Barnier à Matignon : le bras d’honneur de Macron aux Français

L’interminable série de consultations conduites par le Président de la République pour ne pas nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire a pris fin aujourd’hui de la pire des manières.

En choisissant Michel Barnier, dernière roue du carrosse LR, Emmanuel Macron a balayé d’un revers de main les résultats de sa propre dissolution ; et fait un bras d’honneur aux millions d’électeurs de gauche qui ont sauvé la moitié de son groupe parlementaire à l’Assemblée.

Pire : l’Elysée a négocié en direct avec Marine Le Pen les conditions d’une neutralité bienveillante des députés RN en cas de dépôt d’une motion de censure !

Le nouveau Premier ministre, qui lors de la primaire LR avait proposé d’abolir des pans entiers de la Convention Européennes des Droits de l’Homme, ne manquera pas de détailler les termes de cet accord lors de son discours de politique générale.

Les milieux d’affaires et les marchés financiers sont les vrais gagnants de cette forfaiture démocratique. Leur effroi à l’idée d’augmenter les salaires et contribuer davantage aux charges publiques s’est instantanément dissipé. Les dividendes défiscalisés et autres subventions sans contreparties continueront d’arroser leur cours de bourse.

Macron n’a jamais été préoccupé par une quelconque « stabilité institutionnelle ». Son obsession cardinale demeure la préservation des privilèges de son noyau dur de supporters, sous l’œil vigilant de Bruxelles, rassurée par « Barnier l’européen ».

Nos concitoyens n’ont à présent sous les yeux qu’un régime crépusculaire accaparé et dénaturé par un Président méprisant et solitaire. Il reviendra aux forces de gauche de s’opposer radicalement à la poursuite de sa politique d’austérité néolibérale et autoritaire.

Emmanuel Maurel sur BFM : Macron doit cesser de jouer et doit nommer un(e) Premier(e) Ministre !

Emmanuel Maurel, député GRS, était l’invité de BFM TV le lundi 19 août 2024 pour débattre avec Andrea Kotarac, porte-parole du RN, et Maud Gatel, secrétaire générale du MoDem.

Seul député sur le plateau, il a rappelé que la priorité n’était pas de savoir s’il fallait destituer le Président de la République Emmanuel Macron (procédure que l’on sait d’avance condamnée à l’échec) mais de rappeler l’exaspération que provoque son comportement pour le moins irresponsable.

Or cette exaspération est parfaitement légitime face à un locataire, qui verse dans l’inertie volontaire et dans le déni de réalité pur et simple. Pendant ce temps, le gouvernement « démissionnaire » décide de couper drastiquement dans les dépenses publiques ! Il est temps qu’Emmanuel Macron arrête de jouer avec les Français et nomme un Premier ministre : il faut qu’un gouvernement légitime travaille enfin au service des Français de leurs demandes en termes de pouvoir d’achat, de réparation de l’injustice politique et sociale qu’a représenté le passage en force sur la réforme des retraites, de relance écologique de l’économie et de la production et aussi de restauration des services publics.

« Quelle politique républicaine d’immigration et d’intégration ? » – Les Jeudis de Corbera, avec Patrick Weil – 29 février 2024

Présentée par le gouvernement comme un moyen de lutte contre l’immigration illégale, la loi immigration a été promulguée le 27 janvier 2024.

Loi sans vision et problématique sur de nombreux points, elle s’inscrit d’abord dans une vaste stratégie de désinformation visant à séduire l’électorat de la droite la plus conservatrice. Une fois de plus, le sujet du rôle de l’Etat, comme garant du contrôle de ses frontière et porteur d’une ambitieuse politique d’intégration est évincé.

Patrick Weil, Directeur de recherche au CNRS, politologue et grand spécialiste des questions d’immigration et de citoyenneté sera l’invité du jeudi de Corbera du 29 février à 19h, pour échanger sur les conséquences de la loi immigration et tracer les contours d’une politique migratoire républicaine.

Nous vous attendons jeudi 29 février à 19h au 3 avenue de Corbera, Paris 12ème et sur les réseaux sociaux.

Défendre notre cohésion sociale, c’est défendre notre cohésion nationale

Voici notre premier éditorial de l’année nouvelle…

Ce mois de janvier 2024 est marqué par une mobilisation sans précédent, à un niveau rarement vu depuis des années, des agriculteurs.

Ce mouvement paysan a d’ailleurs ses répliques un peu partout en Europe, avec des amorces et des curseurs différents ; à l’échelle nationale ou européenne, la gauche aurait tort d’ignorer ce qui se passe, car si elle n’écoute pas leur colère et qu’elle n’y répond pas, on sait déjà que les démagogues et les entrepreneurs de haine décideront de détourner à leur profit électoral cette révolte : on a vu que c’est ce qui est arrivé voici quelques mois aux Pays-Bas avec l’émergence d’un parti populiste autoproclamé paysan aux élections locales puis la progression du parti d’extrême-droite, le PVV, aux législatives.

Ce serait une grave erreur de ne considérer que la question des exonérations sur le carburant ou celle des contraintes environnementales, car les questions des conditions de revenus et de production, de la qualité de l’alimentation, du libre-échange et plus généralement de la souveraineté alimentaire sont en jeu. Aux côtés de nos camarades de la liste européenne « Reprendre la main en France et en Europe », nous avons bien raison d’attirer l’attention sur ces réalités ; rappelons-nous de la désinformation médiatique qui avait accompagné les débuts du mouvement spontané des « Gilets Jaunes » avant de (re)découvrir que nos concitoyens ne réclamaient rien d’autre que des services publics, l’égalité républicaine, l’égalité territoriale.

Gardons aussi intacte notre boussole républicaine :

Dans cette affaire, comment ne pas voir l’hypocrisie malsaine d’un Bruno Retailleau ou encore d’un Gérald Darmanin légitimant la violence qui parfois a pu accompagner certaines des actions des agriculteurs quand ils n’ont de cesse de fustiger toutes les autres violences dans les mouvements sociaux, ou dans les émeutes de l’été dernier, pour transformer en soi les mécontents et les révoltés en ennemis irréductibles de la République. Leur seule boussole c’est ce qu’ils croient être leur intérêt électoral, considérant que c’est là leur électorat supposé captif qui agit : rien à voir avec l’intérêt général, rien à voir avec la République.

