La réforme des retraites va également toucher les trois fonctions publiques. Dans un document envoyé à l’ensemble des fonctionnaires de l’État, le gouvernement annonce la couleur : travailler plus longtemps pour 0 % d’augmentation des pensions ! La ligne est claire : économiser sur leur dos.
L’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge de départ sont identiques au secteur privé : 43 annuités et 64 ans pour les « sédentaires » (comprendre : administratifs). Les actifs et super-actifs (policiers, douaniers, soignants) devront quant à eux attendre respectivement leur 59ème et 54ème anniversaires pour partir en retraite au lieu de 57 et 52 ans. Le mode de calcul de la pension de retraite reste cependant inchangé (75% du dernier traitement brut hors primes).
Les fonctionnaires déroulent leur carrière au sein d’un corps (policier, professeur, inspecteur des finances publiques, etc.) qui comprend un ou plusieurs grades, eux-mêmes composés d’échelons. Le changement d’échelon est de droit (et se fait tous les deux à quatre ans), tandis que le changement de grade ne l’est pas et se réalise par cohortes limitées chaque année par concours, examen professionnel ou selon les bonnes grâces de l’administration. Autrement dit : il n’y a pas de place pour tout le monde !
C’est l’échelon qui détermine le montant du traitement brut et donc de la pension de retraite. Ainsi, pour les fonctionnaires arrivés au dernier échelon de leur grade à la veille de leurs 62 ans, le recul de l’âge de départ à la retraite ne leur permettra pas de bénéficier d’une meilleure base de calcul pour leur future pension !
Après la crise de la COVID-19, voici donc comment le gouvernement remercie les soignants des hôpitaux de leur dévouement !
En reculant l’âge de départ à la retraite, le gouvernent pénalise également les fonctionnaires, remplissant déjà toutes les conditions pour partir sans décote, qui décidaient de poursuivre leur activité de 62 à 64 ans pour bénéficier d’une surcote. Ceci amplifie donc l’arnaque du report de l’âge légal : ceux qui ont cotisé le plus longtemps auront perdu le plus de pouvoir d’achat dans leur vie active et pendant leur retraite ! Le gouvernent en a pleinement conscience, c’est pour cela qu’il propose aujourd’hui de discuter du report de l’âge maximal de départ à 70 ans !
Pour justifier cette réforme, le gouvernement met en avant le nécessaire équilibre du régime des retraites.
Mais les fonctionnaires bénéficient de leur propre régime de retraite (programme 741 de la loi de finances pour la fonction publique d’État et Caisse Nationale de retraite des agents des collectivités locales – CNRACL).
Diminuer les dépenses publiques, véritable objectif du projet Macron
Dans son rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique pour la loi de finances pour 2022, le ministère des finances (par sa Direction du budget) relevait qu’en 2020, le régime de la fonction publique d’État était bénéficiaire de 1,3 milliards d’euros et que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) était déficitaire de 1,473 milliards d’euros, notamment dû à la baisse du nombre de fonctionnaires dans les hôpitaux et les collectivités locales.
En somme, le régime de retraite est déficitaire de 173 millions d’euros, liées à la baisse du nombre de fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, en lien direct avec la casse de l’hôpital, la dégradation des finances locales imposées par les gouvernements macronistes, en lien avec leur exigence de voir baisser les effectifs dans les collectivités territoriales !
D’autre part, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) – dans son rapport de septembre dernier – reprend les hypothèses fournies par la Direction du budget. Le nombre de fonctionnaires serait fixe, sauf les 15 000 emplois dans les hôpitaux promis au Grenelle de la Santé. La nécessité d’embauche dans l’éducation, la santé, les soins aux jeunes enfants et aux personnes âgées dépendantes, la culture est oubliée. De 2022 à 2037, l’indice de la fonction publique perdrait 8,3% en pouvoir d’achat, alors que le pouvoir d’achat dans le privé augmenterait lui de 12,7%. Aucune leçon n’est tirée par l’exécutif de la dégradation de l’attractivité des emplois publics. Compte tenu de ces hypothèses, la part du traitement des fonctionnaires dans la masse totale des rémunérations passerait de 10,5% en 2022 à 7,8% en 2037. Cela présage donc d’une dégradation importante des pensions des fonctionnaires ; on comprend mieux pourquoi le ministre de la fonction publique s’est empressé d’envoyer un courrier électronique aux agents publics de l’État pour leur assurer que leur retraite à 1 250 euros bruts (pour les temps plein et les 43 annuités complètes) ne serait pas remise en cause.
Les économies ainsi espérées sur le régime des fonctionnaires grâce à la réforme Macron-Borne-Ciotti pourraient atteindre quelques 17 milliards d’euros, chiffre que le gouvernement n’affiche pourtant jamais et qui démontre ainsi en creux que l’objectif du projet n’est en rien la sauvegarde d’un système par répartition prétendument menacé de faillite (le COR et les économistes s’accordent à dire que c’est faux ou tout le moins « très exagéré » pour les plus indulgents) mais bien une diminution des dépenses publiques.
Les arguments du gouvernement sont concernant le rapport de l’État au régime général de plus en plus tendancieux : ainsi Bruno Le Maire prétend que l’État mettrait déjà au pot pour réduire le déficit des retraites – celui-ci si l’on en croit le ministre des finances creuserait donc le déficit de l’État –, ce n’est pas le cas, l’État ne subventionne pas le régime général : il paye simplement son dû en tant qu’employeur et, au regard du projet présenté, l’objectif du gouvernement est clairement de faire baisser cette dépense au détriment des pensions des fonctionnaires.
Pour équilibrer la CNRACL, il existe des alternatives : nous proposons d’augmenter les moyens alloués aux collectivités locales et aux hôpitaux afin de leur permettre de mener à bien leurs missions en embauchant plus d’agents, ce qui augmentera conséquemment le nombre de cotisants – et tout aussi vraisemblablement la qualité du service public !
Nous alertions déjà fin 2021 sur les liens entre l’Élysée et la Commission Européenne, qui avait « recommandé » à la France de réformer le régime des retraites et de l’assurance chômage – recommandation qui avait été prise en compte dans le Plan National de Résilience et de Relance présenté le 27 avril 2021 par le gouvernement à la demande de la Commission.
L’actualité sociale fin 2022/début 2023 ne fait que confirmer ce que nous disions alors.