Cessez-le-feu au Haut-Karabakh : la crainte d’un nettoyage culturel est avérée

Un cessez-le feu a été imposé dans la région du Haut-Karabakh qui entérine les conquêtes militaires de l’Azerbaïdjan.

Après les tensions post-soviétiques qui avaient abouti à une guerre ouverte dans les années 1990, le Haut-Karabakh, enclave d’Arméniens au sein de l’Azerbaïdjan, avait acquis une indépendance de fait. Pour protéger cette indépendance, l’Arménie occupe militairement non seulement cette région, mais aussi la zone frontalière afin de garantir un corridor de sécurité.

En 2016, l’Azerbaïdjan avait mené une offensive militaire, brisant l’accord de paix en place depuis 20 ans. Si le conflit avait été de courte durée, il marquait le début d’une opération de reconquête par l’Azerbaïdjan, galvanisé par l’expansionnisme de son allié turc, des territoires protégés par l’Arménie.

Cette fois-ci, les pertes territoriales sont importantes pour le Haut-Karabakh. Non seulement l’Azerbaïdjan reprend le contrôle du corridor de sécurité et isole le Haut-Karabakh de l’Arménie, retrouvant ainsi le contrôle d’une partie de sa frontière sud avec l’Arménie, mais il occupe désormais une partie du Haut-Karabakh lui-même, à savoir la ville de Chouchi.

Cet accord de paix va permettre à la Russie, restée nominalement neutre dans ce conflit, d’accroître son influence. L’accord de paix prévoit de maintenir un corridor de 5 km de large entre l’Arménie et le Haut-Karabakh, qui sera sous contrôle russe, alors que précédemment il s’agissait de tout l’espace entre Arménie et Haut-Karabakh qui était sous contrôle arménien. Par ailleurs, afin de désenclaver le Nakhitchevan, coincé entre Arménie et Turquie mais coupé de l’Azerbaïdjan, un corridor de 5 km va être mis en place dans le territoire arménien, aussi sous contrôle russe. La Russie semble avoir voulu donner une leçon au gouvernement arménien qui est le fruit d’une « révolution orange » anti Russie. Si elle a réussi cela, elle n’en sort pas totalement gagnante pour autant. En effet, elle a entériné l’avancée azérie et donc néo-ottomane, ce qui est un signe de faiblesse. Par ailleurs, être responsable d’une sorte de couloir de Dantzig met la Russie dans une situation de cible facile pour les activistes azéris remontés qui, à chaque fois qu’ils porteront atteinte à l’accord-en fait mettront la Russie devant le choix d’agir ou de laisser faire. Et chaque laisser-faire sera un signe de faiblesse. La Russie est donc gagnante dans son rapport au gouvernement arménien actuel mais pas sur le plan géo-politique à court-moyen terme.

Le grand gagnant de cet accord de paix est le pôle turco-azerbaïdjanais. L’expansionnisme turc avait déjà touché la Mer Egée, la Lybie et le Kurdistan syrien. Il a désormais atteint l’Arménie et le Haut-Karabakh. Si la volonté de l’Azerbaïdjan de mettre fin à l’occupation de terres qui n’étaient pas peuplées par des Arméniens avant le conflit des années 1990 et de garantir un accès à la région isolée du Nakhitchevan peut paraître légitime, il ne faut pas se leurrer quant à la guerre culturelle qui est menée.

La Turquie a envoyé combattre des djihadistes qui étaient leurs alliés dans les conflits syrien et libyen. Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité dont ont été victimes les chrétiens de Syrie et d’Irak, et la destruction par les djihadistes du patrimoine culturel des chrétiens d’Orient, ont effrayé les Arméniens chrétiens, qui ont fui les zones occupées par les forces azerbaïdjanaises et djihadistes. La ville de Chouchi est emblématique de cette opération de nettoyage culturel, car victime en 1920 d’un pogrom anti-arménien qui avait fait plusieurs milliers de morts. Son occupation a déjà occasionné des destructions culturelles majeures : sa cathédrale a été sciemment bombardée, et des opérations de profanation et de destruction culturelle sont en cours.

Il est plus que probable que ce cessez-le-feu ne durera pas. La volonté de l’Azerbaïdjan et de la Turquie ne se limite pas à la reconquête des territoires azéris. C’est désormais le Haut-Karabakh lui-même qui est menacé de nettoyage ethnique et culturel. L’ultra violence contre les Arméniens est monnaie courante dans les deux pays, et ne se limite pas à des postures rhétoriques.

Si la Russie garantit l’intégrité territoriale du territoire arménien, sa position durant le conflit rappelle qu’elle ne protègera par les Arméniens du Haut-Karabakh. La Turquie, elle, sera d’un soutien sans faille à son allié azerbaïdjanais et n’hésitera pas à étendre la sphère du Djihad à cette région, avec les massacres et crimes culturels associés.

Face à cette situation dramatique, la Gauche Républicaine et Socialiste regrette l’abandon géopolitique de l’Arménie et la neutralité de la France dans ce conflit. Nous alertons quant aux volontés expansionnistes d’Ankara, et nous appelons à ce que, dans l’optique plus que probable d’un nouveau conflit, nous défendions sans faille les habitants du Haut-Karabakh menacés de nettoyage ethnique.

Violences faites aux femmes : #SauvonsLe3919

La Gauche Républicaine et Socialiste s’associe à La Fédération Nationale Solidarités Femmes, association issue d’un mouvement de lutte contre les violences faites aux Femmes et notamment conjugales depuis 1973 et qui gère le numéro d’appel national 3919.
Le 3919 c’est une trentaine de salariés qui reçoit environ 2 000 appels par semaine, chiffre qui est monté à 7 000 pendant le premier confinement. Leur travail a été salué par le président de la République lui-même, et pourtant la pérennité de leur action est aujourd’hui remise en cause.

Le Grenelle sur les violences a proposé d’ouvrir le 3919 24/24h, mais les moyens financiers proposés ne permettent absolument pas la continuité de cette action.
Pire la décision de mettre en concurrence avec le privé l’opérateur historique ne peut qu’aggraver la situation. En effet, le gouvernement menace ainsi de faire passer l’expertise, la qualité d’écoute au second plan et de répondre à la logique quantitative du marché.

Nous demandons le retrait de cette logique de mise en concurrence et exigeons des moyens financiers supplémentaires au niveau suffisant garantir la continuité du 3919 et son extension 24h/24. Nous demandons à chacun de signer la pétition #SauvonsLe3919, soutenons les associations de lutte contre les violences faites aux femmes qui fait elle-même écho à la tribune publiée hier dans Libération à laquelle nous nous sommes associés.

Hommage à Daniel Cordier

Daniel Cordier est mort.

Avec lui disparaît un des grands témoins de la Résistance et de l’évolution de notre pays au cours du siècle écoulé.

En 1940, l’armée française, vainqueur des Allemands en 1918, s’effondre en quelques semaines ; tout un peuple est hébété par cette défaite fulgurante qui met en péril l’existence même de la France.

La volonté de ne pas se résigner à la victoire du nazisme dépasse les obédiences politiques, et des hommes de droite comme de gauche s’engageront dans une Résistance aux multiples facettes pour le même motif : assurer l’avenir d’une France indépendante et la défaite d’une idéologie infâme.

