Les Françaises votaient pour la première fois voici 80 ans

Le 29 avril 1945, voici 80 ans jour pour jour, les citoyennes françaises votaient pour la première fois, lors du premier tour des élections municipales. On dit que c’est l’ordonnance du 21 avril 1944, passée alors largement inaperçue dans la France occupée, signée par le Général De Gaulle qui leur avait préalablement accordé ce droit, mais cette ordonnance venait sanctionner un débat houleux au sein de l’Assemblée Consultative de la France Libre à Alger le 24 mars 1944.

Le droit de vote féminin arraché in extremis

Le chef de la France libre s’était engagé dès le 23 juin 1942 dans cette direction : « En même temps que les Français seront libérés de l’oppression ennemie, toutes leurs libertés intérieures devront leur être rendues. Une fois l’ennemi chassé du territoire, tous les hommes et toutes les femmes de chez nous éliront l’Assemblée Nationale qui décidera souverainement des destinées du pays. » Le vote des femmes fait en effet partie du programme de modernisation de la société française voulu par de Gaulle. La question du suffrage féminin n’est pas mentionnée dans le programme du Conseil national de la Résistance en mars 1944. Aussi le Général De Gaulle confirmait le 18 mars 1944 devant l’Assemblée consultative son orientation « le régime nouveau doit comporter une représentation élue par tous les hommes et toutes les femmes de chez nous ». Un sujet sur lequel il semblait plus convaincu que nombre de ces contemporains des deux sexes et, concernant les opinions traditionalistes de certaines femmes, il s’en désolait selon son fils le futur Amiral Philippe De Gaulle : « comment ne comprennent-elles pas qu’elles doivent exprimer leur avis au plan politique et social et en particulier d’abord dans la vie locale ? N’ont- elles pas d’emprise sur la ville, sur le village ? »

Pourtant le 24 mars, les représentants des Radicaux au sein de l’Assemblée consultative s’opposent encore comme ils l’avaient fait face à la volonté des socialistes d’instaurer ce droit de vote universel lors du Front Populaire en 1936 (en juillet la Chambre des députés se prononça l’unanimité par 475 suffrages pour le suffrage féminin ; le Sénat dominé par le Parti radical n’inscrivit jamais ce texte à son ordre du jour). C’est le délégué communiste Fernand Grenier qui portera le flambeau pour que la « femme française » soit désormais électrice et éligible, « afin que nous lui manifestions notre solidarité et notre volonté de ne plus la traiter en mineure, en inférieure ». Le Sénateur radical Paul Giacobbi mène les débats et tente de limiter toute avancée réelle : voudrait n’inscrire dans la loi que le principe de l’éligibilité des femmes, s’inquiétant du déséquilibre des sexes dans la France de l’après-guerre : beaucoup d’hommes étant encore prisonniers en Allemagne, accorder le droit de vote aux Françaises n’équivaudrait-il pas à « remplacer le suffrage masculin par le suffrage féminin » ? Sacré jésuitisme ! Et il faillit bien l’emporter. Mais Fernand Grenier finit par convaincre une majorité de délégués ; au soir du 24 mars 1944, l’amendement Grenier « Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. » est finalement ratifié par l’Assemblée consultative d’Alger par 51 voix contre 16.

Voter pour le droit de vote

C’est pour cela qu’il faut souligner l’importance du vote du 29 avril 1945. Alors même que les combats ne sont pas terminés en Europe, que les troupes soviétiques affrontent les derniers carrés des fanatiques nazis dans les rues de Berlin, la veille du suicide d’Adolf Hitler, les femmes françaises décident de voter massivement pour ces élections municipales. Elles ont elles-même tordu le cou à la fable selon laquelle la majorité d’entre elles auraient considéré que ce n’était pas leur affaire, que les hommes n’avaient qu’à s’en débrouiller, qu’elles avaient des responsabilités et d’autres influences et n’avaient pas à perdre leur temps sur des questions politiques. Les femmes ont donc voté ce jour-là pour le droit de vote des femmes. Le scrutin municipal de 1945 fut fortement médiatisé, l’attention des journalistes étant presque entièrement focalisée sur le comportement des femmes, entre condescendance contre celles qui n’en maîtriseraient pas les codes et admiration pour la patience des femmes qui firent parfois plusieurs heures de queue afin d’accomplir pour la première fois cet acte citoyen. Les élections du printemps 1945 se soldèrent par une forte percée du PCF ; le vote féminin ne semble pas avoir introduit une révolution majeure dans la pratique électorale, ni déclenché la vague cléricale que redoutaient les radicaux.

Un trop long chemin

Comment ne pas souligner cependant le retard français par rapport aux autres démocraties : la Nouvelle Zélande a établi ce droit dès 1893, l’Australie en 1902 ; entre les deux guerres mondiales, d’autres pays encore nous devancèrent : la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, les États- Unis, mais aussi l’Inde, la Turquie ou encore le Brésil. Qui se souvient de la candidature de Marie Denizard à l’élection présidentielle de 1913, de celle de Marguerite Durand aux élections législatives de 1910 ou encore de Louise Weiss qui aurait refusé d’intégrer le gouvernement Blum en répondant « j’ai lutté pour être élue, pas pour être nommée » ? Combien de temps furent méprisées et humiliées les conseillères issues des élections municipales de mai 1925, Augustine Variot à Malakoff, Marie Chaix à Saint-Denis, Marthe Tesson à Bobigny et Marguerite Chapon à Villejuif ou Joséphine Pencalet représentante des Penn Sardines en lutte de Douarnenez : il y a souvent très peu d’écarts de voix avec leurs homologues masculins puisque leurs noms sont peu rayés, preuve que l’électorat est déjà prêt pour cette avancée. Pourtant, le conseil d’Etat annulera une à une ces élections dès janvier 1926, le préfet de la Seine n’hésitant pas à envoyer la police pour empêcher Augustine Viarot de siéger en avril 1926.

Comment ne pas souligner également qu’il aura fallu que Charles De Gaulle constate, avec une forme de paternalisme, leur courage à travers deux conflits mondiaux pour qu’il soit convaincu de leur accorder des droits civiques ; finalement, cela n’allait pas de soi par le simple argument de l’égalité humaine.

Continuer le combat

Aujourd’hui, ce droit semble acquis et la parité a installé dans les assemblées soumises au scrutin de liste la place de de l’élue comme incontournable. On connaît cependant les tactiques pour contourner la parité dans les partis conservateurs (avec une forme d’expertise des LR au Sénat en la matière) et on constate de scrutins en scrutins combien de partis sont prêts à accepter de payer des amendes importantes pour ne pas respecter l’obligation de parité dans les candidatures et dans les équilibres entre les sexes dans leurs groupes parlementaires ? La proportionnelle est sans doute un combat à mener sur ce chemin inachevé. Sans parler même de la vigilance face aux offensives réactionnaires toujours vivaces.

Frédéric Faravel

Drapeaux en berne pour le pape François : « Non, la République n’a pas à porter le deuil d’un chef religieux » – tribune dans Marianne

Le gouvernement a décidé de mettre les drapeaux français en berne sur les bâtiments publics samedi 26 avril, jour des funérailles du pape François. Une décision que critiquent, dans cette tribune publiée dans Marianne le 24 avril 2025, plusieurs personnalités juridiques, associatives, politiques ou universitaires au nom de la laïcité.

En décidant de mettre les drapeaux en berne pour la mort du pape François, Emmanuel Macron engage la Nation dans un deuil qui n’a rien de républicain. Ce geste n’a rien d’automatique : la France ne l’a pas fait pour Benoît XVI, ni pour Jean-Paul Ier. Elle ne l’a accordé qu’à des figures dont le rayonnement dépassait tout cadre spirituel ou dogmatique – Nelson Mandela, la reine Elizabeth II, le roi Hussein de Jordanie.

Or le pape, quel qu’il soit, reste avant tout une autorité religieuse. François n’échappe pas à la règle. Chef d’un État dont la vocation première est religieuse, il est l’incarnation du dogme catholique. Si ses prises de position sur le climat ou les inégalités ont pu séduire au-delà de l’Église, elles ne font pas de lui une figure universelle dont les valeurs rejoignent celles de notre République.