Nous sommes convaincus que les Français en ont assez de la violence qui monte dans la société comme dans le débat politique.

Et les débuts du gouvernement Attal sont déjà une forme renouvelée de violence à leur égard, tant le mépris social des ministres s’affiche désormais sans fard et de manière décomplexée ; de la ministre de la santé – qui explique que celle-ci ne peut pas être gratuite alors que les Français modestes voient croître depuis des années la note des franchises – à la ministre de l’éducation – qui prétend apitoyer la France sur son sort de grande bourgeoise fuyant dans le privé (et pour un lycée réactionnaire) ce qu’elle présente comme la dégradation de l’école publique dans un quartier ultra-privilégié, alors que nos concitoyens voient tous les jours les effets destructeurs du macronisme sur l’éducation nationale. Nous combattrons avec force la première et ses collègues ; la seconde doit plus que jamais démissionner.

Entrer en Résistance

Nous ne faisons pas face à un gouvernement qui voudrait faire de son mieux dans un contexte difficile mais se tromperait sur le diagnostic et les solutions.

Nous faisons face à un président de la République au service des puissants de ce monde, idéologiquement convaincu que la richesse ruisselle sans qu’il n’y ait besoin que la loi instaure la solidarité et qui, délibérément, ne prend pas les mesures pour sauver, soutenir ou améliorer tout ce qui fait l’originalité et la pertinence de notre modèle social français ou même européen.

Au contraire, par tous les moyens, et dans tous les domaines, il affaiblit, casse ou laisse dépérir à dessein. Il n’est pas le seul en Europe. D’autres ont tapé plus fort et plus tôt. Mais les objectifs sont les mêmes.

Ces attaques semblent partir tous azimuts mais sont malheureusement très cohérentes. Ainsi de la réforme des retraites, inutile et injuste ; ainsi de l’Hôpital, de la Recherche ou de l’École où, faute de moyens et d’ambition, on désespère les personnels et on laisse filer les compétences ; ainsi de la Laïcité quand « l’on » fait semblant de ne pas voir que la participation du Président à des cérémonies religieuses est anticonstitutionnelle et rend inaudible le juste discours sur les signes ostentatoires ; ainsi du droit du travail contre lequel on ne compte plus les coups de boutoirs, dont le dernier en date est la proposition de faire reculer d’un an à deux mois le délai de prescription pour la saisine des prudhommes en cas de licenciement abusif… Et la liste est longue.

Entrer en résistance, c’est multiplier les combats ponctuels sans perdre de vue la vision d’ensemble. Entrer en résistance, c’est avoir conscience qu’à ce régime la République est en danger. Mais entrer en résistance c’est aussi gagner : ainsi de la victoire d’Emmanuel Maurel et de ses alliés sur le géoblocage des œuvres culturelles. Entrer en résistance c’est gagner partout où nous sommes car il n’y a pas de petites victoires. Entrer en résistance, c’est ainsi préparer la contre-offensive et la gauche républicaine de demain qui, en France comme en Europe, pourra proposer une alternative attractive aux chemins mortifères.

4 mois après les émeutes : diagnostic défaillant pour des propositions erronées

Il aura fallu attendre 4 mois pour que le Gouvernement apporte des réponses aux violentes émeutes qui ont suivi le meurtre de Nahel. On espérait que ce long délai serait mis à profit pour affiner le diagnostic et proposer des solutions à la hauteur : il n’en est malheureusement rien. L’Élysée et Matignon n’ont pas évolué depuis juillet. Ils sont restés agrippés au discours de « fermeté » et à une vision hors sol de « l’autorité parentale ».

Miroir aux alouettes sécuritaire

Jeudi 26 octobre 2023, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne à Paris, devant un parterre de 250 maires, Élisabeth Borne a présenté ses mesures pour « réaffirmer l’autorité et l’ordre républicain ». Si nous ne contestons pas la nécessité d’apporter des réponses dans ce domaine, nous ne pouvons que constater l’absence d’analyse sérieuse sur les causes de l’affaiblissement de l’autorité républicaine.

Après avoir fait un point d’étape sur la reconstruction – « 60% des bâtiments publics partiellement ou totalement détruits ont d’ores-et-déjà été remis en état », abondement des assurances à hauteur de 100M€ – l’exécutif s’est clairement inscrit dans une matrice répressive, agrémentée d’expressions martiales (« opération coups de poing », « envoyer des forces », « task force »), sans lien solide avec les sciences sociales ce qui est une faiblesse majeure.

La résolution des inégalités urbaines par des politiques publiques de long terme n’est pas la priorité du Gouvernement, comme l’illustre son nouveau dispositif de « Forces d’Action Républicaine ». Destiné à envoyer dans un territoire en difficulté des policiers, des fonctionnaires des finances et des personnels éducatifs, il conforte la logique des mesures et des crédits « exceptionnels », qui se substituent depuis plus de 20 ans aux mesures pérennes de droit commun. Nous y reviendrons.

La France n’a pas besoin de « coups de poing » mais d’action publique durable

Comme Nicolas Sarkozy qui avait aboli en 2002 la police de proximité, Borne et Darmanin cantonnent l’action policière à la projection de forces dans des quartiers qu’elle ne connaît plus. La plupart des élus locaux le déplorent – même à droite – éclairés par la faiblesse des moyens consacrés aux unités de « police de sécurité du quotidien ». Tôt ou tard, il faudra pourtant reparler de police de proximité et en tirer les conséquences en matière de tranquillité publique, au lieu de privilégier le seul « maintien de l’ordre » a posteriori.

Pour donner des gages, le Gouvernement envisage d’élargir les pouvoirs des polices municipales. Mais là aussi, les élus locaux sont divisés, même ceux de droite. Certes, des Robinet (maire Horizons de Reims), Estrosi (maire Horizons de Nice) ou Ciotti, patron de LR, y sont favorables. Mais là encore, la réalité du terrain rattrape les effets d’annonce : accroître les pouvoirs des polices municipales s’accompagnerait d’un retrait équivalent de la police nationale et de la gendarmerie. Un Maire LR comme Benoît Digeon à Montargis rappelait en marge du happening de La Sorbonne que le commissariat de son secteur a perdu 30 policiers en 4 ans. Partout où une police municipale est mise en place, les effectifs de police nationale baissent.

