Sri Lanka : Un an après la révolte, où en est le pays ?

Le 9 juillet 2022, le Président Gotabaya Rajapaksa démissionnait de ses fonctions à la suite de la prise du palais présidentiel par le peuple Sri Lankais. Cette démission suivait celle de son frère Mahinda Rajapaksa le 9 mai précédent, alors Premier Ministre du pays, après une crise politique majeure, due à une très forte inflation, des coupures d’électricité et des pénuries de carburant et de produits de première nécessité.

Qu’est-ce qui avait conduit à ce renversement ?

Des manifestations majeures s’étaient déroulées depuis le 15 mars 2022 pour réclamer la démission des frères Rajapaksa. Le 9 mai 2022, des heurts entre manifestants pro- Rajapaksa et manifestants anti- Rajapaksa ont provoqué la mort de 9 personnes et 139 autres ont été blessées.

Le 14 juillet 2022, Ranil Wickremesinghe (ancien premier ministre) a été désigné Président de la République du Sri Lanka.

En 2022, la situation économique du pays, qui ne s’est pas totalement remis de la guerre civile entre Cingalais et Tamouls, avait été aggravée par la crise économique résultant de la crise COVID. En effet, la dette extérieure du pays est passée de 42,6 % du PIB en 2019 à 101 % en 2021. Le gouvernement de Mahinda Rajapaksa a massivement baissé les impôts, augmentant le déficit budgétaire tout en augmentant la création monétaire, augmentant ainsi l’inflation.

Depuis, quelle est la situation ?

Si le pays semble sortir progressivement de la crise économique, le FMI – dont on ne connaît que trop bien les recettes – appelle à une douloureuse restructuration du pays, notamment par le doublement des impôts, la réduction des dépenses publiques, l’augmentation des tarifs d’électricité et la baisse des subventions. 2,9 milliards de dollars seulement ont été promis en contrepartie.

Sont donc notamment visées les entreprises publiques, dont la société nationale d’électricité, la compagnie aérienne nationale ainsi qu’une compagnie pétrolière, qui avaient subi une perte d’1,3 milliards de dollars en 2021. Notons la seule contrepartie intéressante : la promulgation de lois anti-corruption dans le pays.

Après avoir fait défaut en avril 2022 de 46 milliards de dollars de dette extérieure, le pays reste aujourd’hui débiteur de 36 milliards de dollars, dont un peu plus de 7 milliards sont dus à la Chine. Cette dernière l’utilise comme moyen de pression sur le gouvernement sri lankais : exportation de 100 000 macaques à toque vers les zoos chinois (espèce placée sur la liste rouge des espèces en danger), vente d’un port sri lankais pour 99 ans, ouverture du marché des carburants à la compagnie chinoise SINOPEC…

Fin 2022, la dette locale s’élevait à 15 033 milliards de roupies (50 milliards d’euros), dont la valeur pour les créanciers diminue autant que la devise perd de sa valeur avec l’augmentation de l’inflation.

Le gouvernement a récemment publié son programme de restructuration de sa dette : une décote de 30 % sera prochainement appliquée sur les obligations du pays libellées en dollars, autant pour les créanciers internationaux que sri lankais. Seuls les crédits bilatéraux (intergouvernementaux) ne sont pas concernés par cette restructuration.

Des perspectives peu rassurantes

Le PIB, quant à lui, est en récession de 7,8 % en 2022, une nouvelle diminution de 2 % est également attendue en 2023 et la croissance, modeste, n’est pas prévue avant 2024.

Malgré le départ du clan Rajapaksa, la colère populaire persiste : l’inflation, bien que réduite, reste à un très fort niveau et les pénuries de bien se poursuivent. L’augmentation des impôts, du coût de l’électricité et des biens de première nécessité ont de nouveau poussé une quarantaine de syndicats à appeler à une grève nationale le 15 mars dernier, malgré l’interdiction faite par le gouvernement le mois précédent. L’armée a été déployée dans les gares et le port de Colombo.

Joffrey Henrique-Robécourt

Les Jeudis de Corbera – Quelle politique républicaine de maintien de l’ordre ? – 25 mai 2023

Après plus de 3 mois d’une contestation sociale historique, la politique de maintien de l’ordre ne cesse de poser question. Alors quelle politique républicaine de maintien de l’ordre et des droits ? D’autres pays font face à des problèmes similaires comment agissent-ils, quelle politique de désescalade ? Nous abordions cette question lors de la 3ème émission des Jeudis de Corbera, le 25 mai à partir de 19h, en présence de Fabien Jobard, chercheur sur les sujets police / justice, et Jean-Baptiste Soufron, avocat au barreau de Paris. Les débats étaient animés par Hélène Franco.

Intelligence artificielle : empêchons la dictature de la machine ! – tribune d’Emmanuel Maurel dans Euractiv

tribune publiée le 7 juin 2023 (pour la version anglo-saxonne ici)

Alors que Sam Altman, le PDG de l’IA générative ChatGPT, continue son tour du monde pour demander aux gouvernements de réguler l’intelligence artificielle (IA), le député européen Emmanuel Maurel met en garde contre tous les défis que l’UE aura à relever vis-à-vis de cette technologie de rupture.

L’intelligence artificielle révolutionne l’économie mais menace aussi la civilisation. Pour nous préserver de ce péril, il faudra aller bien plus loin que « l’IA Act » voté la semaine prochaine.

Pas un jour ne passe sans que nous soyons témoins de la progression fulgurante de l’intelligence artificielle.

L’IA est déjà utilisée dans la vie quotidienne : communications, traductions, jeux vidéo, bientôt voitures autonomes, mais aussi systèmes de surveillances de masse… et conflits armés. La possibilité de voir arriver des « robots tueurs » sur le champ de bataille est en effet tout sauf théorique.

Dans une lettre ouverte publiée en mars, un millier de chercheurs et professionnels du secteur demandaient un moratoire de six mois afin d’élaborer une régulation visant à empêcher l’IA d’être « dangereuse pour l’humanité ».

Moins apocalyptique, quoique fort inquiétant : la possibilité de propager de fausses informations à l’aide de photos et vidéos créées de toutes pièces par des IA, presque impossibles à distinguer des vraies.

Dans un contexte d’uniformisation des contenus sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming via les algorithmes, ce genre d’innovation nuira non seulement à la manifestation de la vérité, mais aussi à la culture et sa diversité – et donc à la civilisation.

Il est important de développer un projet éducatif autour de l’intelligence artificielle, ayant pour but d’informer les citoyens sur les risques associés à l’IA, mais aussi de les former à utiliser l’IA de manière responsable et éthique.

Des mesures fortes s’imposent pour encadrer l’IA, particulièrement sur les aspects liés aux droits humains. Est-il par exemple nécessaire de recourir aux technologies de reconnaissance faciale dans le cadre des prochains Jeux olympiques à Paris ?

L’Assemblée nationale, qui a voté en ce sens le mois dernier, aurait dû faire preuve de davantage de prudence au lieu de s’engager sur un terrain aussi glissant pour les libertés fondamentales.

Entretemps, l’Union européenne s’est emparée du sujet et met au point une législation se voulant protectrice et uniforme sur tout le continent, afin d’éviter toute tentation de « dumping numérique ». Les dispositions contenues dans son « IA Act », qui sera soumis au vote du Parlement européen en juin, offrent ainsi une perspective intéressante, insistant sur l’importance du rôle de l’humain dans la supervision de l’intelligence artificielle.

Mais organiser une telle supervision nécessitera que l’Europe se dote d’unités de contrôle fortement qualifiées, or les candidats manquent. De plus, il est nécessaire que l’humain soit en capacité de “débrancher la machine” manuellement, sans besoin de mécanismes informatisés et numérisés.

Qu’il s’agisse du contrôle ou du développement de l’IA, où nous sommes en retard par rapport aux États-Unis et à la Chine, nous n’aurons pas d’autre choix que mettre en place une stratégie extrêmement volontariste pour empêcher la « fuite de cerveaux », redoubler d’efforts pour la formation et pour la consolidation d’un écosystème favorable à l’émergence d’une IA spécifiquement européenne, centrée sur l’humain et sur les principes de liberté et de démocratie.

