“Notre feuille de route” – intervention d’Emmanuel Maurel pour la clôture des universités de la Gauche républicaine

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La crise pandémique avait fait naître l’espoir de voir émerger un « monde d’après » plus juste, plus solidaire et plus harmonieux.

Nous-mêmes, voyant les faits nous donner raison (sur notre trop grande dépendance au reste du monde, sur le rôle de l’État dans l’économie, etc.), étions assez optimistes, pariant que le danger contraindrait le système à s’amender.

D’ailleurs, le « quoiqu’il en coûte » a entretenu cette illusion. Certes, nous savions que dans l’esprit des macronistes, il s’agissait d’une nouvelle version de la socialisation des pertes – en attendant la privatisation des profits. Mais nous considérions que ce revirement des néolibéraux, en France comme en Europe, pouvait servir de point d’appui.

C’était sans compter sur la logique d’accélération des crises qui caractérise les phases transitoires.

Le Covid n’a pas disparu, entraînant avec lui son cortège de faillites et de pénuries ; s’y surajoutent les conflits militaires de haute intensité, parfois aux portes de l’Europe (Ukraine, Arménie, etc.) et un dérèglement climatique désormais perceptible par tous. Toutes ces questions ont été traitées lors de notre université et je n’y reviens pas. Mais une conclusion s’impose : si l’embrasement n’est pas le scénario le plus plausible, personne ne peut raisonnablement l’exclure.

Or dans ces périodes confuses et incertaines, la responsabilité du pouvoir, mais aussi de l’opposition, c’est de rassurer les Français, de les protéger, et d’esquisser, autant que faire se peut, des pistes de sortie de crise.

Le problème du moment, c’est l’incapacité de l’exécutif à se montrer à la hauteur des défis auxquels notre pays est confronté. Le président réélu donne le sentiment de n’avoir ni cap ni stratégie. Tâtonnements coupables, provocations inutiles, tergiversations et diversions : cette politique du chien crevé au fil de l’eau n’est pas digne de notre pays.

Macron s’englue dans des réponses procédurales (inventant un « CNR Canada Dry » auquel personne ne participe et duquel il ne sort rien). Pire : il s’entête à vouloir imposer la réforme des retraites. Au moment où le COR rend un rapport qui, loin de pointer un problème de financement immédiat, met en garde sur la paupérisation des retraités, Macron veut marcher sur les syndicats et même sur le patronat, et même sur sa propre majorité ! Personne ne veut de son amendement au PLFSS, ni de son 49-3. Tout le monde voit ce que seul l’Élysée ne veut pas voir : un facteur de déstabilisation et surtout de flagrante injustice infligée aux travailleurs, au moment même où des millions d’entre eux subiront de plein fouet l’explosion des prix alimentaires et de l’énergie.

Ponctionner les futurs retraités et, en même temps, refuser de reconnaitre (voir les dénégations répétées de Bruno Le Maire) jusqu’à l’existence de superprofits, alors que la majorité des pays occidentaux, et même l’Union Européenne, imaginent des dispositifs pour les taxer : cette obsession de toujours satisfaire les détenteurs du capital, quelle que soit la situation, restera la marque de fabrique du macronisme.

En majorité relative, à la recherche d’un improbable nouveau souffle, le pouvoir est faible. C’est le moment, pour les forces de gauche, de se concentrer sur l’essentiel. D’être utiles à leurs concitoyens.

Contre l’inflation galopante, face à la pénurie énergétique, il existe des solutions. Ne laissons pas le RN dérouler son slogan « l’alternance c’est nous ». Plutôt que nous perdre dans des débats secondaires, parfois anecdotiques voire carrément glauques, prenons les Français à témoin. Il existe une autre politique.

À commencer par une autre stratégie économique, au moment où nombre de nos concitoyens peinent à boucler les fins de mois. 

L’urgence de la redistribution

Un vieux maître socialiste disait, mi sérieux, mi provocateur, que le socialisme, c’est d’abord le salaire. Or la part des salaires dans la valeur ajoutée chute à nouveau, alors que la productivité continue de croître, même modérément.