Jusque dans le maintien de l’ordre, le rappel à l’autorité de l’État par Élisabeth Borne masque un désengagement pour renvoyer la responsabilité aux collectivités

Certains élus locaux pourraient être séduits par la ficelle des nouveaux pouvoirs judiciaires accordés aux polices municipales, car ils sont confrontés à la déception de leurs électeurs, face à des résultats qui ne sont généralement pas à la hauteur des dépenses engagées du fait des compétences heureusement limitées des polices municipales. Or, en plus des risques de politisation de l’action de terrain, cette politique de « décentralisation » de la police pourrait s’avérer catastrophique pour l’égalité territoriale : les villes sans ressources suffisantes seront désertées par la police nationale et la gendarmerie et ne pourront pas compenser par la police municipale. On comptera des effectifs pléthoriques et bien équipés, des caméras par centaines à Nice ou à Rueil-Malmaison, mais que se passera-t-il à Charleville-Mézières ou à Grigny ?

Le Gouvernement apporte ainsi une mauvaise réponse à un vrai problème, constaté lors des émeutes : le temps d’intervention des policiers, bien souvent éloignés des lieux des violences. En faisant reposer la charge sur la police municipale au lieu de rétablir la police de proximité, on aggrave l’inégalité territoriale tout en se refusant de réfléchir aux moyens juridiques et budgétaires, et aux stratégies d’action.

Par exemple, l’obligation pour un jeune délinquant de respecter de jour comme de nuit un placement dans une unité éducative de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et d’y suivre ses activités de formation et d’insertion est louable, mais encore faut-il que les services de la PJJ soient en capacité de l’assumer, alors qu’ils subissent un déficit récurrent de ressources humaines et financières.

La Première ministre a rajouté que « dans certains cas, nous pouvons envisager un encadrement de jeunes délinquants par des militaires », son cabinet évoquant après cette annonce une montée en puissance du « partenariat Justice-armées » avec « les classes de défense dans les CEF, la mise en place de mesures d’encadrement militaire, la signature de nouvelles conventions locales pour la réalisation de travaux d’intérêt général (TIG) au sein d’unités militaires et la participation des militaires dans l’organisation de stages de citoyenneté ». L’armée française est certes disciplinée et aux ordres du pouvoir politique, mais sa mission n’est pas de remettre les délinquants dans le droit chemin et ses soldats n’ont pas été formés pour ça.

La force d’une sanction, particulièrement chez les plus jeunes, c’est sa précocité et sa certitude

La multiplication par cinq de l’amende pour non-respect d’un couvre-feu par un mineur, en la portant à 750 € (au lieu de 150) et les mesures pour « responsabiliser » les parents – aggravation de la peine de délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales, « contribution citoyenne familiale éducative » versée à une association d’aide aux victimes, responsabilité financière civile solidaire des deux parents d’un enfant coupable de dégradations, stages de responsabilité parentale – relèvent également de la posture. Rappelons deux chiffres : 60% des jeunes émeutiers sont issus de familles monoparentales et 40% des enfants résidant au sein d’une famille monoparentale vivent sous le seuil de pauvreté. La définition des aides à apporter aux familles monoparentales est renvoyée aux bons soins d’une commission (à créer), alors que la part de ces familles est de 35% en Seine Saint-Denis contre 20% dans le reste du pays. Les moyens dévolus au soutien scolaire et à l’éducation populaire demeurent très insuffisants. Au regard de cette réalité sociale, de telles annonces ne peuvent être que des pétitions de principes.

Pétition de principes, parce que la force d’une sanction, notamment chez les plus jeunes, tient autant à sa sévérité qu’à sa précocité et sa certitude. Cela implique d’avoir une justice effective, or en France celle-ci est engorgée et tarde à prononcer les peines, voire n’est pas en capacité de les faire exécuter. Les conséquences s’en ressentent gravement en matière d’autorité, de sens des responsabilités et de sentiment d’impunité. On peut toujours annoncer des peines très sévères, cela n’en sera que plus contre-productif si on ne peut pas les appliquer. Il en va de même pour les amendes aggravées ou la responsabilité financière des familles : personne ne pourra les recouvrer sur des familles le plus souvent insolvables. Et on voit mal comment exiger d’une mère seule que ses adolescents ne sortent pas dans la rue en son absence (et même en sa présence).

Le gouvernement choisit les discours martiaux pour ne pas s’attaquer à la pauvreté, laquelle a augmenté depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Et cette logique ne se dément pas à l’examen du prétendu « volet social » de la réponse gouvernementale.

Réponse sociale, vous êtes sûrs ?

On connaît la chanson : la politique de la Ville est un échec, « un puits sans fond » qui favorise l’assistanat et gaspille « nos impôts » pour des associations inutiles… Aux yeux des réactionnaires de tout poil, les violences qui ont suivi la mort de Nahel démontrent que l’argent public est dilapidé, les émeutiers profitant « grassement » de ces budgets avant de détruire les équipements publics mis à leur disposition : « de la confiture pour des cochons », pourrait-on dire…

Quand on veut tuer la politique de la Ville, on l’accuse « d’avoir la rage »

Chaque année, entre deux et trois milliards d’euros sont débloqués directement ou indirectement pour la politique de la ville. On compte un peu moins de 600 M€ pour les contrats de Ville. S’y ajoutent des mesures fiscales : certaines PME et petits commerces de banlieue sont exonérés de cotisations foncières (en 2022, cette exonération a coûté 235 M€ à l’État). Il y a également une enveloppe de solidarité urbaine pour les communes les plus pauvres (2,5 Mds€ en 2022). Mais ce qui concentre le plus d’efforts, c’est le programme national de rénovation et de renouvellement urbains : entre 2003 et 2022, près de 46,5 Mds€ ont été dépensés pour rénover quartiers et bâtiments. Sauf que, depuis 2003, l’État n’a investi « que » 3 milliards, le reste provenant de prélèvements sur les organismes HLM (20 Mds€), sur l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU, 12 Mds€) et de 9 Mds€ d’abondements des collectivités territoriales.