Un aspect important de cette stratégie est la collaboration entre les entreprises, les gouvernements, les experts en IA ainsi que la société civile, qui doivent travailler main dans la main pour amener une utilisation régulée des intelligences artificielles.

Dans l’immédiat, il nous faut contrer la voracité des géants du numérique, afin de prévenir toute utilisation abusive de l’IA, notamment en matière de protection des données personnelles, d’intrusion dans la vie privée, de désinformation, ou encore d’assurance-santé.

Tout reste à faire pour mettre sur pied une vision spécifiquement européenne de l’IA, à rebours du modèle chinois, mais aussi du modèle américain. Microsoft, qui a énormément investi dans OpenAI, et son « ChatGPT » vient de licencier la totalité de son équipe responsable de l’éthique de l’IA…

Enfin, l’IA risque d’entraîner une déstabilisation sociale massive. Des études récentes pronostiquent que 300 millions d’emplois pourraient être sous-traités par des IA !

Après avoir délocalisé la classe ouvrière en Asie, les multinationales s’apprêtent à remplacer la classe moyenne, y compris la plus diplômée, par des logiciels autonomes. Nos sociétés démocratiques n’y survivront pas. En l’espèce, agir dès maintenant sur le partage du temps de travail et de la valeur ajoutée, ainsi que sur les conditions de travail n’est pas une option, mais une obligation.

Tout doit être fait pour garantir une utilisation responsable et éthique de l’IA, dans l’intérêt des travailleurs et des citoyens européens. Nous ne pouvons pas laisser la machine décider de tout à la place de l’humain.

Les défis de l’inflation : relocalisation et partage de la valeur ajoutée (illustration dans l’agro-alimentaire)

À l’heure où les marges et profits des multinationales de l’agro-alimentaire font couler de l’encre, il est opportun de s’attarder quelques instants sur les mécaniques de l’inflation qui amènent à de tels dérèglements de la répartition de la valeur ajoutée et de manière plus général du profit. En effet, malgré un taux d’inflation à 5,9% en France et une grande partie des ménages en difficultés pour, simplement, faire leurs courses alimentaires, l’on voit parallèlement toute une frange de la société : actionnaires, patrons de grandes entreprises notamment – et de manière d’autant plus dérangeante dans l’agroalimentaire – qui voit leurs primes annuelles et bénéfices croître plus vite que l’inflation. « L’inflation, impôt pour les pauvres, prime pour les riches », disait François Mitterrand, mais pourquoi ? Quelle mécanique derrière ce biais ? Et quelle conclusions devons nous en tirer pour à la fois vivre mieux en période d’inflation et à la fois lutter contre celle-ci pour ne pas qu’elle devienne démesurée ?

Article de décryptage « En Europe, l’inflation frappe davantage les plus pauvres  » dans Les Échos, 19/11/2022

Tout d’abord, revenons-en aux définitions : l’inflation est la hausse généralisée de tous les prix à la consommation. Cette hausse est à long terme neutre en terme de pouvoir d’achat à l’intérieur d’un même pays, c’est à dire en économie fermée. En revanche, l’inflation érode la valeur d’une monnaie (ex. l’euro) par rapport à une autre monnaie (ex. le dollar) ce qui nous amène à moins pouvoir acheter à l’étranger. Avec l’inflation, il nous est donc plus difficile d’importer. Mais à l’intérieur d’un même pays, en situation d’économie fermée, il n’en est pas de même…

Prenons l’exemple d’un poulet qui me coûtait avant 8 euros avec un salaire horaire de 15 euros, si ce poulet me coûte désormais 10 euros avec un salaire horaire de 17 euros, il n’y a pas d’impact sur le pouvoir d’achat : le poulet comme mon salaire ont augmentés tous deux de deux euros. Pourtant on le constate tous les jours, auprès de nos amis, collègues, familles : une partie d’entre nous avons moins de pouvoir d’achat qu’auparavant. Quels sont donc les mécanismes qui appauvrissent les peuples si l’inflation, en soit, n’en est pas la cause ?

En vérité l’illustration que nous venons de faire avec le prix d’un poulet montre exactement les deux phénomènes altérant notre pouvoir d’achat :

  • la dépendance à l’offre extérieure (c’est à dire les biens que nous pouvons acheter en provenance de l’étranger c’est-à-dire dans une devise étrangère) ;
  • l’inégalité entre le taux d’inflation et la hausse de salaire.

La dépendance à l’offre extérieure en situation d’inflation

Le premier mécanisme d’appauvrissement du pouvoir d’achat lié à l’inflation provient de la dépendance d’un pays à l’offre extérieure, c’est à dire à l’importation.

Les économies actuelles ne sont pas des économies fermées (type Corée du Nord, coupée du reste du monde), la France vend des biens à l’étranger (exportation) et en achète également (importation). Ces échanges ne sont souvent qu’une étape dans le processus de production d’un produit : nous n’achetons pas à l’étranger uniquement des biens pour la consommation directe, beaucoup sont destinés à être réintroduits dans un processus de production, ce qui va donc avoir un impact sur le prix final du produit. En effet plus le produit intermédiaire aura coûté cher, plus le bien final le sera également.

Les chaînes d’approvisionnement sont les flux à partir de l’achat de matière première jusqu’à la livraison client au cours desquels un processus est déployé, faisant interagir un réseau de différents acteurs pour élaborer et acheminer un produit jusqu’au client final, c’est aussi ce que l’on appelle les Supply Chain. Or l’interdépendance des chaînes d’approvisionnement telle qu’elle l’est encore actuellement – et ce malgré les enseignements que nous aurions pu tirer de la crise du COVID – oblige à devoir constamment acheter des biens importés de l’étranger pour concevoir et terminer l’élaboration des produits fabriqués sur le sol français. La composante d’érosion de la valeur de la monnaie – ici l’euro – vis-à-vis des biens importés appauvrira donc mécaniquement notre pouvoir d’achat et s’aggravera inévitablement d’une hausse des prix à la consommation en bout de “supply chain”.

À cet aspect du problème, il existe heureusement un remède : ré-industrialiser la France en recréant des chaînes d’approvisionnement sur le sol français ; rapatrier des savoir-faire en soutenant la “re-localisation” ; relancer l’investissement en stimulant le carnet de commandes des entreprises notamment dans les secteurs de la transition énergétique ; créer des chaînes de production les plus locales possibles – y compris dans le secteur agricole – pour diminuer les temps de transport et gagner en performance sur les coûts logistiques.

Le mirage de la balance commerciale déficitaire

Certains experts se focalisent sur le problème de la balance commerciale. La France a en effet une balance commerciale structurellement déficitaire, c’est-à-dire que la France importe plus de biens qu’elle n’en exporte. Mais lutter purement et simplement contre cette structure c’est ne pas avoir cerné le problème. Une balance commerciale déficitaire n’est pas, en soit, fondamentalement problématique; d’ailleurs si des pays peuvent être excédentaires, c’est bien parce qu’il y en a d’autres qui sont déficitaires et vouloir un ex aequo partout serait illusoire. Le problème est une balance commerciale déficitaire avec une inflation qui augmente le prix des biens importés et creuse le déficit commercial en valeur nominale (en volume, le déficit n’a pas changé). Cette analyse amène à une différence significative quant à la manière de résoudre la perte de pouvoir d’achat à l’importation. Pour une partie des experts, augmenter le nombre de biens exportés suffirait à résoudre le problème : la balance se rééquilibrerait intuitivement comme si nous mettions à nouveau un peu plus d’orange du côté où la balance est trop légère. Ils ont tort ! N’apporter que cette réponse au problème c’est oublier la moitié de l’équation. Remettre des oranges dans la balance c’est nous appauvrir en orange, car chaque orange vaudra en conversion euro/monnaie étrangère moins qu’avant. Autrement dit, pour rééquilibrer les échanges et surtout être moins sujets aux aléas de l’inflation, la France ne doit pas plus exporter mais moins importer, c’est à dire produire local pour consommer local.