Le choc sur les prix lié à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine ne s’accompagne pas d’un choc général sur les salaires. Ni le salaire moyen ni le salaire médian ne bougent. Ils bougent même vers le bas, car les hausses nominales sont inférieures à l’indice des prix.

Tout cela provoque un effet récessif et une nouvelle montée des inégalités, à l’heure où les super profits génèrent des super dividendes.

Il faut augmenter les salaires et les indexer sur les prix afin d’enrayer la crise du pouvoir d’achat. Le retour des coups de pouce au SMIC et un fort relèvement du point d’indice dans la fonction publique s’imposent. Le Gouvernement doit forcer une négociation interprofessionnelle sur les minima de branches, avec obligation de conclure.

Cette question est d’autant plus importante que le Covid a mis en lumière quelque chose que nous savions déjà. L’utilité sociale n’est pas récompensée. C’est même le contraire. Métiers du soin et du lien, logisticiens, caissières, livreurs, éboueurs, femmes et hommes de ménage, aide soignants, assistantes sociales, instituteurs : ces métiers sont les plus mal payés, les plus mal considérés. Le mouvement social des Gilets jaunes nous avait déjà alertés. Avec le Covid, l’urgence est plus forte que jamais. Les salariés les moins visibles sont entrés dans la lumière. Et ils réclament légitimement leur dû.

Puisque j’évoque la question du travail, il faut bien que je revienne sur la polémique qui a enflammé la gauche. Non, le travail ce n’est pas de droite ! Et non, nos concitoyens n’aspirent pas à une société post-travail. Ils veulent une société qui apporte à tous un travail digne et vecteur d’émancipation.

Il y a une forme de résignation, de fatalisme, chez ceux qui théorisent la fin du travail. La vraie combativité, c’est celle qui s’attaque à la dénaturation du travail par le système.

C’est le capitalisme néolibéral qui détruit le travail et lui fait perdre son sens. C’est le capitalisme qui jette les travailleurs usés, qui délocalise et qui pousse à bout jusqu’au burn-out. Ce sont les nouveaux acteurs du capitalisme, les plateformes numériques, qui tentent de briser le statut protecteur du salariat, faisant passer l’auto-entreprenariat ou la soumission à un algorithme pour une forme de libération. Sortir le travail de cette exploitation, ce n’est pas nier le rôle social du travail et sa nécessité, mais reconnaître que seul il crée la richesse et génère le progrès social.

La question de l’émancipation des travailleurs, de tous les travailleurs (ceux qui ont un emploi et ceux qui en recherchent un) doit rester au cœur des propositions de la gauche.

Il y a l’action sur la redistribution, il y a aussi l’urgence d’un autre mode de production.

L’action sur la production

Nous pensons que qu’il est possible de renouer enfin avec une véritable ambition industrielle compatible avec l’impératif écologique. Je vous renvoie à l’exposé d’Arnaud hier.

C’est difficile car des pans entiers de l’industrie française ont été dévastés… Il faudra donc en repasser par l’intervention de l’État, la planification et la prise de capital public. Il faudra aussi que les salariés siègent dans les conseils d’administration. Il faudra enfin arrêter de considérer la France comme un pays de tourisme et de services.

Il est vital de renouer avec l’ambition industrielle. Nous avons des ingénieurs de grande valeur, une main d’œuvre très bien formée et très productive (contrairement aux bêtises qu’on entend souvent) et des territoires entiers qui sont spécialisés, avec des savoir-faire.

Mais nous avons face à nous le mur de l’argent et surtout celui de la résignation. Dans le film Adults in the Room de Costa-Gavras, une phrase est prêtée à Michel Sapin. S’adressant à Alexis Tsipras, il lui dit : « La France n’est plus ce qu’elle était, elle n’a plus les moyens de ses ambitions. » Je pense qu’en fait elle manque plus d’ambitions que de moyens.

Une forme de patriotisme fait clairement défaut dans ce pays. Il manque cruellement dans les classes dites supérieures. Moi, je crois aux atouts de la France, à la force du peuple français, à son intelligence.

