Barnier, impasse parlementaire et budgétaire

Tout ça pour ça ?

Nommé début septembre, Michel Barnier était le premier ministre censé être capable de conduire un gouvernement assis sur un socle parlementaire suffisant pour faire passer un budget 2025 difficile et surtout ne pas être censuré.

La réalité est, comme on pouvait s’y attendre, bien différente. Le projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) du nouveau premier ministre a été critiqué dans sa propre majorité, entre macronistes qui n’ont pas fait le deuil du pouvoir et élus de droite turbulents. On ne compte plus les prises de position défavorables des membres des groupes parlementaires « ensemble pour la république » et « droite républicaine ». On n’entend plus le MoDem.

Enfin, alors que le gouvernement Barnier est indexé sur sa capacité à obtenir la neutralité bienveillante du Rassemblement National, le parti de Marine Le Pen, qui voit sa candidate empêtrée dans le procès des assistants parlementaires fantômes du Parlement européen, a décidé d’ouvrir un contre-feu en s’exprimant de plus en plus fortement contre le projet de budget et en le menaçant d’une motion de censure.

Tout ceci explique le changement de stratégie du Premier Ministre : conscient, dès la présentation du PLF le 10 octobre dernier, qu’il ne pourrait le faire adopter que par le recours au 49.3, il a changé de pied et entend désormais invoquer l’article 47.1 (celui-là même qui avait été utilisé pour la réforme des retraites et qui explique qu’Emmanuel Macron et Élisabeth Borne aient à l’époque choisi le véhicule d’un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale) ; il s’agit de faire s’éterniser les débats pour empêcher tout vote à l’Assemblée nationale et repasser la patate chaude au Sénat où la majorité conservatrice sera, l’espère-t-il, plus favorable à son projet. Retour à la case départ de la stratégie inavouée de conduite des affaires parlementaires empruntée par Emmanuel Macron depuis juin 2022. Une dissolution et un Michel Barnier plus tard : tout ça pour ça ?

Car même sur la question budgétaire, la droite libérale-conservatrice est placée devant ses contradictions : selon de nombreux économistes, la purge qu’elle propose pourrait amputer la faible croissance bien plus qu’elle ne l’imagine. Mais nous n’aurions pas le choix ! et il n’existerait pas d’alternative moins douloureuse et plus crédible…

C’est pourtant le contraire qu’a affirmé bien fort le Nouveau Front Populaire à l’Assemblée nationale dans la foulée de son contre-budget. Nos parlementaires proposent une stratégie budgétaire qui augmente les recettes en faisant contribuer les plus fortunés et les multinationales … et qui stimule les dépenses dans les investissements d’avenir, afin de générer une croissance de l’activité qui a son tour augmentera les recettes de l’État. Il y a bien une autre politique possible que celle proposée par le gouvernement Barnier. Et elle donnerait de meilleurs résultats pour la France.

La purge Barnier n’a pas de majorité, mais il existe une alternative

Nommé début septembre, Michel Barnier était le premier ministre censé être capable de conduire un gouvernement assis sur un socle parlementaire suffisant pour faire passer un budget 2025 difficile et surtout ne pas être censuré.

La réalité est, comme on pouvait s’y attendre, bien différente. Le projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) du nouveau premier ministre a été critiqué dans sa propre majorité, entre macronistes qui n’ont pas fait le deuil du pouvoir, élus de droite turbulents et des MoDem si silencieux qu’on se demande s’ils sont dans la « majorité ».

Alors que le gouvernement Barnier est indexé sur sa capacité à obtenir la neutralité bienveillante du Rassemblement National, le parti de Marine Le Pen, qui voit sa candidate empêtrée dans le procès des assistants parlementaires fantômes du Parlement européen, a décidé d’ouvrir un contre-feu en s’exprimant de plus en plus fortement contre le projet de budget et en le menaçant d’une motion de censure.