Reprenons l’exemple de la volaille pour illustrer ce phénomène. La France importe du poulet, du Brésil notamment. La France exporte également du poulet, par exemple vers l’Allemagne. Mais la France produit également du poulet qu’elle consomme sur place, celui-ci n’est ni importé ni exporté. Augmenter le nombre de poulets exportés vers l’Allemagne pour rétablir un équilibre dans la balance commerciale n’améliorerait en rien le pouvoir d’achat des français, cela ne nous aiderait pas à acheter moins cher des poulets brésiliens. Alors qu’augmenter la production locale pour ne plus avoir besoin d’acheter des poulets brésiliens, qui deviennent de plus en plus cher en euro à cause de l’inflation (car l’euro perd de la valeur face à la monnaie brésilienne ou face au dollar ) aiderait le pouvoir d’achat des français. Pour certains secteurs comme ici, il “suffit” de mettre en élevage plus de volailles; pour des composants industriels, c’est toute la chaîne d’approvisionnement qu’il faudra réinventer, d’où la nécessité d’une réelle politique industrielle à l’échelle nationale.

L’inégalité entre le taux d’inflation et la hausse des salaires

Le deuxième mécanisme d’appauvrissement du pouvoir d’achat lié aux conséquences de l’inflation provient de l’inégalité entre le taux d’inflation et la hausse des salaires. Cette inégalité ne doit pas être regardée à un instant t telle une photographie, non, c’est une inégalité qui s’inscrit et se décline dans le temps.

En effet, l’inflation n’apparaît pas du jour au lendemain, elle est constituée d’une succession de hausses de prix qui s’inscrivent dans le temps, généralement sur plusieurs mois, avant que tous les secteurs ne soient concernés.

Les premiers acteurs à avoir augmenté leurs prix sont les grands gagnants de cette inflation tandis que les derniers à voir leur prix augmenter sont les perdants car ils ont perdu en pouvoir d’achat tout le temps où leurs propres prix n’avaient pas augmenté. C’est très souvent le cas des salaires : le patronat décide d’augmenter les prix de leur biens/services et seulement une fois que les prix les plus élevés se sont répercutés partout, dans l’ensemble de l’appareil productif et dans tous les secteurs, une fois que les employés n’arrivent plus à joindre les deux bouts, alors les syndicats organisent des réunions de renégociation salariale avec le patronat et s’accordent sur une hausse de salaire pour rattraper l’inflation.

Les patrons ont donc profité de prix et de revenus élevés alors que les salariés ont dû attendre bien plus de temps avant que leurs salaires ne soient remis à niveau. Les gagnants de l’inflation sont donc les personnes ayant perçu une marge nette plus élevée que d’habitude.

Extrait de l’étude Agile Buyer auprès de 900 acheteurs, janvier 2023.

Bien souvent celle-ci vient grossir les poches des actionnaires ou s’accumule dans les réserves de l’entreprise au lieu de servir à l’investissement ou d’être redistribuée en partie aux employés. Dans ces cas-ci, les petites entreprises sont biens souvent au même régime que les salariés, n’ayant pas un pouvoir de négociation affirmé envers leurs fournisseur et leurs clients, ces entreprises suivent tant bien que mal l’inflation en bout de chaîne et sont souvent les perdantes au même titre que les salariés.

A ce stade néanmoins le problème reste limité dans le sens où, certes les prix sont plus élevés, mais les coûts le sont également, la marge nette n’a donc pas tellement augmenté. Les gains des entreprises liés à l’inflation sont également à nuancer selon la composition du prix final : l’inflation profite davantage aux entreprises ayant une forte part de valeur ajoutée dans leurs prix finaux qu’aux entreprises ayant une petite part de valeur ajoutée (et donc une grande part de coûts intermédiaires).

L’inflation anticipée

Le problème s’aggrave sensiblement lorsque les acteurs commencent à tabler sur ce que l’on appelle l’inflation anticipée. C’est-à-dire qu’à la prochaine hausse des prix, le patronat ne va plus seulement prendre en compte l’inflation additionnée d’une petite marge mais va déterminer ses prix en misant sur une inflation constatée à laquelle il va ajouter l’inflation anticipée : de manière générale, les acteurs craignent des taux d’inflations supérieurs aux taux réels constatés et préfèrent se protéger en tablant sur une très forte inflation. En faisant cela ils créent eux-même une plus forte inflation puisqu’ils déterminent des prix bien plus élevés que nécessaires. C’est avec l’inflation anticipée que le cercle vicieux d’une inflation qui s’auto-entretient apparaît. C’est également avec l’inflation anticipée que les prix décollent véritablement et que les inégalités s’accroissent.

En effet, si l’inflation réelle est inférieure à l’inflation anticipée, les prix très élevés génèrent des marges très importantes qui seront à nouveau versées au capital plutôt qu’aux travailleurs, creusant ainsi les inégalités et créant un appauvrissement de la grande majorité des ménages.

C’est exactement ce que l’on constate actuellement dans le secteur de l’agro-alimentaire. Le coût des matières premières a sensiblement augmenté en 2021/2022 entre la hausse du prix du carburant post-COVID et celui des céréales lors du début de la guerre en Ukraine, si bien que les acteurs ont anticipé une très forte inflation et ont dispensé des prix anormalement élevés pendant des mois avant d’envisager de réajuster les salaires à la hausse. Entre le moment t1 de la hausse des prix et le moment t2 de la hausse des salaires, le partage de la valeur ajoutée, gonflée par des prix élevés, n’a absolument pas été répartie entre les acteurs et n’a servi que le capital.

Le remède ? Indexer le taux d’inflation sur les salaires. Si les “faiseurs de prix” de l’agroalimentaire avaient été contraints, dans leur calculs de prix d’augmenter les salaires d’autant qu’ils augmentaient leur coefficient d’inflation anticipée, ils n’auraient probablement pas misé aussi gros. Et les salaires auraient suivi de facto, ramenant tout de suite à l’égalité du taux d’inflation avec celui de la hausse des salaires, c’est à dire en obligeant l’inflation à n’être qu’une érosion de la valeur de la monnaie et non celle du pouvoir d’achat. En attendant et puisque le cercle vicieux est déjà bien amorcé il aurait été opportun et judicieux de taxer les marges extraordinaires que parviennent à faire certaines entreprises qui disposent d’un pouvoir de marché exorbitant, premièrement pour redistribuer les profits et deuxièmement pour induire aux “faiseurs de prix” que toute hausse de prix démesurée n’est pas sans conséquence.

En conclusion ces deux mécanismes : la diminution de la dépendance à l’offre extérieur et l’égalité entre taux d’inflation et hausse de salaires ne vont pas l’un sans l’autre. Indexer les salaires sur l’inflation sera d’autant plus pertinent et efficace que l’on importera moins de l’étranger et que l’on consommera davantage local. Ainsi nous diminuerons les effets de l’inflation, et en les diminuant cette dernière finira par revenir d’elle-même dans proportions raisonnables.

Ingrid Degrott

Les Jeudis de Corbera – Réussite pour tous : en finir avec la ségrégation scolaire ! – 20 avril 2023

Jeudi 20 avril 2023, à 19h, se déroulait la deuxième session des Jeudis de Corbera.

La mixité sociale concoure à la réussite scolaire du plus grand nombre. Comment peut on la faire progresser ? Bon nombre d’établissements scolaires privés sont particulièrement homogènes socialement et bénéficient de financement public. Comment changer ces mécanismes de ségrégation ?

C’est le sujet sur lequel la Gauche Républicaine et Socialiste a invité Pierre Ouzoulias, sénateur PCF des Hauts-de-Seine, et Damien Vandembroucq, coordinateur GRS Paris, à débattre et échanger, dans une session animée par Carole Condat.