Daniel Cordier a 20 ans en 1940. Il est royaliste et maurassien, et par conséquent il appartient à une extrême-droite qui, si elle a manifesté une certaine admiration pour le Reich d’Hitler et l’ordre illusoire qui y règne, n’a jamais été à l’aise avec son matérialisme et ses inclinations révolutionnaires.

Mais cette fascination ne pouvait survivre à la défaite du pays, et pour un homme tel que Cordier l’engagement, réel et concret, qui implique que l’on risque sa vie pour une cause, était une nécessité.

Alors Cordier rejoint très vite le général de Gaulle, puis entre au service de Jean Moulin, le grand organisateur de la Résistance sur le territoire national. De cette activité aux implications considérables, qui a coûté la vie à son chef, Daniel Cordier entretiendra le souvenir en s’efforçant de ne pas tomber dans la grandiloquence et en respectant un véritable devoir d’histoire pour les générations futures.

L’influence de Jean Moulin sur la vie de Cordier n’était pas que politique et morale, mais aussi artistique. De sa rencontre avec le grand homme, Daniel Cordier avait acquis une connaissance très fine de l’art moderne, qu’il s’efforça de défendre, non sans difficulté croissante dans une France de moins en moins soucieuse de promouvoir sa vie artistique.

La vie de Daniel Cordier ne mérite pas seulement notre hommage pour son engagement courageux dans la Résistance : l’évolution de ses idées politiques est à nos yeux l’expression d’une réflexion conséquente et pleine de bon sens, au cours de laquelle il renoncera à ses attachements maurassiens pour défendre la République contre l’extrême-droite.

Daniel Cordier aimait son pays, mais il n’était que trop conscient de la menace que le nationalisme exacerbé et la haine de l’autre pouvait représenter pour voir dans le fascisme et l’autoritarisme des moyens de régler les problèmes de notre société, et son engagement pour le progressisme a été sans faille dans les dernières années de sa vie.

Pour Daniel Cordier, la République était non seulement l’avenir de la France, à la fois comme grande idée et comme réalité concrète, mais aussi celui de toutes celles et ceux qui constituent son peuple.

Ce soir la Gauche Républicaine et Socialiste rend hommage à Daniel Cordier, à l’homme qu’il a été, à son engagement dans la Résistance et à son cheminement politique.

Universités de la Gauche Républicaine

La Gauche Républicaine et Socialiste (GRS), Les Radicaux De Gauche (LRDG), République & Socialisme et le Parti de Gauche Européen organisent les samedi 21 et dimanche 22 novembre les Universités de la Gauche Républicaine en live.

Nos organisations ont convié l’ensemble des partis et mouvements de gauche (PCF, LFI, PS, EELV, Génération.S…) ainsi que des personnalités (sociologues, économistes, chercheurs, auteurs…) autour de 6 tables rondes qui seront diffusées en live par un dispositif exceptionnel sur les principales plateformes numériques (Facebook, Twitter, Youtube).

Une interview d’Arnaud Montebourg sera diffusée samedi à 14h15.

Vous pouvez retrouver l’ensemble du programme, des partenaires et des intervenants sur https://g-r-s.fr/les-universites-de-la-gauche-republicaine/.

Contact presse : Anthony Gratacos 06 23 53 50 47

Catastrophe aux Antilles

Depuis quelques semaines les Antilles, notamment la Martinique et la Guadeloupe, sont frappées par une fin de saison cyclonique très intense suite au passage de l’onde tropicale n°48. Elles sont, d’ailleurs, placées en vigilance orange depuis ce mardi. Plusieurs communes de ces deux territoires sont actuellement dans une situation très difficile avec :

 des glissements de terrains endommageant de nombreuses maisons et obligeant des familles entières à quitter leur domicile;

 des fermetures de nombreux axes routiers à la circulation, limitant ainsi les déplacements ou coupant des personnes du reste du monde dans plusieurs parties des deux territoires;

 des coupures sur le réseau d’eau potable, notamment en Martinique où 40 000 habitants pourraient être privés d’eau dès ce vendredi ;

 des inondations causées par la montée des eaux et des coulées de boue dans des habitations.

Même si la position géographique des Antilles au sein l’arc Caribéen fait qu’elles sont habituellement touchées par des catastrophes météorologiques, force est de constater que celles-ci s’amplifient d’année en année, signe d’un dérèglement climatiques évident. N’oublions pas que leurs voisines, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ont encore du mal à se relever après le passage du cyclone Irma en 2017. Cet épisode météorologique et climatique ajoute des drames aux drames existants pour les populations.

En effet, les Antilles connaissent des problématiques sanitaires liées à la pollution d’une grande partie des sols par la chlordécone, la recrudescence des épidémies de Covid-19 et de dengue ou encore les effets négatifs du confinement sur leur tissue socioéconomique, pourtant déjà en proie à des difficultés structurelles. Il est important que les autorités locales et l’Etat puissent tout mettre en œuvre afin que la situation ne se dégrade pas.

Ils doivent en outre participer activement au renforcement de la coopération régionale en matière de gestion des crises climatiques avec les pays situés dans leur bassin géographique.

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte son entier soutien à nos concitoyens de la Martinique et de la Guadeloupe et notamment aux familles sinistrées suite à ces épisodes de fortes intempéries.

Quelques chiffres :

GuadeloupeMartinique
• Nombre d’habitants : 376 879 • Démographie : -1,16% / an • Superficie : 1 628 km² • Produit Intérieur Brut : 9,1 milliards € • Taux de croissance annuel avant 2020 : 3,4% (2018) • PIB/habitants : 23 353 € • Revenu disponible/habitants : 15 700 € • Taux d’inflation : 1,4% • Consommation ménages/habitants : 10 400 € • Epargne bancaire : 8127,35 millions € • Emploi : 130 000 • Taux chômage : 23% Effets du 1er confinement sur l’économie : • -7,7% de la Valeur Ajoutée Marchande • -5,1% de la Valeur Ajoutée Totale• Nombre d’habitants : 358 749 • Démographie : -1,30% / an • Superficie : 1 128 km² • Produit Intérieur Brut : 8,9 milliards € • Taux de croissance annuel avant 2020 : 1,2% (2018) • PIB/habitants : 24 411 (2018) • Revenu disponible/habitants : 17 200 € • Taux d’inflation : 1,6% • Consommation ménages/habitants : 14 200 € • Epargne bancaire : 8380,24 millions € (2019) • Emploi: 133 000 • Taux chômage : 18% (2019) Effets du 1er confinement sur l’économie : • -6,6% de la Valeur Ajoutée Marchande • -4,4% de la Valeur Ajoutée Totale

Raccommoder une Amérique déchirée

Il aura fallu quatre jours pour que le monde connaisse le résultat du vote des électeurs américains du mardi 3 novembre dernier. Ils étaient appelés à se prononcer sur la présidence des États-Unis, les membres de la Chambre des Représentants (chambre basse), les deux tiers du Sénat, et sur toute une série de référendums locaux… La complexité de ce système électoral, l’importance prise cette année par le vote par correspondance à cause de la pandémie (plus de 100 millions d’électeurs), et la tension politique de cette campagne expliquent les délais et le suspense dans la récolte des résultats.