Un programme « Made in France » ambitieux peut se fixer un objectif de création de 500 000 emplois industriels et d’installation de 500 nouvelles usines dans nos régions et notamment dans des territoires aujourd’hui délaissés.

On ne peut pas tout miser sur les start-up. Il faut se remettre à fabriquer sur le sol national des produits critiques (pharmaceutiques, électroniques, alimentaires, etc) que nous importons aujourd’hui, au prix de notre souveraineté perdue. Nous avons pour cela plusieurs armes à notre disposition : le levier de la commande publique bien sûr, mais aussi les mesures de protection de l’intérêt national (à commencer par le fameux décret Montebourg, toujours trop sous-utilisé). Au moment où nous échangeons, c’est Exxelia, fleuron de l’électronique de pointe, qui passe sous pavillon américain. Après tant d’autres…

La Commission européenne protestera surement, mais ces décisions récentes montrent qu’on a raison de ne pas compter sur elle. Les annonces de la présidente, qui préconise d’en revenir aux règles de Maastricht, qui encourage la multiplication des accords de libre-échange, qui approuve le relèvement des taux de la Banque Centrale, sont autant de mauvais signaux. Et puis, bien sûr, il y a le fiasco de la politique énergétique.

Face à la pénurie, réinventer une politique publique de l’énergie

Car s’il y a bien un domaine dans lequel on retrouve à la fois l’inefficacité des préconisations néolibérales et la nullité d’une certaine élite dirigeante, c’est bien celui de l’énergie.

La France disposait d’une électricité peu chère grâce au nucléaire et à son opérateur historique. Or tout a été fait pour saboter EDF et, par-là, affaiblir la France ! L’ouverture à la concurrence voulue par la Commission Européenne et acceptée par les gouvernements successifs, a abouti à un système proprement délirant.

Au nom de la libre concurrence, il a fallu subventionner le privé plutôt que développer un pôle public des énergies renouvelables.

Au nom de la concurrence, on a contraint EDF à vendre une partie de sa production à ses concurrents, à prix coûtant au départ et qui s’est même avéré inférieur à l’arrivée. Au nom de la concurrence on a ruiné les comptes d’EDF, qui ne peut plus investir, notamment dans les centrales, ce qui explique les problèmes rencontrés aujourd’hui.

Last but not least, l’instauration d’un marché européen aux contours imposés par l’Allemagne, qui indexe l’électricité sur le prix du gaz. C’était une folie économique pour la France, et ça s’avère maintenant une folie pour l’Europe.

Avant même l’invasion de l’Ukraine, pour sauver les opérateurs privés, le gouvernement n’avait rien trouvé de mieux qu’obliger EDF à acheter de l’électricité au prix du marché, puis à la revendre à bas prix à ses concurrents. On marche sur la tête.

Le retour au monopole public national sur la production et la distribution d’énergie (en y réintégrant le pôle gazier) est incontournable, avec pour objectif la sortie définitive des énergies carbonées (pétrole, gaz, charbon…) d’ici 2040.

Nous pourrions en parallèle reprendre l’élaboration de stratégie de filières – fabrication de panneaux solaires, fabrication et assemblage d’éoliennes, hydrogène – stratégies de filière, qui, pour être efficaces, nécessitent la mise en place d’un protectionnisme intelligent pour contrer la concurrence en particulier chinoise.

Plafonnement des prix, sortie du marché européen, retour au monopole public sont autant d’atouts dans une stratégie de relocalisation industrielle et de souveraineté économique.

Je résume en quelques mots ce que doivent être nos priorités pour cette rentrée

Primo. Le gouvernement ne fait pas assez pour les Français les plus modestes. Ses mesures ponctuelles face au choc inflationniste sont insuffisantes. L’indexation des salaires sur les prix est une mesure d’urgence. La taxation des dividendes est commandée par la justice. C’est pourquoi nous appelons nos militants à se mobiliser le 29 septembre à l’appel des syndicats, pour poser le problème-clé du partage des richesses créées par le travail, et à participer à l’opération nationale visant à taxer les surprofits.