Planification écologique : Macron “prend l’eau”

Face à la récurrence des sécheresses qui frappe notre pays, le temps n’est plus aux vagues intentions ni aux actions au coup par coup ! Il faut une planification de la gestion de l’eau, qui englobe les modifications de pratiques et de consommation et conduit à une nouvelle organisation des interventions, pour un vrai service public de l’eau !

Le « plan d’eau » annoncé par le président Macron le 30 mars dernier à Savines-le-Lac, n’est ni suffisant, ni suffisamment structurant pour permettre à notre pays de s’adapter aux effets prévisibles du manque d’eau.

Il ne tire pas les leçons des erreurs et manquements que nous avons pu observer durant la sécheresse de l’an dernier. Pourtant un récent rapport du ministère de la transition écologique pointe ces insuffisances dans certains département, la situation est déjà critique.

Les chiffres de l’an dernier parlent d’eux même : 1 200 cours d’eau asséchés, 93 départements touchés par les restrictions d’eau, une production agricole en baisse de 10 à 30%, plus d’un millier de communes ravitaillées en eau par camions ou bouteilles. Or au 1er avril de cette année 75% des nappes phréatiques ont un niveau bas ou très bas et 47 départements de métropole sont d’ores et déjà placés en état de vigilance dont une quinzaine en alerte renforcée ou en crise sur l’arc méditerranéen et la vallée du Rhône…

L’impératif d’une gestion publique de l’eau et d’une planification écologique opérationnelle

Pour la GRS, l’eau est un bien commun. A ce titre, il doit être géré dans l’intérêt général avec le souci d’équilibrer l’exploitation de la ressource et la préservation du milieu.

Une politique publique avec une vision globale s’impose. Car ces enjeux recouvrent des intérêts variés, parfois contradictoires, et cela suppose des arbitrages démocratiques, éclairés, inscrits dans la durée. C’est ce qu’on appelle la planification. Nous en sommes très loin !

Les mesures annoncées par Emmanuel Macron non seulement ne cassent pas trois pattes à un canard mais se contentent de vagues intentions, parfois même en retrait par rapport aux engagements des assises de l’eau 2019 !

Ainsi y était prévue une réduction des prélèvements d’eau de 10% pour 2024 avec une seconde étape de -25% en 2034. Là, Emmanuel Macron se contente de -10% et pour 2030. C’est un très net recul.

Cet exemple témoigne d’une grave dérive dans l’organisation des politiques publiques ! C’est la méthode Macron On prend des engagements – plus ou moins réalistes –, on communique beaucoup mais on ne déploie ni les moyens, ni les actions qui permettraient de garantir que les promesses seront tenues… et encore moins dans les délais prévus ! Ceci est déjà grave en soi mais d’autant plus dangereux que cela renforce le sentiment d’impuissance collective qui délégitime l’État, l’action publique et entretient le doute démocratique.

Il faut radicalement changer de méthode et systématiquement voter non seulement des objectifs mais également les financements nécessaire pour se contraindre à ces objectifs. Il faut des lois pluriannuelles de programmation, adossées à la planification écologique.

La planification ce n’est pas des objectifs, des cadres imprécis, dans des tableaux de bord affichés pour habiller l’absence d’action concrète, mais la mobilisation effective des acteurs autour de plans d’actions permettant d’atteindre des objectifs communs avec un suivi régulier sur la tenue véritable de la feuille de route !

Aussi, les annonces d’Emmanuel Macron ne rompent pas avec ces discours répétés à l’envie qui ne régleront rien ou pas grand-chose.

L’impensé ou l’occultation des financements indispensables

Certes, on peut se réjouir qu’il fasse la liste du champ des interventions nécessaires pour la sobriété, comme la lutte contre les fuites d’eau. La GRS milite depuis longtemps en faveur de cette exigence car c’est 20% de l’eau potable ainsi gaspillée. Mais le Président envisage tout bonnement 180 millions d’euros supplémentaires par an, là où les experts estiment à 1,5 milliards d’euros l’investissement financier nécessaire ! L’écart est démesuré.

La gestion écologique de l’eau va exiger des sommes considérables et plus encore si l’on n’aborde pas seulement la question de la sobriété mais aussi celle de la restauration du bon état écologique de l’eau qu’elle soit terrestre ou souterraine ! De ce point de vue, la France est loin des objectifs de la directive cadre européenne sur l’eau ! Nous avons pris du retard et il faudra aussi investir dans les réseaux d’eaux usées ou pluviales, dans la généralisation de leur découplage et dans les stations d’épurations. Aucune simulation financière globale n’a été réalisée et on fait l’autruche imaginant que l’argent va tomber miraculeusement du Ciel !

Le non-dit du financement des 53 mesures d’Emmanuel Macron et de l’augmentation des factures d’eau !!

Le président de la République à Savines-le-Lac a annoncé 53 mesures et seulement 475 millions supplémentaires annuels pour les agences de bassin (budget de 2,5 milliards). En fait cette somme, n’est pas vraiment nouvelle, même si elle est bienvenue puisqu’elle vient pour une part de la réduction du prélèvement opéré par l’État sur les ressources des agences. Ces sommes ne suffiront pas et chacun voit bien que le financement va se traduire par une hausse du prix de l’eau !

La tarification progressive (dont la possibilité existe déjà) sera encouragée. Mais pourquoi ne pas la rendre obligatoire ? La GRS milite pour cette mesure écologique et sociale.

Évidemment Emmanuel Macron n’évoque pas la mise à contribution des multinationales de l’eau. Il ne serait pas illégitime de demander une contribution financière à ces multinationales de l’eau, de même qu’à la Compagnie nationale du Rhône, qui continuent à engranger les profits en exploitant nos communs.

Ne pas traiter sérieusement cette question du financement évite de faire des choix clairs sur la participation de chaque secteur (particuliers, agriculteurs, industriels) mais aussi sur le prix et sur les conditions de la gestion de l’eau.

Engager tous les secteurs dans la sobriété et transformer notre modèle agricole

Oui tous les secteurs doivent réduire leur prélèvement en eau et aussi bien les particuliers que l’industrie ou l’agriculture ; cela exigera des changements de pratiques et d’importants investissements.

Le cas de l’agriculture est évidemment crucial et délicat. Elle concerne 58% des prélèvements d’eau annuel en France et se concentre pendant les périodes de tension La transition vers de nouvelles pratiques doit certes être progressive mais, continue et menée avec détermination. Car il s’agit de garantir notre souveraineté alimentaire et poursuivre une politique raisonnée d’exportations. Nous avons observé une chute importante de la production agricole en particulier en 2022 avec la sécheresse, mais nous voyons aussi un recul du made in France dans de nombreux secteurs comme le maraîchage. Tout cela sans compter la hausse des importations de produits étrangers moins chers (pas toujours respectueux des normes environnementale et de bien-être animal).

Or, dans les annonces du plan « eau » d’Emmanuel Macron, n’est envisagée comme aides aux investissements nécessaires à cette transition écologique ! Seuls sont prévus 30 millions d’euros pour favoriser de nouvelles parcelles agricoles économes en eaux. Cela restera de l’expérimental, alors qu’il faut aller vite sans quoi nous risquons une chute massive de la production agricole, nous condamnant à importer de plus en plus de produits de l’étranger.

Faire comme si ces problèmes ne se posaient pas est irresponsable ! Ni les agriculteurs, ni les consommateurs,ne voient clairement notre stratégie nationale pour l’avenir de notre agriculture. Il serait dangereux que s’installe un dialogue de sourd sur ces enjeux. Le double discours du gouvernement, hélas y contribue.

D’un côté le président de la République indique que tous les secteurs devront réduire de 10% leur prélèvement d’eau d’ici 2030.Et de l’autre, au même moment, le ministre de l’Agriculture annonce devant la FNSEA que le prélèvement d’eau par l’agriculture sera maintenu. Donc pas de diminution.

Il faut le dire clairement et à tous, l’expliquer et le faire comprendre. et Montrer comment on atteindra quand même la réduction de 10% en 2030 et en tout cas une chose est certaine nous ne pourrons pas continuer avec la pression actuelle pour l’irrigation (au passage très concentrée sur les grosses cultures type Maïs) !