There is no alternative

Tout ceci explique le changement de stratégie du Premier Ministre : conscient, dès la présentation du PLF le 10 octobre dernier, qu’il ne pourrait le faire adopter que par le recours au 49.3, il a changé de pied et entend désormais invoquer l’article 47.1 : il s’agit de faire s’éterniser les débats pour empêcher tout vote à l’Assemblée nationale et repasser la patate chaude au Sénat. Retour à la case départ de la stratégie inavouée de conduite des affaires parlementaires empruntée par Emmanuel Macron depuis juin 2022.

D’autant que la réalité politique issue du dernier scrutin se rappelle au gouvernement. Bien qu’arrivé derrière le RN en termes de suffrages exprimés, le Nouveau Front Populaire reste la coalition parlementaire la plus puissante à l’Assemblée nationale et les rapports de force en Commission des finances en témoignent : le projet de budget y a été profondément transformé notamment dans sa partie recettes.

Et là encore, apparaissent les faux-semblants de l’alliance entre libéraux et conservateurs : la croissance française déjà faible serait amputée entre tiers et la moitié si le budget déposé par le gouvernement Barnier était adopté en l’état. L’objectif de déficit de 5 % en 2025 qu’il s’est fixé serait inatteignable : au mieux, on pourrait viser 5,3 %. Cette réduction de l’activité serait accompagnée d’une suppression de 130 000 emplois : la décision de couper les dépenses publiques – tout en augmentant les prélèvements – a donc un coût social important.

Mais les commentateurs des chaînes d’information le répètent à l’envi : nous n’avons pas le choix, notre pays est endetté jusqu’au cou, il faut en passer par là pour réduire le déficit, une forme de vertu punitive de la purge budgétaire … même quand il est établi que la dégradation budgétaire est en grande partie due à la baisse des prélèvements obligatoires depuis 2017 (et surtout en 2021 et 2022) ?

Oui, nous n’aurions pas le choix ! et il n’existe pas d’alternative moins douloureuse et plus crédible…

C’est pourtant ce qu’a affirmé le Nouveau front populaire (NFP), qui avait présenté sa propre stratégie budgétaire le 9 octobre 2024 et qui l’a partiellement mise en œuvre en commission des finances et en séance publique (où l’examen des recettes n’est pas encore terminé). Comme le gouvernement, le NFP compte lever de nouvelles recettes. Mais dans une plus grande mesure, puisqu’elles sont chiffrées à 49 milliards d’euros, contre 30 pour le PLF 2025. Au-delà des montants, leurs stratégies divergent.

Oui, on peut gouverner à gauche et c’est même plus crédible !

La dissemblance majeure tient à l’usage des recettes : le NFP consacre donc une partie des 49 milliards à réduire le déficit budgétaire et le reste à financer des dépenses publiques dites d’avenir. La philosophie est très différente de celle du gouvernement Barnier, qui est centrée sur la simple réduction du déficit, au prix d’effets récessifs significatifs (la moitié de la croissance). À l’inverse, le contre-budget du NFP prévoit une augmentation des dépenses publiques. Comment est-ce que cela peut réduire le déficit public ?

D’abord, on peut retenir trois grandes sources de recettes fiscales :

  • la suppression d’exonérations de cotisations sociales (pour les salaires au-dessus de deux fois le Smic) et d’une partie du crédit impôt recherche (CIR) pour 11 Md€/an ;
  • les différentes taxes sur le capital (ISF vert, suppression du prélèvement forfaitaire unique (PFU ou flat tax), taxation de l’héritage et des superprofits) pour 29,5 Md€/an ;
  • la réforme de la taxe sur les transactions financières, de la taxe solidarité avion et de la fiscalité des collectivités locales pour 8,5 Md€/an.