Secundo. Alors que la reprise est déjà menacée, les autorités européennes ne doivent pas lever les mesures permettant aux États membres de soutenir l’activité. Elles doivent plafonner les prix de l’énergie et réformer au plus vite le marché européen de l’électricité.

Enfin, et c’est sûrement le plus décisif, il est possible de promouvoir une écologie populaire de gouvernement, qui organise concrètement la sortie des énergies fossiles et la relocalisation des activités productives afin d’asseoir des filières courtes made in France.

Je dis écologie populaire de gouvernement parce que je veux que cela soit clair pour tout le monde. Ce n’est pas parce que la plupart d’entre nous sommes issus de ce qu’on appelait jadis la « première gauche », injustement assimilée au productivisme le plus débridé, que nous sommes anti écologistes, ou même éloignés des préoccupations écologistes.

Pour une écologie républicaine !

Les questions du dérèglement climatique et de la disparition de la biodiversité s’imposent à tous. Rien ne procède davantage de la Res Publica que les Communs que sont l’air, l’eau, le sol, les forêts. Le combat écologique confère une légitimité renforcée et donne une dimension nouvelle à l’intervention publique.

Nous sommes un certain nombre ici à nous définir comme éco-socialistes et républicains. Notrecombat trouve son prolongement naturel dans celui à mener pour la Planète en reliant toujours luttes environnementales et luttes sociales. La course à l’accumulation et au profit, la compétition généralisée qui la sous-tend, l’encouragement incessant à la consommation, le privilège accordé au court terme sont intrinsèquement contradictoires avec la préservation de notre écosystème. Nous nous fixons pour priorité de démontrer que seule une transformation radicale du mode de production et de consommation capitaliste permettra de relever efficacement le défi écologique.

Tout en reconnaissant le rôle joué par les pionniers de l’écologie, tout en reconnaissant la justesse des diagnostics et la pertinence des alertes, nous entretenons avec les Verts une discussion qui porte autant sur les concepts (je pense par exemple à celui de la décroissance ou à celui, plus récent et plus contestable, de l’androcène), les moyens, les rythmes, le cadre de l’action.

Je salue les efforts intellectuels de celles et ceux qui, aujourd’hui, tentent de dessiner les contours d’une écologie républicaine. Leurs travaux fructueux nous inspirent.

Pour moi c’est une des clés pour répondre au défi à la fois temporel (préparer l’avenir et répondre aux urgences, ici maintenant) et spatial (mettre de l’ordre dans le chaos du monde et en même temps enrayer le déclin français) qui mobilise les militants politiques.

Participer aux débats à gauche

Je parle du déclin français, d’autres diront déclassement. Cela peut paraître sévère. Mais cette impression d’un délitement général, nos concitoyens la ressentent. Et cela ne date pas du Covid.

Services publics en berne, dépendance accrue au reste du monde, déficit commercial structurel, baisse du niveau dans l’éducation, perte de l’influence française, etc., le redressement du pays c’est maintenant et c’est urgent.

C’est urgent parce que nous aimons la France et sommes malheureux de la voir ainsi affaiblie. Mais c’est aussi urgent parce que le malheur d’un peuple débouche parfois sur des expérimentations politiques hasardeuses. Deux fois qualifiée au second tour de l’élection présidentielle, disposant d’un groupe pléthorique à l’assemblée nationale, l’extrême droite peut aujourd’hui prétendre au pouvoir. Comme en Suède, comme en Italie…

C’est à la gauche qu’il revient de freiner cette ascension. Pour cela, il faudra qu’elle brise un « plafond de verre », autant sociologique que politique. Certes, la stratégie électorale unitaire aura permis à la gauche d’envoyer à l’Assemblée un nombre d’élus important en dépit d’un nombre de suffrages historiquement faible.

