Lundi 8 mars, la cour suprême du Brésil a annulé la condamnation pour corruption de l’ancien président Lula. S’il ne s’agit pas à proprement parlé de l’innocenter en bonne et due forme, la cour suprême a conclu que le tribunal qui avait condamné Lula était incompétent pour le faire.
La manipulation de la justice est, depuis la fin de la période des coups d’État de la fin du XXème siècle, le levier d’action régulier de la bourgeoisie libérale sud-américaine pour se soustraire à la démocratie et à la volonté populaire. C’est une manipulation de ce type qui avait conduit à la déposition de Dilma Roussef et à la prise du pouvoir de la droite brésilienne en dehors de tout cadre démocratique en 2016. En 2018, c’est la condamnation à l’emprisonnement et l’inéligibilité qui avait empêché Lula, favori de l’élection, à se présenter, amenant à la victoire du candidat d’extrême-droite Jair Bolsonaro.
Présenté à tort par certains médias comme un candidat populiste dans la lignée de Donald Trump et Matteo Salvini, le président brésilien partage certes leurs idées, mais pas le même électorat. Son accession au pouvoir a été pilotée par l’élite économique brésilienne, pour laquelle il ne peut y avoir d’alternative démocratique au néolibéralisme.
Le président Bolsonaro avait alors pu dérouler les lubies classiques des libéraux: privatisation à tour de bras, destruction du service public, dépossession des indigènes, austérité forcée, sortie de la banque centrale du contrôle démocratique. Mais comme toujours quand les méfaits du libéralisme ne sont pas acceptés par la population, le libéralisme économique s’accompagne d’un illibéralisme politique le plus total, et d’un obscurantisme forcené: suppression des dotations aux sciences, commémoration du coup d’État de 1964, et surtout négation de la dangerosité du covid 19, qui a mené à une catastrophe sanitaire inédite. Le Brésil est le deuxième pays au monde avec le plus de morts, les morgues étaient débordées, et des tensions étaient apparues à la frontière avec la Guyane, sur lesquelles nous avions déjà alerté
(voir notre article sur la politique inconséquente de Bolsonaro)
A l’approche des prochaines élections présidentielles, l’incapacité de Jair Bolsonaro de maintenir Lula en prison – il avait été libéré en 2019, déjà sur décision de la cour suprême – et de confirmer son inéligibilité trahissent une perte de contrôle sur le pays. Lula est le seul candidat que les enquêtes d’opinion donnent vainqueurs face à Bolsonaro. Les députés du parti présidentiel semblent fébriles, et annoncent déjà la victoire des « communistes et des antifas ».
Si cette décision apporte un peu d’espoir pour le peuple brésilien et pour la stabilité de la frontière franco-brésilienne, il ne faut pas oublier que l’extrême droite sera prête à user de tous les moyens pour accéder et se maintenir au pouvoir. Les charges contre Lula ne sont pas abandonnées, et la victoire du Parti des Travailleurs n’est pas assurée.
Toutefois, la Gauche Républicaine et Socialiste se réjouit de l’annulation de la condamnation de Lula. Nous faisons le vœu d’une victoire de la gauche aux prochaines élections brésiliennes, afin de sortir de l’obscurantisme que l’extrême droite proche des milieux évangéliques fait vivre au Brésil, afin de rétablir une relation franco-brésilienne fondée sur le partenariat économique et démocratique, afin de venir en aide à la population malmenée par le néolibéralisme et l’aveuglement sur la COVID.