Or les collectivités territoriales et les organismes HLM ont été particulièrement maltraités lors du premier quinquennat Macron. Les premières ont vu leurs recettes stagner et leur fiscalité propre disparaître. Quant aux seconds, les gouvernements d’Emmanuel Macron leur ont pris des milliards d’euros pour réduire le déficit, en pleine crise de l’accès au logement.

Élisabeth Borne a beau répondre que ses mesures « dépasse[nt] largement la question des quartiers et des banlieues », arguant qu’un tiers des villes concernées par les émeutes n’ont pas de « quartier prioritaire », on rappellera que leur nombre a été artificiellement réduit lors du quinquennat Hollande : en juin 2014, ils passaient de 2500 à 1500 sur 700 communes, dont 100 nouvelles. L’affichage de quelques villes supplémentaires dans la « diagonale du vide » a donc été payé par l’exclusion de… 1000 quartiers en difficulté ! En mars 2018, le dispositif (peu convaincant) des « emplois francs » a été circonscrit à 200 quartiers.

Mais en réalité, situer le débat sur la cartographie des quartiers prioritaires revient à se battre pour les miettes du gâteau.

Définir où sont les véritables responsabilités politiques de l’échec

Si la politique de la ville a permis un rattrapage à la marge dans certains quartiers, elle n’a jamais pu jouer son rôle de réduction des inégalités territoriales. La responsabilité de cet échec n’incombe pas à ses dispositifs et leurs faibles crédits « exceptionnels », mais à l’absence de politique publique véritablement égalitaire et redistributrice à la base. Ce n’est pas la faute de la politique de la ville si aucun gouvernement n’a cherché à modifier les structures inégalitaires qui frappent les habitants des quartiers. De véritables déserts médicaux continuent de se développer en Seine-Saint-Denis. Un enfant scolarisé dans ce département a reçu avant le bac un an d’enseignement de moins qu’à Paris.

Les responsables politiques ne posent pas suffisamment la question de la réussite éducative des classes populaires, ni ne s’attaquent à la reproduction sociale dans l’école de la République. On connaît l’état de l’Éducation nationale, mais on pourrait tenir le même propos pour l’Hôpital public : sa situation est catastrophique en général et pire encore dans les territoires défavorisés.

Depuis le rapport des députés François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (LREM) publié en 2018 sur les moyens et l’action de l’État en Seine-Saint-Denis, on « sait » que la République accorde aux quartiers « prioritaires » « quatre fois moins de moyens qu’ailleurs, rapporté au nombre d’habitants ». À cette inégalité flagrante et fondamentale, les annonces gouvernementales à l’occasion du comité interministériel des Villes de Chanteloup-les-Vignes, le 27 octobre dernier, apportent des réponses dérisoires.

La principale mesure, et la plus commentée, est la demande aux préfets « de ne plus installer, via les attributions de logement ou la création de places d’hébergement, les personnes les plus précaires dans les quartiers qui concentrent déjà le plus de difficultés ». En clair, cela concerne les ménages dits « Dalo » (Droit Au Logement Opposable). L’idée est de ne pas les concentrer au même endroit, afin de faciliter l’intégration de tous. Mais en réalité, ce n’est que de la gesticulation.

Comme le nombre de QPV a été drastiquement réduit, ceux qui ne sont plus sur la liste mais dont les conditions sociales objectives n’ont pas changé seront destinataires des demandeurs « Dalo ». L’annonce de la Première Ministre ne changera donc rien, voire aggravera la situation. Quant à l’idée d’un relogement en zone périurbaine ou rurale, elle n’est pas plus opérante : ces publics seront encore plus éloignés des services publics censés les accompagner.

Une mesure qui interdirait en pratique le relogement des foyers les plus précaires

Fin 2022, le nombre de demandeurs de logements a atteint un record avec près de 2,5 millions de personnes, en hausse de 7 % par rapport à 2021. Or la construction de HLM, passée depuis 2020 sous la barre des 100 000 logements par an, devrait continuer de ralentir pour se stabiliser à une moyenne de 66 000 nouveaux logements annuels à l’horizon 2030.

Les bailleurs sociaux sont pris entre leurs obligations d’entretien, de rénovation et une dette croissante, aggravées par les milliards que leur a retirés l’État. Ils n’auront donc pas les moyens de rénover et en même temps de construire de nouveaux HLM. Or, poussés par l’interdiction progressive de louer les logements les plus énergivores, les bailleurs sociaux devront donner la priorité à la rénovation. Les réhabilitations de logements atteindraient un pic à 125 000 logements par an en 2025 et 2026, puis reflueraient, pour atteindre 90 000 par an sur la période 2031-2061, selon une étude la Banque des territoires.

Dans un tel paysage, les annonces du 27 octobre 2023 conduiront à rendre quasiment impossible le relogement des foyers les plus précaires. Pourquoi ? Parce que l’offre de logements PLUS (HLM « classiques ») et PLAI (logements très sociaux) n’existe presque pas dans les quartiers plus favorisés. Cela n’est pas seulement dû aux résistances électorales (comme dans le XVIème arrondissement, où les élus s’étaient opposés à l’installation de foyers d’hébergement ou de logements sociaux) ; il existe des raisons économiques structurelles qui rendent particulièrement difficile la correction de cette logique de ghettoïsation.

Proposer de nouveaux HLM dans les quartiers bourgeois, où le prix du foncier est trop élevé, est une gageure. Même en ayant passé outre les états d’âme des élus conservateurs, même en ayant accumulé tous les dispositifs de subventionnement du logement, les prix de sortie y rendent impossible une production importante de logements sociaux (et encore moins très sociaux). Les organismes HLM n’ont plus les moyens de présenter des opérations trop déséquilibrées. Mettre en œuvre la « fausse bonne idée » d’Élisabeth Borne supposerait une véritable révolution dans la stratégie de l’État en matière de logement, avec des investissements massifs assortis d’une action contraignante et radicale sur la formation des prix du foncier… autant dire que sous Macron, ça n’arrivera pas.

