Malgré les déclarations de Jean-Michel Blanquer sur les plateaux de télévision qui visent à rassurer, donnant parfois dans l’autosatisfaction, c’est tout de même un certain flou artistique qui règne encore en cette rentrée scolaire , avec ses zones d’incohérences,d’injonctions contradictoires et le sentiment , comme au printemps dernier, que le ministère de l’Éducation nationale continue de naviguer à vue dans ses dispositifs anti Covid au moment même où les chiffres de l’épidémie sont en forte hausse depuis plusieurs jours, laissant le soin aux collectivités locales et à chaque chef d’établissement de faire ses choix !
Masques obligatoires pour tous mais on ne les finance pas pour les élèves, l’achat sera à la charge des familles, ce qui est une cause d’injustice sociale ; difficultés pour le lavage des mains au vu du faible nombre de lavabos disponibles dans beaucoup d’ établissements scolaires, le lavage étant pourtant un des gestes que les élèves et les personnels scolaires devront respecter plusieurs fois par jour afin de faire barrière au coronavirus (il devient même le seul geste sanitaire réel sur lequel repose le nouveau protocole avec le port du masque puisque le nettoyage des locaux et du matériel partagé est considérablement allégé désormais ) !
Interrogations aussi quant aux mesures de distanciation sociale. En effet, le protocole préconise de mettre en place les distanciations physiques mais dans le même temps précise qu’elles seront respectées « seulement si c’est possible ». On quitte le domaine des recommandations médicales pour rentrer dans les préoccupations d’accueil du plus d’élèves possible. Où est la logique sanitaire ? Il faut dire que de nombreux établissements scolaires ne sont pas dotés de salles permettant une distance d’un mètre entre chaque élève.
Il en résulte que la règle sera celle du cas par cas, prenant parfois la forme d’une usine à gaz (avec des sens de circulation à intérieur des établissements bien compliqués à respecter par les élèves pour éviter leur brassage…)…Il est singulier d’avoir une telle sensation d’impréparation et de manque de cohérence après la pause de l’été .
Le protocole sanitaire de juillet a très vite paru caduque mais il aura fallu attendre 3 ou 4 jours seulement avant la pré-rentrée des enseignants pour qu’il soit réactualisé. Le nombre d’élèves par classe reste souvent très élevé et ne permet pas la constitution de petits groupes ni de protocoles de remédiation efficaces, faute de moyens supplémentaires alloués.
Qu’en sera-t-il par ailleurs des personnels symptômatiques ?
Le principe d’une journée de carence continuera-t-il à être appliqué ?
Si c’est le cas beaucoup de personnels se sentiront contraints ainsi à se rendre sur leur lieu de travail malgré l’apparition de symptômes …
Quid de la situation des personnels « vulnérables » dont il n’est plus question nulle part, sommés de retourner en présentiel malgré les risques pour leur santé alors même qu’un décret a restreint cet été la liste des pathologies reconnues ?
Beaucoup d’angles morts apparaissent encore dans la dernière version du protocole sanitaire . Ainsi, les spécificités de certaines disciplines (EPS, Arts Plastiques, Education Musicale, Sciences) n’ont pas été pensées, et la responsabilité est renvoyée au local, une fois de plus.
Enfin, la contrainte du port du masque, toute la journée en continu, désormais pour les enseignants également ,frein à la communication dans un métier qui consiste essentiellement à parler risque d’être rapidement problématique et éprouvante. La GRS demande au gouvernement de fournir gratuitement aux familles les masques nécessaires à leurs enfants et de mieux prendre en compte les difficultés et contraintes des enseignants qui sont exposés à des risques de santé dans ce contexte sanitaire particulier .
Dans ce contexte si particulier , après une fin d’année scolaire 2019-2020 perturbée, les manques de personnels qui sont face au élèves vont se faire particulièrement ressentir .
Il faudrait plus que jamais recruter des enseignants et des personnels de vie scolaire pour accompagner les élèves dans cette année à gros enjeu et pourtant rien n’a été fait en ce sens.
Une des grandes questions de cette rentrée demeure par ailleurs, de l’aveu même du ministre de l’Education nationale, celle de l’attractivité du métier d’enseignant . Elle constitue un réel frein pour le recrutement de nouveaux enseignants. Le nombre de candidats aux concours de l’Education nationale ne cesse de baisser depuis 10 ans, de nombreux jeunes professeurs stagiaires préfèrent renoncer à leur poste et démissionner notamment pour des motifs géographiques (mutation loin de chez eux…) , n’acceptant plus les mêmes conditions ou contraintes d’exercice du métier que leurs aînés pour le salaire proposé . La réponse du gouvernement prend la forme de la promesse d’un « Grenelle » qui aurait pour but notamment d’aborder la question du salaire des enseignants français, bien en retrait par rapport à celui de la majorité de leurs collègues en Europe (le salaire des profs français reste bien en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE, avec un écart marqué pour les débuts de carrière mais pas uniquement, au bout de 15 ans de carrière par exemple le salaire des professeurs du second degré est inférieur de 17% à la moyenne de l’OCDE).
Cependant l’enveloppe budgétaire qui serait dédiée à cette revalorisation ne se monterait qu’à 400 millions d’euros, ce qui, rapporté au million de personnel de l’Education nationale (1,1 million en 2018, dont 728000 enseignants travaillant dans le public ,1er ou second degré) ne serait pas en mesure de changer en profondeur la situation ni même de rattraper la baisse continue de pouvoir d’achat qui a frappé ce métier depuis près de 40 ans. Rappelons que le niveau de vie des enseignants doit aussi être analysé au regard de leur niveau d’étude élevé (bac + 5, fonctionnaires de catégorie A) et de conditions de travail qui se dégradent d’année en année. Les professeurs, dont le point d’indice est gelé depuis 2010 (brièvement revalorisé entre 2016 et 2017), se sentent de plus en plus lésés et souffrent d’un sentiment de déclassement social . La volonté du ministre de ne pas vouloir remettre en cause ce gel du point d’indice n’augure rien de bon.
Rappelons qu’en 20 ans, les enseignants ont perdu l’équivalent de 2 mois de salaire par an et que les professeurs débutants commençaient en 1980 avec l’équivalent de 2 SMIC contre 1,2 seulement aujourd’hui , ce qui les rend éligibles à présent à la prime d’activité, mesure qui relève des dispositifs de lutte contre la pauvreté !
La Gauche Républicaine et Socialiste demande au gouvernement de faire enfin de l’éducation une priorité et de proposer des mesures propres à redonner de l’attractivité au métier d’enseignant, ces mesures devant passer par la revalorisation du point d’indice et par un plan de rattrapage des pertes de pouvoir d’achat subies ces dernières années.