Pour une contre-offensive universaliste

En octobre 2023, l’alliance polonaise des Libéraux, des démocrates-chrétiens et de la gauche mettait fin dans les urnes à neuf années de domination sans partage du parti ultra-conservateur et réactionnaire des frères Kaczyński, le PiS. Progressivement, les droits des femmes et des minorités sexuelles, particulièrement mis à mal depuis une décennie, devraient retrouver le chemin du progrès.

Une semaine avant, le Hamas et le Djihad islamique avaient provoqué le pire massacre collectif de Juifs depuis 1945, à l’intérieur des frontières de l’État d’Israël, démontrant ainsi la faillite de la politique sécuritaire de la coalition d’extrême droite au pouvoir avec Benyamin Netanyahu… Indépendamment du droit de l’État d’Israël à se défendre et de la disproportion hallucinante des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza (dont nous n’avons cessé de dénoncer les conséquences horribles sur les populations civiles), cet événement traumatique semble avoir provoqué un sursaut civique contre l’alliance de la droite sécuritaire et des suprémacistes religieux qui dominent le cabinet : les manifestations des familles des otages sont venues s’ajouter à celles déjà massives contre la réforme de la Cour suprême… il n’aura échappé à personne que la majorité des victimes de la tuerie du 7 octobre sont issues des kibboutzim de la gauche laïque du nord du Néguev ou de la jeunesse cosmopolite des grandes agglomération côtières … comme une alliance objective des « fous de dieu » pour provoquer la mort tout azimut. Or la Cour suprême vient de lever l’exemption militaire dont bénéficiaient les Haredim, cette part de la communauté israélienne ultra-orthodoxe qui prétend n’avoir à se consacrer qu’à la prière et à « l’étude » ; voilà une décision qui est susceptible de faire sauter le « cabinet d’union nationale » (les centristes de Beni Gantz avaient rejoint Netanyahu pour riposter au Hamas) qui se divise violemment sur le sujet : la faillite morale de l’opération militaire ne l’avait pas provoqué, peut-être que la fin de l’hypocrisie des passe-droits accordés au « messianiques » l’amènera enfin. À partir de là, la gauche et les centristes laïques devront s’organiser pour offrir une alternative aux Israéliens.

Aux États-Unis d’Amérique, malgré les sondages encourageants pour Donald J. Trump, ça tangue très fort dans le parti républicain où radicaux-religieux et conservateurs s’affrontent : à nouveau, la droite radicale a déposé une motion de censure contre le Speaker qu’elle avait elle-même imposé suite à un autre motion de censure… une nouvelle guerre parlementaire qui pourrait permettre le déblocage de l’aide à l’Ukraine et qui redonne à Joe Biden des marges de manœuvres pour imposer un peu de raison à son allié israélien et dans la campagne électorale intérieure.

Enfin, dimanche 31 mars, Recep Tayyip Erdoḡan et son parti l’AKP viennent d’essuyer leur première véritable défaite électorale à l’échelle nationale depuis 2022 à l’occasion des élections municipales qui ont conduit à une victoire large du parti kemaliste, républicain et laïque, le CHP qui renforce ses positions. Forcé de reconnaître, pour une fois, sa défaite, le pouvoir islamiste a cependant cherché à frapper l’autre parti démocratique d’opposition en invalidant de manière illégale l’élection du maire de Van au Kurdistan, membre du DEM parti de gauche et principale force politique turque représentant les Kurdes. Une réaction de fauve blessé avant d’annoncer le chant du cygne ?