Il y a donc fort à parier que l’État mette en scène quelques opérations spectacle, pendant que les quartiers en QPV et ceux qui devraient y être continueront d’accueillir les publics les plus défavorisés. Ces quartiers ne changeront donc pas, ils resteront des réservoirs à logements abordables que les rares foyers qui ont réussi à s’élever socialement fuiront dès qu’ils en auront l’occasion, pour être remplacés par des foyers extrêmement précaires qui rencontreront les plus grandes difficultés à s’intégrer économiquement et socialement, au milieu d’habitants qui partagent les mêmes peines qu’eux.

Car, en plus d’une action éducative puissante, de mise à niveau généralisée des services publics, le principal enjeu pour les habitants des quartiers populaires est de leur donner durablement accès à l’activité économique. On a vu l’échec des « emplois francs » et des « zones franches », limités à des territoires toujours plus réduits : il vient en grande partie de l’erreur économique qui n’explique le chômage que par un « coût du travail » supposé excessif (le même raisonnement avait nourri la course à l’ubérisation, transformant des salariés en « auto-entrepreneurs » rarement à succès, le plus souvent taillables corvéables à merci).

La plupart des territoires concernés ont en réalité subi une désindustrialisation massive et brutale, rendant l’emploi inaccessible pour des décennies. On attend encore le retour d’une politique industrielle digne de ce nom, mais qui ne donnera des résultats qu’à moyen terme.

Recyclage d’annonces présidentielles sous financées

Les promesses présidentielles recyclées dans l’intervention de la Première ministre n’offriront pas plus de perspectives. Déjà annoncé par Emmanuel Macron à Marseille en juin 2023, Mme Borne reprend en effet, dans son « plan entrepreneuriat Quartiers 2030 » (porté avec BpiFrance et la Banque des Territoires, et doté de… 456 M€ étalés sur quatre ans), les annonces macroniennes de juin 2023 faites à Marseille. Est-ce bien sérieux – et suffisant ? L’exécutif répond à la question en renforçant le programme « Les entreprises s’engagent pour les quartiers », avec l’objectif d’intégrer 2000 entreprises supplémentaires, pour atteindre un total de 6000 entreprises engagées. Nous voilà rassurés…

Enfin chacune des mesures suivantes, déjà annoncées elles aussi, pose un problème de financement ou de logique de rustine. Sur le principe, il n’y aurait rien à redire. Les cités éducatives seraient généralisées d’ici 2027. L’accueil continu de 8h à 18h dans les collèges de REP et REP+ serait assuré à partir de la rentrée scolaire 2024. Le gouvernement promet également une « convergence progressive du zonage des QPV et de celui de l’éducation prioritaire en assurant dès 2024 un traitement spécifique pour l’ensemble des écoles orphelines ». Un plan d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques viserait à toucher 500 collectivités, pour « neuf heures d’ouverture supplémentaire par semaine en moyenne » et en particulier le dimanche. Enfin, avec l’appui du fonds de co-investissement de l’ANRU, l’expérimentation de 60 centres de santé sera conduite d’ici 2027, avec pour « priorité d’aller vers les habitants et de les orienter vers les soins dont ils ont besoins ».

Au regard des suppressions de postes encore annoncées dans l’éducation nationale, on s’interroge sur la capacité à faire fonctionner les cités éducatives, l’accueil continu dans les collèges et la convergence des zonages, alors que le ministère ne parvient même pas à assurer les remplacements d’enseignants absents dans ces mêmes territoires. L’abondement « exceptionnel » pour financier l’ouverture supplémentaire des bibliothèques laisse présager des lendemains qui déchantent, car une fois que l’actualité brûlante s’éloigne, on connaît le destin des financements exceptionnels de l’État en direction des collectivités… Enfin, les expérimentations de centres de santé (60 pour toute la France !) ne remplaceront pas la nécessité de travailler à l’installation durable de médecins de ville et à la restauration d’un fonctionnement décent des hôpitaux publics.

Les annonces sur la nouvelle génération de contrats de ville pourraient prêter à rire si la situation n’était pas grave. Leur élaboration vient de gagner un délai de 6 mois supplémentaires (donc pour l’État, une facilité de trésorerie supplémentaire) pour des signatures fin mars 2024. Mais la nouvelle géographie prioritaire ne sera publiée qu’en décembre 2023. Si de nouvelles communes devaient entrer dans le champ des QPV, elles auront 3 mois pour boucler leur dossier. En parallèle, les crédits d’État passeront généreusement de 597,5M€ en 2023 à… 600M€ en 2024.

Ne rien changer pour que rien ne change

4 mois après des émeutes d’une intensité et d’une violence rarement connues, le gouvernement a choisi de privilégier la réponse sécuritaire et les opérations « coups de poing ». La reproduction de tels événements est en réalité perçue par l’exécutif comme inéluctable : à la supposée sécession d’une population à la dérive répond la sécession d’élites qui ne s’en remettent qu’à des solutions de type « gestion de crise ». Et même en suivant cette logique, on voit que les moyens alloués à cette réponse sécuritaire sont sous-dimensionnés. Les Quartiers populaires sont vus comme des endroits où il faut, de temps à autre, restaurer l’ordre, sans s’assurer de la tranquillité publique et encore moins de garantir la justice. Quant au volet social, il est absolument anémique et inopérant.

Les Quartiers populaires ne sont qu’une des parties, la plus éruptive sans doute, d’une société française qui subit le néolibéralisme depuis plus de 20 ans. Pour mettre en œuvre ne serait-ce que le début des mots de la Première ministre – « émancipation », « intégration », « respect de l’autorité », « cohésion sociale » – il faudrait une transformation radicale tant sur le fond que sur les moyens budgétaires pour l’éducation, la santé, le logement, la reconquête industrielle, le recul de la pauvreté, les collectivités et la présence de l’État sur le terrain.

Le fatalisme gouvernemental est logique. En ne changeant rien, il peut prévoir que tôt ou tard un nouvel épisode d’émeutes, peut-être plus violent encore, surviendra. Sa seule préoccupation est d’être prêt à frapper le moment venu. Il n’est pas question de changer de politique et de régler le problème à la racine.

Frédéric Faravel, Caroline Dugué, Jean-Paul Lefebvre, Laurent Miermont

Attentat au lycée Gambetta d’Arras

Notre pays est à nouveau confronté à l’horreur des attaques terroristes islamistes.