Associer tous les acteurs mobilisés et les citoyens dans une nouvelle gouvernance de la politique de l’eau

Cette gouvernance doit être totalement revue ! La complémentarité entre l’intervention de l’État et celles de collectivités locales s’impose ; l’unification des documents et des programmations est indispensable mais avec de vraies déclinaisons territoriales, tant la complémentarité et la cohérence des actions menées que l’adaptation à chaque bassin versant et aux activités locales sont la clef de la réussite.

On est actuellement dans une forme de jungle incompréhensible pour le plus grand nombre.

D’abord il faut que chaque territoire dispose obligatoirement d’un schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) avec pour chaque bassin versant une commission locale de l’eau chargée de la mise en œuvre de ce SAGE. De la même façon, des plans de gestion de l’eau doivent partout décliner, de manière plus opérationnelle encore, les actions à mener et les arbitrages opérés, expliquer pourquoi et le faire comprendre..

Car c’est bien cette articulation entre une planification nationale et des planifications locales généralisées qui peut garantir à la fois l’efficacité et une implication citoyenne indispensable. Elle doit aussi avoir lieu pour l’actualisation des plans de gestion et de protection des zones humides.

Faire prévaloir dès à présent cette méthode et cet état d’esprit dans la mise en œuvre des mesures contre la sécheresse pour ne pas reproduire les erreurs passées

Il faut prévoir et systématiser les réunions sous l’égide du préfet dans chaque département avant la fin de l’hiver pour évaluer et discuter de l’état des nappes phréatiques et engager une véritable stratégie de régénération des ressources sans sous-estimer les contrainte.

Il faut veiller à ce que les arrêtés de restriction soient réellement équitables, compris et acceptable par les citoyens – on a par exemple constaté que dans certains départements, les golfs pouvaient arroser tandis que d’autres activités plus utiles étaient restreintes !

La transparence doit être de rigueur.

Il faut assurer un suivi permanent de la situation hydrique et accélérer notamment dans les départements les plus à risques la mise en place de contrôles en temps réel (compteur télé-relevé) des gros consommateurs. Enfin, mais cela relève du législatif, il sera sans doute nécessaire d’augmenter les sanctions pour les contrevenants pour les rendre plus dissuasives.

Pour conclure, soulignons qu’il est étrange qu’Emmanuel Macron n’ait pas signalé l’impact de la sécheresse à venir sur le transport fluvial. L’été dernier, la sécheresse a contraint  de réduire la charge des barges sur le Rhin  faute de profondeur et a finalement reporté le trafic sur la route et les camions avec un effet écologique et de coût très négatif.

L’Union Européenne doit s’interroger sur le programme européen Naïade III (2023-2027) prévoit ne augmentation  du transport fluvial de 25 % à l’horizon 2030 et de 50 % à l’horizon 2050. Il convient de garantir la cohérence entre les différents enjeux écologiques !

* * * * *

La Gauche Républicaine et Socialiste appelle donc à remettre le travail sur le métier et vite ! Nous ne pouvons plus nous contenter d’annonces spectaculaires, ou faibles mais maquillées par la communication politique, sans portée opérationnelle solide. Il est urgent d’élaborer une véritable loi de programmation et de planification, en faisant participer tous les acteurs : le temps presse !

Alain Fabre-Pujol, Jean-Loup Kastler et Marie-Noëlle Lienemann
pour le pôle écologie républicaine de la GRS

La sortie de crise passe (aussi) par la sortie de la 5ème

Dans sa majorité, la gauche a tôt fait de dénoncer les fondements voire les dérives monarchiques de la Ve République. La Constitution de 1958, rédigée pour « mettre fin aux errements parlementaires » d’une IVe République adoptée de justesse douze ans plus tôt1 et sévèrement chahutée depuis le début de la guerre d’Algérie, confère, on le sait, un pouvoir excessif au Président de la République. La révision constitutionnelle de 1962, là encore très contestée (elle donna lieu à la seule motion de censure adoptée, contre le gouvernement de Georges Pompidou), fait de son élection l’axe central, incontournable, devenu quasi unique de la vie politique française.

La dérive grandissante de l’exercice du pouvoir présidentiel suscite une défiance de plus en plus accrue. Les révisions constitutionnelles ou les évolutions législatives institutionnelles (notamment sur le quinquennat puis l’inversion du calendrier électoral) ont mis un terme à la fiction du rôle arbitral du Président de la République, alors même que la dérive de la construction européenne (et le manque de volonté politique de nos dirigeants) en fait en réalité une sorte de comptable à l’échelle de l’Union. La décentralisation – et l’émergence des Régions – ont parallèlement conduit à une forme de dilution, voire de confusion, des pouvoirs (une partie des présidents de Région semble même vouloir entrer désormais en concurrence avec le pouvoir central),alors même que la capacité des différentes strates de la puissance publique à agir concrètement sur la vie quotidienne de nos concitoyens est de plus en plus interrogée.

L’accumulation des réformes constitutionnelles de 2002 et 2008 ont ainsi définitivement fait passer le président de la République dans un rôle de chef de l’exécutif – au sens gouvernemental du terme – rabaissant en réalité le rôle du premier ministre au rang de « simple collaborateur » selon le mot de Nicolas Sarkozy, dépendant d’une majorité parlementaire faite à la main du chef de l’État (au moins jusqu’en 2022). Le paradoxe veut que le renforcement théorique des pouvoirs du président de la République se soit inscrit en parallèle d’un affaiblissement de l’autorité de l’État. Cette contradiction n’a jamais été aussi vivante que sous Emmanuel Macron, qui a prétendu plus que tout autre à un exercice jupitérien de sa fonction, sans rediscuter sérieusement la tutelle ordolibérale de l’Union Européenne, sans ancrage local réel de sa majorité parlementaire … pour finir par ne plus bénéficier du tout de majorité parlementaire.

Ne se situant plus au-dessus de la mêlée, la statue du commandeur s’effrite et se dilue au contact des réformes impopulaires et de moins en moins admises par l’opinion publique. Celle-ci entend ces dernières années se réinviter au centre d’une scène politique dont elle était écartée. Cette manifestation brutale et verticale du pouvoir a été particulièrement mise en lumière tout au long de la crise COVID, où les décisions concernant l’ensemble des Français furent prises à huis clos, au sein de Conseils de Défense.

Les gardiens du Temple gaulliste de la Vème République faisaient de l’autorité surplombante du Président de la République l’intérêt constitutif du régime. Or plus rien ne fonctionne selon ce principe Comme le disait Rémi Lefebvre au soir du second tour des élections législatives de 2022, « que le scrutin majoritaire donne une représentation politique qui se rapproche de celle que pourrait produire la proportionnelle est un indice paradoxal de plus de la crise de défiance généralisée, accrue par l’échec pratique du macronisme et la faiblesse de son assise électorale réelle… La prime majoritaire ne peut même plus masquer le déficit de légitimité du système… ». Et avec sa réforme injuste – et illégitime – des retraites, Emmanuel Macron a fait la démonstration qu’il n’avait pas de majorité parlementaire de rechange après son échec de juin 2022 ; et dans le même mouvement, ceux qui voyaient dans l’absence de majorité parlementaire alignée sur le président une opportunité historique de renouer avec un parlementarisme positif ont vite pu constater le caractère illusoire de leur pronostic. Car c’est aujourd’hui tout le système qui est grippé : la crise sociale s’est doublée d’une crise de régime.

La résolution de cette crise ne fera pas l’économie d’une VIe République, (re)mettant la vie parlementaire et l’expression populaire au centre du processus démocratique.