Ce panorama des combats internationaux entre les forces de la réaction et celles qui défendent une société sécularisée devrait nous convaincre de la nécessité d’un sursaut en France. Au moment où le proviseur du Lycée Maurice-Ravel à Paris, menacé de mort pour avoir fait appliquer la loi de 2004, n’a pas trouvé d’autre alternative que la démission, au moment où une collégienne a été passée à tabac devant son établissement à Montpellier, après avoir été harcelée un an et demi durant parce qu’elle se maquillait et refusait de se voiler, nous enverrions en baissant les bras un signal désastreux au monde alors que les universalistes relèvent la tête. Non seulement il temps de prendre la mesure des ravages causés par la radicalisation confessionnelle chez nos concitoyens et d’y apporter une réponse culturelle et politique, mais notre République dispose de la légitimité pour relancer le combat universel pour la Laïcité dans le sens de l’appel lancé le 11 décembre dernier par des militants laïques du monde entier.

COP 28 : Assez d’hypocrisie et de débat sur les mots, il faut des solutions !

La majorité des participants à la COP 28 de Dubaï et les médias internationaux saluent, ce 13 décembre 2023, ce qu’ils présentent comme un “accord historique”.

En effet, le texte de compromis encourage les participants à une “transition hors des énergies fossiles“. On peut considérer que c’est une avancée puisque la COP de Glasgow en 2021 avait échoué à l’intégrer et n’appelait qu’à la sortie du seul charbon.

Cependant, la Gauche Républicaine et Socialiste exprime sa forte réserve sur ce type d’événements, qui s’apparentent de plus en plus à des foires mondiales où se négocient autant de contrats commerciaux que d’avancées pour la planète. Le tout dans un cadre où règnent les lobbies et où les lieux de réunions sur-climatisés sont distants de 20 km et reliés par des autoroutes à 8 voix…

Mais surtout, les conclusions des COP ne sont jamais contraignantes. Le monde doit compter sur la “bonne volonté” des États. Cette absence de caractère contraignant des engagements pris par les États lors des COP est illustrée de la pire des manières par la stagnation du du fonds pour les États victimes du réchauffement climatique créé par la COP 27… Alors qu’il s’agit des populations entières, les annonces se font rares : on ne peut plus se contenter des bonnes volontés.

L’hypocrisie est d’autant plus forte que les parties s’engagent à la “transition hors des énergies fossiles” tout en misant sur le recours au méthane (un gaz 30 fois plus réchauffant que le CO2) et la « captation du carbone », précisément pour compenser… l’augmentation de la consommation des énergies fossiles (+2 % par an).

Il faut être clair : la lutte contre le changement climatique et pour la survie de nos sociétés ne peut pas se contenter de ces « solutions ». Nous ne pourrons pas limiter le réchauffement climatique à +1,5c° sans diminuer la consommation des énergies fossiles. Pas « limiter », ni « stabiliser » : diminuer ! Pour atteindre les objectifs que les COP se sont fixées pour 2030, cette diminution devrait dès à présent dépasser les 7% par an !

Nous appelons les dirigeants des États à sortir de l’hypocrisie. Nous appelons en particulier les dirigeants européens et américains, et au-delà tous les chefs d’État des pays développés, à cesser de chercher des compromis sur les mots, qui ne font que ménager les intérêts des multinationales. Nous appelons ces États à sortir de toute urgence de la religion du libre échange qui alimente plus que jamais la catastrophe climatique à venir.

Nous ne pouvons plus nous payer de mots ; nous avons besoin de SOLUTIONS.

La sortie des énergies fossiles est une nécessité vitale. Elle implique une révolution de notre appareil productif et une transition énergétique radicale. Il va nous falloir adapter nos sociétés dans leur ensemble, c’est-à-dire toutes nos entreprises pour qu’elles puissent se passer d’ici 15 ans du charbon, du pétrole et du gaz. Les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire font partie de la solution.

Le temps fuit devant nous : il faut s’y mettre dès maintenant.

Milei ou le « tronçonneur de l’État » : voyage au bout du néolibéralisme autoritaire

Suite à l’élection à la tête de la présidence argentine de Javier Milei, Vincent Arpoulet revenait pour Le Temps des Ruptures le 21 novembre 2023 sur la situation qui a permise son élection, ainsi que sur ses engagements de campagne. Nous publions cet article avec leur accord.