C’est aussi une élection hors norme du point de vue américain lui-même, puisque le taux de participation a atteint quelques 66%, 10 points de plus qu’en 2016, niveau jamais atteint depuis 120 ans. Cette participation en forte hausse s’est portée sur chacun des camps en présence. Joe Biden, avec 76,3 millions de voix, engrange plus de suffrages qu’aucun candidat à la présidence des États-Unis avant lui, soit 10 millions de plus qu’Hillary Clinton en 2016 ou Barack Obama en 2012, et 7 millions de plus que celui-ci en 2008.

Mais la surprise vient d’abord de Donald Trump, qui avec plus de 71 millions de suffrages franchit également ce record en gagnant plus de 8 millions de voix supplémentaires par rapport à son score de 2016, progressant dans de nombreux secteurs de l’électorat. Il n’y a pas eu de vague démocrate, le président sortant et les candidats républicains à la Chambre et au Sénat font mieux que résister. Si les Démocrates conservent leur avance en nombre de Représentants, ils voient leur majorité se réduire d’une dizaine de sièges ; les résultats au Sénat sont plus ambivalents, car pour le moment les Démocrates et leurs alliés « indépendants » font jeu égal avec les Républicains avec 48 sièges, la majorité dépendant des résultats pour le moment des deux sièges de la Géorgie, qui se joueront le 5 janvier 2021 dans des seconds tours (La Géorgie et la Louisiane ont choisi le scrutin majoritaire uninominal à deux tours pour le Sénat, contrairement au restes du pays).

La victoire de Joe Biden ne fait cependant aucun doute, quoi qu’en dise le président sortant et une large partie de ses supporters : on voit difficilement comment défendre l’idée qu’il y aurait eu une fraude massive et concertée en faveur du candidat démocrate quand sur les mêmes bulletins les électeurs américains ont pu choisir de voter pour des Représentants républicains, dont les résultats étaient salués par la Maison Blanche. La Pennsylvanie, le Wisconsin, le Michigan, l’Arizona et peut-être même la Georgie (où Biden aurait quelques 12 000 voix d’avance, qui font l’objet d’un recomptage) ont basculé vers le candidat démocrate, lui donnant une avance indéniable en termes de délégués (290 à 306, 270 étant nécessaires pour être élu) qui viennent s’ajouter à la majorité populaire.

Dans un pays structurellement marqué par l’importance des communautés, la stratégie d’Hillary Clinton de miser en 2016 sur une coalition d’afro-américains, de latino-américains, de personnes LGBT et de citadins avait relativement échoué : si elle avait recueilli plus de suffrages que son adversaire, sa campagne segmentée et communautaire n’avait pas eu d’échos dans les catégories populaires précarisées de la Rust Belt, ce qui lui avait coûté plusieurs États-clefs et donc leurs délégués. L’ancien ambassadeur de France aux États-Unis, Gérard Araud, avait expliqué a contrario comment le slogan de Donald Trump, Make America Great Again, portait une dimension universelle à laquelle n’importe quel Américain pouvait se référer. Cette stratégie des libéraux américains, relayée en France par Terra Nova et encore prisée par certains sociaux-démocrates européens et progressistes autoproclamés, visant à remplacer une base électorale populaire défaillante par les milieux urbains éduqués et les minorités, avait plus que démontré ses limites, voire ses effets néfastes. Pour sortir de cette ornière, les Démocrates avaient misé, aux élections de mi-mandat de 2018, sur les banlieues aisées délaissant Donald Trump et le parti républicain. Ils avaient ainsi pu mettre fin à près d’une dizaine d’années de contrôle républicain de la chambre basse, en faisant basculer un certain nombre de circonscriptions-clefs.

Les primaires démocrates de 2020 avaient souligné la profonde division du parti : l’aile gauche en progression et déterminée à reconquérir les classes populaires était portée par les candidatures d’Elizabeth Warren et Bernie Sanders ; l’aile droite misait avant tout sur le rejet de Donald Trump chez les modérés et d’anciens républicains, et était représentée par Pete Buttigieg et l’ancien maire républicain de New York, Michael Bloomberg. Joe Biden, situé à l’aile droite mais dont la popularité chez les afro-américains et dans une partie de la classe ouvrière syndiquée est indéniable, avait finalement remporté ces primaires.

Contrairement à Hillary Clinton en 2016, il a pris en compte la force croissante des démocrates-socialistes dans la conception de son programme et dans sa stratégie de communication. S’il a continué de miser sur le basculement des banlieues aisées des États du sud, il a toutefois mené campagne pour reconquérir la Rust Belt avec un programme de sécurité sociale conséquent, même s’il n’est pas encore à la hauteur des espérances de l’aile gauche du parti démocrate.

Pour contrebalancer le risque de basculement de certains États du sud, Donald Trump avait adopté une stratégie originale : conquérir tout ou partie de l’électorat latino. La multiplication de clips de campagne en espagnol dans les dernières semaines avant l’élection ainsi que son raidissement sur la question de l’avortement avaient pour but d’attirer un électorat perçu comme plus religieux que la moyenne. Cette stratégie était osée, car c’est sur la critique radicale de l’immigration mexicaine que Donald Trump avait fondé sa popularité lors des primaires républicaines de 2016. Pendant les élections présidentielles, Hillary Clinton avait obtenu un score très important dans cette partie de la population. En parallèle, Donald Trump a tenté de consolider ses gains dans la classe ouvrière, en martelant que son bilan en termes d’emploi et de politique commerciale était le meilleur depuis Ronald Reagan.

Ces élections présidentielles et au congrès nous semblent contenir quatre principaux enseignements :

1) La décision démocrate de miser d’abord sur les banlieues aisées était une erreur stratégique que Joe Biden a eu raison de contrebalancer ;

2) La popularité de celui-ci dans les syndicats et son programme reprenant des éléments de la campagne de Bernie Sanders ont permis aux démocrates de reconquérir une partie de la classe ouvrière ;

3) Si Joe Biden a fait quelques progrès dans la Rust Belt, les Républicains et Donald Trump y ont fortement résisté comme le démontrent les résultats à la Chambre des Représentants et la conservation de l’Ohio par le président sortant ;

4) Ce dernier a réussi à attirer de nombreux électeurs latino lui permettant de se maintenir ou de limiter les dégâts dans un certain nombre d’États du sud et du sud-ouest.

Les banlieues aisées n’ont pas basculé comme l’espéraient les Démocrates. Si les banlieues des métropoles de Phoenix et d’Atlanta, en Arizona et en Georgie, les ont suffisamment favorisés pour retourner ces deux États (ce n’est pas encore confirmé pour la Georgie) systématiquement républicains depuis 1996, cela n’est pas généralisable à tout le pays. Les résultats à la Chambre des représentants démontrent que les gains démocrates de 2018 n’étaient pas durables, et que si le rejet de Donald Trump a pu faire voter Biden, il n’a pas été suffisant pour conserver ces circonscriptions. Ainsi, les banlieues aisées de Los Angeles, de Miami, de New York (dont la très symbolique circonscription de Staten Island), la circonscription d’Oklahoma City ou encore celle de Charleston sont redevenues républicaines après un bref passage démocrate de deux ans, tandis que l’avenir de celles des banlieues de Salt Lake City est encore incertain. Les élus démocrates de ces circonscriptions, souvent des hommes d’affaire ou des vétérans, situés très à droite du parti démocrate sur les sujets économiques, n’ont pas réussi à se faire réélire.