Il existe encore nombre de défenseur de la constitution de Michel Debré. Ils veulent bien concéder que ses équilibres institutionnels représentent une exception en Europe et dans le monde, mais prétendent conserver ce qu’ils jugent être un équilibre parfait entre les aspirations tumultueuses d’un peuple très politique de « gaulois réfractaires » et le bon sens libéral régnant en maître en Europe ; la constitution de la Vème République révisée attribue ainsi à l’exécutif et à l’Union Européenne non pas le monopole du cœur mais celui de la raison, qui ne serait alors plus la chose la mieux partagée. Pérorer ainsi sur des plateaux TV policés, en agitant encore et toujours le spectre de l’instabilité ministérielle caractéristique de la IVe République ou pire la défaite de 1940, c’est pourtant faire fi de l’histoire même des IIIe et IVe Républiques qui toutes deux ont permis de redresser et de reconstruire la France au lendemain des deux plus grands effondrements que la France ait connus, avant il est vrai de tomber sous les coups des événements, de leurs contradictions internes et de la médiocrité d’une partie du personnel politique.

Même le régime bancal de la IVe République avec ses courtes coalitions populaires nous a apporté, le socle économique, social et démocratique pour lequel la GRS se bat aujourd’hui – il est vrai que l’élan avait été donné par le programme « Les Jours Heureux » du Conseil National de la Résistance. Ce socle que nous entendons défendre n’a jamais été aussi menacé par les assauts réguliers, méthodiques, répétés et constants des néolibéraux, dont le projet s’accommode fort bien de l’affaiblissement des processus démocratiques. Tous les aspects de la protection sociale font depuis 35 ans l’objet d’une remise en cause progressive certes, mais systématique : le droit du travail, l’assurance chômage, l’assurance maladie et le système des retraites. Le détricotage social et démocratique, avec le recours brutal à l’article 49.3 et le détournement d’usage d’autres articles de la constitution2, doit céder sa place à une démocratie vivante. Le parlement doit retrouver une place prépondérante : pour cela, il faut limiter les outils du « parlementarisme rationalisé » qui aboutissent à l’affaiblissement spectaculaire de l’Assemblée Nationale. Plus généralement, la revitalisation de la vie démocratique suppose de donner davantage la parole aux citoyens. Le recours accru au référendum, l’institution d’un véritable référendum d’initiative citoyenne, paraissent aujourd’hui indispensables.

Le Parlementarisme est exigeant ; il nécessite débat, dialectique, compromis, autour d’un projet de société social, écologique, et tourné vers l’intérêt général. Le compromis, qui n’est pas la compromission, est synonyme d’une certaine harmonie politique, puisque respectueux des divergences et des singularités qui existe dans la communauté civique en les englobant dans un projet commun et une vision de long terme.

Cette vision socialiste et républicaine, nous l’avons ! Rejoignez-nous pour rebâtir et défendre l’héritage de nos brillants prédécesseurs !

Fabien Evezard et Frédéric Faravel

1 Après l’échec d’un premier projet constitutionnel en mai 1946, la constitution de la IVème république est adoptée par référendum le 13 octobre 1946 par 53,2 % des suffrages exprimés et une participation de 67 % seulement.

2 Relire notre analyse du 29 mars dernier « Le Conseil Constitutionnel doit censurer toute la réforme des retraites » : https://g-r-s.fr/le-conseil-constitutionnel-doit-censurer-toute-la-reforme-des-retraites/

Être étudiant(e) à l’heure du Covid-19

Dans cet entretien Manon D. étudiante en économie nous décrit le quotidien des étudiants pendant la crise du Covid-19. C’est un témoignage personnel. Cet entretien a été réalisé voici plusieurs mois, nous choisissons de le publier aujourd’hui car les difficultés révélées par la crise sanitaire et celles qu’elle a provoquées n’ont toujours pas trouvé de réponses de la part des pouvoirs publics.

propos recueillis par Augustin Belloc et Gurvan Judas

GRS : Comment en tant qu’étudiante as-tu vécu la crise de la Covid-19, avec les cours à distance, la solitude, les loyers exorbitants à Paris ou encore la nécessité de travailler pour subvenir à tes besoins ?

Manon : C’était difficile, comme pour tous les étudiants et notamment les plus précaires. Moins pour les étudiants biens lotis avec un logement adéquat ou une maison en province à la campagne avec leurs parents. Mais pour moi et mes amis qui étaient dans la même situation, nous nous sommes retrouvés dans un petit appartement de 10 m². Les cours étaient à distance, nous n’étions pas confinés mais avec le couvre-feu, les cafés et bibliothèques fermés c’était comme un confinement. On suivait nos cours à distance et le soir, nous étions confinés. Donc nous étions isolés.

Pendant deux ans, aucune possibilité de rencontrer de nouvelles personnes et de faire de nouvelles expériences relationnelles et professionnelles. C’était dur pour le morale.

Pour les cours, on dépendait de notre connexion Wifi, moi au 7e étage j’avais une mauvaise connexion donc il y avait des cours que je n’ai pas pu suivre, ce qui m’a pénalisé et m’a fait avoir de mauvaises notes. J’ai été prise en Master, mais une amie a redoublé et a décroché à cause de ça. Les professeurs n’ont pas pris en compte les problèmes liés à la connexion internet. Apprendre seul et apprendre avec un professeur, cela n’est pas pareil…

Ce problème d’exclusion, ne pas pouvoir suivre les cours et tout faire dans la même pièce de 10 m² où l’on mange, où l’on dort, où l’on travaille, etc. C’est dur. Mes APL m’ont fait survivre, mais une amie qui travaille dans la restauration et qui avait besoin de travailler n’a pas pu. Donc, elle a eu des problèmes d’argent.

As-tu eu le sentiment d’avoir été soutenue par l’institution universitaire ?

Il y a eu des moyens mis à disposition, on pouvait louer un ordinateur, une box, etc. Mais ça ne marchait pas, ils ne prenaient pas en compte les moyens propre à chacun. Donc des moyens était mis à disposition, certains professeurs mettaient des exercices pédagogiques. Mais je ne pensais pas avoir mon année et personne ne m’écoutait.

Par exemple : un examen en ligne, où je ne pouvais pas passer les questions à cause d’un problème de connexion, j’ai contacté le professeur il n’a rien fait… Je ne me sentais pas entendu. J’ai eu 4 à cet examen ce qui a plombé ma moyenne.

On a beaucoup vu les étudiants devant les banques alimentaires, est-ce quelque chose que tu as vécu ou connais-tu des personnes qui l’ont vécu ?

Personnellement non, grâce à ma bourse, mais une amie déjà concernée avant le Covid oui. Mais elle vivait cela avec du recul. Donc des amis partageaient cette situation : du mal à se nourrir avec des familles qui n’ont pas les moyens d’aider. Donc ils ont eu recours aux paniers alimentaires.

Je vivait en appartement CROUS, il y avait des moyens mis en place. Je n’ai pas connu cette situation, je m’en suis sorti financièrement car comme nous étions confinés il n’y avait pas de sortie, ça fait économiser de l’argent. Mais c’était dur.

Selon les types d’études, il y a eu des inégalités entre les grandes écoles avec plus de moyens et les universités, tu as pu le constater ?

J’ai été mis au courant de cela. En école privée, les étudiants pouvaient aller dans les locaux en petits effectifs. Ils pouvaient se sociabiliser alors que dans les universités nous étions mis à la marge, en détresse, on était les oubliés ; une amie a redoublé sa L2 car elle a fait une dépression. Elle a vu un psy mais avec des sessions d’une demi-heure… Donc dans certaines écoles privées, les étudiants avaient presque une vie normale et nous, à l’université, nous étions seuls.

Cette situation a-t-elle généré des tensions entre différents étudiants selon les possibilités qui leurs étaient offertes ?

C’était de la survie, chacun pour soi. Nous n’avions pas le temps de penser à mal envers autrui, la situation nous échappait donc c’était de la survie propre. Le fait que certain en profitaient, on le voyait de loin.

On a beaucoup parlé des étudiant dans les médias et le monde politique mais rien n’a été fait à part une revalorisation des APL dont on avait retiré 5 euros. On en a parlé, mais dans les faits est-ce que quelque chose a été fait ?

Depuis la crise, la cause étudiante a été mise en avant comme une des préoccupations du mandat d’Emmanuel Macron. Mais je ne cherche pas à voir ce qui a été fait ni à écouter ce qui peut se dire. Je n’ai pas cherché à avoir une augmentation, ma bourse et mes APL me suffisaient.

