Article paru dans Sud-Ouest, vendredi 27 septembre 2024 – Aurélie Champagne
La place située devant le lycée Charles-Despiau portera désormais le nom du professeur d’histoire assassiné le 16 octobre 2020 devant le collège où il enseignait, dans les Yvelines
Tellement de messages et symboles derrière un seul nom. « La laïcité, la liberté
d’expression, la lutte contre le fanatisme et l’obscurantisme… Samuel Paty représente à
lui seul tous les principes républicains, résume Céline Piot, élue d’opposition représentant la gauche républicaine et socialiste. Je considère que l’honorer, c’est honorer la République. »
Quatre ans après ce funeste 16 octobre 2020 où le professeur d’histoire géographie a été assassiné devant le collège où il enseignait, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), le Conseil municipal de Mont-de-Marsan a voté hier [le 26 septembre 2024] une délibération actant la création d’une place Samuel-Paty, devant le lycée Charles-Despiau.
«La France aurait dû se lever »
« On a choisi cette place-là pour la symbolique, souligne le maire Charles Dayot. Elle est à proximité d’un lycée public, elle est visible, il y a du passage. L’idée est née d’un échange avec Céline Piot, particulièrement sensibilisée à cette question. Il nous semblait intéressant et important de la suivre. Il fait bon vivre ici, et justement, parce qu’on veut que ça dure, il faut se donner les moyens, communiquer, sensibiliser. Cette place, c’est aussi une façon de montrer notre soutien vis-à-vis des enseignants qui permettent d’épanouir notre jeunesse, de faire des citoyens de demain. »
Un soutien qu’a apprécié Céline Piot. Pour l’ancienne professeure d’histoire géographie – elle a enseigné durant quinze ans au lycée Charles-Despiau, de 2000 à 2015 – aujourd’hui maîtresse de conférence en histoire, référente laïcité pour l’Inspe (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation) de l’Académie de Bordeaux, Mont-de-Marsan ne pouvait pas faire l’impasse sur cet hommage à Samuel Paty.
« J’ai été choquée de voir que sur 36 000 communes, à peine 50 avaient eu le courage de décider de baptiser une rue, une place ou autre du nom de Samuel Paty. Je me suis dit, ce n’est pas possible, il faut que Mont-de-Marsan y soit. C’est extrêmement choquant de voir
qu’en France un professeur est assassiné pour avoir fait son métier. Mais ce qui est encore plus choquant, c’est qu’il n’y ait pas eu de véritable mouvement. La France aurait dû se lever beaucoup plus qu’elle ne l’a fait au moment de son assassinat. »
Avec d’autres élus de la gauche républicaine et socialiste, décision est prise d’écrire aux maires pour les inciter à baptiser une artère publique. Ce qu’elle-même a fait, le 30 septembre 2023. « Et je suis contente que le maire ait accepté. » Plusieurs événements retardent néanmoins cette initiative, au premier rang desquels l’assassinat de Dominique Bernard, le 13 octobre 2023 à Arras, qui replonge la France dans l’effroi. Puis sont venues les élections européennes, la dissolution de l’Assemblée nationale « qui nous a amenés à un devoir de réserve », les législatives…
«Un levier politique »
Fin août, les choses s’accélèrent : la place Samuel-Paty sera inaugurée le 16 octobre, quatre ans jour pour jour après son assassinat, et quelques jours avant l’ouverture du procès des huit majeurs accusés d’être impliqués dans la mort du professeur devant la cour d’assises spéciale de Paris (du 12 novembre au 20 décembre).
« Même si cela intervient quatre ans après les faits, nous ne sommes pas dans l’après Samuel Paty, nous sommes toujours dans le ‘‘pendant Samuel Paty’’, parce que les problèmes n’ont pas été réglés, reprend Céline Piot. On a toujours de la menace terroriste, il y a un retour du fanatisme et on reparle même de blasphème. Il faut montrer le côté positif, propulsif de la laïcité. Un nom de rue, c’est un levier politique, pas simplement un lieu de
mémoire. La France, c’est le pays des Lumières et l’objectif de cette cérémonie, c’est de montrer que justement, les lumières ne s’éteindront pas. »