Laïcité malmenée

Mettre les drapeaux en berne, c’est associer symboliquement l’ensemble de la République à cette peine. C’est demander à des millions de citoyens, croyants d’autres religions, agnostiques, athées ou indifférents, de porter un deuil qui n’est pas nécessairement le leur.

C’est une confusion grave entre ce qui relève de l’intime et ce qui engage l’État, le peuple, la nation. Dans une République laïque, on ne pleure pas au nom de tous en fonction d’un culte.
Ce n’est pas la première fois que le président malmène la laïcité. On se souvient de son discours aux évêques de France, appelant à « réparer le lien abîmé » entre l’Église et l’État.

De sa visite au Vatican, assumée comme une démarche « intime ». D’un déjeuner à l’Élysée avec bénédiction à la clé. Le report d’un projet de loi sur la fin de vie en raison de la venue de ce même pape. Plus récemment, il a allumé les bougies de Hanouka dans les salons de la République. À chaque fois, la même logique, la même confusion entre l’observance d’un principe fondamental de notre République qui impose à l’État la neutralité à l’égard des cultes et une laïcité édulcorée, envisagée comme sensible à tel ou tel culte selon les circonstances. Mais la laïcité n’est pas et ne doit pas être un principe à géométrie variable ! La laïcité n’est pas la coexistence des religions sous le regard bienveillant de l’État. Ce n’est pas un dialogue interreligieux orchestré depuis l’Élysée. Ce n’est pas l’État qui s’incline devant les dogmes.

La laïcité, c’est la séparation. C’est la liberté absolue pour chaque citoyen de croire, de ne pas croire, de ne pas savoir, de douter, de changer d’avis ou d’être indifférent à la chose religieuse. C’est la possibilité d’afficher ce que sont ses convictions dans le cadre de la loi, mais aussi de les garder pour soi si on le souhaite. Et le seul moyen d’assurer cela, réside dans la neutralité stricte de l’État face à toutes les croyances. C’est une République qui protège toutes les consciences, tous les individus, chaque citoyen sans préférence.

Ne pas ménager les sensibilités

À l’approche des 120 ans de la loi de 1905, il est plus que temps de remettre les pendules à l’heure. Cette loi fondatrice n’a pas instauré un quelconque respect qui serait dû aux religions – elle les a sorties de la sphère publique pour garantir la liberté de tous. Elle ne visait pas à ménager les susceptibilités religieuses, mais à permettre la souveraineté de l’espace civil et politique, un espace autonome, affranchie des dogmes.

Les bâtiments publics sont les temples de la République, pas ceux de la foi. Les drapeaux tricolores n’ont pas à s’abaisser pour honorer un chef religieux, aussi respecté et aussi respectable soit-il. Chacun est libre d’éprouver du chagrin. Mais personne ne peut imposer son ressenti à la communauté nationale toute entière.

La laïcité n’est pas la négation de la foi : elle est la condition de sa liberté. Mais la République ne peut être le réceptacle d’une seule partie de la population et de sa peine légitime. Elle ne reconnaît que les citoyens qui la composent, en cette seule qualité.

Signataires :

  • Guillaume AGULLO, Référent Occitanie Printemps Républicain
  • Cyprien ASSEH, Militant PS et Génération Charlie
  • Pierre Nicolas BAPT, Vice-Président du PRG31 et référent du PRG à Toulouse
  • Younès BEN HADOU, Référent jeunes du Printemps Républicain
  • Béatrice BENABBES, Professeur d’espagnol, Vigilance Collèges Lycées
  • Rouven BRANENBERG, Juriste, Secrétaire général du Printemps Républicain
  • Marika BRET, Essayiste, Présidente Printemps Républicain
  • Florence BRUTUS, Vice-Présidente de la Région Occitanie (PRG)
  • Christelle CABANIS, Conseillère départementale du Tarn (PRG)
  • Joseph CARLES, Maire de Blagnac (31) et Vice-Président de Toulouse Métropole
  • Guylain CHEVRIER, Co-fondateur Vigilance Travail Social
  • Nicolas COSTES, Militant associatif
  • Carole DELGA, Présidente de la Région Occitanie
  • Gilbert-Luc DEVINAZ, Sénateur (PS) du Rhône
  • Lucas DUVAL, Millitant associatif et politique
  • Galina ELBAZ, Avocate au Barreau de Paris
  • Cécile FADAT, Élue et militante socialiste
  • Sébastien FAGNEN, Sénateur (PS) de la Manche
  • Philippe FOUSSIER, Vice-Président d’Unité Laïque
  • Vincent GAREL, Conseiller Régional d’Occitanie
  • Emmanuel GELLMAN, Printemps Républicain
  • France GERBAL-MEDALLE, Docteur en géographie
  • Delphine GIRARD, Vigilance Collèges Lycées
  • Floriane GOUGET, Étudiante
  • Jean-François GRILLET, Directeur Général Rezo 1901 et référent Rhône Alpes Printemps Républicain
  • Jérôme GUEDJ, Député socialiste de l’Essonne
  • Franck GUEGUENIAT, Porte-parole du PRG, Maire d’Épron (14)
  • Éric JEANSANNETAS, Sénateur de la Creuse
  • Pierre JUSTON, Militant PS
  • Arthur LABATUT, Président des JRG
  • Guillaume LACROIX, Président du PRG
  • Vincent LAUTARD, Directeur dans le secteur de la santé
  • Martin LOM, Journaliste et Président de Génération Charlie
  • Maxime LOTH, Étudiant à Sciences Po Paris, responsable du Printemps Républicain à Sciences Po et militant à la LICRA
  • Mohamed MAAFRI, Adjoint au Maire de Blagnac (31)
  • Kamyar MAJDFAR, Directeur Général de l’UES LE&C
  • Emmanuel MAUREL, Député (GRS) du Val d’Oise
  • Karan MERSH, Professeur de philosophie
  • Julien MIDALI, Militant du PRG
  • Franck MONTAUGÉ, Sénateur du Gers
  • Patrice MUR, Militant du PRG
  • Monique NOVARETTI, Conseillère régionale d’Occitanie (PRG)
  • Pierre OUZOULIAS, Sénateur (PCF) des Hauts-de-Seine
  • Henri PEÑA-RUIZ, Philosophe, auteur du “Dictionnaire amoureux de la laïcité”
  • Nicolas PENIN, Grand Maitre du GODF
  • Laurence ROSSIGNOL, Sénatrice (PS) du Val-de-Marne
  • Jean Pierre SAKOUN, Président d’Unité Laïque
  • Stéphanie SENSE, Conseillère régionale d’Occitanie (PRG)
  • Florence SIGUIER, Cheffe d’entreprise
  • Sophie TAIEB, Référent Hauts de France Printemps Républicain
  • Mickaël VALLET, Sénateur de Charente-Maritime
  • Paul Alexandre VOISIN, Co-fondateur Vigilance Travail Social et Référent Occitanie Printemps Républicain
  • Arlette ZILBERG, Porte-parole du collectif Les CitadElles

Les droites contre l’égalité territoriale


Au parlement, certains députés et sénateurs issus des bancs de la droite allant du « bloc central » au RN ont décidé d’opérer une « commission de la hache » sauvage, en prenant prétexte de l’état des finances publiques. Animés par une foi anti-étatiste viscérale, ils développent des arguments démagogiques et malthusiens qui pourraient s’ils parvenaient à leurs fins avoir des conséquences graves pour la cohésion nationale. Mais le risque déborde du débat parlementaire en lui-même.

Le 30 janvier 2025, la sénatrice Union Centriste Nathalie Goulet avait l’honneur de l’examen en séance publique de sa proposition de loi « tendant à supprimer certains comités, structures, conseils et commissions « Théodule » dont l’utilité ne semble pas avérée » ; le simple intitulé du texte suffisait cependant à se faire une idée sur sa nature parfaitement démagogique et ridicule.