Le Système d’aide exceptionnelle, j’y ai eu recours à la rentrée dernière avec un dossier et une lettre de motivation. On doit passer devant une commission et parfois ils effectuent un versement selon les besoins.

Il y a eu également des aides avec des assistantes sociales. Il y a aussi des repas à un euro, ça a permis à des étudiant de se nourrir, car parfois le midi je ne mangeais pas, donc le restaurant universitaire et le repas un euro ça m’a changé la vie. On peut manger à moindre coût, mais sinon il y a eu peu de changement pour les logements notamment, etc.

Car je suis boursière échelon 6 avec une mère seule sans père, elle ne peut pas financer un logement à Paris. Je n’ai pas eu de logement Crous à ma rentrée à Paris et sans logement l’assistante sociale a été mis devant le fait accompli et j’ai réussi à l’avoir.

Donc même si il y a des moyens on ne facilite rien. J’aurai pu ne pas avoir de logement. Ma demande Crous n’a pas été renouvelé, j’ai un appartement que je paie plein pot avec certes heureusement les APL. C’est différent d’un logement Crous, donc la situation ne s’est pas améliorée malgré de petites mesures.

Avec une approche plus politique qu’est-ce que l’État aurait pu ou dû faire dans ce cas ?

On a conscience de la précarité étudiante globale mais pas de la diversité. On a l’impression parfois que tous les étudiants faisaient la queue devant les banques alimentaires mais ce n’est pas vrai.

J’ai une amie qui habite à Paris mais qui a besoin de travailler c’est un exemple de précarité économique, on a pas tous les même contacts si on a un problème, on a pas tous le même filet de sécurité.

Ma bourse me suffit si je travaille à côté ; mais si je ne peux pas travailler, on est dans la précarité économique. Il ne faut pas juste prendre en compte une certaine situation, il faut prendre en compte la diversité des situations. Ceux par exemple avec des parents pas assez riches pour aider et financer un logement à Paris, mais trop riches pour avoir une bourse. Ils ne sont jamais pris en compte.

Beaucoup ont besoin d’aide mais ne les voit pas. Les logements étudiants sont des taudis, avec des fenêtres cassées et douches cassées, c’est honteux de se dire que là réside l’avenir de la Nation, ils ne peuvent pas réussir à l’université dans ces situations quand ils habitent là… il faut revoir les conditions d’existence, se nourrir, se loger, etc. On a l’impression de devoir le mériter alors que ce sont des besoin fondamentaux. Il faut faire en sorte que les emplois du temps soient flexibles pour que les étudiants travaillent. Certes il y a les examens terminaux mais ça veut dire qu’un étudiant dépend juste d’une note, c’est une insécurité.

Je sais que le personnel pédagogique n’a pas à se charger de ça mais il ne peuvent rien faire. Donc il faut soulager les cours et les emplois du temps, car deux jours par semaine j’avais cours le midi et je travaillais dans un restaurant, ce n’était pas possible. Ça n’incite pas à travailler mais simplement à se serrer la ceinture.

La prise en compte de la diversité au pluriel est quelque chose de ciblé. Certains habitent loin mais pas suffisamment loin avec effectivement des parents trop riches pour être boursiers et trop pauvres pour payer un loyer à Paris. Ils sont alors obligés de faire 3 heures de transport quotidiennement ce qui est un autre type de difficultés.

Rien à voir avec des étudiants qui vivent dans un 200 m² dand le VIe arrondissement de Paris avec leur parents et aucune tâche ménagère à faire…

C’est le cas pour les études supérieures réservé à une élite. C’est impossible de faire une Prépa si les parents ne suivent pas derrière. Ce n’est pas possible avec des tâches ménagères et sans aide. C’est infaisable. Il y en a beaucoup pour qui ce type d’études d’élite n’est pas possible.

Il y a un plafond de verre, même s’il va à Paris avec une bourse, c’est impossible.

Ce n’est pas inaccessible sur le papier, mais dans les faits… Donc, comment les étudiants se sont-ils organisés avec cette précarité entre écoles privées et les universités, il n’y a pas eu de friction, mais une entraide entre étudiant ?

Oui clairement, avec le confinement et tous les gens chez eux, des initiatives ont permis de faciliter le quotidien. Comme l’association « Copains ». C’est initiative de banque alimentaire pour les jeunes étudiants. C’est plus terre à terre que ce que propose le gouvernement car ils connaissent les étudiants et leur situation.

Alors qu’aujourd’hui quand on demande une aide au CROUS on doit le justifier. Ça tombe dans le misérabilisme le fait de devoir justifier l’état de son compte bancaire ; là ce n’était pas le cas.

J’y suis allée pour des photos, j’ai vu les locaux et le directeur de l’association. Il nous a dit qu’il voit des étudiants dans toute les situations, c’est une initiative étudiante. Ensuite des choses dans les promos ou entre amis ont été faites. J’ai mal vécu cette période et avec mon amie qui a redoublé on se retrouvait, on dormait ensemble, etc. C’est pour cela que l’on a réussi à surmonter cette situation car on a créé du lien, on a créé des interactions dans le réel, une solidarité entre étudiant.

Face au côté macro de Copains, avec mon groupe d’ami de la fac, on s’invitait régulièrement à manger à la maison. On s’aidait avec des webcams pour bosser ensemble. On essayé de trouver des solutions pour rendre ça viable.

Quel rôle ont joué les syndicats étudiants pendant la crise ?

Je suis assez étrangère à ce petit monde, ce petit microcosme, trop proche de la France Insoumise.

Il y a 20 ans dans une situation pareille les syndicats étudiants auraient été incontournables, là ça n’a pas été le cas, ils n’ont pas réussi à s’organiser dans cette situation cela en dit long, non ?

Il se sont organisés à leur échelle. Ça n’est pas aussi important que dans le passé mais ils ont lutté contre le Conseil universitaire pour illustrer le problème de connexion internet ou l’exclusion sociale, car Mme Vidal (Ministre de l’Enseignement Supérieur) donnait des orientations rigides. Ils avaient la volonté de faire quelque chose mais les universités ont bloqué.

Ils ont parlé des modalités des partiels qui étaient injuste. Les étudiants étaient évalués de manière rigide.

Pendant le CPE en 2005 un syndicat comme l’Unef était incontournable, aujourd’hui on a l’impression d’avoir vécu la crise étudiante sans en entendre parler en dehors d’un petit microcosme. Même toi qui est étudiante et engagée…

Les étudiants ne relayaient pas ce qui défendait leur cause malheureusement car nous étions dans une forme d’individualisme.

Entre ceux dans leur résidence secondaire et nous en difficulté, on faisait face à la fatalité, on était désespéré, on ne voyait pas d’évolution possible.

Sans les syndicats et les universitaires qui tiennent le choc, qui était là pour les étudiants dans cette période ?

Je n’ai pas été aidées par des organismes extérieurs. Entre les étudiants eux-mêmes il y a eu une vraie solidarité. Malgré l’aide de secours avec le Crous mais c’est quelque chose d’extérieur d’annexe de froid sans prise de nouvelles ni de suite ni de suivis alors qu’on avait besoin de tuteur.

Je me suis remise en question sur mon orientation, si je dois continuer en économie ou non. J’en suis venue à me demander si je devais me réorienter dans quelque chose de plus accessible.

Il y a eu des talents perdus, des abandons. J’ai eu de la chance de ne pas me perdre : on parle pas des destin gâchés.

Dans le monde professionnel, les formations qui ont eu lieu pendant le Covid et après ont été refaites car ça n’a pas marché. Dans le monde professionnel, il y a un filet de sécurité mais à la faculté ceux qui n’ont pas pu suivre et qui ont dû quitter la fac n’avaient pas de filet de sécurité. Notamment ceux qui ont obtenu le Bac en 2020, il y avait une angoisse d’avoir eu un “sous bac”, ou une “sous licence” ensuite…

Il y a eu beaucoup d’examens à distance et de triche organisée. Et ce n’était pas les meilleurs. Ils ont prit la place en Master de gens qui n’avaient pas triché. Mon ami qui a redoublé ne pouvait pas tricher. Et les professeurs étaient plus stricts dans leur évaluation car ils savaient qu’il y avait des tricheurs et ils ne cherchaient pas à comprendre.