En revanche, en faisant campagne auprès de la classe ouvrière et en promettant une extension de la sécurité sociale, Biden a pu enrayer le recul des démocrates auprès des Américains blancs de la classe ouvrière, et a pu refaire basculer les États ouvriers du Michigan, du Wisconsin et de Pennsylvanie. Toutefois, l’Iowa et l’Ohio ont tous les deux voté pour Donald Trump : les républicains retrouvent au moins une des deux circonscriptions perdues en 2018 dans l’Iowa et parviennent à en conquérir une dans le Minnesota. Les résultats y ont été très serrés, et les démocrates vont devoir démontrer aux électeurs indécis de la classe ouvrière qu’ils peuvent répondre à leur insécurité économique.

Donald Trump, qui a bénéficié d’un soutien plus large que prévu dans les banlieues huppées, a réussi son pari de miser sur l’électorat latino-américain. La Floride et le Texas ont voté pour lui avec des marges plus élevées que prévu, et Joe Biden recule drastiquement dans les comtés à forte proportion hispanophone. Dans les comtés frontaliers du Mexique au Texas, majoritairement latino, Hillary Clinton avait battu Donald Trump avec environ 75% des suffrages. Joe Biden s’y effondre, et n’obtient qu’à peine plus de 50% des voix. Des circonscriptions à majorité latino du Texas, censées être sûres pour les Démocrates, ont été remporté avec une marge très faible, et ils perdent une circonscription au Nouveau-Mexique et deux en Floride dans des zones fortement hispanophones. Donald Trump a semble-t-il mobilisé un électorat hispanique conservateur qui jusque-là s’abstenait. Il ne faut pas oublier que jusqu’aux polémiques contre l’immigration mexicaine dans les années 2010, l’électorat hispanophone était très partagé. Toute la question est de savoir si les Républicains vont parvenir à fidéliser cet électorat.

Joe Biden a sans doute remporté l’élection car ses équipes ont compris qu’il fallait nuancer la stratégie communautariste et de séduction des banlieues aisées pour reconquérir une partie de la classe ouvrière. La communautarisation du débat politique n’a pas empêché la volatilité du vote des minorités et les riches américains sont restés fidèles au parti républicain ; les Démocrates vont être contraints de questionner leur ligne stratégique depuis la présidence Clinton jusqu’aux élections de mi-mandat 2018. Il semble clair que le parti démocrate doive chercher à redevenir le parti du peuple (Party of the People) qu’il a été des années 30 aux années 70. Il y a encore un long chemin pour y parvenir : les résultats en Floride semblent indiquer qu’un nombre important d’électeurs votant en faveur du salaire minimum à 15$ (scrutin référendaire) ont porté leurs suffrages dans le même temps sur Donald Trump… la crédibilité des Démocrates reste à construire sur ce qui est pourtant l’une des principales revendications de leur aile gauche, inscrite dans le programme de Biden.

Si Donald Trump a été battu, le trumpisme n’est pas mort. Le président sortant a élargi de manière impressionnante sa base électorale. Sa communication outrancière, sa remise en cause de l’État de droit, ses invectives contre les médias, son refus de reconnaître la défaite et ses cris dénonçant une indémontrable fraude massive ont toujours un écho puissant dans la société américaine. Ce comportement hasardeux plonge la démocratie américaine dans une crise politique jamais vue depuis le scandale du Watergate. La transition n’a pas encore pu commencer, elle se fera vraisemblablement dans le conflit et l’amertume : les partisans de Donald Trump resteront persuadés qu’on leur a volé cette élection. Les Démocrates vont devoir gouverner avec une grande partie de la population persuadée que l’élection a été truquée. Donald Trump n’ayant effectué qu’un mandat, il aura droit de se représenter en 2024 et pourrait compter sur ce ressentiment comme moteur politique. S’il n’est pas candidat, nul doute qu’il trouvera des successeurs « dignes de lui ».

Joe Biden a su mener campagne sans jouer au centriste modéré, ce que dément pourtant toute sa vie parlementaire. Toujours placé à la droite du parti démocrate, il était connu pour concevoir ses projets de lois avec les républicains et avait plaidé en 2004 pour que John McCain, sénateur républicain, soit le colistier de John Kerry, le candidat démocrate contre George W. Bush. Si son programme comporte des avancées sociales certaines, le possible maintien des Républicains au Sénat pourrait handicaper sa réalisation, d’autant que les Représentant démocrates n’ont pas grand chose à voir avec le Squad autour d’Alexandria Ocasio Cortez. Enfin les inclinaisons naturelles du futur président ont de quoi inquiéter les démocrates-socialistes, qui vont poursuivre leur combat politique pour un parti démocrate proche du peuple et de ses aspirations.

Kamala Harris, sénatrice de Californie, va devenir la première femme à atteindre l’exécutif américain. Le symbole qu’elle représente, après deux ans de lutte féministe intense aux États-Unis contre les violences faites aux femmes et pour le droit à l’avortement, est important. Mais il ne faut pas oublier que Kamala Harris a mené comme procureure générale de Californie une politique très décriée, que de graves accusations de dissimulation de preuves ayant conduit au maintien en détention de personnes innocentes ont été portées contre elle, et que ces accusations avaient conduit à son retrait des élections primaires fin 2019. Sous son mandat, le taux de condamnation était passé de quelques 50% à plus des deux tiers, alors que la question afro-américaine, et notamment l’incarcération de masse des afro-américains (phénomène devenu massif sous la présidence Clinton), sera un des sujets majeurs de la présidence Biden. Kamala Harris n’en paraît pas moins dans une position avantageuse pour la présidentielle de 2024, à condition qu’elle soit habile. Dans tous les cas, si le Sénat n’avait pas de majorité son rôle serait décisif.

La défaite de Donald Trump est évidemment en soi un motif de réjouissance, tant il a aggravé les divisions et attisé la haine dans son pays, tout en contournant à bien des égards l’État de droit. Mais cette défaite ne fait pas tout et nous ne pensons pas que les choix stratégiques des États-Unis d’Amérique seront profondément bouleversés. Certaines orientations de Donald Trump, notamment en matière de commerce international, vont vraisemblablement perdurer et devraient d’ailleurs être méditées en Europe. Il faut cependant espérer que le futur président Biden mènera une politique sociale à la hauteur du programme qu’il a annoncé, ce qui pourrait aider à panser les plaies des Américains. Espérons également qu’à l’inverse de Donald Trump et des présidents précédents il sera plus respectueux de ses alliés et de la France en matière diplomatique et militaire, plus respectueux des libertés des citoyens européens qui avaient été massivement espionnés, et que nos relations industrielles cesseront d’être fondées sur la prédation.

Vers un régime de surveillance et de privation de libertés

Le 20 octobre, le groupe LREM à l’Assemblée Nationale, à l’initiative de son président Christophe Castaner, a déposé une proposition de loi dite de « sécurité globale »

Même si plusieurs mesures prétendent répondre à des situations problématiques, ce texte de 31 articles propose d’inscrire dans la loi de profondes restrictions de liberté et l’entrée dans un régime de surveillance généralisé que nous ne pouvons accepter.

