Mathieu Pouydesseau à la Friedrich-Ebert Stiftung : la « règle d’or » tue économiquement l’Europe

Notre camarade Mathieu Pouydesseau est intervenu mercredi 9 avril 2025 dans le forum pour une économie politique progressiste organisé par la Friedrich-Ebert-Stiftung (la fondation rattachée au SPD) à Berlin, en ce même jour où devait être annoncé la formation d’une grande coalition CDU-CSU/SPD.

Les débats s’étant déroulés en allemand, nous avons sous-titré les échanges.

Alors que le débat traitait de politique fiscale, la représentante du syndicat patronal BDI Dr Monika Wünnemann a déroulé son mantra éculé sur « l’impôt sur le patrimoine qui ruine des familles, l’impôt sur l’héritage qui détruit des emplois, l’impôt sur les dividendes qui réduit l’investissement. » A côté d’elle, une chercheuse, Martyna Berenika Linartas, démontait point à point ces « narratifs » avec des faits. Mais la représentante des « intérêts des entreprises » refusait toute argumentation factuelle.

Mathieu Pouydesseau vit en Allemagne depuis près de 30 ans et il y est chef d’une entreprise de 60 salariés dans le numérique et les hautes technologies. Pour lui comme pour nous, il y a un moyen de concilier les résultats de la recherche et les soucis de sa « représentante » patronale (notez l’ironie) : la productivité. Et pour augmenter la productivité, il faut faire payer aux plus aisés et aux entreprises plus d’impôts!

D’abord, Les entreprises ont besoin d’une sécurité juridique, c’est à dire d’un État de droit, démocratique. Sans un État fonctionnel, c’est l’AfD qui prendra tôt ou tard le pouvoir et elle ne garantit qu’une chose : l’arbitraire juridique !

Deuxièmement, le résultat de 20 ans de discours de règle d’or et de refus d’imposer les riches, les infrastructures sont devenues catastrophiques. Combien d’heures perdues par les gens, cadres, employés, parce qu’un pont s’effondre sur une voie ferrée ? La transformation numérique est ridicule, l’Allemagne perd ici en productivité.

Ensuite, la représentante du patronat allemand a parlé bureaucratie : mais combien de formulaires restent en papier parce qu’on a pas investi dans la numérisation des administrations ?

Enfin, pour contrer l’AFD , il faut de nouveau un marché intérieur dynamique, donc de l’investissement public et des salaires dignes. Refuser cela pour s’épargner 2 points d’imposition est un suicide, y compris pour les 1% les plus riches !

Il existe un bel article dans la constitution allemande, l’article 14 : « le droit de propriété donne des devoirs. » Il nous faut plus de solidarité, en France, en Allemagne, partout en Europe.

À quoi joue Bayrou ?

Moins de trois semaines après son lancement, le conclave sur les retraites est bel et bien en péril. Prévu pour autoriser une révision, après avoir discuté de tout y compris l’âge de départ, il est remis en cause après les déclarations de François Bayrou affirmant qu’un retour à 62 ans était impossible en raison du contexte économique et de la nécessité d’équilibrer le système d’ici 2030. La CFDT juge cette position « incompréhensible », la CGT menace de quitter les discussions, tandis que plusieurs dirigeants de gauche dénoncent une « trahison ».

Ce revirement pourrait fragiliser le gouvernement. L’intégration de l’âge de départ dans le conclave faisait partie d’un accord entre le gouvernement et le PS pour lui éviter une censure du budget 2025. Il risque donc de ne plus pouvoir profiter de la « neutralité défavorable » du PS.

Pourquoi Bayrou a-t-il pris ce risque ? La maladresse est plausible. Le ministre de l’Économie, Éric Lombard, a réaffirmé que les partenaires sociaux restaient décisionnaires, mais cela relève un cafouillage et des contradictions au sein de l’exécutif. En réalité, Bayrou a fait un lapsus révélateur et avait dès l’origine placé les syndicats face à une impasse : selon la Cour des comptes, un retour à 62 ans déséquilibrerait encore plus le système des retraites, si on n’augmente pas les recettes ce que ni le patronat ni le gouvernement ne sont prêts à permettre. Dès le départ, le cadre fixé par Bayrou rendait un accord impossible.

Mais si c’est bien une « maladresse » [L’hypothèse de la la maladresse est tombée après la rédaction de l’éditorial, François Bayrou ayant réaffirmé à l’Assemblée Nationale mardi 18 mars 2025 après-midi son opposition à tout retour à 62 ans : note des éditorialistes], leur accumulation (Mayotte, le mensonge de Betharram) commence à devenir un problème politique. Jusqu’ici, il a survécu aux polémiques, mais cette fois, son erreur ouvre une fenêtre pour faire chuter son gouvernement.

Cette nouvelle incertitude repose la question de l’équilibre politique qui doit être trouvé pour permettre un gouvernement qui ne peut avoir pour viatique la préservation des « réformes » d’Emmanuel Macron. Or les ex-macronistes s’en donnent à cœur joie dans leur argumentaire absurde sur « la défense contre le modèle social », qu’Édouard Philippe pousse jusqu’à la caricature. Horizons et Renaissance fantasment dans un contexte tendu sur une nouvelle politique d’austérité. Or, cette stratégie serait désastreuse : la refondation de notre système de défense est indexée sur le soutien populaire, soutien populaire qui exige une relance économique conséquente et la justice sociale.

Au moment où l’extrême droite est en embuscade, le premier ministre devrait être plus précautionneux de sa parole politique s’il ne veut pas se laisser enfermer dans une spirale d’échec, qui aggraverait la situation du pays, pour une ligne politique radicalisée avec laquelle il n’est pas forcément en phase.

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