Après avoir réussi à stopper l’invasion russe et à regagner du terrain en fin d’année 2022, l’Ukraine se trouve aujourd’hui dans une situation beaucoup plus difficile. Sa contre-offensive de 2023 a échoué et l’armée de Poutine, sans réaliser de gains territoriaux importants, parvient néanmoins à remporter des victoires et à dégrader les capacités de résistance de l’armée ukrainienne.
C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron a subitement décidé que « l’envoi de troupes françaises n’était pas exclu », provoquant la stupéfaction de tous nos alliés. Dans les minutes qui ont suivi sa déclaration du 27 février, l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Pologne, les États-Unis et l’OTAN ont désavoué cette déclaration à l’emporte-pièces.
Depuis lors, les macronistes instrumentalisent la guerre en Ukraine à des fins politiciennes, en voulant faire croire aux Français que si l’on n’est pas d’accord avec le Président de la République, c’est qu’on est au mieux un « pacifiste bêlant », au pire un « poutinophile ». Bien des observateurs soupçonnent que cette posture va-t-en-guerre ne sert en réalité que des buts électoraux.
Pour parvenir à une paix juste, l’Ukraine a besoin de notre aide, mais pas au point de déclencher une escalade militaire entre puissances nucléaires. Emmanuel Macron n’a pas rendu service à la cause ukrainienne en s’engageant dans cette voie intenable, massivement rejetée par les Français. Et son fiasco diplomatique n’a pas non plus rendu service à la France.
Face au rouleau compresseur russe, les soutiens de l’Ukraine doivent faire preuve de responsabilité. En « assumant » ses déclarations insensées, Emmanuel Macron ne fait que donner du grain à moudre à ceux qui veulent laisser tomber l’Ukraine. Le chef de l’État devrait aussi apprendre l’humilité : quand on n’a transféré que 3,8 milliards d’armements à l’Ukraine pendant que l’Allemagne en transférait 25 milliards, on est très mal placé pour donner des leçons.
Aujourd’hui, le Parlement a débattu de l’accord de sécurité franco-ukrainien signé le 16 février dernier, qui prévoit des livraisons d’armes, ainsi qu’une coopération plus étroite dans le domaine militaire et du renseignement, mais aussi le soutien de la France à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN ! Le premier volet de cet accord est positif. Le second volet n’est pas acceptable.
La liste de la « gauche unie » sait où elle va – Emmanuel Maurel, dimanche 10 mars 2024 – France Info
Emmanuel Maurel, député européen GRS, et troisième sur la liste de la gauche unie pour le monde du travail, conduite par Léon Deffontaines, était l’invité de France Info dimanche 10 mars 2024 à 7h45. Il a mis les points sur les « i ».
Le lancement de campagne de la minorité présidentielle se fait sous le signe de la supercherie : les macronistes nous refont le coup de 2017 et 2022 : « NOUS ou le chaos ». Un chiffon rouge agité avant chaque élection. Pas besoin de programme, pas de comptes à rendre sur leur bilan désastreux.
Car les troubles causés par l’orientation néolibérale de la politique européenne – libre-échange, PAC, désindustrialisation – ils en sont les co-responsables même s’ils ne veulent pas l’assumer. La campagne des élections européennes de 2024 mérite mieux que ce storytelling éculé. Nous dénoncerons les tartuffes pour porter notre exigence d’alternative et de choix qui favorisent les intérêts de la France et des travailleurs de notre pays.
De même, Emmanuel Macron et ses soutiens après avoir été d’une grande ambigüité face à Poutine se mettent à divaguer sur la guerre en Ukraine : nous devons aider l’Ukraine, nous devons empêcher qu’elle perde face à la Russie qui l’a envahie… Mais nous ne sommes pas en guerre contre cette dernière. Et les déclarations belliqueuses du président la République ont considérablement isolé notre pays, même au sein des membres de l’OTAN : un comble !
Livraison de chars : jusqu’où entrer dans le conflit en Ukraine ?
Emmanuel Maurel, député européen et animateur national de la GRS, était l’invité samedi 4 février de France 24 et Public Sénat dans l’émission « Ici l’Europe » avec Roza Thun und Hohenstein, députée européenne (Renew, Pologne).
Après des semaines d’hésitations, plusieurs pays alliés de l’Ukraine, dont les États-Unis et la Grande-Bretagne, ont décidé d’acheminer des tanks, tant réclamés par Volodymyr Zelensky. Mais les pays européens ne sont pas en reste. L’Allemagne a ainsi annoncé l’envoi de 14 chars Leopard et la Pologne livrera 60 chars supplémentaires. Le Portugal et l’Espagne sont non seulement aussi disposés à fournir des blindés, mais également à participer à la formation des soldats ukrainiens pour leur utilisation. Les Pays-Bas, quant à eux, réfléchissent à l’envoi d’avions de chasse F16. La course à l’armement des Ukrainiens s’accélère, au risque d’une dangereuse escalade.
Allemagne : Renversement de paradigme ou la fin doctrinale du Merkellat
article publié initialement par Mathieu Pouydesseau
L’Allemagne a procédé à un renversement de ses doctrines géopolitiques en quelques semaines seulement.
Cependant, il faut bien se souvenir que dès décembre 2018, lorsque la CDU refuse que Angela Merkel reste présidente du parti et nomme celle qui devait être la succession, commence une période de révision des doctrines du Merkellat, ainsi que de celles héritées des deux gouvernements Schröder.