Les nouvelles règles européennes exigent une réduction annuelle du déficit de 0,6 point de PIB, c’est-à-dire 18 Md€. Il resterait ainsi 31 Md€ (soit un point de PIB) pour les dépenses d’avenir. Les dépenses publiques proposées par le NFP pourraient générer 0,78 point de PIB d’activité supplémentaire en 2025 et 1,06 point de PIB en 2026, qui surmonteraient dès la première année les effets récessifs des augmentations d’impôts (0,66 point de PIB). On pourrait alors espérer une légère augmentation du PIB de 0,21 point, soit 6 Md€ de plus que les prévisions actuelles, avec quelques 3 Md€ de recettes supplémentaires. Au final, le déficit pourrait ainsi se réduire de 21 Md€ dès 2025. En 2026, sans autre impulsion budgétaire, le déficit se réduirait encore de 6 Md€ (0,21 point de PIB) imposant un nouvel effort de 12 Md€ pour atteindre l’objectif annuel : l’effort à réaliser en 2026 serait très inférieur à celui de 2025. Tout cela tout en restant dans le cadre budgétaire européen actuel (ce qui n’empêche pas d’exiger sa révision).

Nous n’avons ici parlé que des recettes ; la marge induite par un budget vertueux du NFP laisse la possibilité de débattre des efforts en matière de transition écologique, de services publics, de cohésion sociale : partout où le gouvernement Barnier propose d’attaquer l’os avec une scie.

Ainsi, le programme du NFP propose une stratégie budgétaire qui augmente les dépenses publiques, stimule l’activité économique et permet de dégager des recettes supplémentaires. Il y a bien une autre politique possible que celle proposée par le gouvernement Barnier. Et elle donnerait de meilleurs résultats pour la France.

Frédéric Faravel

Les droites de l’amer

C’est bien connu : À Bruxelles, personne ne t’entend crier.

C’est donc dans une indifférence quasi générale que la nouvelle Commission Européenne se met en place, sous la houlette d’une présidente pourtant largement discréditée. Il y aurait pourtant fort à dire sur les nouvelles orientations de l’exécutif communautaire, et sur la disparition des préoccupations écologiques et sociales de sa feuille de route : le poste de commissaire à l’emploi et aux affaires sociales a d’ailleurs….disparu.

Mais Madame Von Der Leyen ne se contente pas de supprimer les intitulés. Elle se réserve aussi le droit de choisir les titulaires des postes subsistants. Ainsi a-t-elle refusé, purement et simplement, la reconduction du commissaire français, Thierry Breton. Il s’agit là d’une affaire bien plus grave qu’il n’y paraît, et cela quoiqu’on pense du bilan de Monsieur Breton.

C’est la première fois que la France se voit ainsi retoquer un candidat avant même de passer devant des eurodéputés (on se souvient  que Madame Sylvie Goulard, après une audition catastrophique, avait été justement rejetée par la majorité des parlementaires). Et c’est surtout la première fois qu’un chef de l’État français s’exécute !

Au point de remplacer immédiatement l’impétrant par un de ses plus proches en échange d’une promesse (l’élargissement du portefeuille) finalement non tenue. 

On pourra toujours gloser sur les raisons (personnelles, mais aussi politiques) qui ont conduit Von der Leyen à ce coup d’éclat. On pourra toujours rappeler que l’atlantisme échevelé de l’ancienne ministre allemande était peu compatible avec le volontarisme (souvent de façade pourtant) du Français, il n’en reste pas moins que Macron n’a même pas résisté ! Et c’est cela qui est grave. 

Au fond, cet épisode traduit une forme de « macronisation » de la présidente de la Commission, qui implique de s’entourer des plus dociles, des plus malléables, et des plus conformes à l’idéologie néo-libérale mainstream.

L’interminable feuilleton de la nomination du gouvernement français l’illustre parfaitement.   Non seulement Macron prend sept semaines (!) pour nommer un Premier ministre issu d’un parti de droite très minoritaire à l’Assemblée Nationale, non seulement il le fait après avoir obtenu l’assentiment du RN, mais il met un point d’honneur à valider une équipe pléthorique, droitière et politiquement faible, à l’instar de l’exécutif européen. 

