Le Projet de Loi Climat et Résilience : les bons, les brutes et les truands.

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Comme nous l’avions évoqué dans une précédente analyse (https://g-r-s.fr/climat-et-resilience%e2%80%af-lobbies-vessies-et-lanternes/), le Projet de Loi surnommé « Climat et Résilience »1 devait reprendre les propositions des 150 citoyens qui composaient la Convention Citoyenne pour le Climat. Cependant loin de cet objectif, c’est dans une logique de détricotage, de rafistolage et de ripolinage, devenue plus qu’habituelle, que le Gouvernement et sa majorité ont examiné ce texte.

Tout s’est passé pendant la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale, mise en place pour l’occasion. Ce texte de près de 70 articles, qui devaient réguler des activités de la vie quotidienne (se nourrir, se déplacer, consommer, produire, etc.) et des aspects plus spécifiques, comme la mobilité, l’artificialisation des sols ou encore certains types de publicités accouchera finalement comme nous l’avions démontré de mesures peu ambitieuses. Pour compléter le tableau, il ne traite nullement de certains sujets essentiels comme l’impact de l’utilisation des pesticides sur le changement climatique, l’économie et les industries vertes ou très peu de sujets comme l’eau et la forêt. Pourtant, selon l’exécutif, le projet de Loi devait « ancrer l’écologie au sein de notre société ».

Sauf que, face au changement climatique, nombre de scientifiques, d’associations de citoyens et d’experts s’accordent à dire que toutes les activités humaines, qu’elles soient économiques ou sociales, ont une influence à différents degrés sur notre planète. L’ensemble des questions auraient donc du être traités.

L’examen de ce projet de Loi est une démonstration exemplaire de la lourde implication de ce que l’on appelle « l’Etat profond » dans les travaux du Parlement. Rien de neuf sous le soleil diront certains. Les travaux de l’Assemblée Nationale, aussi bien que ceux du Sénat, voient souvent des amendements passer sous les fourches caudines d’une haute administration consanguine des lobbies dont elle devrait nous prémunir. Pourtant, cet épisode peut être qualifié d’« historique » dans cette législature car jamais avant il n’y avait eu autant d’amendements rejetés sous cette pression.

Au premier jour des travaux, 5 518 amendements qui ont été déposés devant la Commission spéciale : 1 112 amendements ont été déclarés « irrecevables », donc non examinés, dont un millier dénoncés abusivement comme « cavalier législatifs ». Cette pratique a enlevé l’un des derniers outils dont disposaient encore les députés : le temps de parole. En empêchant les députés de s’exprimer, la majorité macroniste s’est assurée que rien ne pourrait freiner la marche du gouvernement qui veut aller très vite sur ce texte décevant après avoir été annoncé en fanfare … et cela quitte à aller dans le mur.

Evidemment, dans le cadre d’un débat « de bonne foi », le fait d’écarter les « cavaliers législatifs » permet généralement d’éviter que des députés ne déposent des propositions sans liens avec le texte. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et il est « curieux », voire supsect, de constater la systématisation de ce procédé pour traiter des amendements des oppositions parlementaires.

Cet épisode est en réalité révélateur de certaines pratiques qui se sont généralisées depuis le début du quinquennat et ont atteint sur ce texte leur apogée. Plusieurs cas illustrent ce phénomène malsain pour la démocratie. Ainsi ont été considérés comme irrecevables :

  • des amendements déposés par des députés de l’opposition alors que des amendements similaires de la majorité sont discutés ;
  • des demandes de rapports en lien avec la philosophie du texte et qui auraient permis aux parlementaires d’obtenir des informations importantes sur les phénomènes climatiques. Or, ils sont systématiquement placés à l’article 40 de la Constitution (ne pas alourdir les charges), comme si la rédaction de rapports, un travail coutumier pour les députés, allait « plomber » les finances de la Nation ;

Dans le même état d’esprit, l’irrecevabilité des amendements de l’opposition a été complétée par d’autres méthodes de détournement de la démocratie parlementaire :

  • des amendements de l’opposition « rejetés » pour de faibles raisons et mais qui seront adoptés par la Commission lorsque les « mêmes » ont été déposés par des députés macronistes. Il est important de préciser que curieusement certains amendements déposés à la dernière minute par la majorité ressemblaient étrangement, à deux virgules près, à ceux déposés plus tôt par des députés de l’opposition ;
  • des amendements de la majorité adoptés au pas de course sans réelle discussion alors qu’ils dégradaient le texte ou en enlevaient des notions importantes dans la lutte contre le changement climatique.

Plusieurs hypothèses permettent d’expliquer cette méthode délétère déjà constatée lors de l’examen de précédents textes :

  • des amendements de l’opposition ont été transmis par l’administration parlementaire aux députés de la majorité, avant le délai final de dépôt des amendements en commission ;
  • la mauvaise foi qui sous-tend ce traitement masque la mise en place de « tarifs préférentiels » pour les parlementaires de la majorité. Ainsi, in fine, seuls 8% des amendements ont été adoptés sachant que 78% d’entre eux proviennent du groupe LREM qui n’avait déposé que 1 800 amendements. Bien évidemment, une petite proportion des amendements de la majorité ont connu un sort néfaste afin de sauver les apparences.

En réalité, tout amendement qui pouvait améliorer et enrichir le texte du gouvernement a été balayé avant le début des travaux de la Commission spéciale. Pour le reste, les quelques amendements de l’opposition qui ont été adoptés en commission étaient trop anodins pour mettre en danger les desseins du Gouvernement.

Cette séquence parlementaire démontre à l’envie, comme pour tous les autres sujets de fonds, le Gouvernement n’a que faire du climat. Seul compte l’affiche que nous prépare le Président de la République à un an de l’élection présidentielle. Tout cela à une époque où la communauté scientifique ne cesse de nous mettre en garde contre l’aggravation des désastres environnementaux. Le Macronisme, comme on pouvait s’y attendre, handicape la lutte contre le dérèglement climatique tout en abaissant un peu plus un Parlement qu’il méprise.

La Gauche Républicaine et Socialiste s’indigne de ce déni aggravé de démocratie et exige que le Gouvernement retrouve sagesse et écoute lors des discussions de ce texte en séance (nous ne nous faisons que peu d’illusions). Il en va de la nécessité d’agir pour notre planète et de sécuriser l’avenir des générations futures faces aux désastres qui pourraient rapidement survenir si nous ne faisons rien.

1 – De son vrai nom : Projet de Loi « de lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face ses effets »

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