Ainsi l’article 21 propose de supprimer la garantie de traitement a posteriori des images provenant des caméras embarquées par les policiers et les gendarmes. Si cette disposition était supprimée, la porte serait alors ouverte pour un traitement automatisé des images et donc l’utilisation de logiciels de reconnaissance faciale.

Qu’est ce que ça change vraiment ?

Aujourd’hui, le fait de traiter les images a posteriori permet de documenter une enquête sur des événements délictueux commis. Par contre, si on supprimait cette garantie, les forces de l’ordre pourraient rentrer dans une logique de ciblage en temps réel, à l’occasion d’une manifestation par exemple et, via un PC opérationnel, renseigner en direct les agents de terrain sur l’identité des nombreux militants et militantes qu’ils croiseraient, déjà fichés à tort ou à raison dans le TAJ (traitement des des antécédents judiciaires), fichier que la police gère seule sans contrôle indépendant effectif. Ce nouvel outil permettrait à la police de multiplier des abus ciblés contre des personnes déjà identifiées : gardes à vue « préventives », accès au cortège empêché, interpellations non-suivies de poursuite, fouilles au corps, confiscation de matériel, comportement injurieux…

Dans son article 22, la loi prévoit l’autorisation de drones pour surveiller les manifestations.

Ainsi, le gouvernement, par la voix de sa majorité parlementaire, souhaite déshumaniser la gestion des manifestations en appliquant un filtre robotisé, qui – par l’utilisation des mêmes logiciels de reconnaissance faciale – permettrait de suivre et d’identifier n’importe quel individu considéré comme suspect ou dérangeant, sur la seule base d’une altération dans le flux des manifestants.

Cette vision de la manifestation, géométrique, conduit à une déconnexion entre les manifestants qui agissent au nom d’un droit constitutionnel et les forces de l’ordre qui n’auraient plus aucune mission de sécurisation de la manifestation mais au contraire une vision purement tactique, les enfermant exclusivement dans une logique confrontationnelle.

Enfin l’article 24 propose d’interdire au public de diffuser « l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».

On se souvient des longs mois de manifestations des gilets jaunes, et des scènes de violence qui, sans les images prises par des journalistes ou des manifestants, n’auraient donné qu’une facette de l’histoire à voir. Auraient ainsi été passés sous silence les nombreuses exactions commises au nom de la « violence légitime », alors défendue par un Ministre de l’Intérieur nommé Christophe Castaner. En supprimant légalement cette possibilité, le gouvernement ou sa majorité nous donne un signal très clair :

« Nous n’avons plus la possibilité d’opposer à la police une autre vérité que la sienne. »

D’une certaine manière, le gouvernement apprend de ses erreurs ; il ne veut plus subir de
mouvement social incontrôlable comme celui des Gilets jaunes, il veut mettre le pays sous contrôle. C’est ce que lui permettrait ce nouvel arsenal législatif proposé par la majorité parlementaire LREM, dans un contexte d’état d’urgence permanent, sur le plan sanitaire, sur le plan sécuritaire.

Sémantiquement, si l’on assemble les éléments de discours de ces derniers mois «  nous sommes en guerre » avec les mesures prises récemment, « couvre feu » « état d’urgence » « confinement », et les éléments contenus dans ce projet de loi «  Drone » « camera autorisée sans contrôle » « interdictions de filmer la police », les ingrédients sont réunis, si ils devaient tomber entre de mauvaises mains pour faire basculer la France des Lumières vers un régime autoritaire.

La Gauche Républicaine et Socialiste s’oppose donc à ce projet de loi liberticide et demande la tenue d’états généraux de la sécurité où nous pourrons redéfinir la doctrine d’encadrement des manifestations, de l’ordre public, des moyens à la police et de son intégration à un projet de société en lien avec la population.

Éducation : un masque et ça repart !

Ainsi donc les enseignants et les élèves vont rentrer ce lundi 2 novembre aux horaires habituels, selon les modalités habituelles, presque comme si de rien n’était… Buisness as usual. Il faut croire que le gouvernement table sur un mode de fonctionnement de l’opinion publique calqué sur celui en vigueur trop souvent hélas dans le monde médiatique : une émotion chasse l’autre, à chaque jour sa vérité, son sujet chaud. Finalement, l’hommage rendu à Samuel Paty sera tronqué, passé en deuxième page dirait-on dans un journal ; L’École reprendra avec un hommage a minima et puis voila .
Initialement, la matinée du 2 novembre devait commencer par deux heures où Il aurait été permis aux enseignants et aux personnels des établissements scolaires de discuter, de faire le point après le traumatisme de cet attentat, de libérer la parole, de parler des difficultés croissantes , des attaques contre la laïcité, des remises en cause par certaines familles ou groupes de pression ultra religieux de l’autorité morale des enseignants et du contenu de leurs cours ainsi que du cadre républicain de l’enseignement. Il aurait été possible d’évoquer enfin ces attaques au quotidien face auxquelles le monde enseignant se retrouve en première ligne et se sent parfois bien seul, mal soutenu. Cela aurait changé du « pas de vague » devenu bien souvent la règle ces dernières années.

Donc finalement , pas de temps de parole, on remet le masque sur les bouches, ce fameux masque avec lequel les enseignants se débattent depuis la rentrée de septembre , finissant la journée avec des maux de tête et des difficultés à respirer après plusieurs heures non stop à parler masqués face à des classes toujours aussi nombreuses (avec en plus le scandale de masques distribués en septembre par l’Éducation nationale à son personnel qui sont suspectés d’être toxiques et viennent d’être retirés de la circulation !) .

On ne parlera donc pas dans les établissements de ce que l’attentat islamiste qui a frappé Samuel Paty révèle, ni de la chronique de ce drame annoncé (avec cette campagne de lynchage contre le professeur d’Histoire qui a duré plusieurs semaines sur les réseaux sociaux) ou encore de la peur qu’ont de nombreux professeurs désormais à aborder certains aspects ou sujets liés à leurs programmes ou à leurs missions.

On n’évoquera pas la difficulté à porter les valeurs de la République sereinement depuis quelques années, on ne parlera pas de l’offensive des extrémistes religieux qui cherchent ici à limiter la liberté d’expression, là à imposer leur sacré et leurs interdits, à d’autres endroits à s’immiscer dans le contenu des cours de SVT sur la contraception par exemple , ou à remettre en cause le contenu des cours d’Histoire .

Un temps d’échanges, de mise en commun, de solidarité, aurait pourtant été nécessaire dans cette période si difficile. Mais non, au final l’actualité du confinement et la mise en avant de la peur d’un éventuel attentat vont réduire le périmètre de l’hommage : tout le monde sera de retour en classe dès huit heures, une minute de silence sera certes respectée, une lettre de Jaurès aux enseignants sera lue aux élèves, et on passera à autre chose.

Quant aux conditions sanitaires de la reprise, là aussi on balaye la question rapidement : on mettra en place un nouveau protocole sanitaire « si c’est possible », on laissera une semaine aux établissements pour s’adapter ou pas, le nouveau protocole sera mis en place au 9 novembre, au fond ça n’est pas bien grave. Alors que le pays est confiné, alors que la propagation du virus reprend de plus belle, pour les établissements scolaires on est un peu dans la même logique qu’autrefois dans les discours officiels concernant le nuage de Tchernobyl : il faut croire que le virus du Covid a peur des murs de l’éducation nationale ! À défaut de rester un sanctuaire républicain et laïque , l’École serait devenue un sanctuaire sanitaire, barrière naturelle contre tous les virus !

