Voice of America a été la grande radio, qui a agi pour que le bloc soviétique se fissure : cette radio va être débranchée. L’administration Trump a décidé des centaines de licenciements dans ce média public ; la Russie et la Chine se félicitent évidemment de ces licenciements.
Plusieurs employés de VOA qui ne pouvaient pas entrer dans leurs locaux ce samedi se sont entretenus avec des médias, en demandant l’anonymat pour se prémunir de toutes représailles : « On a fait taire la voix de l’Amérique, du moins pour l’instant », disait un reporter chevronné à CNN. « Ce n’est pas que notre salaire qui est en jeu », disait un employé de Radio Free Asia interrogé par France 24. « Nous avons des employés et des pigistes qui craignent pour leur sécurité. Nous avons des journalistes qui travaillent dans des pays autoritaires en Asie, nous avons des journalistes aux États-Unis qui craignent l’expulsion si leurs visas ne sont pas renouvelés. » « On nous a effacés d’un coup de stylo, poursuivait cet employé, c’est tout simplement atroce ».
VoA, un combat pour les libertés parfois à géométrie variable
« Les autocrates du monde entier font des sauts de joie. Hindenburg [sic], Hitler n’avaient pas réussi à faire taire la voix de l’Amérique, Staline, Vladimir Poutine, Mao non plus, les Ayatollahs en iran n’ont pas réussi à le faire, mais Donald Trump vient de réduire au silence la voix de la liberté. Pour la première fois depuis 1942, VoA a été retirée de l’antenne », écrit un éditorialiste du Washington Post.
La chaîne Voice of America avait été souvent critiquée pour son manque d’indépendance et son tropisme pro-américain dans sa couverture des faits dans les années 1950 à 1980. Accusée d’être « négligente » face au communisme par McCarthy, elle a été détachée du Département d’État américain en 1953 par Eisenhower ; cela ne l’avait pas empêché d’être un vecteur pour préparer les opinions latino-américaines avant divers coups d’État au Guatemala et en République Dominicaine ou avant l’opération de la Baie des Cochons à Cuba. Sa petite sœur Radio Free Asia, fondée en 1951 par la CIA pour contrer la nouvelle Chine communiste, a quant à elle servi de porte-voix à la propagande américaine durant toute la guerre du Viet Nâm.
Pourtant, elle jouait également un rôle crucial dans des pays où s’exerce un contrôle drastique des médias comme l’Iran, la Chine populaire ou la Corée du Nord ; elle a joué un rôle important dans la mise au jour de l’univers concentrationnaire au Xinjiang et de l’oppression des Ouïghours. VoA y avait également dénoncé les tentatives d’ingérence du gouvernement chinois dans les élections aux États-Unis, contré les efforts du régime de pékin pour dissimuler les origines de la pandémie de Covid.
Agence de presse, radio, télévision, VoA et ses réseaux avaient progressivement gagné leurs galons d’indépendance, résistant aux pressions de l’administration Bush après le 11-Septembre.
La joie des dictateurs et des usines à fakenews
L’administration a mis en congé, donc, la quasi-totalité de ses 1300 employés et l’administration a fermé les stations sœurs de VoA, Radio Free Europe, Radio Liberty et Radio Free Asia. « La voix de l’Amérique, le soi-disant symbole de la liberté, a été jeté par son propre gouvernement comme un vieux chiffon » s’est réjoui en Chine, le Global Times, l’organe de presse international du parti communiste chinois, qui qualifie également VoA d’usine à mensonge. La Russie se réjouit également de la disparition de ce média indépendant, qu’elle avait qualifié l’an dernier d’organisation indésirable.
« Trump a annoncé la fermeture soudaine de radio liberty et de VoA. C’est une bonne décision », selon la rédactrice en chef du média d’État russe, RT, Margarita Simonian, sur le plateau de Rossia Adin. Dans la foulée, le présentateur Vladimir Solofief s’est amusé de la fermeture de tous les médias indépendants américains avec la fin de leur financement. « C’est génial », renchérit la rédactrice en chef de RT, comme le montre le magazine newsweek.
L’audience de VoA était estimée à plus de 400 millions d’auditeurs, de téléspectateurs, d’internautes, pour une diffusion en 63 langues, selon le magazine conservateur Washington Examiner.
Le monde des « faits alternatifs »
« Les propagandistes chinois ont tout à gagner à faire taire les voix de la vérité et de la liberté », a dénoncé le Washington Post. Apparemment, l’administration Trump a le même intérêt.
Entre 2015 et 2021, Donald Trump avait publié plus de 2490 messages négatifs sur le média national, selon la base de données U.S. Press Freedom Tracker. Et cela ne prend en compte que ses messages sur les réseaux sociaux, dans lesquels il a régulièrement qualifié des chaînes, des journaux de « propagateurs de fake news » et d’« ennemis du peuple ».
Depuis son retour à la Maison-Blanche, l’administration Trump a retiré leur agrément et leur bureau au Pentagone à quatre médias : le New York Times, NBC News, NPR, et Politico.
Frédéric Faravel