Sri Lanka : Un an après la révolte, où en est le pays ?

Le 9 juillet 2022, le Président Gotabaya Rajapaksa démissionnait de ses fonctions à la suite de la prise du palais présidentiel par le peuple Sri Lankais. Cette démission suivait celle de son frère Mahinda Rajapaksa le 9 mai précédent, alors Premier Ministre du pays, après une crise politique majeure, due à une très forte inflation, des coupures d’électricité et des pénuries de carburant et de produits de première nécessité.

Qu’est-ce qui avait conduit à ce renversement ?

Des manifestations majeures s’étaient déroulées depuis le 15 mars 2022 pour réclamer la démission des frères Rajapaksa. Le 9 mai 2022, des heurts entre manifestants pro- Rajapaksa et manifestants anti- Rajapaksa ont provoqué la mort de 9 personnes et 139 autres ont été blessées.

Le 14 juillet 2022, Ranil Wickremesinghe (ancien premier ministre) a été désigné Président de la République du Sri Lanka.

En 2022, la situation économique du pays, qui ne s’est pas totalement remis de la guerre civile entre Cingalais et Tamouls, avait été aggravée par la crise économique résultant de la crise COVID. En effet, la dette extérieure du pays est passée de 42,6 % du PIB en 2019 à 101 % en 2021. Le gouvernement de Mahinda Rajapaksa a massivement baissé les impôts, augmentant le déficit budgétaire tout en augmentant la création monétaire, augmentant ainsi l’inflation.

Depuis, quelle est la situation ?

Si le pays semble sortir progressivement de la crise économique, le FMI – dont on ne connaît que trop bien les recettes – appelle à une douloureuse restructuration du pays, notamment par le doublement des impôts, la réduction des dépenses publiques, l’augmentation des tarifs d’électricité et la baisse des subventions. 2,9 milliards de dollars seulement ont été promis en contrepartie.

Sont donc notamment visées les entreprises publiques, dont la société nationale d’électricité, la compagnie aérienne nationale ainsi qu’une compagnie pétrolière, qui avaient subi une perte d’1,3 milliards de dollars en 2021. Notons la seule contrepartie intéressante : la promulgation de lois anti-corruption dans le pays.

Après avoir fait défaut en avril 2022 de 46 milliards de dollars de dette extérieure, le pays reste aujourd’hui débiteur de 36 milliards de dollars, dont un peu plus de 7 milliards sont dus à la Chine. Cette dernière l’utilise comme moyen de pression sur le gouvernement sri lankais : exportation de 100 000 macaques à toque vers les zoos chinois (espèce placée sur la liste rouge des espèces en danger), vente d’un port sri lankais pour 99 ans, ouverture du marché des carburants à la compagnie chinoise SINOPEC…

Fin 2022, la dette locale s’élevait à 15 033 milliards de roupies (50 milliards d’euros), dont la valeur pour les créanciers diminue autant que la devise perd de sa valeur avec l’augmentation de l’inflation.

Le gouvernement a récemment publié son programme de restructuration de sa dette : une décote de 30 % sera prochainement appliquée sur les obligations du pays libellées en dollars, autant pour les créanciers internationaux que sri lankais. Seuls les crédits bilatéraux (intergouvernementaux) ne sont pas concernés par cette restructuration.

Des perspectives peu rassurantes

Le PIB, quant à lui, est en récession de 7,8 % en 2022, une nouvelle diminution de 2 % est également attendue en 2023 et la croissance, modeste, n’est pas prévue avant 2024.

Malgré le départ du clan Rajapaksa, la colère populaire persiste : l’inflation, bien que réduite, reste à un très fort niveau et les pénuries de bien se poursuivent. L’augmentation des impôts, du coût de l’électricité et des biens de première nécessité ont de nouveau poussé une quarantaine de syndicats à appeler à une grève nationale le 15 mars dernier, malgré l’interdiction faite par le gouvernement le mois précédent. L’armée a été déployée dans les gares et le port de Colombo.

Joffrey Henrique-Robécourt

La Gauche Républicaine et Socialiste condamne le coup d’État en Birmanie

L’Armée a mis fin brutalement aujourd’hui à la transition démocratique en cours depuis 2015 en Birmanie. Les principaux leaders de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) et de la majorité parlementaire, dont la prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi et le président de la République, Win Myint, ont été arrêtés. L’armée s’est ensuite emparée de l’hôtel de ville de Rangoun, la capitale économique du pays, et l’accès à son aéroport international est bloqué par des militaires. Les télécommunications, portables et internet, sont gravement perturbées.


Voici plusieurs mois que l’armée birmane et ses principaux chefs tentaient de discréditer les résultats des élections législatives

En novembre 2020, 70% des électeurs ont défié la situation sanitaire pour voter à nouveau massivement pour la LND. L’ancienne junte espérait que la pandémie découragerait une partie des électeurs et permettrait de rééquilibrer politiquement le parlement (où elle détient d’office 25% des sièges) en relevant par défaut le score Parti de l’union, de la solidarité et du développement (USDP), une formation d’opposition alliée aux militaires. L’USDP a été étrillée lors du scrutin.


Il semble clair que la junte – au travers du général Min Aung Hlaing qui va désormais concentrer les pouvoirs « législatif, administratif et judiciaire », tandis qu’un autre général, Myint Swe, qui occupait les fonctions de vice-président, a été désigné président par intérim, un poste largement honorifique – cherchait un moyen pour rogner les marges de manœuvres qu’elle avait accordées en 2015. N’ayant pu le faire au détour du scrutin de novembre, elle a choisi la manière forte.


