Sûreté Nucléaire : là où il faut de la confiance, le gouvernement sème la confusion

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L’augmentation des besoins en électricité pour décarboner les transports, le chauffage et l’économie apparaît plus que jamais comme une évidence pour espérer lutter au mieux contre le réchauffement climatique. Dans ce cadre, la production d’électricité nucléaire, énergie décarbonée et pilotable, est centrale, aux côtés des ENR (hydraulique, éolien, photovoltaïque…).

Au moment où le débat sur la relance du nucléaire s’engage en France – et au moment où le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes est en cours d’examen par le parlement1 –, il est fondamental que les Français conservent une confiance éclairée sur la sûreté de nos centrales nucléaires actuelles et à venir et donc qu’ils aient confiance dans un système de contrôle qui garantisse un haut niveau de sécurité de nos installations.

On peut donc s’étonner à ce titre d’une décision brutale, rapide et non concertée visant à regrouper l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN).

Cela donne l’impression d’une « politique de gribouille ». Alors que le projet de loi a été déposé le 2 novembre 2022, qu’il a été débattu et voté par le Sénat le 24 janvier 2023, il a fallu attendre le 8 février pour que l’exécutif considère subitement nécessaire la fusion de l’ASN et l’IRSN et annonce en avoir pris la décision, sans que cela ne soit concerté avec les acteurs du secteur. Le gouvernement a ainsi déposé en catimini et fait adopter le 6 mars en commission à l’Assemblée Nationale un amendement à son propre texte pour rendre possible cette fusion… À nouveau, l’exécutif semble ne pas avoir de vision de long terme et improviser sur un dossier qui ne peut laisser de place aux brusqueries, à l’incertitude et à la confusion.

Le second risque est de donner à penser à nos concitoyens que le gouvernement est en train de réduire la transparence et l’accès aux informations dans ce secteur sensible. La méthode employée est déjà révélatrice du manque de concertation qui prévaut dans l’exécutif. De nombreux acteurs du secteur considèrent que nous perdons en pluralité et donc en crédibilité en réduisant nos outils à une seule structure pour la sûreté nucléaire ; ils s’émeuvent aujourd’hui d’une forme de passage en force, alors que la diversité d’approche leur paraît nécessaire pour éclairer les arbitrages politiques.

Les deux structures ont par ailleurs des statuts différents : l’ASN est une autorité administrative indépendante ; l’IRSN est un EPIC placée sous la tutelle directe du gouvernement. Or en regroupant toutes les missions dans une seule et unique autorité indépendante, on prive le parlement – donc nos concitoyens – de ses capacités de contrôle et d’information, puisque l’IRSN, qui peut aujourd’hui faire l’objet d’un contrôle parlementaire de l’action du gouvernement et sur l’évaluation des politiques publiques, disparaîtrait. Or le contrôle parlementaire est indispensable sur un sujet aussi sensible : il contribue à éclairer nos concitoyens sur les politiques publiques de développement du nucléaire civil, ce qui est indispensable pour garantir la confiance.

La Gauche Républicaine et Socialiste demande donc au gouvernement d’abandonner la précipitation comme modalité d’action, en retirant du débat parlementaire son amendement au projet de loi nucléaire pour avaliser la fusion entre l’ASN et l’IRSN. S’il existe des des raisons techniques et structurelles plaidant pour un regroupement entre ces deux structures, le gouvernement doit relancer une large concertation. Le travail de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui a d’ailleurs rendu un avis balancé sur cette fusion2 (ci-dessous), pourrait servir de base à cet effet.Dans tous les cas, il faut tout à la fois satisfaire des objectifs d’efficacité mais aussi de transparence et de contrôle parlementaire, nécessaires à la confiance.

1http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-100.html

2https://www.vie-publique.fr/en-bref/288456-reforme-de-la-surete-nucleaire-les-recommandations-de-lopecst

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