On pourrait en rire si la situation n’était pas aussi inquiétante.

Donc on acte le fait que pour les écoles les dispositifs sanitaires réactualisés ne seront pas prêts lundi. Il eut été logique de fermer les établissements le temps que tout soit prêt , peut-être une journée, peut-être deux, éventuellement une semaine .

Mais non, on reprend là aussi comme si de rien n’était . Quel est donc le message envoyé au monde enseignant, aux élèves, aux familles ? On confine le pays mais dans les seules écoles on ne change rien ou si peu ! Quel manque de considération ! À moins de deux jours et demi de la rentrée, vendredi soir, en quittant leurs établissements les directeurs et directrices d’écoles, les principales ou principaux de collèges, les proviseurs et proviseuses ignoraient tout encore du protocole sanitaire précis qu’ils allaient devoir appliquer théoriquement dès le lundi.

Impréparation, mépris des enseignants, des chefs d’établissements, des élus locaux abandonnés eux aussi face à leurs responsabilités …les volte-face du ministère de l’éducation nationale ces derniers jours donnent une impression d’improvisation totale et d’amateurisme. Une fois de plus, rien n’était prêt. Consternant. Et pas à la hauteur du soutien que la nation doit aux enseignants en ces heures tragiques.

La Gauche Républicaine et Socialiste ne peut que déplorer de telles conditions de rentrée et apporte tout son soutien aux enseignants de notre pays, décidément bien mal considérés par ce gouvernement.

Une analyse des élections américaines

Mardi 3 novembre, les États-Unis vont procéder à une quadruple élection. D’abord, ce qui est le plus médiatisé, ils éliront leur prochain président. Ils procéderont aussi au renouvellement intégral de la chambre des représentants. Un tiers du sénat sera aussi renouvelé. Enfin, onze États procéderont à l’élection de leur prochain gouverneur.

Il y a quatre ans, Donald Trump avait renversé le scénario écrit d’avance et avait battu Hillary Clinton. Pour la deuxième fois en 16 ans, les républicains remportaient l’élection présidentielle avec moins de voix que les démocrates. De fait, depuis 1992, ils n’ont obtenu la majorité des voix qu’une seule fois, en 2004. Qu’en sera-t-il en 2020 ? Rappelons le mode de scrutin particulier de cette élection : le candidat en tête dans un État y remporte la totalité des grands électeurs. La nombre de grands électeurs correspond au nombre de parlementaires issus de cet État. Il y a au total 538 grands électeurs, il en faut donc 270 pour remporter l’élection.

Plutôt que de procéder à un exercice de voyance ou de répéter ce qu’indiquent les enquêtes d’opinion, concentrons-nous sur les enjeux de ces élections. En 2016, Hillary Clinton a perdu des États pivots (les fameux swing states qui font basculer l’élection en faveur de l’un ou l’autre candidat) de la zone désindustrialisée des grands lacs : le Wisconsin, le Michigan, la Pennsylvanie et l’Iowa. Les démocrates avaient jugé gagnés d’avance ces États ouvriers du Blue wall qui votaient pour leur candidat même lors des défaites de 1988, 2000 et 2004. Ils n’ont pas vu venir le basculement de la classe ouvrière dans le camp républicain. Les causes de ce basculement sont multiples, rappelons-en les points essentiels :

·        D’abord, les démocrates sont historiquement libre-échangistes tandis que les républicains sont protectionnistes. Cette dualité n’est pas nouvelle et date du XIXème siècle. La multiplication des accords de libre-échange et la mondialisation destructrice d’emplois industriels ont provoqué le basculement chez les républicains d’ouvriers qui votaient jusqu’alors démocrates, en suivant leurs intérêts immédiats.

·        Ensuite, il y a un recul profond de la syndicalisation chez les ouvriers. Or ce critère est déterminant dans le vote. Chez les travailleurs syndiqués, l’avance d’Hillary Clinton était de onze points, alors que Donald Trump la battait de deux points chez les non-syndiqués. Les politiques anti-syndicales menées par les républicains, et l’abandon des syndicats quand les démocrates étaient au pouvoir et les jugeaient ringards ont mené l’électorat ouvrier à ne plus privilégier ces derniers lors des élections.

·        Enfin, le parti républicain a mené depuis vingt ans une campagne d’anti-intellectualisme reprenant la rhétorique de la lutte des classes pour délégitimer le parti démocrate. Ce point a été analysé longuement par Thomas Frank dans Pourquoi les pauvres votent à droite. Les républicains ont fait passer les démocrates pour des intellectuels bourgeois hors-sol et déconnectés des réalités populaires, tandis que les démocrates abandonnaient peu à peu la classe ouvrière dans leur programme et leurs slogans.

Toutefois, ces trois raisons proviennent de plus loin et procèdent de tendances lourdes.

Historiquement, le parti démocrate était le parti des catholiques, des juifs, des afro-américains, des noirs, des sudistes et des ouvriers, tandis que le parti républicain représentait la classe moyenne et supérieure blanche anglo-saxonne, nordiste et protestante. Le parti démocrate représentait les classes populaires mais aussi les minorités, ce qui lui a garanti une majorité confortable et presqu’ininterrompue à la chambre des représentants de 1933 à 1995 et au Sénat de 1933 à 1980. La mise en place de l’État providence leur est due, et malgré une politique anticommuniste viscérale, les présidents Truman, Kennedy et Johnson ont poursuivi la construction d’un État social entamée par Franklin Roosevelt.

La stratégie des républicains pour briser l’unité populaire autour des démocrates a été de diviser son électorat. Dès les années 70, les républicains ont entamé une longue campagne de délégitimation de l’État-providence en alléguant qu’il ne profitait qu’aux minorités et que c’était un système où les blancs payaient pour les autres. Cette rhétorique a malheureusement traversé l’Atlantique, et nous sommes familiers avec ses arguments éculés : les allocations familiales permettraient aux noirs de vivre sans travailler, les soins sont gratuits uniquement pour les autres, etc. Du reste, cela a été efficace pour briser l’unité populaire. Dans un pays ultra-communautaire comme les États-Unis, monter les communautés les unes contre les autres a été chose aisée.

Par ailleurs, les républicains ont misé sur les valeurs religieuses, faisant passer le progressisme démocrate pour de l’irréligion. La question du droit à l’avortement est une fracture profonde et ultra-violente de la société américaine. La religion tient une place prépondérante dans la vie américaine, et l’avortement y est farouchement combattu par une large partie de la population. Les républicains en ont fait un sujet majeur et central éludant tous les autres sujets. Voter démocrate, ce serait voter pour des tueurs de bébés. Qu’importe que les républicains n’aient jamais réussi à renverser le jugement de la Cour suprême sur le droit à l’avortement, ce sujet leur a garanti un statut de parti unique dans les États très religieux du sud et du midwest.

