du projet de loi en lui-même aboutissent à un spectacle détestable : à force d’avoir conduit les uns après les autres l’adoption à marche forcée de projets de loi multipliant toujours davantage les entraves aux libertés, l’exécutif a exaspéré jusqu’à ses propres troupes. Le projet de loi sur le « pass vaccinal », en plus d’être tout douteux du point de vue des libertés publiques que de la sécurité sanitaire, est examiné dans des conditions particulièrement dégradées indignes d’une démocratie parlementaire, comme avant lui celui sur l’extension du « pass sanitaire ». On en arrive à considérer que l’examen de loi sur l’état d’urgence sanitaire en mars 2020 – en plein œil du cyclone – avait fait l’objet d’un traitement bien plus respectueux que les textes qui ont suivi. Ainsi il est malhonnête de la part de l’exécutif de dénoncer les oppositions parlementaires dans l’interruption du débat dans la nuit du 3 au 4 janvier 2022, quand c’est en réalité sa propre majorité parlementaire qui a partiellement déserté l’hémicycle à force de se voir imposer un nouveau franchissement de bornes.
Dans l’ordre même de la panique morale à l’œuvre, les propos finissent par devenir totalement incohérents. Comment, dans le même temps, le gouvernement peut-il défendre à l’Assemblée Nationale la nécessité du « pass vaccinal », quand mardi 4 janvier au matin sur France Inter Gabriel Attal, porte parole du gouvernement a usé d’un énorme sophisme en expliquant que, comme on ne pouvait empêcher la vague Omicron de déferler sur le pays en raison de la forte transmissibilité de ce variant, il était inutile de prendre quelque mesure que ce soit pour la freiner ?
Il est de bon ton de prétendre être au-dessus de la mêlée à la veille d’un scrutin national majeur pour démontrer sa mobilisation constante au service des Français… et en même temps, abaisser le débat public à l’étage du caniveau. C’est exactement ce que vient de commettre le président de la République. Ainsi déclarer dans un entretien exclusif au Parisien/Aujourd’hui en France « Je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien, là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder » est indigne d’un Président de la République française. Outre la vulgarité crasse du propos, elle ajoute de la violence dans le débat politique et social au moment où nous avons besoin de sérénité, de rationalité et de solidarité. Bien sûr, on peut parfaitement comprendre l’exaspération de la majorité de nos concitoyens contre ceux qui refusent contre vents et marées la vaccination sur des bases souvent mensongères et fantaisistes. La vidéo de LCI montrant Paul Larrouturou être insulté par un panel d’agités du bocal, réunis devant l’Assemblée nationale, ne peut que renforcer ce sentiment, convenons en. Mais un président ne devrait pas dire cela : il devrait au contraire garder son calme et user d’un autre registre lexical pour espérer une diminution des comportements égoïstes : oui choisir la vaccination est tout autant un acte altruiste et solidaire qu’un réflexe de protection individuel. On se vaccine pour protéger les autres et soi-même tout à la fois ! Les propos du Président de la République sont terriblement délétères car plutôt que de convaincre de nouveaux candidats à la vaccination et à l’action solidaire, il va renforcer certains dans leurs délires où ils se pensent les derniers défenseurs de la liberté, ce qu’ils ne sont pas.
Nos propositions pour lutter vraiment contre le COVID
S’il faut « bien faire quelque chose », essayons à ce stade de prendre des mesures qui répondent aux enjeux du moment à court, moyen et long termes :
- Il y a urgence à stopper l’hémorragie de personnels soignants, qui frappe l’hôpital depuis des semaines et n’a pas cessé alors qu’ils sont plus que les autres touchés par la conjugaison des contaminations aux vagues delta et omicron. En plus de la politique suicidaire de fermeture de lits qui continue de plus belle, malgré les enseignements de la crise sanitaire, des lits et des services supplémentaires sont aujourd’hui fermés par centaines faute de professionnels. Cela nécessite une véritable augmentation salariale des aides soignant(e)s et infirmier(e)s, bien au-delà des maigres gains du Ségur. Cela devrait également contribuer à reconquérir et à faire revenir les nombreux professionnels qui ont démissionné de l’hôpital public depuis plusieurs années.
- Il y a urgence également à sécuriser les écoles, collèges, lycées et universités du pays. Il est invraisemblable que Jean-Michel Blanquer continue chaque jour qui passe d’engager au plus fort de la pandémie des polémiques tout azimut – lundi 3 janvier sur LCI, il a semblé avoir plus à cœur la dénonciation des mairies EELV que la résolution du problème soulevé par les journalistes… Après avoir réussi la gageure de transmettre la veille de la rentrée scolaire aux équipes pédagogiques le nouveau protocole sanitaire, plutôt que de renvoyer l’équipement en détecteurs de CO2 et en purificateurs d’air aux compétences des collectivités, le ministre de l’éducation nationale aurait dû annoncer tout à la fois la distribution massive de masques FFP2 aux enseignants et le déblocage de crédits suffisants pour équiper l’ensemble des établissements scolaires et universitaires du pays avec les appareils qui manquent aujourd’hui dans les plus brefs délais. Le « quoi qu’il en coûte » devrait également présider aux considérations de sécurité sanitaire dans l’enseignement !
- Il faut généraliser et accélérer la mise en place obligatoire du télétravail partout où cela est possible et de manière beaucoup plus massive. Après avoir rechigné plusieurs semaines à sa mise en place, la ministre du travail tarde encore à lancer les contrôles pour contraindre les entreprises qui traînent des pieds.
- Il faut rétablir la gratuité des tests afin de pouvoir au plus tôt opérer les isolements nécessaires et mesurer en temps réel l’évolution de la pandémie.
- Il faut mettre en place avec les maires, les médecins, la CNAM un dispositif de recherche et d’identification des personnes vulnérables et âgées non vaccinés, afin de prendre rapidement contacts avec elles pour les informer, les inciter et rendre aisée leur accès à la vaccination si besoin à domicile.
- Enfin, la France devrait s’engager avec détermination en faveur de la levée des brevets sur les vaccins COVID, ce qu’Emmanuel Macron et le gouvernement se refusent toujours de faire, là encore contre tout argument rationnel car il est clair que le dispositif COVAX n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Cela doit devenir une des priorités de notre combat politique. Si nous voulons que les pays en développement cessent d’être des réservoirs infinis en variants, il convient de leur donner les moyens d’accéder massivement aux vaccins et à leur production.