« Nous ne sommes pas dans le même camp ».
Cette réponse du Préfet de police de Paris à une citoyenne Gilet jaune qui l’interpellait calmement dit la fracture entre la police française et le peuple qu’elle est censée protéger. C’est cette fracture qui ressurgit aujourd’hui à travers les manifestations contre les violences policières.
C’est entendu, les forces de l’ordre sont au front depuis des années et ont été sollicitées dans des conditions souvent extrêmes. D’abord face à la déferlante terroriste qui a sévi à partir de 2015. Puis dans l’encadrement des mouvements sociaux, de la colère des Gilets jaunes aux manifestations contre la réforme des retraites. Aujourd’hui encore, elle est sur le pont face à l’épidémie de coronavirus. Les policiers sont aussi des travailleurs et les logiques comptables de l’État libéral pèse sur leurs effectifs, sur leurs rémunération, sur leur organisation et leurs moyens de travail.
Comment et pourquoi sommes-nous passés, en quelques années, des applaudissements et de la reconnaissance légitime que leur ont témoigné les Français lors des attentats de Charlie Hebdo aux réactions parfois virulentes qui s’expriment aujourd’hui à leur endroit ?
D’abord, il y a une responsabilité éminente dans la chaîne de commandement. Depuis Nicolas Sarkozy, la plupart des ministres de l’Intérieur ont cédé aux coups de mentons et au discours martial, conférant à notre Police une mission centrée de façon exclusive sur sa dimension répressive. C’est un défaut originel de la police française qui, à travers son histoire, a trop souvent été comprise comme protectrice des institutions avant de protéger les citoyens. La suppression de la police de proximité ne disait rien d’autre qu’une défiance envers les citoyens, la conception d’une autorité autoritaire, qui s’impose sans consentement.
Cette dérive n’est pas un accident de l’histoire. Elle résulte du libéralisme lui-même qui, en organisant les systèmes de hiérarchisation sociale et en accentuant les inégalités, a besoin d’un Etat régalien fort pour préserver des institutions qui lui sont favorables et protéger le capital et les richesses concentrées dans quelques mains. La ligne Bolsonaro est la destination finale de cette approche : un système économique dérégulé confié aux grandes firmes privées et un Etat autoritaire qui protège les intérêts du petit nombre.
La restauration d’une police républicaine est une impérieuse nécessité car les violences et les débordements qui ont eu lieu dans plusieurs affaires ne sont pas excusables : si des policiers ont abusé de leur autorité allant jusqu’à attenter à la vie de citoyens, ils doivent être jugés et sévèrement punis. Au-delà, nous nous devons de comprendre politiquement les raisons de ces dérives, et Il faut ne pas hésiter à remettre en cause la hiérarchie, les ordres, le changement de stratégie impulsé par le haut depuis une dizaine d’années pour le maintien de l’ordre et leur apporter une réponse globale.
Par ailleurs, Il faut résister à la surenchère et aux raccourcis : la police française n’est pas raciste, mais il y a, sans aucun doute, des racistes dans la police, comme partout ailleurs, dans l’ensemble de la société.
Et comme partout dans la société, le racisme est un délit et la culture de l’impunité ou le laisser faire, comme le montre le développement d’un groupe facebook de 8000 policiers qui assènent des propos racistes, contribuent à généraliser le sentiment de racisme de la police dans l’opinion.
La sécurité est un droit pour tous les Français, mais ne peut être garantie que dans un cadre strictement républicain.