Au-delà de l’effroi, nos pensées vont vers les blessés, l’enseignant assassiné, ses proches et sa famille. Presque 3 ans après l’assassinat de Samuel Paty, l’école et le savoir sont encore visés.

La Gauche Républicaine et Socialiste appelle toutes les organisations républicaines à prendre des initiatives pour dire : « le terrorisme ne passera pas ! »

Arrêtons avec l’exacerbation des passions qui accroissent le risque d’attentat et de violence.

Rassemblons tous les Français autour d’actions unitaires.

#UGR 2023 : Comment sortir de la crise démocratique ? – dimanche 8 octobre 2023

Dimanche 8 octobre 2023 à 10h, se tenait la dernière table ronde des Universités de la Gauche Républicaine à Rochefort avec Benjamin Morel, Maître de conférences en droit public à l’université Paris II Panthéon-Assas, Sophie Camard, Maire GRS du 1er secteur de Marseille et présidente du groupe « Printemps Marseillais » à la métropole, Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis, et Jean-Luc Laurent, Maire du Kremlin-Bicêtre et président du Mouvement Républicain & Citoyen. Le débat était animé par Isabelle Amaglio-Térisse, conseillère municipale et communautaire de Sartrouville, co-Présidente des Radicaux de gauche – LRDG.

Le long conflit sur la réforme des retraites est devenu le révélateur des crises sociales, démocratiques, institutionnelles … qui s’approfondissent dans notre pays depuis plusieurs années, voire décennies. Les raisons des crises s’alimentent les unes les autres. La pratique autoritaire du pouvoir et la surdité, comme le mépris affiché, du gouvernement accentuent la fracturation de notre pays et sont lourds de risques pour la Nation. Le gouvernement, sans majorité parlementaire établie, ne peut plus que s’appuyer sur des moyens constitutionnels et réglementaires pour légiférer contre l’opinion majoritaire des Françaises et des Français et l’exécutif ignore les manifestations des syndicats unis (soutenus par l’opinion publique), expression de la démocratie sociale.

C’est à la gauche de donner des perspectives et des débouchés au mouvement social dans le cadre de la République. C’est à la gauche de restaurer les voies de la confiance qui est au cœur du pacte républicain.

Autonomie de la Corse : une boîte de pandore macroniste qui ne résoudra rien !

Le jeudi 28 septembre 2023, Emmanuel Macron a déclaré son ouverture à un renforcement constitutionnel de l’autonomie de la Corse et à une reconnaissance étendue de sa culture « spécifique » et de son insularité.

« La République une et indivisible », premiers mots de notre constitution, sont sur le point d’être enterrés par le Président et son gouvernement. Il s’agit de l’aboutissement ultime du néolibéralisme dont l’objectif avoué est la destruction de l’État providence et de la République sociale, au profit d’une « Europe des régions » où chacun serait autonome, « individué », et surtout appauvri.

La Corse, c’est la France. Il s’agit des départements de France métropolitaine les plus pauvres, et souvent les plus ignorés de la puissance publique concernant les investissements publics. Au regard du statut institutionnel actuel de l’île, la Corse bénéficie déjà d’un très large transfert de compétence ; l’étape suivante ne pourrait donc être qu’une autonomie fiscale et législative qui mettrait fin de fait à la République française en Corse. Or soyons très clairs, le Président de la République cherche depuis des mois un échappatoire pour ne pas avoir à résoudre les problèmes concrets que nos concitoyens rencontrent sur l’Île : on pourrait modifier la Constitution, pour y introduire l’autonomie corse, autant qu’on veut, cela ne touchera pas les « intermédiaires » qui détournent la solidarité nationale et y sont responsables de la vie chère : la TVA sur l’essence est à 13% en Corse et à 20% sur le continent mais les prix restent plus élevés sur l’Île ; la Corse bénéficie d’un régime d’importation franco de port, pour l’alimentation mais quand le kilo de tomate est à 7,54€ à Marseille, quand il est à 10,20€ à Ajaccio ! La Corse n’a pas besoin d’une autonomie inscrite dans la constitution, elle a besoin de volontarisme politique, qualité qui fait défaut à cet exécutif comme aux précédents.

Emmanuel Macron décide de répondre par une mauvaise solution à un problème grave, par paresse et par choix – celui de ne pas toucher aux intérêts économiques privés qui créent cette situation. Il le fait aussi par lâcheté : il n’a pas su faire face aux violences qui ont suivi l’année dernière l’assassinat d’Yvan Colonna en prison, et il n’a pas voulu prendre parti pour l’immense majorité de nos concitoyens corses qui ont exprimé alors leur rejet de la violence. Le fait que, lors de son allocution devant l’Assemblée de Corse, il ait tu le nom du Préfet Érignac pour ne parler que de celui qui a été condamné pour son assassinat est à la fois symptomatique et choquant.

Après les défaillances, l’engrenage

La mise en œuvre d’une autonomie en Corse sera le premier domino à tomber dans une logique de fragilisation de la République. La Bretagne et l’Alsace réclament désormais à leur tour des statuts spécifiques (la Savoie et le Pays-Basque suivront sans doute) qui seront autant de détricotages de la République.

Quelle serait la suite de l’autonomie corse ? L’autonomie de toutes les régions dont l’identité culturelle locale est restée puissante ? La désagrégation à marche forcée de l’universalité de la loi et la transformation de la France en une obscure fédération de grandes régions ? C’était déjà ce que laissait entendre une proposition de résolution du groupe socialiste en juin 2020 en faveur d’une modification de la constitution visant à énoncer de façon limitative les compétences de l’État, celles des collectivités locales devenant la règle pour tous les autres sujets.

Soyons là aussi explicites : si la conquête électorale de la Corse par les partis autonomistes (alliés aux nationalistes) s’explique aussi beaucoup par le rejet d’un ancien système clanique corrompu qui s’était emparé pendant des décennies des partis dits « républicains » dans l’Île, la position du Président du Conseil régional de Bretagne ou celle du Président de la « Collectivité européenne » d’Alsace (et de leurs soutiens respectifs) n’a de valeur que par l’effondrement de tout autre projet politique réel, incitant ces dirigeants locaux à enfourcher les identités régionales pour trouver une justification à leur légitimité. Ces élus proposent l’autonomie dans une fuite en avant pour camoufler l’accumulation des défaillances multiples de la puissance publique.

