Bruno Le Maire a indiqué dans Le Parisien dimanche 3 décembre que le gouvernement veut s’attaquer à nouveau aux droits des salariés au pas de charge, en vue du vote de la loi Pacte II prévue début 2024. « Un recours contre l’entreprise reste possible pendant 12 mois. Il est important que les salariés puissent être protégés, mais ce délai est trop long ». L’objectif du ministre de l’économie est de réduire ce délai de recours à 2 mois…
Depuis la fin des années 2000, la prescription en matière de contestation de la cause réelle et sérieuse du licenciement a déjà été drastiquement réduite. En 2008, une loi l’avait divisée par six, de 30 ans à 5 ans. Puis en 2013, une autre loi avait entériné son passage à 2 ans. Aussitôt après l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, l’ouvrage a été remis sur le métier. Une baisse à six mois avait été initialement envisagée mais devant la levée de boucliers des syndicats, c’est le passage à un an qui avait été finalement retenu dans la réforme du Code du travail.
La proposition de Bruno Le Maire ne suscite aucun enthousiasme du côté des employeurs. Pourtant enclines à dénoncer les risques de contentieux, aucune des trois organisations patronales (Medef, CPME, U2P) n’est demandeuse d’une telle réduction des délais. Il faut dire que la succession des réformes du code du travail depuis Nicolas Sarkozy (quinquennat Hollande inclus évidemment avec les lois Macron et El Khomri) ont sérieusement déséquilibré le rapport de force en faveur du patronat. Après la création des ruptures conventionnelles en 2008, les ordonnances Macron de 2017 ont sérieusement desserré la pression judiciaire sur les employeurs, avec le plafonnement du montant des dommages et intérêts : le nombre de nouvelles affaires aux prud’hommes a baissé de 44% entre 2015 et 2022, car les salariés n’ont en réalité plus grand chose à attendre de ces instances. Procéder à un licenciement abusif – c’est-à-dire illégal ! – ne coûte plus grand chose…
L’ensemble des organisations syndicales de salariés ont dénoncé cette nouvelle sortie du gouvernement par la voix de son ministre de l’économie et nous partageons leur colère. En effet, ne pas laisser aux salariés le temps de constituer un dossier recours – deux mois, c’est trop court pour sortir de la sidération, se renseigner sur ses droits et pouvoir contester à temps – ne peut que favoriser les patrons voyous ; les cas de licenciement abusif risquent donc de se multiplier … encore.
En réalité, la remontée des chiffres du chômage inquiète le gouvernement qui voit s’éloigner l’objectif des 5% en 2027. Emmanuel Macron et ses gouvernements ont toujours été acquis à une vision idéologique du marché du travail et de l’activité économique… Récemment encore le Chef de l’État déclarait au patronat « Réveillez-vous ! » son raisonnement est à la fois transparent et parfaitement irrationnel… Emmanuel Macron et le centre libéral-autoritaire qui le soutient sont convaincus d’avoir « fait le job », « j’ai précarisé les travailleurs, j’ai flexibilisé le marché du travail, j’ai pénalisé les chômeurs, c’est à vous de nous faire passer de 7,4 à 5%. » Or la facilitation des licenciements, l’indulgence accrue pour les écarts aux codes du travail, la flexilibisation du marché du travail, tout cela ce sont des stratégies qui ont été entamées dans les années 1990 et qui ne fonctionnent pas. Elles ont en réalité donné peu de résultats et une nouvelle étape n’en donnera pas plus. La maltraitance à l’égard des salariés, la casse du droit du travail et la précarisation des travailleurs vont assurément encore dégrader le climat social, mais cela ne créera pas d’emplois, pas plus que cela n’en a créé auparavant d’ailleurs. Et cela ne peut tenir lieu d’une véritable politique industrielle qui manque toujours à la France.
Construire le plein-emploi de demain ne se fera pas en renforçant l’exploitation : non ! Nous voulons une société de citoyennes et de citoyens émancipés, fiers de ce qu’ils apportent à la société, fiers du fruit de leur travail.
Cela passe par des salaires justes, par des protections sociales et juridiques fortes, par la participation des travailleurs aux décisions économiques et par un État qui s’engage aux côtés des entreprises dans la reconquête de nos capacités productives.
Frédéric Faravel