On connaît bien le pedigree démagogue de cette élue de l’Orne, qui avait déjà créée une polémique en montant en épingle « les milliards qui seraient engloutis dans la fraude à la carte vitale », avant que les démonstrations sérieuses rappellent que ces fraudes, si elles existent bel et bien, ne concernent que quelques millions d’euros et sont sévèrement combattues, l’argent recouvré un jour ou l’autre ; chacun sait qu’en matière de fraude sociale, c’est surtout les fraudes aux cotisations des entreprises qui coûtent cher à la puissance publique, ajouté au scandale de la masse du non recours aux aides sociales totalement intégré dans les projections budgétaires (l’État et les collectivités ne prévoient jamais les crédits à hauteur du nombre de personnes éligibles mais au niveau de ce qu’ils anticipent comme citoyens qui y feront réellement appel).

Le texte avait été sérieusement toiletté en commission des lois au Sénat pour éviter les suppressions ubuesques, la commission en appelant à la « sagesse » de l’examen en séance pour faire un sort à l’article proposant la suppression de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV). Opportunément, les commissaires aux lois savaient que le groupe socialiste, écologiste & républicain avait déposé un amendement pour supprimer cet article, ce qui fut fait. Le texte transmis à l’Assemblée nationale le 31 janvier préservait donc l’ONPV et la proposition de loi Goulet était promise à se noyer dans les méandres de la navette parlementaire.


Après le Sénat, la récidive des députés macronistes

En quoi la suppression de l’ONPV comporte-t-elle un risque ? L’ONPV a succédé en 2015 à l’Observatoire national des zones urbaines sensibles qui avait été créé en 2003 ; la loi Lamy de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014 lui confiait l’« analyse de la situation et des trajectoires des résidents des quartiers [prioritaires], la mesure de l’évolution des inégalités et des écarts de développement au sein des unités urbaines, à l’évaluation de la mise en œuvre des politiques en faveur des quartiers prioritaires et des progrès en matière de participation des habitants aux instances décisionnelles de la politique de la ville, [… et enfin] l’analyse spécifique des discriminations et des inégalités entre les femmes et les hommes. »

Le Décret n° 2015-77 du 27 janvier 2015 relatif aux instances en charge de la politique de la ville établissait surtout que « l’État et ses établissements publics sont tenus de [lui] communiquer les éléments nécessaires à la poursuite de ses travaux, sous réserve de l’application des dispositions législatives imposant une obligation de secret. » En d’autres termes plus concrets, cela signifie que l’INSEE – entre autres – est tenu de lui communiquer des éléments d’analyse statistique socio-démographique et socio-économique à l’échelle des Quartiers prioritaires politique de la ville (QPV). Supprimer l’ONPV purement et simplement implique de supprimer également la partie du décret de janvier 2015 qui le concerne, donc de supprimer l’obligation pour l’INSEE et les autres établissements publics de produire des données à l’échelle des QPV et de les transmettre gratuitement. Cela revient tout simplement à casser le thermomètre indispensable à la connaissance de ces quartiers et donc à l’élaboration, la mise en œuvre et l’adaptation de politiques publiques capables de faire revenir les habitants de ces territoires vers l’égalité républicaine.

L’ONPV est une instance au travail et la seule à travailler sur le périmètre des QPV. La politique de la ville, comme toute politique publique, a besoin de données statistiques fiables et d’études à la méthodologie scientifiquement éprouvée. Supprimer l’ONPV, c’est supprimer l’attention portée par la puissance publique aux QPV et à leurs 6 millions d’habitants, qui subissent les conséquences de quelques 60 ans d’erreurs et d’abandons. Car, dans les QPV, il n’y a pas que les revenus par habitants qui sont moins élevés que dans l’aire urbaine qui les entoure (ce qui veut dire que la population y est plus pauvre) : les QPV sont aussi ceux où sont concentrés les problèmes de qualité du logement, où les services publics (et les services tout court) sont les moins présents ou insuffisants par rapport aux difficultés rencontrées, où il y a moins d’emploi et, enfin, ce sont ceux qui sont les moins bien desservis en transport.

Comment bâtir des politiques publiques efficaces pour réduire les écarts de développement et les écarts sociaux entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines sans un diagnostic territorial socio-démographique et socio-économique partagé et régulièrement mis à jour ? Comment mobiliser efficacement les moins de 600 millions d’euros par an des crédits politique de la ville du programme 147, qui ne servent qu’à soutenir les projets associatifs et les expérimentations ? Et surtout et avant tout, comment réellement mobiliser efficacement les autres politiques publiques dites de « droit commun » (éducation, emploi, transports, logement, justice, culture, sport, police, etc.) pour rattraper le retard accumulé ?

Lors de l’examen en commission spéciale à l’Assemblée Nationale du projet de loi de simplification de la vie économique (le texte avait été déposé par le gouvernement voici un an et transmis par le Sénat à l’Assemblée nationale en octobre dernier !?!) pourtant, les députés du « bloc central » s’en sont de nouveau pris à l’ONPV. Mais à la démagogie initiale de Nathalie Goulet, ils ont ajouté la tromperie : voulant mettre en scène leur zèle en faveur de coupes budgétaires tout azimut, ils ont fait adopter en commission le 24 mars 2025 un amendement de suppression de l’Observatoire porté par le rapporteur du texte le député LIOT de la 3e circonscription des Vosges, Christophe Naegelen. Mais, pour rendre cohérent le reste des textes, ils ont corrigé l’article 10 de la loi Lamy de 2014 pour remplacer l’ONPV par l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires (ANCT), qui si cette démarche allait au bout serait donc désormais rédigé comme suit : « Les collectivités territoriales et leurs établissements publics communiquent à l’ANCT les éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission, sous réserve de l’application des dispositions législatives imposant une obligation de secret. » Façon de dire « regardez, nous ne sommes pas des irresponsables, les données continueront d’être récoltées par l’ANCT »… Ce sont des Tartuffe ! Car en supprimant l’ONPV, ils suppriment le titre III du décret n° 2015-77 qui obligeait « l’État et ses établissements publics [à] communiquer les éléments nécessaires » à l’accomplissement des missions confiées en 2014 à l’ONPV : donc, à nouveau, il s’agit de casser le thermomètre et de rendre dans les faits impossible la récolte de données sur les politiques publiques à l’échelle des QPV.

Regardons où ont été élus les députés qui ont porté le fer : Marie Lebec, députée renaissance de la 4e circonscription des Yvelines (l’une des plus bourgeoise du département) ; Sébastien Huyghe, député LR de la 5e circonscription du Nord (qui croit ainsi donner des gages à l’électorat RN auquel il a arraché la circonscription) ; Sylvain Maillard, député Renaissance de la 1ère circonscription de Paris (la plus bourgeoise de la capitale) ; Jean-René Cazeneuve, député Renaissance de la 1ère circonscription du Gers (circonscription extrêmement rurale, dont le seul QPV est situé à Auch, préfecture du département, qui vote PS et un peu moins LFI aux législatives) ; Danielle Brulebois, députée Renaissance de la 1ère circonscription du Jura (circonscription extrêmement rurale, dont le seul QPV est situé à Lons-le-Saunier, ville PS) ; Françoise Buffet, députée renaissance de la 4e circonscription du Bas-Rhin (circonscription rurale et conservatrice) ; Nicole Le Peih, députée renaissance de la 3e circonscription du Morbihan (circonscription rurale) ; Anne-Sophie Ronceret, députée renaissance de la 10e circonscription des Yvelines (circonscription rurale et bourgeoise de Rambouillet) ; et enfin Annaïg Le Meur, députée renaissance de la 1ère circonscription du Finistère (circonscription rurale, dont le seul QPV est situé à Quimper, ville PS qui vote à gauche aux législatives).

Si on ajoute à cette liste, le profil de la circonscription du rapporteur (territoire rural, un QPV situé à Remiremont, ville de droite qui se détourne profondément de ce quartier), on perçoit dans la démarche de ces députés une ignorance volontaire de la politique de la ville, un mépris social évident, une logique d’opposition des territoires en difficulté entre eux et un esprit de revanche politique.

