Bernie Sanders a annoncé la fin de sa campagne présidentielle, distancé dans les sondages et dans le compte des délégués pour la course à la primaire démocrate par Joe Biden.
La campagne de Bernie Sanders était l’antithèse de tout ce qui a rendu inévitable l’échec du Parti Démocrate et de la sociale-démocratie européenne. Centrée sur les catégories populaires, elle visait à rendre au peuple américain le contrôle sur sa vie en luttant contre les inégalités et les forces du marché. Comme en 2016, la vigueur de sa campagne et son attrait auprès des jeunes sont gageurs d’espoir pour l’avenir. Les groupements qui se revendiquent du socialism ou du democratic socialism, deux termes à la connotation très forte en anglais, se multiplient, et la relève de ce mouvement semble être assurée par Alexandria Ocasio-Cortez, dont le rôle dans la campagne de Bernie Sanders a été central.
Maintenant, quelle campagne pour Joe Biden ? Suivra-t-il l’establishement démocrate dans l’abandon des questions sociales au profit d’un vague intersectionnalisme voulant fédérer les minorités sans y parvenir ? Ou bien voudra-t-il rassembler le peuple américain dans toutes ses composantes autour d’un projet politique social ? Se contentera-t-il d’utiliser Donald Trump comme épouvantail, ou bien se battra-t-il vigoureusement sans considérer que l’élection présidentielle lui est due ? Pour résumer en une question et suivant les analyses du politiste américain Thomas Frank, accompagnera-t-il le mouvement des élites financières vers le Parti Démocrate et des classes populaires vers le Parti Républicain, ou bien luttera-t-il vigoureusement pour que les démocrates redeviennent the Party of the People ?
Toutes ces questions sont en suspens, tant la crise du coronavirus l’a astreint à un silence médiatique prolongé. Celle-ci est l’occasion rêvée pour un démocrate de porter un projet de lutte contre la financiarisation et la privatisation de la santé aux Etats-Unis, qui décuplent les effets du virus et placent les pauvres dans des conditions sanitaires inacceptables. L’espoir Sanders étant passé, il ne reste qu’à attendre de savoir si Biden sera la énième déception d’un parti en lequel les classes populaires ne croient plus. Joe Biden a un lourd passé de centriste acquis aux forces du marché. Dans les années 1980, il a fait partie de ceux qui ont voulu réorienter la ligne du parti vers la fin du modèle rooseveltien de dépenses publiques et de sécurité sociale, ce qui aboutit à la présidence néolibérale de Bill Clinton. Il est lui-même sénateur du Delaware, paradis fiscal américain qui permet aux entreprises des Etats-Unis de ne pas payer l’impôt dû à la collectivité. Un tel héritage n’est guère enthousiasmant, à lui de démontrer qu’il saura être à la hauteur des enjeux. Avec le retrait de Sanders c’est un espoir de battre Trump qui s’envole en même temps que celui de nouvelles relations entre les USA et le reste du monde.