Pendant plusieurs années, décennies même, le débat au fond
était rendu impossible par les attaques sur la forme, la personne,
ou le procès en „posture“.
Celle ou celui qui critiquait
l’absence de solidarité européenne, l’absurdité du libre
échange, l’injustice de partage des revenus, qui souhaitait
rappeler dans le débat public les notions de biens communs, intérêt
public, cohésion sociale, prospérité partagée, durable et
écologique, ne se voyait que rarement opposé des faits, une
discussion raisonnée, argumentée.
„Postures“ pour
conquérir des postes, „gauchisme irresponsable“ conduisant au
stalinisme, „euroscepticisme“ assimilable à l’extrême-droite,
tout était bon pour réduire le débat à des variantes acceptées
du néolibéralisme hégémonique et l’excommunication de ses
critiques d’où qu’elles viennent.
La crise économique provoquée par la crise pandémique est une crise balayant les arguments des économistes néolibéraux. De plus en plus d’économistes le disent „c’est une crise de l’offre ET de la demande“. Cette formule permet encore de dissimuler l’ampleur du choc systémique. C’est tout qu’il va falloir réorganiser, refinancer, reconstruire.
La crise pandémique rappelle également des réalités
matérielles immanentes : nous sommes mortels, l’organisation en
société n’est pas la conséquence d’une oppression d’un
individu libre jusqu’à la folie de l’égoïsme le plus cupide,
mais le modèle le plus éprouvé pour construire par la solidarité
des protections collectives contre la maladie et ainsi retarder le
moment de la mort. Le corps social garantit la survie qui elle même
est la condition de l’exercice des libertés individuelles. Refuser
les solidarités, les mutualisations, les sécurités collectives au
nom de l’agent économique individuel, c’est oublier les réalités
immanentes, c’est tourner le dos à l’amour, l’amitié, la
compassion, la coopération, la consolation.
Le communautarisme
est une des variantes de l’individualisme, dans laquelle une
définition arbitraire vise à soustraire au corps social une
composante. La religion, la langue, l’identité sexuelle, l’origine
ethnique, une combinaison de tout cela en sont la marque. Des
communautés refusent la solidarité du confinement et mettent
l’ensemble de la société en danger au nom de leur vérité
individuelle, religieuse ou autre.
Là aussi, le virus rappelle
que la condition humaine est universelle.
Les critiques de notre mode de production, d’échange, et des constructions politiques et sociales l’accompagnant, étaient fondées. L’absence de débat au fond n’a pas permis de préparer ceux qui gouvernent aux faiblesses de leur propre système de croyance et d’action. Leur arrogance ne leur permet pas non plus de rechercher dans leurs critiques passés les instruments pour surmonter la crise pandémique et sa conséquence économique, sociale, démocratique.
C’est la conséquence d’un clivage insoluble construit par des groupes de presse de plus en plus concentrés par des milliardaires soucieux de protéger leurs intérêts égoïstes plutôt que soucieux d’intérêt général, confondant leur destin individuel avec celui de l’humanité. L’absence de débat au fond, par l’imprécation et le déni de légitimité, empêche le dialogue, donc l’échange, et le compromis.
C’est là l’écueil de toute cette crise : 15 ans de bombardement médiatique, cinq ans de LBD, cela ne permet pas de définir dans la confusion de la crise les bases pour trouver collectivement les solutions.
Certains pensent qu’il faut attendre que la crise pandémique soit passée. Mais c’est pendant cette crise que se créent de nouvelles réalités et de nouveaux rapports de force.
Jamais l’humanité n’avait acceptée aussi rapidement et
collectivement de telles restrictions des libertés individuelles au
nom d’un intérêt commun supérieur.
C’est à la fois un
signe d’espoir : oui, nous pouvons tous nous mobiliser lorsqu’il
s’agit d’une menace existentielle.
Ensemble.
Et un
signe d’alerte : l’abolition volontaire de nos libertés ouvre la
voie à leur abolition forcée.
C’est l’état de la réflexion ce matin.
Restez en bonne
santé, restez chez vous.