Avec cet amendement démagogique, les députés sabreurs peuvent-ils au moins prétendre avoir fait des économies ? Même pas ! L’ONPV est avant tout une instance de travail et de concertation entre différents acteurs publics et parapublics avec un comité d’orientation qui adopte le programme de travail annuel de l’ONPV, valide les publications de l’observatoire et approuve le rapport annuel remis au Gouvernement et au Parlement. Le travail en lui-même est accompli par le pôle Analyse et Diagnostics Territoriaux de la direction générale déléguée Appui Opérationnel et Stratégique au sein de l’ANCT, évidemment en lien avec la direction générale déléguée à la Politique de la Ville au sein de l’ANCT. L’ONPV en réalité ne coûte rien d’autre que les frais de secrétariat de son comité d’orientation, soit moins de 40 000 euros par an. Par contre, la suppression de l’ONPV privera tous les acteurs de la politique de la ville, qui expriment depuis quelques jours à quel point cet observatoire est utile, de données essentielles à une action publique efficace et à son adaptation dans le temps1. C’est à terme une perte d’efficacité publique donc une perte d’argent public considérable qui sera provoqué si l’amendement adopté en commission spéciale est conservé à l’issue de l’examen en séance publique. Il est plus qu’étonnant que sa présidente, la haute fonctionnaire Laëtitia Hélouet, n’est jamais pris la parole dans le débat public pour déconstruire ces absurdités ; il faut croire qu’elle a une définition extensive du « devoir de réserve ». D’autres heureusement ont pris la parole, tant parmi les cadres de l’État qu’au sein des associations d’élus locaux comme Ville et Banlieue et ses partenaires, France Urbaine, APVF, Intercommunalités de France ou Villes de France.

On ne peut que remercier Emmanuel Maurel et quelques autres députés de gauche (et du Modem) pour avoir déposé des amendements de rétablissement de l’ONPV2, mais le risque que l’irréparable soit commis est important : l’addition des voix des groupes RN, UDR, « droite républicaine » (hostiles par principe à la politique de la ville3) avec celles du « bloc central » – si ce dernier ne revenait pas rapidement à la raison (l’examen du texte est prévu dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 avril 2025) – est largement majoritaire.


L’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires dans le collimateur ?

L’ANCT est un établissement public créé en 2019 et en fonctionnement depuis le 1er janvier 2020. Son action cible prioritairement les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d’accès aux services publics. La création de l’ANCT avait été souhaitée par Emmanuel Macron dès son discours à la conférence nationale des territoires le 18 juillet 2017, avec l’ambition de créer un « guichet unique » d’échelon national dans la relation de l’État aux élus et porteurs de projets locaux, en particulier les collectivités territoriales.

L’ANCT a fusionné en son sein plusieurs organismes publics et administrations centrales :

  • le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET ; à l’exception des agents assurant les fonctions relatives à l’élaboration et au suivi de la politique de l’État en matière de cohésion des territoires4), dont l’essentiel des missions a été repris par la direction générale déléguée à la politique de la ville dont nous parlions plus haut ;
  • l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ;
  • l’Agence du numérique (à l’exception des agents employés à la mission French Tech).

D’autres opérateurs de l’État en direction des territoires n’ont finalement pas été intégrés à l’ANCT : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Toutefois, l’ANCT a établi des conventions avec chacun de ces opérateurs.

L’idée de base de la création de l’ANCT est intéressante : avoir un acteur uniquement permettant de coordonner l’ensemble des politiques publiques qui doivent servir à atteindre un objectif d’égalité territoriale. Quartiers urbains défavorisés, bassins désindustrialisés, territoires ruraux ou péri-urbains excentrés ou isolés, zones blanches, bourgs et villages ruraux en déprise (citons en dehors de la politique de la ville, Action Cœur de Ville – programme né du rapport sénatorial piloté en 2017-2018 le sénateur socialiste Martial Bourquin – Petite Ville de Demain, Village d’Avenir, Territoires d’Industrie, Maisons France Services, Tiers-Lieux, Territoires d’engagement, France Très Haut Débit, etc.)… Tous sont l’objet de l’attention de l’ANCT et doivent pouvoir bénéficier de ses dispositifs et de ses programmes. Le passage en Agence était censé lui donner la souplesse, la flexibilité et la réactivité que ne pouvait avoir, selon les Libéraux, une administration centrale ; c’était aussi s’ancrer dans la posture de « l’État animateur » et non plus prescripteur ou acteur.

Cependant, la création de l’ANCT s’inscrit dans la continuité d’une logique qui a retiré à nombre de territoires leurs administrations publiques. Ainsi pour faire face au démantèlement des Directions Départementales de l’Équipement entre 2006 et 2009, dont les équipes et les missions n’ont pas été entièrement reprises par les Directions départementales des territoires (on a « dégraissé le Mammouth » !), l’ANCT propose d’accompagner les collectivités qui s’adressent à elle avec des délégations de crédits d’ingénierie, charge aux collectivités bénéficiaires de solliciter des prestataires pour accompagner leurs projets. On marche sur la tête selon nous, mais c’est une conséquence directe du désengagement de l’État dans les territoires, pas de l’existence l’ANCT elle-même.

Sur les territoires, l’ANCT dispose de délégués territoriaux qui sont … les préfets. Donc il n’y a pas plus de présence de terrain hors quelques chargés de mission qu’elle finance pour les comités de massif ou autres chefs de projet sur ses différents programmes. Elle réalise exactement ce pour quoi elle a été créée en 2019, à savoir son rôle de guichet unique au service des collectivités. Cependant, le revers de la médaille d’un tel positionnement, c’est que l’ANCT répond essentiellement aux collectivités (ou à leurs EPCI) qui disposent déjà d’assez d’ingénierie ou de structuration pour faire appel à elle. Une commune en perdition dans un territoire en déprise ne pourra le faire qu’à la condition qu’elle soit accompagnée en amont, par les services préfectoraux et les services déconcentrés des administrations centrales qui sont déjà « à l’os » depuis plusieurs années.

Autre difficulté rencontrée par l’ANCT (et ses directions), c’est qu’elle a perdu la capacité de contrôle direct de l’essentiel de ses crédits qu’avait par exemple conservé le CGET. D’un côté, l’ordonnateur des crédits est la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) qui dépend du ministère de l’intérieur (quand l’ANCT dépend à la fois du ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation et du ministère de la transition écologique) qui n’a pas d’expertise sur le fond des dossiers et des politiques publiques pilotés par l’ANCT, mais dispose d’une prépondérance dans la rédaction des décrets et circulaires relatives aux politiques publiques concernées et contrôle la libération des crédits du programme 147 (politique de la ville) et du programme 112 (impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire) de la mission « cohésion des territoires » des lois de finances : le rapport de force politico-administratif est très largement inégal ; de l’autre côté, depuis 2018, ce sont les préfets de région en tant que Responsable de Budget Opérationnel de Programme (RBOP) qui ont la haute main sur l’exécution des crédits de ces deux programmes et la mise en œuvre des actions qui y sont rattachés : les recommandations de l’ANCT et de ses directions ne sont qu’un élément parmi d’autres pris en compte par les RBOP dont l’autonomie d’action, tant qu’ils respectent les cadres généraux, est extrêmement large. Comment l’ANCT pourrait-elle dans ces conditions avoir les coudées franches, disposer des moyens opérationnels concrets pour garantir une cohérence de la mise en œuvre des politiques publiques pour atteindre l’objectif de cohésion territoriale ? Dans un contexte de disette budgétaire, alors qu’on a coupé dru dans le fonds vert, que le programme 112 a perdu 20 % de ses crédits contre 5 % pour le 147, il y a fort à parier qu’une telle délégation de crédits risquent de se faire sur le terrain au détriment de la politique de la ville.

Elle est donc, dans ce contexte, contrainte d’avoir une politique marketing qui, l’espère-t-elle, lui donnera une légitimité auprès du public le plus large possible auquel elle s’adresse : les collectivités territoriales. Dès l’origine, en pleine crise sanitaire, elle s’est ainsi dotée d’un slogan qui ne recouvre que très partiellement l’intérêt de ses missions « L’agence au services des collectivités territoriales ». C’est sans doute aussi pour cette raison que ces différents outils de communication (comme son événement annuel phare l’ANCTour ou son site internet) privilégient largement les programmes et dispositifs s’adressant à la ruralité et à la revitalisation de la « France périphérique » : les maires et présidents d’EPCI sont plus nombreux dans cette catégorie et la politique de la ville, les difficultés sociales et humaines qu’elles tentent de contenir (si ce n’est de résoudre), est visiblement beaucoup moins « glamour » politiquement. Son président, Christophe Bouillon, maire de Barentin (Seine-Maritime) et président de l’Association des Petites Villes de France, est le symptôme de ce « silencement » de la politique de la ville : il n’en parle tout simplement jamais ou presque et doit être systématiquement complété sur ce dossier par son Directeur général, Stanislas Bourron, haut fonctionnaire et ancien patron de la DGCL.

