La Taxe Zucman ne peut être l’alpha et l’oméga d’une politique économique, mais elle est nécessaire !

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Jeudi 23 octobre 2025, David Cayla a débattu dans le 28 minutes d’Arte à propos des sommets atteint par le CAC 40 et de la situation économique et de la France. À la fin, le projet de taxe Zucman a été évoqué, mais il n’a pas vraiment eu le temps d’expliquer son propos, il le fait donc ci-dessous.

Est-il vrai que les milliardaires sont moins taxés que les classes moyennes et supérieures ? La réponse est oui. Car, les très grandes fortunes optimisent et surtout réduisent leur base taxable en minimisant leurs revenus réels. Comment ?

C’est très simple : l’essentiel de leur fortune est placée dans des holdings, qui sont des sociétés souvent enregistrées à l’étranger et dont le capital est essentiellement constitué d’actifs financiers (actions, obligations, titre dérivés…) La fiscalité de ces holdings est très avantageuse. Ce sont ces holdings qui reçoivent les dividendes à leur place. Les revenus des milliardaires sont donc les revenus de leurs holdings. Mais ces holdings ne leurs reversent pas ces revenus. Elles le gardent et le réinvestissent dans l’achat de nouveaux titres. Une holding ne reverse donc en revenus à son propriétaire que ce dont il a besoin pour consommer. Le reste est accumulé et accroit sa fortune. C’est ce système qui permet de minimiser le revenu fiscal et donc l’impôt.

Voyons comment cela fonctionne avec un exemple.

Mettons que M. Bernard A. possède un patrimoine financier de 150 milliards d’euros qu’il a placé dans une holding. Chaque annés, ses actions lui rapportent en moyenne entre 6 et 8% de rendement. Mettons 6%. Il touche donc un revenu économique d’environ 9 milliards.

Evidemment, il est impossible à Bernard de dépenser 9 milliards d’euros chaque année. Son train de vie et celui de sa famille implique de dépenser 1 million d’euros par jour, soit environ 350 millions par an. Sa holding lui verse donc 500 millions en dividendes.

Ces 500 million sont taxés de 30% grâce au PFU (prélèvement forfaitaire unique ou Flat tax en bon français) qui fait office d’impôt sur le revenu. Bernard paie donc 150 millions d’euros d’impôt. Sa holding, basée dans un paradis fiscal ne paie pour sa part aucun impôt (ses entreprises en paient). Sur les 9 milliards de rendement de la holding, il reste 8,5 milliards qui sont accumulés et dont une partie lui sert à racheter de nouveaux titres qui génèreront 6% de rentabilité. La fortune financière de Bernard passe donc de 150 à 158,5 milliards.

En fin de compte, Bernard a obtenu 9 milliards de revenus du capital, mais n’a été réellement taxé que sur 500 millions de dividendes que sa holding lui a versé. On peut donc calculer que le taux d’imposition de son revenu économique est de 150 / 9000 = 1,67 %.

La taxe Zucman est une taxe différentielle qui vise à taxer à 2% l’ensemble du patrimoine. L’idée est que le patrimoine financier génère en moyenne 6% de rentabilité. Cette taxe de 2% revient donc à taxer à 33% les revenus économiques du patrimoine. La taxe Zucman est une taxe différentielle : elle ne s’ajoute pas aux autres taxes, elle les complète. Si Bernard a payé au total 400 millions d’impôts de toutes sortes, il doit payer la différence, soit 3-0,4 = 2,6 milliards d’euros d’impôt complémentaire.

Cette taxe pose de nombreuses questions techniques. La première est que Bernard risque d’y échapper en se domiciliant à l’étranger car le coût est faramineux pour lui. C’est le problème d’une taxe qui repose sur une base très étroite de contribuables. Le deuxième problème est que la rentabilité d’un actif financier et sa valeur ne génère pas toujours une distribution de dividendes en proportion. Donc on peut avoir une grande fortune financière sans avoir le cash pour payer l’impôt.

Ce n’est pas le cas de LVMH qui distribue 13 euros par action. Avec un cours d’environ 600 euros, elle redistribue plus de 2% de sa valeur chaque année. Donc Bernard a de quoi payer l’impôt.

On remarquera que 2% de rentabilité, c’est loin des 6% estimé. Cette différence est due au fait que l’ensemble du bénéfice n’est pas redistribué aux actionnaires.

Une partie est capitalisée par l’entreprise, ce qui augmente sa valeur et donc son cours de bourse. Les 6% de rentabilité représentent donc pour une part la distribution de dividendes, et pour une autre part la hausse de la valeur de l’entreprise. Parfois, tous les bénéfices sont distribués, d’autres fois, aucun dividende n’est distribué.

Il existe donc une possibilité qu’un milliardaire ne puisse pas payer l’impôt si l’entreprise ne génère pas de cash (ex. : Mistral AI) ou si elle préfère ne pas distribuer de dividendes pour financer un investissement ou une acquisition. Dans ce cas, comment payer l’impôt ? Une solution pourrait être de payer en nature, c’est-à-dire en actions. Ces actions seraient versées par exemple à la Caisse des dépots. L’Etat se trouverait donc partiellement propriétaire de l’entreprise du milliardaire.

Dans le cas de Bernard, la question ne se pose pas. Il a le cash pour s’acquitter de l’impôt (c’est le cas la plupart du temps). Les entreprises distribuent beaucoup de dividendes.

https://fr.statista.com/infographie/33128/montant-des-dividendes-verses-par-an-en-france-et-dans-les-principaux-pays-ue

Mais si le milliardaire possède une entreprise qui ne génère pas de profits ou qui subit une crise ponctuelle, l’impôt pourrait être reporté sur les années suivantes ou payé en nature. Cette question est délicate et mérite un débat politique et technique.

On peut aussi décider de ne rien faire. Mais la conséquence est une accumulation sans limite et une concentration de plus en plus forte du patrimoine économique entre quelques mains. Cela risque de poser d’importants problèmes économiques et politique. On y est déjà.

David Cayla

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