La pire solution à des graves problèmes

Cette revendication d’une autonomie fiscale et législative de la Corse pourrait d’ailleurs aboutir à une situation complexe qui déborderait les dirigeants autonomistes : il y a fort à parier que la Corse soit alors encore plus en difficulté pour résister aux appétits « économiques » de certains intérêts peu recommandables. La République reste aujourd’hui le meilleur rempart des Corses et de la Corse contre des visées agressives. C’est un risque bien trop grand avec des conséquences bien trop graves.

Nous disons notre conviction que l’autonomie de la Corse ne réglera rien des problèmes que traverse l’île. La puissance publique n’investira pas plus dans des infrastructures dignes, dans la lutte contre la pauvreté ou contre la corruption. La pauvreté ne reculera pas si la loi de la République ne s’applique plus en Corse. Elle ne reculera que si le gouvernement et les représentants légitimes et élus de cette région discutent des moyens financiers et humains à consacrer à la lutte contre l’isolement, l’inflation, la vie chère, qui rongent la Corse et ses habitants. Négocier un véritable contrat de plan renforcé État/Corse qui vise à résoudre les problèmes sociaux, économiques et d’accès aux services publics des habitants est une priorité absolue : le fait que le président de l’exécutif territorial soit autonomiste ne doit en rien constituer un frein à ce travail urgent et nécessaire.

Sauf que ce processus est tellement aux antipodes de ce qu’Emmanuel Macron a l’habitude de faire qu’il préfère brader l’unité de la République. Pour notre part, nous continuerons à défendre l’indivisibilité de la République et l’égalité des citoyens en son sein. Malgré les néolibéraux qui, après s’être attaqués au service public, veulent maintenant brader l’égalité territoriale par lâcheté.

Augustin Belloc (et Frédéric Faravel et Laurent Miermont)

« L’urgence, c’est la crise générale de l’éducation » : après les émeutes, l’entretien croisé Bellamy–Maurel dans Marianne

entretien publié dans Marianne le 27 juillet 2023 – Propos recueillis par Louis Nadau et Soazig Quéméner

Il n’existe pas de lecture simple des émeutes et des pillages survenus à la fin du mois de juin sur notre territoire. Partant de deux analyses très éloignées – le poids de l’immigration d’un côté, la question sociale de l’autre –, les deux eurodéputés François-Xavier Bellamy (LR) et Emmanuel Maurel (gauche) convergent dans cet échange sur une nécessaire reprise en main de l’école, sans forcément avoir les mêmes solutions.

Marianne : Il y a un mois, la France était secouée par une vague de violences et de pillages… Comment qualifieriez-vous ce qui nous est arrivé ?

François-Xavier Bellamy : On ne peut pas ne pas voir que la population qui s’est soulevée est une population très majoritairement connectée au phénomène migratoire à une, deux ou trois générations. Trois générations dont, dans le contexte de faillite massive de l’intégration que notre pays connaît, beaucoup restent à distance d’une identité française qu’ils n’ont pas rejointe. Le deuxième phénomène qui est lié à cette crise d’intégration, c’est l’échec, la faillite de l’école.

Emmanuel Maurel : Il y a des raisons très claires à ce problème d’intégration. Si des politiques ou des pratiques de logement consistent à parquer tous les mêmes gens précaires au même endroit, forcément… En revanche, je ne suis pas d’accord avec le lien entre émeutes et immigration. Pourquoi ? Parce qu’on parle de gosses de 13 ou 14 ans qui sont français, dont les parents sont français, et dont même les grands-parents parfois sont français. J’observe enfin que ceux qui se sont livrés à ce bordel, ce vandalisme et cette violence, sont aussi, la plupart du temps, les enfants des travailleurs qui étaient en première ligne pendant le Covid.

F.-X.B. : Je ne dis pas que les gamins qui ont fait ça ne sont pas français, mais le fait est qu’ils ne se définissent pas comme tels. C’est là où il y a une faillite, que je ne leur impute pas – ce qui, sans doute, me rendrait suspect aux yeux de gens qui reprocheront immédiatement l’excuse sociale au premier qui essaye de ne pas dessiner un monde en blanc et noir. Ce qui s’est passé est un gigantesque acte d’accusation contre les faillites de l’école, qui ont créé le terreau de la fracturation communautariste. Mais si on continue avec un tel flux d’accueil, de nouveaux arrivants tous les ans, il n’y a aucune chance qu’on arrive à recréer la conscience d’appartenir à une nation commune.

E.M. : Je suis comme vous, je souffre quand je vois des enfants qui ne se sentent pas français, voire qui rejettent la France. Mais attention aux théorisations et aux généralisations à l’emporte-pièce. N’oublions jamais qu’il y a un élément déclencheur dans ces émeutes : la mort d’un jeune homme à l’occasion d’un contrôle policier. Ces gosses dont on parle se réinventent une identité aussi parce qu’ils se sentent discriminés, rejetés, qu’ils sont victimes de racisme. Quoi qu’il en soit, je pars du principe que la République doit aimer tous ses enfants. Même ceux qui disent « nique la France ». D’ailleurs, face au rapport à la France, si j’étais un peu taquin, je dirais que le riche qui planque son pognon dans les paradis fiscaux, il n’aime pas plus la France que les émeutiers.

F.-X.B. : Je suis absolument d’accord…

E. M. : Donc, ce patriotisme, tout le monde devrait contribuer à le renforcer, pas seulement les pauvres de banlieue d’origine étrangère. Les défaillances de l’intégration, le communautarisme qui est ­incontestable, sont aussi un résultat de la mondialisation capitaliste et de l’atomisation néolibérale qui cassent les repères, qui cassent l’État social, qui démantèlent les services publics et qui font que les gens, à un moment, se retrouvent seuls. Il y a une logique à l’œuvre derrière tous ces phénomènes de réinvention identitaire fantasmée. Parce que le petit gosse qui dit « je suis marocain », il n’a pas du tout envie d’aller vivre au Maroc.