On se souvient de la déclaration de politique générale de François Bayrou le 14 janvier 2025 ; le nouveau Premier ministre avait, dans un discours par ailleurs plutôt plat et ennuyeux, mené la charge en faveur de la « débureaucratisation » et contre les « plus de 1 000 agences, organes ou opérateurs exercent l’action publique […] sans contrôle démocratique réel ». On tente encore de trouver la référence du Béarnais pour avancer un tel chiffre, mais on avait compris que, parmi les cibles de cette diatribe populiste, se trouvait l’ANCT. Pourtant, c’est bien une agence dont le contrôle par le gouvernement est complet, doublé d’un conseil d’administration5 qui offre des garanties de contrôle démocratique assez exemplaires.

Or, deux semaines plus tard, le Premier ministre a demandé à l’IGA, l’IGF, l’IGEDD et l’IGAS de procéder à une revue des dépenses d’interventions de plusieurs opérateurs de l’État au profit des collectivités locales en matière d’ingénierie territoriale. Pour la mener à bien, les inspecteurs concernés, en complément des échanges avec lesdits opérateurs (ADEME, ANCT, CEREMA) et les ministères, ont reçu consigne d’aller interroger « les acteurs territoriaux susceptibles de mobiliser des ressources d’ingénierie, en propre ou porté (sic) par les opérateurs nationaux, pour mener à bien leurs projets d’aménagement ». On voit ici que l’intention est d’aller trouver des éléments pouvant permettre d’accuser son chien d’avoir la rage. Or, si l’ANCT est sans doute loin d’être parfaite – nous venons d’établir un constat balancé sur ses missions et son action –, elle souffre avant de ne pas disposer des moyens suffisants pour mettre en œuvre la tâche qu’on lui a confié : elle a besoin d’avoir des relais administratifs et d’ingénierie plus fort sur le terrain, elle a besoin de contrôler directement les crédits des politiques publiques dont on lui a confié l’expertise et le pilotage, elle a besoin d’avoir réellement la main sur les outils de mobilisation des agents publics (décrets, instructions, circulaires) et d’avoir en matière d’aménagement et d’égalité territoriale un dialogue d’organisation direct avec les préfets et leurs services.

On peut légitimement douter que l’intention actuelle du gouvernement de droite conduit par François Bayrou soit de redéployer des moyens humains dans les administrations déconcentrées de l’État, qu’elles soient rattachées ou non à l’ANCT. La disparition de cette agence ou sa fusion avec d’autres n’aboutirait alors qu’à un nouveau recul de la capacité de l’État à agir dans les territoires (alors même que les collectivités n’ont pas les moyens de prendre le relais, et d’une certaine manière ne doivent pas l’avoir, car cela signerait la fin de l’État républicain et de l’égalité des citoyens devant l’action publique).

Nous sommes le 6 avril 2025, l’ANCT n’a toujours pas reçu notification de sa subvention pour charge de service public pourtant inscrite dans la loi de finances pour 2025. Depuis le 1er janvier de cette année, elle fonctionne sur ses fonds propres, ayant toujours eu une gestion interne particulièrement austère, alors que d’autres agences ou opérateurs de l’État n’ont jamais eu cette précaution (et se retrouvent au bord du gouffre depuis quelques semaines). Mais entre les menaces de cette « mission de rationalisation » initiée par François Bayrou et la baisse des crédits du programme 112 (qui financent les postes des agents – fonctionnaires ou contractuels – de l’ANCT), on sent bien que l’Agence Nationale pour la Cohésion des Territoires risque de prendre un boulet fatal.

Mais ce n’est pas tant une agence parmi d’autres qui serait blessée à mort, c’est l’égalité des territoires au sein de la République française.

Jean-Samuel Castéran

  1. Au-delà site de l’ONPV que vous pourrez trouver tout seul, nous vous recommandons la consultation du site SIG.ville qui est une mine d’information sur les QPV, pour les agents de l’Etat, des collectivités, des acteurs professionnels, les associations, les entreprises, les habitants, et qui ne pourrait pas exister si le projet de loi sorti de la commission spéciale était promulgué tel quel : https://sig.ville.gouv.fr/ ↩︎
  2. Vous trouverez après cet article la liasse d’amendements de rétablissement au format PDF. ↩︎
  3. Les conseils régionaux d’Auvergne/Rhône-Alpes, Grand Est, Île-de-France, où LR règne sans partage (on peut ajouter PACA et Pays-de-la-Loire, proches d’Horizons), ont supprimé depuis plusieurs années tout soutien financier à la Politique de la Ville ↩︎
  4. La conception des contrats de plan État-Région, qui relevait encore du CGET pour l’exercice 2015-2020, n’est plus assumée par l’ANCT qui gère en revanche un nouveau type de contractualisation entre État et collectivités, les Contrats de relance et de transition écologique. ↩︎
  5. https://anct-site-prod.s3.fr-par.scw.cloud/ressources/2025-02/organigramme_ca_dec_2024.pdf ↩︎

Condamnation du RN : la GRS appelle à défendre l’État de droit et les institutions de la République !

communiqué de la Gauche Républicaine et Socialiste le jeudi 3 avril 2025

Tout citoyen a le droit de critiquer une décision de justice, y compris celui ou celle à qui elle s’adresse. Mais personne n’a le droit de jeter le discrédit sur l’autorité judiciaire de la façon dont l’extrême-droite et ses alliés l’ont fait, suite au verdict du tribunal judiciaire de Paris rendu dans l’affaire des assistants parlementaires du RN.

Dans les heures qui ont suivi cette décision, une surenchère verbale inadmissible a dénoncé une prétendue « tyrannie des juges » et mis en cause jusqu’à l’intégrité des magistrats qui appliquent la loi au nom du peuple français.

Des manifestations contre la Justice sont organisées ce dimanche, qui rappellent à nos compatriotes le lourd passif historique des nationalistes et des réactionnaires à l’encontre de l’État de droit, cible de leurs attaques incessantes. Le bruyant soutien des Poutine, Trump, Orban, Salvini et consorts ne laisse guère de doute sur la réalité de cette tentative de déstabilisation.

Il est loisible d’interroger le bien-fondé des lois – en l’occurrence l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité – et d’en proposer des évolutions. C’est la démocratie. Mais remettre en cause les principes fondamentaux de la République, ses institutions et ceux qui ont la lourde charge de les faire vivre est inacceptable.

La Gauche Républicaine et Socialiste en appelle au respect de l’État et de ses fonctionnaires, à plus forte raison lorsqu’ils sont dépositaires de l’autorité publique et indépendants du pouvoir politique.

“Refaire de la laïcité un instrument de justice sociale et de cohésion républicaine” – tribune parue dans Libération, le jeudi 20 mars 2025

Obtenu de haute lutte par la gauche, il est impératif de ne pas laisser ce principe dans les mains de ceux qui, comme le Rassemblement national, la subvertissent au profit de thèses identitaires, estiment des personnalités de gauche rassemblant la GRS, le PCF et le PS.

Tribune parue le 20 mars dans Libération.

A l’ère de toutes les confusions, il fait toujours bon rappeler que la gauche et la laïcité ont partie liée depuis quatre siècles.

De la grande Révolution française au vote de la loi de séparation des Eglises et l’Etat dont nous fêterons les 120 ans en 2025, nous avons inscrit ce principe consubstantiel à l’idéal républicain au cœur de notre philosophie politique.

Sous l’exigeante tutelle intellectuelle de Jean Jaurès, nous avons œuvré pour le triomphe de la République laïque et sociale, afin d’offrir à chaque citoyenne et à chaque citoyen les moyens de son émancipation et le droit de pratiquer son culte sans entrave.