« Ce que propose le FMI [Fonds monétaire international] est minuscule au regard du plan d’austérité que je propose ». C’est en ces termes qu’en pleine campagne présidentielle argentine, Javier Milei, libertarien revendiqué fraichement élu le 20 novembre 2023 à la tête du pays, s’engage ni plus ni moins à amplifier dans des proportions considérables l’application d’un projet économique ayant plongé près de 40% de la population argentine sous le seuil de pauvreté. En effet, cette situation résulte notamment de la dette historique contractée par le président conservateur Mauricio Macri qui, en 2018, a obtenu un prêt de 50 milliards de dollars en provenance du FMI. Or, il se trouve que, de même que l’ensemble des prêts octroyés par cet organisme international, celui-ci est conditionné à une réduction drastique des dépenses publiques, ainsi qu’à une reconfiguration des fonctions de l’État au profit du secteur privé, conformément à l’idéologie néolibérale selon laquelle la puissance publique doit se désengager au maximum du marché afin de laisser libre cours à l’initiative individuelle qui est perçue comme la plus à même de permettre une gestion rationnelle de l’économie dans la mesure où elle cherche à maximiser son profit. Si cette théorie économique entre en adéquation avec les conceptions portées par Milei – en témoigne le fait qu’il ait baptisé l’un de ces cinq chiens en hommage à Milton Friedman, l’un des pères du néolibéralisme -, le nouveau dignitaire argentin estime cependant qu’il faut aller encore plus loin.

L’ « ANARCHO-CAPITALISME » : VERSION PAROXYSTIQUE DU NÉOLIBÉRALISME AUTORITAIRE

Se revendiquant de l’ « anarcho-capitalisme », il affirme en effet que : « Chaque fois que l’État intervient, c’est une action violente qui porte atteinte au droit à la propriété privée et, au final, limite notre liberté »(1). C’est là la différence fondamentale entre néolibéraux et anarcho-capitalistes. Là où les premiers estiment que l’État doit être présent en vue d’organiser son propre retrait du marché, les seconds considèrent que le marché est la seule institution à même d’organiser l’ensemble de la société. En d’autres termes, suivant cette conception, la totalité des activités humaines sans exception entrent dans les logiques de marché et aucune instance ne doit pouvoir entraver de quelque manière que ce soit la propriété privée, ce qui conduit Murray Rothbard, l’un des tenants de ce courant, à prôner un « marché libre des enfants », au nom du respect inconditionnel de la propriété des parents. La volonté de libéraliser la vente d’organes prônée par Milei s’inscrit ainsi pleinement dans ce courant qui pousse à son paroxysme l’idéologie néolibérale, ce qui conduit Mark Weisbrot, co-directeur du Centre pour la Recherche Politique et Économique (CEPR), à affirmer que : « Jamais quelqu’un d’aussi extrémiste en matière économique n’a été élu président d’un pays sud-américain »(2). Dans un continent ayant servi de laboratoire à l’idéologie néolibérale, ce n’est pas une mince affaire.