Cette coalition des perdants fleure bon le gouvernement RPR-UDF de fin de règne, à la merci du RN.  Les millions d’électeurs qui se sont mobilisés entre les deux tours pour contrer l’extrême droite ne doivent pas désespérer. Nous porterons leurs voix et leurs aspirations au Parlement et dans la rue.

Emmanuel Maurel : « La coalition de gauche est bien plus solide que le croient Macron et les siens » – Marianne

Propos recueillis par Isabelle Vogtensperger et publié dans Marianne le 15 août 2024 à 18h00

Lundi dernier, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, lançait l’idée d’un « Pacte d’Action pour les Français » destiné à opérer une large coalition parlementaire, dont seraient exclus le Rassemblement national et La France insoumise. Pour Emmanuel Maurel, fondateur de la Gauche républicaine et socialiste et député, membre du Nouveau Front populaire, il s’agit avant tout d’une tractation politicienne et d’un déni de la situation politique.
Emmanuel Maurel estime que le « Pacte d’Action » proposé par Gabriel Attal cache en réalité un désir de maintenir une gestion austéritaire des finances publiques sans réelle remise en cause de la politique menée jusqu’alors par la majorité présidentielle. Celle-là même qui a pourtant été largement désavouée par les Français aux dernières élections législatives.
La meilleure stratégie que la gauche puisse tenir est dès lors, selon lui, de défendre son programme. Et il considère que les socialistes ne s’abstiendront pas de combattre la politique de Renaissance-LR, contre laquelle ils ont lutté durant sept ans.

Marianne : Le parti présidentiel tente une large coalition (dont sont exceptés le RN et LFI) avec ce « Pacte d’action » proposé par Gabriel Attal pour réunir gauche et droite. Qu’en pensez-vous ?

Emmanuel Maurel : Je suis surpris par cette initiative du Premier ministre démissionnaire. Il aime à rappeler, comme le président, que « personne n’a gagné » les élections législatives. Mais il y a bien une coalition parlementaire qui a été battue les 30 juin et 7 juillet derniers : c’est celle qu’il dirigeait ! On dit que les relations entre les deux têtes de l’exécutif se sont distendues. Je trouve néanmoins qu’il y a une communauté de pensée qui perdure : leurs tentatives maladroites procèdent du même déni de la situation politique.

Ensuite, je ne vois pas comment on pourrait avoir une discussion féconde, de nature à déboucher sur une cohérence d’action, en s’adressant aussi bien à la gauche qu’à LR ou même à Horizons. En réalité, cette démarche est avant tout politicienne : Gabriel Attal mobilise son talent pour tenter d’accréditer l’idée que ce n’est qu’autour de son parti, pour ne pas dire de lui, qu’un équilibre pourra être trouvé.

« La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change ! »

Or non seulement Renaissance n’a plus les forces qui lui permettraient de prétendre à ce rôle, mais surtout, les électeurs ont clairement signifié qu’ils exigeaient un changement de cap.

Le « Pacte d’Action » qui repose avant tout sur le maintien d’une gestion austéritaire des finances publiques, ne propose rien de nouveau par rapport à la politique que les Français ont désavouée. La maxime du Guépard est désormais dépassée : il faudrait que rien ne change pour que rien ne change! En ce sens, plus qu’un « pacte d’action », on nous propose un pacte d’immobilisme. 

Quelle serait la meilleure stratégie pour la gauche : se rallier à cette large coalition ou au contraire, maintenir l’union avec La France Insoumise ?

La meilleure stratégie pour la gauche est de défendre son programme. Nos concitoyens en connaissent les grandes lignes : soutien au pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes ; redistribution des richesses en faisant davantage contribuer les plus fortunés ; sauvetage et extension des services publics, notamment l’école et l’hôpital ; planification écologique et restauration de notre base industrielle, laquelle, quoiqu’en dise Macron, continue de s’affaisser. À mon sens, c’est sur ces bases qu’il faut travailler et le Nouveau Front Populaire a des propositions solides pour relever ces défis.