La Gauche Républicaine et Socialiste n’oublie pas la coupable attitude d’Aung San Suu Kyi et de ses partisans gouvernementaux dans les terribles persécutions qui frappent depuis plusieurs années les Rohingyas (musulmans birmans).

L’ancienne prix Nobel a choisi de nier ou de taire les faits selon les moments, se rendant de fait complice des nettoyages ethniques initiés et commis par l’armée birmane contre une partie de la population du pays. L’aura de la « Dame de Rangoon » a été durablement atteinte. Cependant, sans minimiser la responsabilité de ses dirigeants, on mesure aujourd’hui sans doute à quel point la marge de manœuvre des membres de la LND – au parlement comme au gouvernement – était étroite.


La Gauche Républicaine et Socialiste condamne donc le coup d’État militaire en Birmanie et souhaite que la communauté internationale agisse en concertation pour créer les conditions d’une reprise rapide de la transition démocratique en Birmanie en faisant pression sur les militaires putschistes.

Le Kirghizistan restera-t-il la seule démocratie d’Asie centrale ?

Le populiste Sadyr Japarov, propulsé au pouvoir à la faveur du soulèvement populaire
d’octobre 2020 contre le président Soroonbaï Jeenbekov, a largement remporté la présidentielle kirghize, dimanche 10 janvier. Ses opposants craignent une dérive autoritaire, dans la seule – et tumultueuse – démocratie d’Asie centrale.


Sadyr Japarov, 52 ans, l’homme fort du Kirghizistan depuis le départ du président Jeenbekov, en octobre dernier – poussé à la démission par la rue après des élections législatives présentée comme controversées – a remporté l’élection présidentielle avec près de 80 % des voix, selon les résultats préliminaires fournis par la commission électorale.


Le leader nationaliste, qui avait démissionné de son poste de président en exercice pour faire campagne, n’aura donc pas besoin d’un second tour pour conserver les rênes du pays. Son rival Adakhan Madumarov, lui aussi nationaliste, est arrivé deuxième avec 6,7 % des suffrages. Il a estimé que le résultat de l’élection était « éloigné de la réalité » et a promis de « réclamer justice par des moyens légaux ». Si les suffrages exprimés reflètent néanmoins l’indéniable popularité de Sadyr Japarov, notamment dans les milieux ruraux, la participation des Kirghiz, qui ont renversé trois présidents en 15 ans, est restée faible, souligne Eurasianet : « À 18 heures, deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, seulement 33 % d’entre eux s’étaient déplacés. Lors de la dernière élection présidentielle, en 2017, le chiffre était proche de 55 % ». Cela n’a pas empêché Japarov de savourer sa victoire, lui qui purgeait, il y a encore trois mois, une peine de onze ans de prison pour l’enlèvement d’un gouverneur régional – une condamnation annulée par la justice après la révolte d’octobre. Sadyr Japarov promet rien de moins que de sortir « dans un futur proche » de la crise le pays et d’« améliorer nos performances économiques », disant avoir trouvé en arrivant « au pouvoir [une] puissance et l’économie du pays […] en déclin ».

La tâche qui l’attend est immense : Japarov est considéré par de nombreux analystes comme un populiste anti-establishment, ce qui le rend imprévisible aux yeux des investisseurs – c’est un comportement qui a été largement toléré pour le dirigeant de la première puissance mondiale mais qui l’est rarement chez ceux de petits pays enclavés. Ses déclarations passées appelant à la nationalisation des mines et autres ressources
naturelles sont également une source d’inquiétude pour les financiers étrangers.
Le Kirghizistan est également réputé ingouvernable, la grande pauvreté, les rivalités de clans et les divisions régionales entre le Nord et le Sud ayant régulièrement empêché les gouvernements successifs de contrôler l’ensemble du pays. De plus, la corruption a gangrené beaucoup de gouvernements, profitant des lucratives routes de la contrebande traversant le pays, en provenance de Chine.


Changer les règles démocratiques pour redresser le pays ? Pas forcément rassurant… C’est pourquoi l’élection présidentielle était également assortie d’un référendum « proposant de renforcer le rôle du président aux dépens du Parlement ». Les électeurs y ont répondu positivement à plus de 81 %, même si une telle évolution pourrait mettre en danger la pluralité politique dans la seule réelle démocratie d’Asie centrale. En réalité, Sadyr Japarov qui soutenait évidemment cette révision constitutionnelle veut créer une Constitution qui lui permettrait potentiellement de rester au pouvoir à vie. Tout pourra être désormais étroitement contrôlé et le gouvernement aurait, selon différentes sources, les armes pour mettre en prison quiconque s’opposerait à lui un peu trop ouvertement.


Une chose est sûre, l’évolution de l’ex-république soviétique de 6,5 millions d’habitants sera suivie de près par Moscou, qui possède toujours une base militaire dans le pays et reste la destination privilégiée de l’émigration kirghize. Des relations que Japarov compte cultiver : Malgré ses positions nationalistes, il a promis à maintes reprises de conserver des liens étroits avec Moscou. Il l’a même répété dimanche, juste après avoir glissé son bulletin dans l’urne : « La Russie est notre partenaire stratégique. »


Reste une interrogation : les nouveaux pouvoirs dont M. Japarov dispose désormais lui donneront sûrement les coudées franches par temps clair ou par petit crachin politique. Mais face à une crise plus profonde, il n’est pas forcément dit que les Kirghiz qui ont souvent renversé leurs présidents démocratiquement élus ne fassent de même avec le Khan supplémentaire que compte désormais l’Asie centrale.

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