Cependant, de même que son maître à penser qui défend par ailleurs la mise en place d’un « État policier libertaire » dans lequel les forces de l’ordre, là encore débarrassées de toute contrainte institutionnelle, seraient « autorisées à appliquer des punitions instantanées », la défense inconditionnelle des libertés de la part de Milei semble s’arrêter aux frontières de l’économie. En effet, le volet sécuritaire de son projet inclut notamment des propositions telles que l’abaissement de la majorité pénale ou encore, la création d’un système national de surveillance ayant recours à la reconnaissance faciale. Milei affirme ainsi vouloir prévenir l’émergence de toute opposition interne susceptible d’être violente, à l’égard de laquelle il s’est empressé d’affirmer, à peine élu, qu’il serait implacable. Une logique qui n’est pas sans rappeler les propos tenus par Victoria Villarruel, candidate à la vice-présidence à ses côtés, qui a ouvertement affirmé à de nombreuses reprises que les crimes commis par le régime militaire au pouvoir entre 1976 et 1983 s’expliquaient avant tout par la déstabilisation interne provoquée par les mouvements d’opposition à cette dictature, reprenant ainsi en tous points les propos tenus par les responsables de ces exactions à l’occasion de leur procès. Si Milei s’est malgré tout engagé, lors de son discours d’investiture, à respecter toute mobilisation s’exprimant dans le cadre de la loi, une telle conception des oppositions internes ne peut que susciter des inquiétudes du côté des différentes organisations sociales et syndicales argentines. Et ce, d’autant plus que le nouveau dirigeant s’affirme par ailleurs ouvertement favorable à la remise en cause de certains droits sociaux tels que l’IVG, légalisée en 2020 au terme d’un large mouvement social ayant poussé l’Argentine à rejoindre le cercle très réduit des États du continent reconnaissant ce droit de manière inconditionnelle, aux côtés de l’Uruguay, de la Colombie, de Cuba et du Mexique.

Alors comment expliquer l’irruption d’une telle force politique venant mettre un coup d’arrêt à cette vague progressiste qui s’était également caractérisée par un rejet du modèle néolibéral défendu par Macri à l’occasion de la précédente élection présidentielle remportée par Alberto Fernandez, candidat du péronisme en 2019 ?

ENTRE DÉGRADATION DE LA JUSTICE ET DES TERMES DE L’ÉCHANGE

Tout d’abord, nous pouvons constater que cette large victoire de Milei – qui l’emporte avec plus de 10 points d’avance sur Sergio Massa, ministre de l’Économie sortant – traduit avant tout un rejet massif du péronisme. Ce courant est notamment assimilé, au sein d’une grande partie de l’opinion publique, à des pratiques de corruption depuis la condamnation de la vice-présidente sortante Cristina Kirchner, le 6 décembre 2022, à une peine de 6 ans de prison après avoir été accusée d’avoir eu recours à des pratiques d’ « administration frauduleuse » en vue de l’octroi de parts de marché dans la province de Santa Cruz qu’elle a représenté en tant que sénatrice entre 2001 et 2005. Il n’est pas inutile de préciser ici, comme nous le rappelions alors dans ces colonnes(3), que Diego Luciani et Rodrigo Giménez Uriburu, respectivement procureur de l’affaire et président du tribunal, étaient réunis moins de 4 mois avant ce verdict pour un match de football au sein d’une ferme appartenant à Mauricio Macri. Cette proximité avec l’un des principaux opposants au péronisme, combinée à la faiblesse manifeste de l’accusation – Kirchner se voyant condamnée sur la base de simples suspicions de complicité avec son mari dont l’implication dans l’affaire semble plus avérée -, dénote une évidente volonté d’instrumentaliser la justice à des fins politiques. Si cela conduit à discréditer le principal parti de gauche argentin, c’est plus globalement l’ensemble de la classe politique traditionnelle qui en pâtit. C’est ainsi que, pris à son propre piège, le parti Juntos por el Cambio, représenté par Patricia Bullrich soutenue par Macri lors de cette élection, termine aux portes du second tour avec 23,83% des suffrages, loin derrière les 29,98% des voix obtenues par Javier Milei.