Hélas, aujourd’hui, en dépit de sa pertinence sans cesse démontrée, la laïcité vacille, étant mal comprise, instrumentalisée ou fragilisée. D’un côté, la droite et l’extrême droite la détournent pour stigmatiser nos compatriotes de confession musulmane. De l’autre, des confusions et des infléchissements s’opèrent, réduisant la laïcité à une famélique neutralité de l’Etat, ce qui demeure un profond contresens historique et politique.

La laïcité est une matière chaude, obtenue de haute lutte par notre camp. Il est impératif de ne pas la laisser dans les mains de ceux qui, comme le Rassemblement national, prétendent en détenir l’exclusivité pour mieux la subvertir au profit de thèses identitaires.

Le peuple français espère beaucoup de nous à ce sujet. Nous devons redevenir les défenseurs intransigeants de la République laïque, sociale et universaliste, la seule capable de garantir à chacune et à chacun les mêmes droits et les mêmes libertés.

Nous savons trop bien que lorsque l’école publique manque de moyens, quand les services publics se retirent des territoires, l’Etat fait place nette à la marchandisation du monde, aux intérêts particuliers et aux pressions communautaristes et c’est toute la République qui s’en trouve affaiblie.

Empêcher les discriminations, l’antisémitisme et le racisme

Renforcer la laïcité, c’est donc d’abord reconstruire une République forte, présente partout, dans l’hexagone et l’outre-mer, qui consacre l’égalité des droits et des responsabilités. C’est développer des services publics qui ne laissent personne sur le bord du chemin, en particulier dans les quartiers populaires et dans la ruralité. C’est empêcher les discriminations, l’antisémitisme et le racisme.

Renforcer la laïcité, c’est aller au bout de la séparation des Eglises et de l’Etat, principe indispensable à la mise en échec du poison identitaire qui se répand à toute vitesse. C’est faire en sorte que l’école publique retrouve sa centralité et demeure, selon les mots de Jean Zay, «l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas». Telle est l’ambition de ce texte qui comprend des perspectives politiques que la gauche devra soutenir au cours des prochaines échéances électorales : donner toute sa place au principe de laïcité dans notre Constitution afin de consacrer définitivement la séparation des Eglises et de l’Etat et mettre fin à toutes les dérogations qui perdurent depuis trop longtemps ; instituer au sein de notre Constitution un Défenseur de la laïcité, sous la forme d’une autorité administrative indépendante, dont le rôle sera de veiller à la bonne application des politiques publiques dédiées à la laïcité.

Assurer à l’école publique et laïque le soutien absolu de toute la nation : revalorisation significative des salaires, meilleur encadrement, protection et formation des enseignants, en première ligne dans la transmission des valeurs républicaines.

Fermer les écoles privées hors contrat et conditionner les financements publics versés aux écoles privées sous contrat au respect de critères de mixité sociale afin d’enrayer la ségrégation scolaire qui se joue à bas bruit dans notre pays.

Levier pour l’émancipation

La réalisation de ce programme, non exhaustif, ne sera pas chose aisée. Nous rencontrerons de l’adversité, ce qui suppose une unité d’action sans faille. Mais nous sommes confiants, car la gauche a toujours su se rassembler pour défendre l’essentiel.

La laïcité est un rempart contre l’intolérance et un levier pour l’émancipation. A nous de reprendre le terrain perdu et de faire front, sans hésitation ni compromis, pour qu’elle devienne un projet d’avenir du XXIe siècle pour les nouvelles générations.

Nous, forces de gauche, socialistes, communistes, républicains, universalistes, appelons à ce réveil collectif : garantir à chacun les mêmes droits, sans discrimination, sans pression et sans assignation.

Le moment est venu de refaire de la laïcité un instrument de justice sociale et de cohésion républicaine.

C’est ainsi que nous reconstruirons une gauche populaire et fidèle à son histoire.

C’est ainsi que nous préparerons l’avenir. L’heure du sursaut a sonné.

Signataires :

Hélène Bidard Adjointe communiste à la mairie de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, de la jeunesse et de l’éducation populaire, Léon Deffontaines Porte-parole du Parti communiste français, Carole Delga Présidente socialiste de la région Occitanie, Cécile Fadat Elue locale et membre du conseil national du PS, engagée en faveur de la laïcité, Jérôme Guedj Député socialiste de l’Essonne, Marie-Noëlle Lienemann Ancienne ministre, coordinatrice nationale de la Gauche républicaine et socialiste, membre du CESE, Emmanuel Maurel Député et animateur nationale de la Gauche républicaine et socialiste du Val-d’Oise, Pierre Ouzoulias Sénateur communiste des Hauts-de-Seine, Laurence Rossignol Sénatrice socialiste du Val-de-Marne.

Emmanuel Macron : la drôle de dramatisation

Dans son allocution du 5 mars 2025, le Président de la République a appelé les Français à faire face à la « menace russe ». « Les temps de l’insouciance sont terminés » et « la patrie a besoin de vous », a-t-il affirmé. 

Sans contester la gravité du moment, céder aux facilités de la surenchère guerrière serait contre-productif. Les Français soutiennent majoritairement le combat des Ukrainiens, mais ne s’en estiment pas proches au point d’approuver une escalade militaire. La vérité est que nous ne sommes pas en guerre et l’évocation permanente de l’Histoire (« faut-il mourir pour Dantzig ? ») n’y changera rien.

Le message que nos compatriotes sont prêts à entendre, c’est qu’il faut dimensionner correctement notre armée. Ils comprennent qu’un budget militaire à moins de 2% du PIB relève de l’exception historique. Sous les septennats de François Mitterrand, la France consacrait plus de 3% de son PIB à la défense, et sous de Gaulle, près de 5%. Face à une Russie plus agressive que jamais, en « économie de guerre » depuis trois ans et qui augmente ses capacités, mais aussi face aux menaces diverses dans un monde chaotique et violent, il est logique de poser la question des moyens alloués à notre défense.

Il ne serait ni prudent ni responsable de faire comme si le Kremlin allait s’arrêter à 20% du territoire ukrainien, puis redevenir subitement pacifique à la faveur d’un simple cessez-le-feu. En Russie, le bourrage de crâne contre « l’Occident collectif » fonctionne à plein régime et entretient la paranoïa de la base au sommet. Le révisionnisme historique n’y est pas non plus en reste, qui conteste aux anciennes républiques soviétiques leur droit à l’autodétermination et l’indépendance. La peur des Baltes, des Polonais et même des Finlandais, sujets du Tsar jusqu’en 1917, n’est pas imaginaire. Ils ont tous payé pour voir l’impérialisme russe à l’œuvre.

On ne compte plus les opérations russes de « guerre hybride » sur le territoire européen. Tentatives de déstabilisation politique, meurtres, attaques cyber, propagande téléguidée depuis Moscou sur les réseaux sociaux… tout y passe. Les services de renseignements européens alertent de longue date sur ce déploiement de grands moyens. Ils n’inventent rien et nous devons nous fier à leur expertise, mais en gardant la tête froide. Les services et officines russes seraient ravis que nous cédions à la panique ; ils en profiteraient même pour jeter encore plus d’huile sur le feu.

Ce qui a radicalement changé en revanche, c’est le revirement américain. Depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, les Etats-Unis adoptent une position « pacifiste pro-russe » qui reprend quasi intégralement le narratif du Kremlin, osant même accuser l’Ukraine d’avoir déclenché la guerre ! Le discours de Trump révèle une trahison assumée de ses alliés européens, qui sert plusieurs buts : affaiblir nos économies, rafler le Groenland et détacher la Russie de la Chine. Pour nous Européens, ce changement radical comporte un vrai risque, auquel nous sommes bien obligés de faire face.

Et pour nous Français, ce n’est pas faute d’avoir prévenu ! Tous ceux qui méprisaient nos propositions pour un approfondissement de la coordination européenne en matière de défense en sont pour leurs frais. L’Otan est vraiment « en état de mort cérébrale », nous sommes vraiment seuls, et il faut vraiment mettre en place des mécanismes pour rattraper notre retard. Il est assez piquant de voir les plus fervents atlantistes historiques se rallier en convertis fervents à « l’Europe de la défense ». 