Le rétrécissement sociologique de l’électorat de gauche est l’un des principaux problèmes politiques auxquelles nous sommes confrontés, comme l’avancent à raison des élus comme François Ruffin ou Fabien Roussel. Or pour répondre aux intérêts des classes populaires, si diverses soient-elles, il faut que les forces progressistes ne négligent aucune de leurs préoccupations : stagnation du pouvoir d’achat, délitement des services publics, urgence climatique, mais aussi insécurité sociale et physique, atteintes répétées à la laïcité, disparition du monde rural.

La gauche n’est pas condamnée à n’être qu’« un gros tiers » dans la tripartition avec le centre-droit et l’extrême-droite. Elle peut redevenir majoritaire si elle se fixe pour objectif d’arracher à l’abstention et au RN les ouvriers et les employés, particulièrement des zones péri-urbaines et rurales. Cela passe par un équilibre entre mesures de justice et réponses d’ordre, entre radicalité et crédibilité.

C’est le débat que nous voulons porter à gauche. Nous ne sommes aucunement dans une démarche de différenciation systématique. Et si nous avons parfois des désaccords avec les partis qui constituent la NUPES, nous ne considérons pas que la voie de salut passe par un ripolinage nostalgique d’une social-démocratie qui n’a jamais existé dans notre pays. Surtout quand cette voie est portée par ceux-là même qui ont largement contribué au discrédit qui a frappé la gauche dite de gouvernement.

Pas de différenciation systématique donc. Il faut se garder de s’engager dans les débats picrocholins et les querelles absconses. Mais il faudra assumer la discussion. Et pas seulement sur les questions économiques. Je ne crois plus qu’on puisse se satisfaire de la distinction un peu paresseuse entre social et sociétal. Puisque tout est politique, il convient de discuter de tout. Et je propose que nous n’ayons pas de pudeur de gazelle, même si développer une pensée hétérodoxe vaut parfois procès en réaction voire excommunication par voie de réseau social.

Nous connaissons les nuances, voire les divergences, qui existent au sein de la gauche sur des questions pour nous essentielles.

= Le rapport à la nation, qui pour nous reste le cadre premier de l’exercice de la souveraineté. L’importance que nous attachons au rayonnement de la France dans le monde, à la francophonie, à la diplomatie culturelle. Mais aussi, partant, la notion de frontière qui, comme le dit si bien Regis Debray, n’est pas le mur qui interdit le passage mais le régule. Nous continuons de nous étonner de cette contradiction qui consiste à revendiquer le contrôle des flux de marchandises, du capital, mais jamais celui des hommes.

= L’exigence de la sécurité publique, au moment où notre pays connait une augmentation inquiétante de la délinquance et où perdure la menace terroriste. Noussavons qu’il n’y a pas d’ordre sans justice, mais il n’y a pas de justice sans règle, sans sécurité des personnes. Il est essentiel que le pays débatte sérieusement des moyens humains, matériels et les stratégies à déployer pour assurer la sécurité mais aussi permettre aux forces de l’ordre d’exercer leurs missions dans de meilleures conditions. La crédibilité des services de police et de gendarmerie exige un respect scrupuleux du cadre républicain, un usage toujours proportionné de la force. Des dérapages, voire des bavures ont lieu : il faut les condamner et les réprimer. Oui, parfois, des policiers tuent. Pour autant, nous ne disons pas que la police tue. Les forces de l’ordre travaillent dans des conditions difficiles, dépourvus de moyens, trop souvent mal dirigés par une hiérarchie défaillante.

= L’attachement à la science et à la raison, en ces temps où certains croient malin de préférer les sorcières aux ingénieurs, et colportent benoîtement des fake news navrantes. Pas de grande nation sans scientifiques, ingénieurs, chercheurs, techniciens !

= Le refus du différentialisme, la défense de l’universalisme, qui pour nous sont évidents, mais qui, nous le savons aujourd’hui, ne vont absolument plus de soi.

Or notre conviction, c’est que l’élargissement sociologique et électoral de la gauche n’est possible que si elle renoue avec la tradition républicaine dans ce qu’elle a de plus subversif.