Le Président de la République et ses troupes affaiblies au Parlement continuent de mépriser ces orientations. Et ils essaient de nous diviser pour tenter de les escamoter, mais ça ne marchera pas. La coalition de gauche est bien plus solide qu’ils semblent le croire. Le président avait fait une grosse erreur d’appréciation en nous pensant incapables de nous mettre d’accord sur un programme et des candidats en quelques jours après sa dissolution surprise. Il persévère dans l’erreur aujourd’hui.

Il ne m’a certes pas échappé que le NFP n’avait pas la majorité absolue à l’Assemblée nationale, et je ne verse pas dans le maximalisme du « tout ou rien » et du « nous tous seuls ». Mais la logique politique et démocratique commande de confier à la coalition arrivée en tête l’exercice du pouvoir : à charge ensuite pour nous de bâtir les majorités nécessaires au vote des réformes.

Pour Alain Minc dans Le Figaro, obtenir l’abstention des socialistes serait une stratégie habile de la part du Président – ce que ce pacte pourrait permettre d’obtenir. Qu’en pensez-vous ?

Ce que propose Alain Minc, c’est une sorte de soutien sans participation des socialistes à un gouvernement minoritaire Renaissance-LR et tout ça pour faire quoi ? Peu ou prou la même chose que depuis 2017 et a fortiori depuis 2022, c’est-à-dire une politique profondément inégalitaire et austéritaire.

Je n’imagine pas une seconde que les socialistes s’abstiennent de combattre une politique qu’ils dénoncent depuis sept ans et qu’ils ont contribué à faire battre dans les urnes cette année. Le PS est un grand parti de gouvernement, ancré territorialement, qui a bénéficié du NFP autant qu’il l’a fait progresser. Je ne le vois pas changer subitement d’orientation.

Les macronistes ont vraiment un drôle de rapport au réel. Ils essaient de résoudre la quadrature du cercle en se disant « notre politique a été battue, mais on va quand même la poursuivre, malgré – et contre – le vote des Français ». Et comme ils n’y arrivent pas, ils repoussent à nouveau les échéances : certaines éminences préconisent de repousser la nomination d’un Premier ministre non pas après les JO – c’est-à-dire maintenant – mais « fin août ou début septembre », voire après.

Le grand gagnant de ce pacte serait finalement le parti d’Emmanuel Macron. N’est-ce pas un sacrifice trop important pour les socialistes ? Un « déni de démocratie » comme dirait Mélenchon ?

Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement les plus vulnérables d’entre eux, qui attendent de leurs représentants qu’ils s’attaquent immédiatement aux problèmes auxquels ils sont confrontés, à commencer par le pouvoir d’achat. Ce que veulent nos compatriotes c’est que la politique soit à leur service et au service du pays. C’est à mon avis un enseignement qu’on peut tirer du scrutin des 30 juin et 7 juillet, qui a d’abord été un refus de mettre l’extrême droite au pouvoir, mais qui a aussi été un appel lancé aux responsables politiques pour qu’ils répondent enfin aux urgences économiques, sociales, écologiques, régaliennes de la France.

« Nous devons faire en sorte que les seuls « gagnants » de la période soient les Français, et singulièrement
les plus vulnérables d’entre eux »

Ce qui constituerait un « déni de démocratie » serait qu’on s’enlise dans des voies sans issues. Vouloir impulser des réformes avec seulement 193 députés en est une. Mais vouloir faire passer en douce un agenda repoussé par les électeurs en est une autre. Il faut donc essayer d’avancer en respectant la démocratie, c’est-à-dire en confiant au Nouveau Front Populaire la tâche de former un gouvernement.

Quelle gauche peut encore espérer tirer profit des tractations en cours ?

La gauche, dans sa grande diversité, est majoritairement représentée dans le Nouveau Front populaire. Chacun sait qu’elle a mis déjà beaucoup de temps (trop) à s’entendre sur un nom pour Matignon, prenant le risque de décevoir nos concitoyens qui avaient mis en elle de réels espoirs. Mais tout reste encore possible ! Macron pense que la « parenthèse enchantée » des JO lui permettra de reprendre la main, en usant justement de vaines tractations.