Les démocrates n’ont pas essayé d’apporter une autre grille de lecture du monde. Ils n’ont pas essayé de ramener le débat à une opposition entre le parti du peuple contre le parti des possédants, comme c’était le cas dans les années 40 à 60. Les démocrates ont renoncé et se sont fait dominer par le discours républicain. Plutôt que d’essayer de reconquérir la classe ouvrière, ils ont cherché une majorité par d’autres moyens.

Un de ces moyens a été de miser sur les urbains progressistes et les minorités. Si cette stratégie a pu fonctionner avec Barack Obama, dont les origines ont permis une large mobilisation des afro-américains aux élections présidentielles, ou aux élections de la Chambre des représentants de 2018, où la stratégie de miser sur les circonscriptions des banlieues chics a permis de renverser huit ans de domination législative républicaine, elle a été un cuisant échec aux élections de mi-mandat de 2010 ou aux élections présidentielles de 2016.

Pour les élections présidentielles de 2020, les différents choix des démocrates se sont résumés en deux stratégies a priori incompatibles : la rust belt strategy ou la sun belt strategy. Faut-il essayer de reconquérir les États ouvriers des États industrialisés du nord, ou bien miser sur les métropoles du sud (Atlanta, Phoenix, Austin, Houston…) pour conquérir des États républicains du sud ? Si ces deux choix semblaient incompatibles il y a encore un an, Joe Biden a rendu possible les deux stratégies en segmentant sa communication.

L’ancien vice-président de Barack Obama a profité de deux phénomènes consécutifs. D’une part, le basculement des banlieues opulentes chez les démocrates, de l’autre la renaissance du socialisme à la gauche du parti démocrate.

La haine que Donald Trump et sa rhétorique populiste inspire aux Américains urbains huppés ne suffit pas à expliquer ce basculement. Si les républicains ont pu gagner un électorat populaire en repositionnant le débat sur le thème des valeurs morales et religieuses, ils y ont aussi perdu les riches progressistes. Les démocrates se sont engouffrés dans la brèche, et ont rencontré des succès inimaginables il y a vingt ans : le comté d’Orange, la banlieue hyper riche de Los Angeles, a voté pour la candidate démocrate en 2016 pour la première fois depuis les années 1930. En 2018, des circonscriptions très aisées des banlieues de Houston, Dallas, Atlanta, New York et même Salt Lake City sont passés aux démocrates. Joe Biden a bien compris qu’il y avait là un moyen de conquérir des États pourvoyeurs de grands électeurs. Il force Donald Trump à mener campagne dans des États républicains comme l’Arizona (qui n’a voté démocrate qu’une seule fois depuis 1952), le Texas ou la Géorgie.

Consécutivement, le mouvement socialiste est en pleine expansion à la gauche du parti démocrate. La candidature aux élections présidentielles de 2016 de Bernie Sanders et l’élection en 2018 de la très charismatique Alexandria Ocasio-Cortez ont donné des figures à un mouvement jusque-là moribond. Tout un électorat populaire, jeune, rural comme urbain a été stimulé par ce réveil. Si l’appareil démocrate a tout fait pour empêcher Bernie Sanders d’accéder à la nomination démocrate en 2016 et 2020, il n’a pas pu enrayer la montée socialiste. De plus en plus de primaires démocrates locales sont gagnées par des democratic socialists. Le groupe compte déjà une demi-douzaine de représentants, et va probablement encore s’accroître après les élections de 2020 : deux circonscriptions démocrates à majorité afro-américaine ont voté aux primaires pour un des leurs.

Il faut comprendre l’aspect ultra-communautarisé de la politique, et de la vie en général, aux États-Unis. Une des raisons de la défaite de Bernie Sanders en 2016 a été qu’Hillary Clinton a su fédérer autour d’elle les minorités lors des primaires. La stratégie des socialistes a alors été de miser sur des figures issues des minorités pour combler ce retard. Alexandria Ocasio-Cortez a beaucoup contribué au basculement des latino pour Bernie Sanders aux primaires 2020. La réduction du poids démographique des immigrants d’origine cubaine, farouchement anticommunistes et très républicains, au profit des travailleurs précarisés originaires de l’Amérique Centrale a aussi joué. Toutefois, il manquait à ce mouvement des figures afro-américaines. Les pontes démocrates afro-américains sont situés à l’aile droite du parti. S’ils arrivent à mobiliser la base lors des élections primaires, force est de constater qu’ils n’arrivent pas à enrayer l’abstention croissante et la désinscription massive des listes électorales orchestrée par les républicains. Cori Bush, infirmière et pasteure, ancienne sans-abri, a gagné les élections primaires à Saint-Louis, dans une circonscription imperdable par les démocrates. Jamaal Bowman a quant à lui gagné la primaire démocrate dans une circonscription du Bronx. Comme Alexandria Ocasio-Cortez, ils ont au passage renversé deux éminents démocrates sortants.

Si la stratégie des socialistes de miser sur les communautés qui étaient leur point faible a fonctionné jusqu’alors, ils doivent prendre garde à ne pas basculer dans le communautarisme délétère. Si la société américaine est très communautaire, il n’en reste pas moins que le succès de Bernie Sanders a été de dépasser ces clivages et de défendre les classes populaires sans distinction d’ethnie. Le soutien de Cori Bush et d’Ilhan Omar (représentante de Minneapolis) au mouvement Boycott Israël, la remise au centre du débat de la question migratoire ou bien l’historique de vote pour le moins contestable d’Ilhan Omar sur la reconnaissance du génocide arménien – elle est la seule représentante démocrate à ne pas avoir voté une résolution le reconnaissant – risquent de donner aux républicains et aux démocrates centristes de quoi combattre efficacement le mouvement socialiste en le divisant.

Toutefois, il est indéniable que les socialistes ont le vent en poupe. Malgré leur opposition violente lors des primaires 2020, Bernie Sanders et Joe Biden travaillent désormais main dans la main pour battre Donald Trump. Joe Biden a su adapter sa communication en profitant de l’aura des socialistes chez les jeunes et dans les États des Grands Lacs et de celle des démocrates centristes dans les banlieues huppées. Ils espèrent remporter ces élections sans précipiter leur parti dans une stratégie ouvertement droitière comme en 2018.

Enfin, Joe Biden profite d’un phénomène qui s’est accentué en quatre ans : le vote massif et majoritaire des femmes pour les démocrates. Déjà en 2016, Hillary Clinton avait 13 points d’avance sur Donald Trump dans l’électorat féminin. Toutefois, ce dernier avait dix points d’avance chez les femmes blanches. Les propos outranciers et vulgaires du président à l’égard des femmes, l’inscription assidue des démocrates dans le mouvement me too et le raidissement de Donald Trump sur la question de l’avortement (en 2016, il apparaissait modéré sur la question, et en parlait peu) ont précipité le basculement des femmes blanches. Il n’est désormais pas impossible que les femmes blanches votent majoritairement démocrate en 2020.