En deuxième année, les tricheurs on eu de bonnes notes et mon amie redoublait sa L2…Souvent ils ne sont pas passionnés par ce qu’ils font, c’est par défaut et ils ont de bonnes notes car de bonnes conditions pour tricher.

La gestion des universités pendant la crise n’a donc pas été adaptée ?

Il y a eu des initiatives de la part des universités. Des initiatives prises comme le tutorat en présentiel une semaine sur deux mais c’était décousu donc sans intérêt. L’équipe pédagogique a aidé les élèves mais pas l’université dans son ensemble.

Je me suis déjà plainte à un chargé de travaux dirigés et c’est lui qui a mis en place un support pédagogique mais pas l’université. C’était au cas par cas.

Le problème de l’université, c’est que les initiatives n’étaient pas adaptées au terrain et à la disparité des étudiants. Moi avec mes problèmes de connexion internet, ils ne m’ont pas prise en compte.

Donc il y avait des moyens à disposition mais des œillères, ils n’ont pas cherché à voir la continuité du problème.

Pourquoi la gauche a-t-elle échoué à s’emparer de cette question de la précarité énorme des étudiants ? Cela n’a pas abouti à une mobilisation des étudiants aux urnes avec une abstention massive, plutôt qu’un vote massif Mélenchon et Nupes… Ensuite, pourquoi le mouvement social n’est pas devenu politique ? Comment la gauche aurait dû s’en s’emparer ?

Le problème de la gauche c’est qu’elle misérabilise les étudiants. Quelqu’un comme Louis Boyard par exemple misérabilise les étudiants qui seraient tous à la rue, etc. Mais ce n’est pas le cas, c’est hétérogène. On accepte cette situation de vivre en tant qu’étudiant, aucun étudiant n’est à l’aise financièrement c’est normal, c’est la période. La gauche s’est décrédibilisé. C’est une chance d’étudier.

On travaille et on m’aime pas être misérabilisé. Ça ne me donne pas envie de considérer ça je ne vois pas ça avec sympathie donc je pense qu’ il faut arrêter avec le misérabilisme et se rende compte de la diversité des situations, il y a des étudiants très pauvres avec des situations terribles mais ils sont accompagnés et c’est très bien.

J’ai une amie avec des problème familiaux et le CROUS a été là, ils l’ont aidée. Les étudiants dans une extrême pauvreté sont aidés. Donc ça ne doit pas être la cible principale pour le politique, le principal problème ce sont les étudiants des classes moyennes rurales pas accompagnées, dans l’ombre, dont on ne parle pas médiatiquement car on les considère normaux.

L’analyse c’est que la gauche doit retrouver le chemin de la majorité, pas des minorités. Il faut parler des étudiants ultra-précaires mais tu ne gagnes pas avec simplement cela. Tu ne gagnes pas avec l’addition de minorités, c’est le biais de l’intersectionnalité.

Il faut parler des étudiants des classes moyennes pour qui c’est plus difficile, des gens dont les parents paient le loyer mais qui doivent se débrouiller avec leur paye pour les charges et la nourriture.

Ils doivent travailler tous les week-ends et moi avec ma bourse, je n’ai pas besoin de travailler… Mon amie paye son essence car elle habite à la campagne. C’est une charge supplémentaire. Les classes moyennes des campagnes souffrent énormément, cantonnées à la ruralité.

Le fait qu’on parle que des pauvres attisent une haine envers eux, une jalousie car ils sont couvert avec les aides sociales et on les misérabilise. C’est contre productif d’avoir de l’empathie pour eux. Arrêter le misérabilisme et prendre en compte la disparité des situation.

Les étudiants précaires qui viennent de villes moyennes et de banlieues, comme le dit Christophe Guilly on une facilité d’accès à la culture et à l’enseignement et les classes moyennes qui viennent de la ruralité n’ont accès à rien.

Les gens veulent se faire respecter de manière général. Les gens n’aiment pas que l’on les misérabilises, ils veulent un travail. La gauche ce n’est pas le paternalisme, la gauche c’est l’émancipation.

La gauche a abandonné le travail.

Les Jeudis de Corbera – Sortir du Marché européen de l’électricité – 30 mars 2023

Les Jeudis de Corbera, c’est le nouveau rendez-vous d’échanges et de débats proposé par la Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) à ses adhérents, militants, sympathisants et curieux de notre mouvement, le dernier jeudi soir de chaque mois, au 3 avenue de Corbera à Paris.

C’est deux heures d’échanges avec des acteurs du mouvement social, des intellectuels, des grands témoins pour questionner autrement des enjeux au cœur de l’actualité et de notre programme. C’est renouer avec un rendez-vous convivial et ouvert à tous, avec la possibilité de le suivre, en différé, via une captation vidéo. C’est surtout l’occasion de se retrouver pour renouer avec une « pensée en action », loin des dogmatismes et du prêt à penser médiatique ; pour un débat d’idées au service de l’engagement.

Depuis un an et demi, une envolée inquiétante des prix de l’électricité entraine une crise économique et sociale majeure avec des répercussions multiples sur les entreprises, les territoires, les collectivités et les usagers.

Cette augmentation n’est pas liée à une explosion des coûts de production de l’électricité en France mais au mode de fixation du prix qui relève du marché européen de l’énergie. Marché européen qui aligne le prix de l’électricité sur celui du gaz et met à mal la filière nucléaire française et qui s’avère surtout être est une impasse totale. Depuis plusieurs années, la GRS appelle à en sortir, comme l’Espagne et le Portugal.

Enjeu de pouvoir d’achat, enjeu de souveraineté et enjeu environnemental se recoupent dans ce débat central pour l’avenir de notre pays.

Comprendre comment nous nous retrouvons pris dans le piège de la libéralisation du secteur de l’énergie et tracer des perspectives alternatives, c’est le sujet de ce premier Jeudi de Corbera pour lequel Carole Condat, animatrice du pôle thématique “fonction publique et services publics” de la GRS accueillait :

➡️ Anne Debrégeas, Ingénieure- chercheuse sur le fonctionnement et l’économie du système électrique à EDF et économiste en électricité, Porte-parole du syndicat Sud Énergie.

➡️ Laurent Miermont, membre du pôle idées de la GRS, ancien adjoint au maire du 13ème arrondissement, assistant parlementaire européen.

Sortir du marché européen de l’électricité – Podcast du 1er “Jeudi de Corbera”

Depuis un an et demi, une envolée inquiétante des prix de l’électricité entraine une crise économique et sociale majeure avec des répercussions multiples sur les entreprises, les territoires, les collectivités et les usagers.

Cette augmentation n’est pas liée à une explosion des coûts de production de l’électricité en France mais au mode de fixation du prix qui relève du marché européen de l’énergie.
Marché européen qui aligne le prix de l’électricité sur celui du gaz et met à mal la filière nucléaire française et qui s’avère surtout être est une impasse totale.

Depuis plusieurs années, la Gauche Républicaine et Socialiste appelle à en sortir, comme l’Espagne et le Portugal. Enjeu de pouvoir d’achat, enjeu de souveraineté et enjeu environnemental se recoupent dans ce débat central pour l’avenir de notre pays.

Comprendre comment nous nous retrouvons pris dans le piège de la libéralisation du secteur de l’énergie et tracer des perspectives alternatives, c’est le sujet de ce premier Jeudi de Corbera pour lequel Carole Condat accueillait :
➡️ Anne Debrégeas, Ingénieure- chercheuse sur le fonctionnement et l’économie du système électrique à EDF et économiste en électricité, Porte-parole du syndicat Sud Énergie.
➡️ Laurent Miermont, membre du pôle idées de la GRS, ancien adjoint au maire du 13ème arrondissement, assistant parlementaire européen.

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