Le gouvernement a réclamé le retour de l’autorité parentale…

E.M. : Il y a une crise générale de l’éducation qui ne se limite pas à celle de l’autorité parentale. La réponse du gouvernement est très insuffisante : le problème, ce n’est pas juste que les parents ne savent pas tenir leurs gosses. C’est que l’école n’est plus un sanctuaire, mais un lieu où les contradictions de la société, sa violence, s’invitent. Quand on ajoute à cela le fait que le métier d’enseignant est dévalorisé, mal payé, de plus en plus difficile… Je ne ferai jamais de procès aux instits, aux enseignants, au personnel de l’Éducation nationale, des gens qui sont payés 1 500 balles, qui ont en face d’eux tous les problèmes de la société, et à qui on ose dire : « C’est à vous de trouver la solution. » Je reviens sur une chose qui me paraît bien plus grave : la sécession des riches à l’école. C’est symptomatique du dysfonctionnement complet des élites dirigeantes. Ceux qui viennent disserter sur les plateaux de l’autorité parentale et de la crise de l’école sont ceux-là mêmes qui, comme ils disent, ont « mis leurs enfants à l’abri » ! Donc, évidemment qu’il y a des impératifs de mixité à réhabiliter et une politique éducative à refonder. Tout ça mériterait qu’on prenne le temps de réfléchir, qu’on remette tout à plat, qu’on se dise les choses et qu’on n’occulte rien.

« La République doit aimer tous ses enfants. Même ceux qui disent ‘nique la France’. D’ailleurs, face au rapport à la France, si j’étais un peu taquin, je dirais que le riche qui planque son pognon dans les paradis fiscaux, il n’aime pas plus la France que les émeutiers », Emmanuel Maurel

F.-X.B. : Oui, l’école ne resterait pas une minute dans l’état où elle est si les ministres, les parlementaires, les chefs d’entreprise et les journalistes n’avaient pas d’échappatoires pour scolariser leurs enfants. Je ne leur reproche pas de vouloir que leurs enfants puissent bénéficier de la meilleure éducation possible. Mais le problème, c’est d’accepter que les enfants des autres en soient privés. En revanche, si la mondialisation a bien eu des effets dévastateurs, ce n’est pas elle qui a cassé l’école. C’est une idéologie qui condamnait l’héritage et l’idée même de l’appartenance à la nation, au motif qu’elle empêchait l’émancipation de l’individu. Qui condamnait la transmission parce qu’elle engendrait de la ségrégation. Je ne blâme pas les professeurs, à qui on a volé le métier : on leur a expliqué que l’élève doit produire ses propres représentations du monde, qu’il faut qu’il écrive son histoire, sa vie, qu’il n’y a aucune raison d’imposer à quelqu’un un carcan culturel. C’est cette dérive qui est en cause.

Pourquoi vos familles politiques respectives ont-elles du mal à produire un discours qui prenne en compte l’ensemble des causalités de ces émeutes ?

E.M. : C’est normal qu’en tant qu’homme de gauche je n’aie pas forcément la même vision de la société qu’un homme de droite, même si nous avons en commun la conviction qu’il faut sortir le pays du marasme. Simplement, nous n’avons pas la même grille de lecture sur les aspects économiques, sociaux et territoriaux de la crise, et donc des solutions à apporter. En revanche, je reconnais la nécessité de renforcer la loi et l’ordre, tout en améliorant les politiques d’intégration.

La nécessité de mettre de l’ordre, ce n’est pas exactement le discours qui a été celui de la force majoritaire à gauche, La France insoumise.

E.M. : D’accord, mais les électeurs de gauche et de nombreux partis de gauche étaient pour qu’on appelle au calme. Les principales personnes qui sont pénalisées par le désordre, ce sont les gens qui vivent dans les quartiers en question. Ce qui compte, c’est de tracer une perspective progressiste, c’est-à-dire comment on fait pour remettre du service public ? Quelles réformes dans la police et la justice ? Quelles réponses à la crise éducative ? Comment on casse les ghettos ? C’est ça qui est intéressant. Et pour l’instant, le gouvernement n’a rien dit du tout là-dessus.

F.-X.B. : Il faut améliorer tout ce qui doit l’être dans la police. Il y a certainement des choses qui dysfonctionnent, mais je suis révolté de voir que des élus sont capables de reprendre à leur compte des slogans aussi lamentables que « Tout le monde déteste la police » ou bien « La police tue, la police assassine ». Il n’y a pas un policier de France qui se lève le matin en disant : « Je vais aller tuer un jeune aujourd’hui pour le plaisir. » Et s’il y avait du racisme structurel dans la police, honnêtement, le pays ne serait pas dans l’état où il est aujourd’hui. Le sujet, c’est aussi la justice. On est l’un des pays d’Europe qui sous-financent le plus sa justice. L’état de la justice contribue à ce que des policiers, et je ne les excuse pas pour autant, considèrent qu’ils sont les agents d’une sorte de justice immanente, parce que les gens qu’ils arrêtent, finalement, ne seront pas réellement sanctionnés.

Je regrette par ailleurs que certains à droite pensent qu’on s’en sortira en mettant de la police partout, des caméras vidéo de surveillance, en rentrant dans une vraie société policière. On ne mettra pas un policier derrière l’épaule de chaque Français. Donc, à la fin, la clé est toujours éducative. Ces gamins-là subissent une discrimination majeure qui est qu’ils sont ceux qui payent le prix fort de l’échec de l’école. Aujourd’hui, la France est un pays rempli d’opportunités. Si on ne veut pas vivre dans la misère, on n’y est pas condamné, à condition d’avoir reçu, et c’est là où je reviens à la question scolaire, des connaissances fondamentales et une culture en héritage. Cela a été la grande folie de nos dirigeants de considérer que l’école devait d’abord donner des compétences professionnelles aux enfants.

E.M. : Ce que vous dites est à rebours de tout le discours de la droite depuis 30 ans.

F.-X.B. : De la gauche aussi. Mais je suis d’accord, la droite n’a pas été à la hauteur sur le sujet. La clé, c’est de donner aux enfants une culture générale essentielle qui leur permette justement ensuite de trouver leur place dans la vie de la société, y compris, mais pas seulement, dans la vie économique. C’est le seul sujet qui devrait compter aujourd’hui.

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