Cependant, il ne s’agit pas pour autant d’exempter le gouvernement sortant de toute responsabilité dans ce résultat. En effet, il se trouve que, dans un contexte dans lequel l’inflation atteint 143%, cette campagne s’est quasi exclusivement centrée autour de la question économique. Le fait que Milei se trouve confronté, au second tour de ce scrutin, au ministre de l’Économie sortant     considéré comme comptable de cette situation n’a pu que jouer en sa faveur. Et ce, d’autant plus que, si Massa est issu d’un gouvernement initialement élu sur la base d’un projet de rupture avec le néolibéralisme, celui-ci a finalement tenu à respecter les engagements fixés par le FMI. Cela s’explique notamment par le fait qu’outre l’épidémie de Covid-19 qui survient trois mois à peine après l’arrivée au pouvoir de Fernandez, celui-ci doit également faire face à une sécheresse qui vient porter atteinte à la production agricole, l’une des plus grandes sources de revenus d’un pays qui occupe le 5e rang des producteurs internationaux de soja, de maïs ou encore, de tournesol. Dans un tel contexte, l’obtention de devises en dollars par le biais des exportations se réduit de manière significative. Par conséquent, les réserves de dollars se raréfient à l’échelle nationale. Or, ce type d’économie reposant principalement sur l’exportation de matières premières doit nécessairement disposer de suffisamment de dollars en vue d’importer l’ensemble des biens manufacturés qui ne sont pas produits sur son territoire. Dans un tel contexte, la demande de dollars ne suivant pas la chute de l’entrée de devises, il faut donc plus de pesos – la monnaie nationale argentine – pour obtenir un dollar. Le peso se déprécie alors par rapport au dollar, ce qui signifie que tous les prix en pesos augmentent. Le seul moyen de faire face à l’inflation qui s’ensuit est alors de contracter des prêts auprès d’organismes financiers susceptibles de pallier cette pénurie de dollars. C’est la dégradation des termes de l’échange dont sont victimes la plupart des pays latino-américains dépendants de l’exploitation et exportation de matières premières dont les prix dépendent des fluctuations de la demande internationale. Dans ce contexte, difficile pour le gouvernement péroniste d’engager une rupture frontale avec le FMI.

UN CANDIDAT « ANTI-CASTE » AU SERVICE DE L’ORDRE ÉTABLI

C’est ce scénario qui conduit à l’émergence du projet de dollarisation de l’économie argentine porté par Milei. S’il est vrai que l’adoption du dollar pourrait être à même de réduire cette inflation générée par la dégradation des termes de l’échange, la contrepartie n’est pas négligeable. En effet, elle conduirait à limiter de manière significative les marges de manœuvre monétaires du gouvernement argentin, comme en témoigne l’économie équatorienne, dollarisée en 2000. Dans la mesure où l’ensemble des devises en circulation sur le territoire équatorien sont directement émises par la FED – la Banque Centrale des Etats-Unis -, l’État équatorien n’a pas la possibilité de dévaluer sa monnaie en cas de crise. C’est ainsi que le choc des commodities, qui se traduit en 2015 par une chute subite du prix de la quasi-totalité des matières premières à l’échelle internationale, est d’autant plus dur à encaisser pour l’Équateur qu’il ne peut faire face à la concurrence imposée par ses voisins qui dévaluent leur monnaie de sorte à rendre leurs ressources plus accessibles. Par ailleurs, le fait que l’équilibre des devises en circulation sur le territoire d’un État dépend directement de la FED vient nécessairement limiter sa capacité à prôner un modèle économique alternatif à celui défendu par le gouvernement étasunien, sous peine de se voir privé de liquidités suffisantes.

C’est donc pour faire face à ce double mécanisme de dégradation des termes de l’échange et de dépendance généré par l’hégémonie du dollar dans les échanges commerciaux régionaux qu’un certain nombre de gouvernements de gauche récemment arrivés au pouvoir au sein du continent prônent, sous l’impulsion de Lula, la mise en place d’une monnaie régionale à taux flottants avec les devises nationales. Or, la défaite du parti péroniste qui représentait, aux côtés du président brésilien, l’un des principaux tenants de ce projet, ainsi que l’émergence, au sein de la troisième économie du continent, d’un partisan acharné d’un renforcement des relations diplomatiques et commerciales avec les Etats-Unis, pourrait venir mettre un coup d’arrêt à cette dynamique de constitution d’une nouvelle forme d’intégration régionale.