L’histoire de la gauche se confond avec la défense et la promotion du « modèle républicain ». Mais saisie par le démon de la déconstruction, elle en vient à jeter le bébé avec l’eau du bain, dénigrant « l’universalisme abstrait ».

On voit bien à quoi l’individualisme des sociétés de marché aboutit : la disparition d’un monde commun. Le « venez comme vous êtes » de Mac Do s’est progressivement imposé comme un modèle de vie en société. C’est le règne des tribus et des communautés, le triomphe du relativisme, l’exaltation de la singularité à tout prix. Mais la juxtaposition des singularités mène à la guerre de tous contre tous.

L’extension indéfinie de la marchandise et de son spectacle s’accommode parfaitement de cette démocratie identitaire, dans laquelle le particulier éclipse l’universel.

Ghettoïsation et séparatisme social gangrènent la société française. Pas seulement le communautarisme chez les pauvres. Parlons du séparatisme des riches, cette « révolte des élites » dont parle Christopher Lasch. Parlons aussi de celui, moins spectaculaire, des Tartuffe des hypercentres qui n’ont que le « vivre ensemble » à la bouche quand ils ne vivent, en réalité, qu’avec leurs semblables. Les dernières déclarations du nouveau ministre de l’Education Nationale, qui avoue benoîtement avoir mis ses enfants à l’école alsacienne pour leur préserver une « scolarité sereine », en disent plus long que mille essais savants sur l’étiolement de la conscience républicaine chez les élites hexagonales.

C’est le paradoxe du moment : les Français sont plus républicains que leurs dirigeants.

Quand les premiers Gilets jaunes, drapeau tricolore au vent, réinventent la devise nationale (égalité territoriale, revitalisation démocratique, fraternité des ronds-points), les forces politiques manquent singulièrement d’imagination (et d’enthousiasme) pour revivifier le discours sur la République. Le sursaut viendra du peuple Français qui a plus confiance dans l’État que ceux qui le dirigent, et qui croit davantage à la solidarité que ceux qui pensent ne pas en avoir besoin.

Soyons simple et basique : n’est pas républicain celui qui ne fait pas de l’école la priorité absolue. N’est pas républicain celui qui laisse crever l’hôpital public. Mais n’est pas non plus républicain celui qui cède aux exigences de la bigoterie ordinaire ou à celles des différentialistes de tous poils.

Il ne faut jamais renoncer à lier le combat social et le combat laïque. Et s’il y a bien des hommes et des femmes qui se lèvent pour dénoncer la résurgence du cléricalisme partout dans le monde, c’est nous. Nous ne devons rien laisser passer. Les petites lâchetés du quotidien, qui aboutissent à laisser seule une enseignante confrontée à des revendications religieuses dans sa classe. Les complaisances avec les bigots. Et, bien sûr, La folie criminelle de ceux qui ont tué ici Samuel Paty et les dessinateurs de Charlie, là-bas qui attentent à la vie de Salman Rushdie.

Et nous devons être inlassablement aux côtés de ceux qui se battent, partout dans le monde, pour échapper à la tutelle étouffante des clergés, je pense à l’admirable combat des femmes kurdes, mais surtout, au moment où nous nous parlons, des femmes iraniennes, qui veulent vivre, et vivre libres.

Sans justice sociale, sans solidarité entre les peuples, sans laïcité, il n’y pas d’émancipation : c’est ce message de la gauche républicaine, patriote et internationaliste qui nous unit et qu’il nous faut porter le plus haut possible.

La faiblesse actuelle de la gauche n’est pas une fatalité. En renouant avec l’esprit de conquête républicaine, avec le volontarisme politique, avec le respect de la souveraineté populaire, tout est possible.

Dans ces temps incertains, l’essentiel est de savoir pour qui on se bat, et où l’on veut aller. Pour les militants de la gauche républicaine, il n’y a rien de plus exaltant que de se consacrer au redressement de la France.

Assumer notre singularité idéologique, Participer aux mobilisations sociales et citoyennes de la rentrée, Continuer le dialogue avec les forces de gauche : voila comment nous pourrons être utiles au pays.

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