Je crois au contraire que les deux semaines qui viennent de s’écouler constituent pour nous un formidable point d’appui : l’esprit de concorde, l’ouverture aux autres, le patriotisme joyeux, le goût du collectif, dessinent les contours d’une France généreuse, entreprenante, solidaire que nous pouvons incarner et défendre.

Je reste convaincu que des réformes portées par la gauche – sur le SMIC, les retraites, les services publics, la politique industrielle – renforceront notre économie et notre modèle social et républicain. La France aurait tout à gagner d’une politique en faveur de la majorité des gens, qui réduit les inégalités, apaise les tensions et redonne espoir. Historiquement, elle s’est d’ailleurs toujours construite comme ça.

Remaniement : beaucoup de bruit pour RIEN

Emmanuel Macron a remplacé Elisabeth Borne par Gabriel Attal pour convenances personnelles. On dit que la première tenait parfois la dragée haute au Président : ça ne risque pas d’arriver au second. Cette incompatibilité d’humeurs réglée, que fera le nouveau Premier ministre ? La même chose que sa prédécesseure, avec la même minorité à l’Assemblée, et les mêmes politiques antisociales.

Sans doute l’aspect changera-t-il un peu, puisque l’ancien ministre de la Jeunesse et du Garde à Vous National a fait ses classes en matière de « réarmement ». Peut-être passera-t-on ainsi du capitalisme cool et startupeur des origines à un capitalisme plus autoritaire, mais la brutalité du macronisme était en germe dès le premier quinquennat et son impitoyable répression de tous les mouvements populaires et sociaux.

Comme le dit la formule consacrée, tout ça n’est qu’un « changement dans la continuité ». Quelles que soient les nouvelles têtes, les services publics et la Sécurité sociale continueront d’être dépecés pour complaire aux injonctions de Bruxelles. Les salariés toucheront des miettes pendant que les actionnaires se gaveront de dividendes et d’avantages fiscaux. Quant à la jeunesse, elle fera une nouvelle fois les frais du tourniquet incessant au ministère d’une Education nationale en perdition.

Le tandem Attal-Macron va donc faire encore souffrir la France. Pour que cela cesse, une autre politique, au service des gens qui travaillent vraiment, au service de la justice sociale et au service de notre souveraineté est plus que jamais nécessaire.

Remaniement : le naufrage en marche !


Au lendemain d’une défaite électorale d’une ampleur inédite pour l’exécutif, le changement de premier ministre et de gouvernement est une décision cosmétique. Malgré la crise sanitaire qui a révélé la faillite d’une politique qui affaiblit notre contrat social, le président de la République considère que le cap qu’il a défini en 2017 « reste vrai ». Le navire changera donc de chef mécanicien sans changer de cap.

Le discours qui accompagne ce changement de casting est à contretemps :
Face à la faillite de notre système hospitalier, il répond par une enveloppe très en-deça des besoins.
Face à la désindustrialisation qui poursuit ses ravages, il ne propose aucune piste de relocalisation de notre économie, aucune impulsion pour le made in France, ni de reconquête de notre souveraineté industrielle.
Aux Gilets jaunes qui réclament l’indivisibilité de la République et l’égalité territoriale, il répond par plus de différenciation territoriale.
Face à la colère populaire qui s’est exprimée contre la réforme des retraites, il refuse de renoncer à la retraite par points.
Face à la récession économique qui vient, il prodigue un plan de relance qui n’est pas à la hauteur.

Avec Jean Castex, le président de la République remplace un énarque de droite par un énarque plus à droite encore. La fable du progressisme libéral est définitivement éventée.
Dans ce contexte, avec des telles orientations, le changement de casting à venir relève de l’opération de com’, avec ses habituels jeux de cour et bals des ambitions. C’est une réponse hors-sol à la grève civique qui s’est exprimée massivement dimanche avec 60% d’abstention.

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