Seule ombre au tableau pour Milei : avec 37 députés sur 257, il ne dispose d’aucune majorité parlementaire et sera donc contraint de composer avec les 93 élus dont dispose Juntos por el Cambio. Ce rapport de force au parlement peut expliquer la raison pour laquelle Bullrich s’est empressée d’apporter son soutien au candidat libertarien à l’issue du premier tour. En effet, discréditée depuis la fin de la présidence de Macri, la droite traditionnelle a trouvé en ce candidat anti-système un moyen de reprendre le pouvoir sous couvert de rupture avec l’ordre établi. La majorité de Milei dépendra finalement de l’establishment qu’il a tant voué aux gémonies. 

Références :

(1) Entrevista de Tucker Carlson a Javier Milei, 14 de septiembre de 2023 ; https://twitter.com/TuckerCarlson/status/1702442099814342725?t=Ojd1lv5MidxV-vCfTmWgHQ&s=19

(2) https://cepr.net/press-release/elecciones-en-argentina-nunca-alguien-tan-extremista-en-materia-economica-ha-sido-elegido-presidente-de-un-pais-sudamericano-dice-mark-weisbrot-codirector-del-cepr/ 

(3) https://letempsdesruptures.fr/index.php/2022/12/15/les-gauches-argentine-et-peruvienne-face-au-lawfare-et-au-neoliberalisme-par-surprise/

Sri Lanka : Un an après la révolte, où en est le pays ?

Le 9 juillet 2022, le Président Gotabaya Rajapaksa démissionnait de ses fonctions à la suite de la prise du palais présidentiel par le peuple Sri Lankais. Cette démission suivait celle de son frère Mahinda Rajapaksa le 9 mai précédent, alors Premier Ministre du pays, après une crise politique majeure, due à une très forte inflation, des coupures d’électricité et des pénuries de carburant et de produits de première nécessité.

Qu’est-ce qui avait conduit à ce renversement ?

Des manifestations majeures s’étaient déroulées depuis le 15 mars 2022 pour réclamer la démission des frères Rajapaksa. Le 9 mai 2022, des heurts entre manifestants pro- Rajapaksa et manifestants anti- Rajapaksa ont provoqué la mort de 9 personnes et 139 autres ont été blessées.

Le 14 juillet 2022, Ranil Wickremesinghe (ancien premier ministre) a été désigné Président de la République du Sri Lanka.

En 2022, la situation économique du pays, qui ne s’est pas totalement remis de la guerre civile entre Cingalais et Tamouls, avait été aggravée par la crise économique résultant de la crise COVID. En effet, la dette extérieure du pays est passée de 42,6 % du PIB en 2019 à 101 % en 2021. Le gouvernement de Mahinda Rajapaksa a massivement baissé les impôts, augmentant le déficit budgétaire tout en augmentant la création monétaire, augmentant ainsi l’inflation.

Depuis, quelle est la situation ?

Si le pays semble sortir progressivement de la crise économique, le FMI – dont on ne connaît que trop bien les recettes – appelle à une douloureuse restructuration du pays, notamment par le doublement des impôts, la réduction des dépenses publiques, l’augmentation des tarifs d’électricité et la baisse des subventions. 2,9 milliards de dollars seulement ont été promis en contrepartie.

Sont donc notamment visées les entreprises publiques, dont la société nationale d’électricité, la compagnie aérienne nationale ainsi qu’une compagnie pétrolière, qui avaient subi une perte d’1,3 milliards de dollars en 2021. Notons la seule contrepartie intéressante : la promulgation de lois anti-corruption dans le pays.