Mais les affichages budgétaires ne suffiront pas. Pour être efficients, ils devront s’inscrire dans une politique de croissance et de relance, qui seule est en mesure de conforter l’autonomie stratégique européenne. Cela implique d’investir en commun et surtout d’acheter européen en commun. Cela implique aussi d’en finir avec l’austérité gravée dans le marbre des traités budgétaires.

La validation de la (vieille) proposition française de sortir les dépenses militaires du calcul des déficits n’est qu’un premier pas. La conjoncture comateuse de l’Union européenne exige que la politique macroéconomique dans son ensemble, budgétaire et monétaire, soit entièrement revue.

Macron a donc tort d’envisager la montée en puissance de notre effort militaire d’une manière étroitement libérale, où sa politique de l’offre devrait impérativement être préservée. Au nom de quel principe fondamental, ou d’efficacité, devrait-on exonérer les plus riches et les multinationales de cet effort collectif ? Ce n’est pas aux Français des classes populaires et moyennes, et encore moins aux plus vulnérables, de payer intégralement le prix de notre sécurité ! Aucune nécessité n’impose de compenser 30 milliards annuels de plus pour l’armée par 30 milliards annuels en moins pour la protection sociale. Il n’est pas de notre intérêt de procéder à de tels arbitrages, qu’il s’agisse du social ou de tous autres investissements publics utiles à la collectivité.

Quoiqu’il en soit, le Président de la République n’a pas la prérogative pour en décider seul, ni la majorité parlementaire pour trancher sans débat préalable ! 

Le Parlement vote le budget, les impôts, et il se prononce sur les grands choix économiques et sociaux. Il serait temps qu’Emmanuel Macron comprenne que tout le pouvoir n’est pas concentré à l’Elysée.

Il serait temps aussi qu’il comprenne que nous n’avons nul besoin de nous précipiter vers des solutions toutes faites de type « armée européenne », et autres détricotages des souverainetés nationales sur les questions régaliennes. Fidèles à eux-mêmes, les Français ne refusent pas d’approfondir la coopération européenne, y compris en matière de défense. Mais ils ne sont pas prêts à toutes les fuites en avant ; et exigent qu’en tout état de cause, la parole leur soit donnée sur tout choix structurant pour l’avenir de la nation.

pour la Gauche Républicaine et Socialiste
Emmanuel Maurel, député et animateur national

L’extrême droite s’attaque à la justice !

Là où certains voient un drame, d’autres ne peuvent s’empêcher d’y percevoir une sordide opportunité. Il y a quelques jours, le corps d’une jeune fille de onze ans, Louise, était découvert en Essonne. On imagine toujours la profonde douleur des parents confrontés à la perte brutale d’un enfant — notre humanité nous commande de nous y associer.

En dépit du souhait de la famille d’éviter toute récupération politique, l’identité complète d’un des suspects fut presque immédiatement divulguée par certains médias. Cette fuite donna lieu à un véritable lynchage numérique, orchestré et amplifié par certaines figures de l’extrême droite, ravies de relayer cette « information ». Car voilà, un des deux suspects avait un nom qui semblait être « extra-européen ».

En parallèle, un journaliste du média Frontières entreprit de s’attarder sur le profil Twitter de la sœur de la victime, qui avait initialement relayé l’avis de disparition. Constatant qu’elle affichait parfois des positions plutôt marquées à gauche, il l’exposa publiquement dans une publication désormais supprimée. S’en est suivie une vague de harcèlement profondément abjecte, où certains l’accusaient — sans même connaître le mobile du meurtre — d’être « responsable de la mort de sa sœur ». Face à l’ignoble, la jeune femme a été contrainte de clôturer son compte.

Le soir même, le parquet annonçait finalement mettre hors de cause les premiers suspects. Ceux qui jappaient pourtant si fort se sont alors subitement tus, et même si une bonne partie d’entre eux ont supprimé leurs messages qui bafouaient allègrement la présomption d’innocence, la honte ne semble pas les étouffer pour autant.

L’avocate du premier suspect — désormais tout à fait hors de cause — a effectivement annoncé porter plainte pour violation du secret de l’enquête et de l’instruction. Mais l’origine de la fuite sera-t-elle identifiée ? Cette propension qu’ont certains médias à trouver si rapidement parmi les personnes concourant à la procédure des relais prêts à divulguer des informations confidentielles devrait nous inquiéter.

S’il est normal qu’un drame puisse susciter l’émoi et déclencher des débats de société, ceux-ci doivent avant tout rester rationnels, et toujours respecter les valeurs de la dignité humaine.

Malheureusement, tous ces gens attendront patiemment la prochaine occasion de faire déferler la haine. Pendant ce temps, ils ignoreront qu’un enfant est victime de viol ou d’inceste toutes les trois minutes en France. Ils ignoreront que dans notre pays, le comptage des infanticides reste entaché d’une part d’ombre importante, particulièrement s’agissant des décès des très jeunes enfants1. Au fond, la souffrance des victimes les intéresse-t-elle vraiment ?

Ils feront le tri dans les faits divers, bavant d’avance d’y trouver un nom n’ayant pas une consonance européenne. Puis, par un mécanisme ayant moins de rapport avec les subtilités de l’intelligence humaine qu’avec les salivations du chien de Pavlov, ils se remettront à aboyer, pensant encore avoir trouvé la source du mal là où elle n’est pas.

Il y a quelques semaines, le média Frontière avait déjà défrayé la chronique en publiant une liste d’avocats qu’il considérait comme « coupables » de la « submersion migratoire » – un véritable « palmarès des avocats de clandestins ». La méthode de dénonciation et de mise au pilori demeure inchangée, et les réactions ordurières subséquentes se sont empressées d’apparaître.

Ne leur en déplaise, le droit de la défense est universel : toutes les femmes et tous les hommes naissent et demeurent d’ailleurs libres et égaux en droits. Porter atteinte à ce principe fondamental de notre justice républicaine, tout en ciblant les avocats, constitue une attaque grave contre notre démocratie.

L’insécurité est une préoccupation majeure et légitime des Françaises et des Français. Mais tandis que nous sommes déterminés à apporter des solutions rationnelles à cette problématique, nous répéterons inlassablement que ni la propagation de la haine, ni les instrumentalisations racistes ne contribueront à résoudre la situation. Bien au contraire, exacerber des divisions déjà profondes ne ferait que l’envenimer.

Derrière les coups médiatiques se dessine une certaine conception de nos institutions, qui ne manquera pas d’être transposée en actes si la droite extrême obtient le pouvoir. Il nous appartient de la dénoncer sans relâche, et d’y opposer notre idée d’une justice ne transigeant jamais, mais restant toujours digne de la grande patrie des droits de l’Homme.

Maxence Guillaud

  1. Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/020225/un-d-infanticides-les-ressorts-d-une-violence-immuable
    Libération : https://www.liberation.fr/checknews/2018/06/15/combien-y-a-t-il-d-infanticides-par-an_1659098/ (études contestés)
    Le Monde : https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/02/06/les-infanticides-des-meurtres-a-l-ampleur-meconnue_6069003_3224.html ↩︎

Ferrand est le pire choix possible

Oui, Richard Ferrand est passé entre les gouttes des enquêtes et de la justice grâce à une interprétation relative de la prescription.

Pourtant, ce baron du macronisme est un profil qui nourrira les appels conspirationnistes contre la « république corrompue ». Dans la période qui s’ouvre, un président du Conseil Constitutionnel ne devrait pas avoir à donner prise de près ou même de très loin à ce type de soupçons.

Si le Conseil Constitutionnel doit devenir un garde fou contre une extrême droite au pouvoir ou associée au pouvoir, c’était le pire choix à faire.

Emmanuel Macron n’a pas agi en président de la République mais en Prince capricieux.

Mettons fin à la complaisance à l’égard d’Elon Musk

La France s’est vue confiée par l’assemblée générale des Nations Unies l’organisation du « Sommet pour l’Action dans l’Intelligence Artificielle (IA) », faisant suite à l’adoption à sa 79ème session du « pacte numérique mondial », et aux sommets pionniers ayant déjà eu lieu en Grande Bretagne en 2023 et en Corée du Sud en 2024. Ce sommet aura lieu à Paris, au Grand Palais, les 10 et 11 février 2025, organisé par le palais de l’Élysée.

