Une profonde transformation du paysage des entreprises du secteur de l’eau, des déchets et de l’économie circulaire est en cours. C’est un secteur clef pour notre souveraineté nationale et pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Or cette transformation s’est jouée en quelques jours dans un Monopoly capitalistique, face auquel la puissance publique s’est montrée impuissante.
Cette situation est d’autant plus inacceptable que l’État détient 23,64 % du capital d’ENGIE et 34,3 % des droits de vote théoriques. L’intervention et la vigilance publique étaient d’autant plus nécessaires que les activités concernées impactent la gestion de Biens Communs.
Voilà des mois que Bruno Le Maire est moqué sur les réseaux sociaux avec le mot-dièse #BrunoDemande ; la parole de l’État en matière industrielle a donc atteint un niveau de démonétisation terminale : ses admonestations à ne pas se précipiter dans cette affaire, tout en en soutenant de manière contradictoire l’intérêt, ont donc fini « en eau de boudin » : les instances d’ENGIE ont fini par accéder à l’exigence de VEOLIA avec le soutien des représentants CFDT. Cette démonétisation est d’autant plus dramatique que la parole du ministre de l’économie fut tout au long des négociations sapée par celle de l’Élysée. C’est la conséquence d’un déséquilibre institutionnel donnant plus de pouvoir à un fonctionnaire au cabinet présidentiel qu’à un ministre, qu’on avait déjà observé lorsque le secrétaire général adjoint Macron sapait les efforts du ministre Montebourg sur le dossier des hauts fourneaux.
Le rachat de Suez par Veolia aboutira de fait en France à la constitution d’un grand monopole privé dans la gestion de l’eau et des déchets. Or, s’il y a situation de monopole – surtout dans ce secteur –, celui-ci doit être public. Et si tel n’était pas le cas, il était préférable qu’il existe une concurrence saine entre entreprises françaises capables d’organiser une stimulation positive plutôt qu’une compétition destructrice.
Mais plus encore, la logique qui sous-tend le projet de Veolia conduira à court et moyen termes à l’introduction d’opérateurs étrangers qui occuperont l’espace de la libre concurrence. Tous les exemples précédents démontrent que cela aboutit à un accroissement significatif de la pénétration des entreprises étrangères en France. Cela ne sera pas sans conséquences négatives sur nos recettes fiscales, sur l’emploi et les conditions sociales des salariés français de ces entreprises et enfin sur la maîtrise technologique et la Recherche & Développement (car Veolia pour respecter les règles de la concurrence se séparera d’une partie des activités de Suez à l’international qui avait permis à cette société de construire des coopérations mondiales dans ce domaine).
Toute cette affaire pose donc une grave question de souveraineté nationale :
- d’une part, une pénétration accrue de notre marché par des sociétés étrangères ;
- d’autre part, et paradoxalement, une mise à mal des synergies qu’ont su construire Veolia et Suez entre activités nationales et internationales, en particulier en matière de développement technologique.
Ce regroupement aura des conséquences négatives pour l’emploi, que ce soit pour les fonctions « support » nationales ou régionales mais aussi dans les agences locales.
Il fait enfin porter un risque important sur la nécessaire diversité des solutions à mettre en œuvre dans le domaine de l’économie circulaire, où un modèle unique pourrait s’imposer, en choisissant de privilégier un modèle hyper-mécanisé et spécialisé, plutôt que de le faire cohabiter avec des centres locaux, plus diffus, plus mixtes mais dont le spectre des produits traités est plus large. Or ce sont des choix majeurs sur le chemin pour engager la transition écologique, pour favoriser l’emploi et les compétences, et pour soutenir le développement local.
La Gauche Républicaine et Socialiste exprime donc son opposition à l’absorption de Suez par Veolia. Elle défend l’idée qu’il ne saurait être possible d’imposer un monopole privé sur la gestion de l’eau et des déchets, tout monopole en ces matières ne pouvant être que public. Enfin elle promeut le retour à une véritable politique industrielle de la France, totalement abandonnée depuis 2014, qui seule peut stopper la désindustrialisation, permettre les relocalisations et engager notre pays vers des stratégies d’avenir en lien avec la nécessaire transition écologique. Il sera du devoir du prochain gouvernement de gauche de nationaliser le nouveau groupe, dans le cadre d’une stratégie offensive de reconquête industrielle.