Du côté républicain, la croyance en la victoire de Donald Trump est toujours vivace. Si la campagne anti-Trump de l’establishment républicain en 2016 avait été aussi prolifique qu’inefficace, c’est parce que la base républicaine est solidement arrimée à lui. Le basculement de certaines banlieues huppées vient de ce que les indécis ont voté démocrate. Les sympathisants républicains affichent un soutien constant à Donald Trump, dont la popularité a été remarquablement stable durant son mandat. S’il n’a jamais dépassé les 50% d’approbation, il n’a jamais franchi la barre des 40%. L’Amérique évangélique et rurale lui affiche toujours un soutien massif. Il y a peu de déçus de Donald Trump au-delà de certains pans de l’électorat féminin blanc. Il est probable qu’en nombre de voix, le président sera sensiblement au même niveau qu’en 2016. Ce qui change sera la participation des démocrates et des indécis. Le vote par correspondance a explosé, et il est probable qu’il sera majoritairement démocrate.

Quel que soit le résultat des élections, la société américaine restera durablement fracturée. Les partisans de Donald Trump auront perdu un leader mais pas leurs idées et leur nombre. Les démocrates ne gagneront que grâce à un surcroît de mobilisation qu’ils devront consolider s’ils veulent rester durablement au pouvoir. Mais comment fédérer à la fois les banlieues huppées et les déclassés séduits par le socialisme une fois que le repoussoir Trump sera dehors ? Le choix a pu être repoussé une fois, mais on peut douter qu’il puisse encore l’être. Si Donald Trump est réélu, il fera toujours face à l’opposition viscérale et systématique de la moitié de l’Amérique.

État d’urgence sanitaire : un exécutif en solitaire

Le gouvernement a pris un décret rétablissant l’état d’urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020. Ce décret était valable pour un mois. Le gouvernement soumet donc au parlement la prolongation de cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février prochain. Le texte adopté mercredi 21 octobre en conseil des ministres a été examiné le samedi 24 octobre à l’Assemblée nationale sans qu’il en résulte de modifications importantes.

Ce projet comporte quatre articles :

Le premier article propose de prolonger jusqu’au 16 février 2021 l’état d’urgence sanitaire décrété le 14 octobre 2020.

Le gouvernement demande donc au Parlement de l’autoriser à prolonger l’état d’urgence sanitaire décrété le 14 octobre pour une durée de 3 mois (en plus du mois d’application initial, ce qui fait une durée totale de 4 mois) et à mettre en œuvre le régime transitoire de sortie de l’état d’urgence à partir du 17 février. Il est quand même à noter qu’au tout début de l’épidémie, la durée de l’état d’urgence sanitaire était dans une première version de la loi du 23 mars calquée sur la durée de l’état d’urgence « sécuritaire » : soit à 12 jours, il a ensuite été prolongé à 1 mois, ce qui paraissait déjà exorbitant…

L’exposé des motifs du texte précise une nouvelle fois que le Parlement sera saisi d’un projet de loi visant à instituer un dispositif pérenne de gestion de la crise sanitaire. Toutes nos craintes de contamination de notre droit commun par un droit d’exception sont donc une nouvelle fois avérées et vérifiées.

Le deuxième article propose de prolonger le régime juridique transitoire de « sortie de l’état d’urgence sanitaire » (loi du 9 juillet 2020) jusqu’au 1er avril 2021.

C’est une façon de prolonger nombre de dispositions de l’état d’urgence à l’issue de celui-ci. Il s’agit en fait du texte sur lequel nous avions rédigé une précédente note (voir ici) et dont l’examen a été suspendu le 13 octobre 2020 au parlement suite à l’annonce de la parution du décret du 14 octobre rétablissant l’état d’urgence sanitaire. Presque toutes les mesures prises dans le cadre du nouvel état d’urgence sanitaire aurait pu l’être dans le cadre de ce régime transitoire baroque ; seule impossibilité : la mesure d’interdiction des déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin (le couvre-feu) prévue par l’article 51 du décret du 16 octobre. La jurisprudence du conseil constitutionnel impliquait en effet que seul l’état d’urgence sanitaire permettait une telle interdiction.

Le troisième article permet la mise en œuvre des systèmes d’information dédiés au covid-19 jusqu’au 1er avril 2021 tout en complétant le dispositif existant pour l’adapter aux nécessités présentes.

C’était également une mesure prévue dans le texte de prolongation de la « sortie de l’état d’urgence sanitaire ». Or, comme nous l’avions fait remarquer dans notre analyse de ce projet de loi avorté, la Cour de Justice de l’Union Européenne vient de rendre un jugement confirmant que le droit de l’UE interdit la conservation massive des métadonnées de communication téléphoniques et internet par les fournisseurs d’accès et à la demande des États.

Le quatrième article autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances, pour rétablir ou prolonger les dispositions de certaines ordonnances prises dans le cadre de la première phase de la crise sanitaire.

Cet article reprend l’amendement que le gouvernement avait déposé (hors délai de dépôt) le 13 octobre juste avant que le texte qui devait prolonger le régime juridique transitoire de « sortie de l’état d’urgence sanitaire ». L’amendement en question est ici rédigé sous forme d’article direct, mais les dispositions qu’il vise à mettre en œuvre ne sont pas moins problématiques, car les habilitations sont nombreuses et le contrôle parlementaire très limité. Le ralentissement de l’économie et l’interruption contrainte d’un certain nombre d’activités nécessitera évidemment des mesures de soutien, mais il est regrettable que l’exécutif se passe à nouveau des parlementaires pour tenter d’améliorer les dispositifs de ce type qui avaient été mis en place au printemps 2020. De même, un certain nombre de mesures excessives en matière de libertés publiques, de respect du droit et notamment du droit du travail, vont pouvoir être ainsi prolongées sans contrôle.

* * *

Pour la cinquième fois en 7 mois, le parlement est amener à examiner un projet de loi portant des mesures exceptionnelles ; il s’agit de faire face cette fois à la résurgence de l’épidémie, la « deuxième vague », sans que rien n’ait été réellement fait entre temps pour préparer notre système sanitaire à l’affronter et les soignants abordent ainsi cette période dans un état d’épuisement avancé et avec des moyens moindres qu’en mars, c’est un comble !

Par ailleurs, après avoir décrété un couvre-feu le 14 octobre pour 16 départements, puis pour 38 de plus le 22 octobre, et après avoir retiré de l’ordre du jour le précédent projet de prolongation de la « sortie de l’état d’urgence sanitaire », le gouvernement n’a, pour le moins, pas ménagé le Parlement. En réalité, les décisions dans la gestion de cette crise s’abattent sur les parlementaires comme sur les citoyens de manière complètement verticale. La suppression du texte au Sénat en cours de lecture est caricaturale. Plus le temps passe plus la capacité du parlement à contrôler l’action du gouvernement se réduit comme peau de chagrin.

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a rappelé à plusieurs reprises qu’elle veillerait à ce que les mesures liberticides d’exception ne deviennent pas ordinaires, comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme, pour qui « il y a un risque d’accoutumance aux mesures de contrôle. Dans certains cas, les pouvoirs publics peuvent se dire que, après tout, si une mesure n’a pas entraîné de levée de bouclier, on continue. »

Il apparaît évident que l’urgence sanitaire ne doit pas faire oublier les manœuvres politiques. Ce sont même six membres du Conseil scientifique, dont son président Jean-François Delfraissy qui le signalent dans une tribune à The Lancet : « Lorsque les troubles menacent, les gouvernements, au lieu d’organiser un débat sur les différentes options, se sentent obligés de brandir le bâton […] Dans la phase actuelle, il est temps de passer d’une approche verticaliste et technocratique à une approche plus inclusive et ouverte. »

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