La maire Gauche Républicaine et Socialiste du 1ᵉʳ secteur de Marseille dénonce les effets pervers du texte étudié au Sénat à partir de mardi 3 juin sur le scrutin municipal pour Paris, Lyon, Marseille, qui introduit « un grand nombre de difficultés techniques et fonctionnelles que les parlementaires n’ont pas forcément repérées ».
Sophie Camard est maire GRS du 1ᵉʳ secteur de Marseille et également conseillère municipale chargée de la réforme de la loi électorale pour Paris, Lyon, Marseille, dite « loi PLM ». L’entretien accordé au Monde a été publié mardi 3 juin 2025 à 10 heures.
Le Sénat étudie, à partir de mardi 3 juin, la proposition de réforme de la loi PLM. Vous avez été auditionnée par sa commission des lois avec d’autres maires de secteur. Quels points avez-vous soulevés ?
D’abord, j’ai remercié les sénateurs de s’intéresser à notre ressenti d’élus de secteur car, étrangement, le député Sylvain Maillard (Renaissance, Paris), qui a rédigé la proposition de loi, n’a jamais répondu à mes sollicitations. J’ai également dit que, à mon sens, réformer ce mode électoral qui date de 1982 est une nécessité démocratique. Enfin, je leur ai parlé de tous les effets pervers que ce texte allait entraîner pour les secteurs et les arrondissements. En apparence, cette loi est simple, mais, dans son état actuel, elle introduit un grand nombre de difficultés techniques et fonctionnelles que les parlementaires n’ont pas forcément repérées. Plus globalement, ce qui est dommage, c’est que l’on a raté l’occasion de changer radicalement le système.
Vous dénoncez notamment l’un des points centraux de la réforme, qui instaure deux votes, donc deux urnes – trois à Lyon avec la métropole – pour désigner les élus de la mairie centrale et ceux des secteurs…
C’est le cœur de l’absurdité de cette loi, qui a été présentée comme une loi de simplification. Le gouvernement dit qu’avec ces deux urnes, il laisse aux électeurs la liberté d’exprimer des choix différents pour leur ville et leur secteur. Mais c’est un faux cadeau. La mairie de secteur n’est pas une collectivité de plein exercice, elle a très peu de budget et de compétences. A Marseille, où la décentralisation est la moins poussée, elle est essentielle dans le contact avec la population, mais fonctionne en réalité comme un gros service de l’exécutif central. On va faire croire aux électeurs que leurs élus de secteur, dont certains sont bénévoles, auront le pouvoir d’appliquer le programme sur lequel ils ont été choisis. Forcément, cela entraînera de la frustration pour tout le monde.
Quels points peuvent être encore améliorés par les parlementaires ?
Il faut absolument revenir à un bulletin unique, qui lie les deux votes. Contrairement à la loi PLM, le texte proposé permet de présenter des listes complètement différentes et ouvre le risque d’une coupure totale entre élus de secteur et conseillers municipaux. On peut aussi se retrouver avec un maire qui n’a pas la majorité des secteurs et qui, s’il le décide, peut s’en désintéresser à l’extrême. Il y avait de nombreux champs de réforme, comme abaisser le nombre d’élus, travailler sur la taille ou sur les compétences des mairies de secteur…
propos recueillis par Gilles Rof (Marseille, correspondant)