La feuille de route de ce sommet est à la fois ambitieuse en définissant des objectifs universels, et pusillanime quant aux moyens à mettre en place. Voici les 5 axes de travail :

  • L’IA au service de l’intérêt général,
  • Avenir du travail,
  • Innovation et culture,
  • IA de confiance,
  • Gouvernance mondiale de l’IA.

Son agenda, et la starisation choisie de personnalité controversées du capitalisme technologique libertarien, interrogent tous les démocrates sincères.

En octobre 2024 la mission de préparation annonce souhaiter « lutter contre le mésusage de l’IA », en « s’appuyant sur un consensus scientifique robuste », notamment pour « lutter contre la manipulation de l’information, notamment sur les réseaux sociaux. »

Elon Musk est pourtant annoncé comme l’une des stars de l’évènement qu’Emmanuel Macron souhaite utiliser pour redorer son blason, après ses échecs budgétaires, économiques et politiques, et ses deux défaites électorales consécutives.

Le loup est invité à cuisiner le chaperon rouge !

Nous devons, au nom de la décence et de la protection des libertés publiques, interpeller la présidence française, encore une fois.

Le nouveau ministre américain en charge de « la simplification administrative » a toujours été soigné par le président de la République Française, pensant ainsi attirer l’une des sociétés du magnat de la technologie, Tesla, dans notre pays.

Musk a choisi l’Allemagne, mais le président français Macron continue sa danse du paon.

Nous sommes persuadés que la France, par son histoire, son universalisme, les contributions essentielles de ses chercheurs et ses philosophes sur les concepts clés de l’IA, doit être le moteur en Europe des réflexions sur son déploiement, sa régulation : il s’agit d’un enjeu politique crucial, un enjeu de souveraineté, un enjeu vital pour garantir notre indépendance.

Ce que nous refusons avec force, c’est que soit à nouveau déroulé le tapis rouge pour Elon Musk et ses alliés libertariens ! Celui qui est aujourd’hui l’homme le plus riche du monde n’est pas seulement le premier allié de Donald Trump : il est devenu un acteur politique toxique, ennemi de toutes les lois limitant son pouvoir absolu, et chantre d’un libertarianisme aussi débridé qu’irrationnel, soutenant les néofascismes européens.

Après avoir déboursé 270 millions de dollars et mis son réseau x et son logiciel d’intelligence artificielle Grok au service de Donald Trump pendant la campagne électorale américaine, il a submergé l’espace médiatique de fausses informations.

Depuis le scrutin de novembre 2024, Elon Musk a insulté publiquement le Chancelier allemand et fait ouvertement campagne pour l’AfD, un parti d’extrême-droite allemand, dont les dirigeants assument leurs inspirations néo-nazies.

Il s’attaque également au gouvernement travailliste britannique, soutenant l’extrême droite anglaise, propageant fausses polémiques et accusations diffamatoires.

Il insulte le chef du gouvernement canadien démissionnaire, soutenant la campagne impérialiste de Trump visant à annexer ce pays, une partie du Danemark, et le Panama.

L’Europe a décidé, lâchement, de faire semblant de ne pas entendre les déclarations pourtant répétées du nouvel exécutif nord-américain.

Les dirigeants politiques attaqués, dont deux social-démocrates, sont seuls face à des campagnes de haine multipliés par les algorithmes trafiqués.

Le patron de Meta Marc Zuckerberg (Facebook, Youtube, Instagram, WhatsApp, etc.) a annoncé se rallier lui aussi à l’alliance idéologique populiste pour inonder les réseaux de contenus manipulant les réseaux sociaux !

Comment inviter des patrons qui déclarent être opposés aux objectifs du sommet ? Ils ne serons là que pour les saboter.

Comme pourraient-ils être encore le bienvenu en France, alors qu’ils s’attaquent à nos intérêts et aux fondements de la démocratie républicaine ?

Elon Musk n’a jamais été un partenaire loyal mais une menace permanente. Aujourd’hui, il attaque ouvertement le principe même de l’égalité devant la loi, les fondements de notre démocratie. Sa prétendue défense de la liberté d’expression est d’une indécence absolue : quelle liberté d’expression reste-t-il quand des multimilliardaires disposent des outils médiatiques les plus puissants pour saturer le débat public de mensonges ?

Musk ne veut pas de liberté d’expression, il veut la liberté de mentir, de diffamer, de propager la haine, avec ses gigantesques moyens financiers comme seules limites.

Qui, une fois pris comme cible par ces hommes riches, opposés aux principes démocratiques, peut espérer faire corriger une accusation mensongère par sa propre voix, sans la protection des lois ?

Musk met toute sa puissance pour saper la démocratie issue de la philosophie des Lumières ; il est parmi nos ennemis.

Le président américain Donald Trump sera présent également. Il n’est pas possible de l’empêcher de participer vu le mandat de l’assemblée générale des Nations Unies. Mais sommes-nous obligés de dérouler le tapis rouge à ceux qui multiplient les déclarations hostiles à nos valeurs, notre démocratie, à l’Europe ?

La Gauche Républicaine et Socialiste demande à la présidence de la République et au gouvernement de tenir enfin un discours de fermeté en direction des principaux dirigeants des multinationales du numérique : les conditions d’exercice de la liberté d’expression ne sont pas marchandables, la protection des médias et de l’information et des citoyens français ne sont pas négociables. La GRS exige que l’Union Européenne consolide l’encadrement législatif des services numériques (DSA) pour protéger les citoyens et nos démocraties de l’incitation à la haine, à la violence et au terrorisme, des manipulation, des opérations de désinformation et des contrefaçons ; la GRS exige que les plateformes numériques soient enfin mises réellement et de manière concrète en face de leurs responsabilités et de leurs obligations en Europe et qu’elles soient sanctionnées quand elles ne les respectent pas.

Nous appelons les organisations démocratiques à faire des propositions communes en ce sens. Nous proposons à l’ensemble des organisations politiques et de défense des libertés à se joindre à elle dans cette exigence et à l’exprimer sur place lors du sommet.

Frédéric Faravel et Mathieu Pouydesseau

Attentats du 7 janvier 2015 : 10 ans après, ne jamais rien lâcher !

Il y a dix ans les frères Kouachi assassinaient 12 personnes à la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo dans un attentat qui avait pour cible la rédaction, celles et ceux qui travaillaient avec les journalistes et les dessinateurs, mais aussi plusieurs policiers … Deux symboles visés : la liberté d’expression, d’abord, la République qui l’instaure et la protège ensuite. Le terrorisme islamiste a tenté de bâillonner par la terreur le droit à caricaturer, à utiliser l’humour pour traiter de tous les sujets, sans se soumettre à aucune contrainte dogmatique. Nous n’oublions pas l’assassinat d’une policière municipale à Montrouge et la prise d’otages de l’Hypercasher de Vincennes et le meurtre depuis plusieurs de ses clients par Amédy Coulibaly.

Dix ans après ces odieux assassinats, « être Charlie » c’est continuer à se battre contre l’intolérance et pour rappeler que la notion de blasphème n’existe pas dans le droit français. « Être Charlie », c’est également ne jamais laisser passer aucun appel à la haine et au meurtre en raison de sa conscience, de son origine réelle ou supposée ou de son orientation sexuelle et de genre : une exigence qui résonne avec force et une angoissante actualité au moment où le recensement des actes et la parole antisémite dans notre pays est au plus haut (à la suite des attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023) et où des influenceurs numériques au service d’une puissance étrangère multiplient depuis quelques semaines les messages criminels.

La République garantit à tous ses citoyens, à toutes celles et tous ceux qui vivent sur son sol, que leur liberté de conscience est absolue, que leur liberté d’expression est protégée tant qu’elle n’attente pas à l’intégrité des personnes, que tout acte de racisme sera poursuivi, qu’on ne peut vous imputer que vos actes, vos écrits ou vos paroles et non ce que certains veulent vous imposer comme votre identité … que cette promesse de liberté publique et collective est inséparable de l’exigence de justice et d’égalité sociales.

Avec tous les Républicains sincères, la Gauche Républicaine et Socialiste salue la mémoire des victimes de janvier 2015 et appelle à continuer le combat et l’action pour renforcer une République laïque, sociale et concrète.

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.