L’agriculture française doit s’adapter aux nouvelles conditions de production imposées par le changement climatique et par l’évolution de nos habitudes de consommation. Elle doit aussi assurer le renouvellement des générations d’exploitants et un revenu décent à leur famille.
Le monde rural et paysan ne peut donc pas se contenter des « rustines » présentées par Macron à l’ouverture du Salon de l’Agriculture.
La politique d’aménagement du territoire doit être relancée afin de permettre aux familles de vivre et de travailler dans nos campagnes. Les aides européennes ou nationales doivent être réformées afin de satisfaire les besoins de toute l’agriculture française, qui n’est pas seulement composée de grands céréaliers et d’éleveurs de porcins ou d’ovins empilés dans des fermes-usines. Notre agriculture est en effet infiniment variée et diverse, mais la PAC n’apporte que peu de soutien à bon nombre de ses filières, aujourd’hui menacées, comme les cultures méridionales ou de moyenne montagne, ainsi que les productions fromagère et viticole. Enfin, il est indispensable d’intégrer systématiquement l’agriculture biologique dans les projets alimentaires territoriaux.
Sur cet aspect majeur du bio, gardons à l’esprit les sévères conclusions de la Cour des comptes, dressées dans un rapport de juin 2022 : « l’Agence bio, principal opérateur de l’État pour la filière bio en France, ne dispose pas de moyens à la hauteur de ses missions, en particulier pour la communication. » Au-delà du volet com’, la Cour juge que « la politique de soutien à l’agriculture biologique reste insuffisante« .
À rebours de ces constats, le Gouvernement persiste dans sa politique de réduction des aides au maintien de l’agriculture biologique, alors que ce mode de production alimentaire est sans contestation possible le plus performant sur les plans sanitaire et environnemental. D’autant que les prospectives nationales et européennes montrent que généraliser l’agriculture biologique est possible et souhaitable, y compris du point pour restaurer notre souveraineté alimentaire. Cela nécessitera des mesures d’ajustement volontaristes et fortes, à la fois pour atténuer les effets à court terme sur les rendements ; et pour permettre aux consommateurs les plus défavorisés d’accéder au bio. Aujourd’hui, un consommateur français disposant d’un revenu médian (environ 1800€ net par mois) n’a pas les moyens de changer radicalement ses habitudes alimentaires.
La politique des revenus doit être conjuguée avec des mesures d’accompagnement spécifiques pour résorber ce fossé entre ceux qui peuvent se permettre de manger bio et ceux qui ne le peuvent pas. Rappelons que le budget moyen des ménages consacré à l’alimentation est d’environ 16% de leur revenu. Passer au bio intégral pourrait faire monter ce taux à 25%. Il faudra accorder à tous la possibilité de bien manger sans se ruiner.
La France s’est fixée une trajectoire d’augmentation de ses surfaces en bio (25 % en 2030, contre seulement 10 % aujourd’hui) et d’augmentation des produits bio dans la restauration collective (objectif 2022 : 20%, et nous n’en sommes qu’à… 6 %).
Mais les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) contenus dans la loi pour l’Avenir de l’Agriculture, supposés « relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines », oublient souvent d’associer les producteurs bio locaux ; et négligent toujours la protection de leurs ressources en eau. Or « quand la terre a soif, le monde a faim », écrit Erik Orsenna.
Pour gérer le plus intelligemment possible les déséquilibres présents et à venir de la ressource en eau, la planification est une nécessité vitale. Elle devra prévoir des régulations pour optimiser l’utilisation des eaux usées, ré-infiltrer les nappes, rénover les zones humides, relever les barrages, capter les eaux de ruissellement (particulièrement dans le bassin méditerranéen) et soutenir la recherche pour de futurs plants moins consommateurs d’eau. Parmi ces urgences, la rénovation complète des systèmes d’acheminement nous paraît prioritaire, car à ce jour, les fuites de canalisations laissent échapper plus de 20% de l’eau potable et d’irrigation.
Les enjeux de l’agriculture régionale et française sont vitaux pour les territoires, les citoyens, les professionnels et les générations futures, arrêtons de macroner et agissons vraiment !