Après avoir fait défaut en avril 2022 de 46 milliards de dollars de dette extérieure, le pays reste aujourd’hui débiteur de 36 milliards de dollars, dont un peu plus de 7 milliards sont dus à la Chine. Cette dernière l’utilise comme moyen de pression sur le gouvernement sri lankais : exportation de 100 000 macaques à toque vers les zoos chinois (espèce placée sur la liste rouge des espèces en danger), vente d’un port sri lankais pour 99 ans, ouverture du marché des carburants à la compagnie chinoise SINOPEC…

Fin 2022, la dette locale s’élevait à 15 033 milliards de roupies (50 milliards d’euros), dont la valeur pour les créanciers diminue autant que la devise perd de sa valeur avec l’augmentation de l’inflation.

Le gouvernement a récemment publié son programme de restructuration de sa dette : une décote de 30 % sera prochainement appliquée sur les obligations du pays libellées en dollars, autant pour les créanciers internationaux que sri lankais. Seuls les crédits bilatéraux (intergouvernementaux) ne sont pas concernés par cette restructuration.

Des perspectives peu rassurantes

Le PIB, quant à lui, est en récession de 7,8 % en 2022, une nouvelle diminution de 2 % est également attendue en 2023 et la croissance, modeste, n’est pas prévue avant 2024.

Malgré le départ du clan Rajapaksa, la colère populaire persiste : l’inflation, bien que réduite, reste à un très fort niveau et les pénuries de bien se poursuivent. L’augmentation des impôts, du coût de l’électricité et des biens de première nécessité ont de nouveau poussé une quarantaine de syndicats à appeler à une grève nationale le 15 mars dernier, malgré l’interdiction faite par le gouvernement le mois précédent. L’armée a été déployée dans les gares et le port de Colombo.

Joffrey Henrique-Robécourt

L’Europe risque la marginalisation

Lundi 14 novembre 2022 à 19h30, Emmanuel Maurel, député européen et animateur national de la Gauche Républicaine et Socialistes, débattait lors de l’émission “Votre instant politique” (animée par Gilles Bornstein sur France Info) avec Chloé Ridel, directrice adjointe de l’Institut Rousseau, et Alexandre Holroyd, député Renaissance (LREM) de la 3e circonscription des Français de l’étranger.

Mise en scène des puissants de ce monde au G20 et de la domination Chine-USA, crise de l’Europe, guerre en Ukraine, Emmanuel Maurel a rappelé, au moment où le modèle allemand de développement et de puissance commence à connaître de profonde difficulté, qu’il était temps que la France comprenne enfin que le “couple franco-allemand” était un mythe et qu’il fallait penser avant tout à défendre les intérêts de notre pays. Malheureusement en plus de 60 ans, la construction européenne n’a pas débouché sur l’émergence d’un intérêt général européen ; il faut être conscient de ses limites et en tenir pour construire les coopérations qui nous permettront de ne pas être marginalisés par l’émergence ou la résurgence de nouveaux impérialismes.

soutien à Svetlana Tikhanovskaïa et au peuple bélarusse

Dimanche dernier s’est déroulée l’élection présidentielle biélorusse dans un contexte particulier. L’emprisonnement de plusieurs figures d’opposition et l’interdiction faite aux observateurs de l’OSCE d’entrer sur le territoire bélarusse ne laissaient que peu de doute quant à son issue.

Cette élection fut néanmoins marquée par l’émergence de Svetlana Tikhanovskaïa qui a réussi, en l’espace de quelques semaines, à unir l’opposition et à créer autour d’elle un véritable mouvement populaire. « Dernière dictature d’Europe », les résultats officiels illustrent un pouvoir central à bout de souffle. Avec à sa tête un autocrate qui est contraint d’avoir recours à des fraudes massives et de réprimer son peuple avec violence pour se maintenir.

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte son soutien à Svetlana Tikhanovskaïa, désormais réfugiée en Lituanie, et au mouvement de contestation. Nous saluons le peuple bélarusse dans sa quête de démocratie et de paix sociale

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