Angela Merkel ne devant plus être candidate, elle perd peu à peu de l’influence tout au long de l’année 2019. À ce moment là, l’Allemagne s’interroge, traumatisée par le mandat Trump, sur son atlantisme inconditionnel. On entend des paroles très critiques quant à l’OTAN comme partenaire peu fiable. À la conférence de sécurité de Munich, il y aura des voix pour plaider pour l’acquisition de capacité de dissuasion nucléaire propre, par exemple.
Cela peut avoir comme origine, après le Brexit, le refus de n’être dépendant que de la France pour cela en cas de replis complet des États-Unis en Europe, ou du doute sur la capacité française à étendre son doctrine de dissuasion à l’Union Européenne, et a effectivement délivré la frappe nucléaire en dernier ressort.
Le mandat Trump, qui décide de punir l’Allemagne de refuser de compenser ses excédents commerciaux en achetant des matériels militaires américains en retirant des troupes, s’achève par une tentative ratée de coup d’état, resté impuni, illustrant l’extrême faiblesse de son successeur, Joe Biden.
Au cours de la pandémie, le SPD a également entamé une réelle évolution, progressive, et accéléré après le score terrible de 2017. Dès 2015, des lois travail créent un salaire minimum et des dispositifs visant à mettre fin aux jobs à 1 euro, ainsi qu’à progressivement réduire le nombre de gens piégés par Harz4, le minimum social punitif des pauvres qui sert de modèle aux propositions Macron sur le RSA.
Mais le choc de la défaite de 2017, qui faillit aboutir au retour à l’opposition, oblige le SPD à prendre des mesures internes.
On assiste à deux renouvellements successifs des cadres, avec la mise sur la touche de Sigmar Gabriel puis l’échec de Andrea Nahles. Les militants choisissent deux inconnus portant depuis longtemps des positions très à gauche, dont un spécialiste de la lutte contre la fraude fiscale.
S’ils eurent des difficultés médiatiques – leur absence de notoriété leur interdisait de rêver prendre la chancellerie –, ils se concentrèrent sur le travail de fond dans le parti, ses structures, ses programmes.
Le programme proposé par le SPD en 2021 était le plus à gauche des 20 dernières années.
Olaf Scholz, dernier ministre des finances d’Angela Merkel, apprit sa leçon en perdant la compétition interne pour la présidence du SPD face à ces deux inconnus, qu’étaient Saska Esken et Norbert Walter-Bojans.
Lorsque la pandémie frappa le cœur de l’Europe, il annonça un plan keynésien de relance de la demande nommé « Bazooka ».
C’était déjà une profonde rupture avec la doctrine merkellienne de la règle d’or par dessus tout.
S’éloignant de la doctrine Merkello-Schröderienne de la punition des pauvres, le gouvernement allemand distribua des aides sociales sans conditions pendant la pandémie. La philosophie des réformes Harz est morte pendant le Covid.
De plus, l’Allemagne fut l’un des moteurs pour qu’un plan de relance européen soit conçu, acceptant des mécanismes de solidarité entre États européens. Là aussi, c’est l’un des points cardinaux de la doctrine européenne de Merkel, la concurrence entre Nations dans un espace monétaire et d’échange commun, qui s’effritait.
La chancelière ne joua aucun rôle politique en 2021. Elle subsistait sur la scène internationale, mais son influence s’effondrait avec la conscience que son mandat finissant était son dernier.
La défaite de son parti en septembre 2021 signifie la fin de 16 ans de gouvernement Merkel, de la CDU et de la CSU au niveau fédéral.
La nouvelle coalition, SPD, Verts et Libéraux, rompit avec certaines doctrines Merkel plus secondaires immédiatement : au ministère de l’intérieur, on nomma enfin le danger du terrorisme d’extrême droite, non plus dans des discours mais dans les moyens pour le combattre.
Agriculture et transport sont aussi deux sujets d’importance où la nouvelle coalition donne des impulsions différentes.
La guerre russo-ukrainienne a cependant accéléré ce processus de transformation des paradigmes.
Contrairement à une lecture superficielle, l’Allemagne ne refait pas une confiance aveugle à la doctrine de l’Atlantisme. Biden était le 23 février au soir très faible chez lui, l’hypothèse d’une victoire d’un représentant de la ligne Trumpiste dans 3 ans est possible. Or, si l’OTAN a été mis « en état de mort cérébrale » (comme l’avait dénoncé Emmanuel Macron) une fois, cela veut dire que l’allié principal, de plus en plus préoccupé par l’espace Pacifique et la Chine, n’est plus fiable.
De plus, le Merkellat restera dans l’histoire comme un gouvernement d’une extrême myopie par pur mercantilisme cupide. Merkel n’aura jamais mis en accord ses déclarations de principe et ses actes de gouvernement. Elle aura souvent condamnée l’absence de démocratie en Russie, prétendra « protéger » les opposants, tout en concluant des traités économiques ne cessant de renforcer la dépendance énergétique de l’Allemagne à la Russie, sabotant même les alternatives possibles.
On l’oublie, mais Merkel, tout en se prétendant soutien de l’Euromaidan en 2014, fut d’une grande lâcheté sur la Crimée, et choisit de renforcer le projet Nord Stream 2, dont le principal objectif et de contourner … l’Ukraine pour livrer le gaz russe.
Sa politique peut clairement être qualifiée de « mercantile » parce qu’elle tenait dans une formule fondée sur le commerce : « Wandeln durch handeln », changer grâce au négoce.
Ce choix de l’abondance du gaz russe avait plusieurs conséquences et visait surtout à ne pas investir. Merkel, pendant 16 ans, refusa beaucoup des investissements nécessaires, ses partenaires de coalition ne lui arrachèrent des concessions, notamment sur le renouvelable, uniquement lorsque les industriels les soutenaient.
Depuis, c’est un ministre Vert qui parle de relancer le nucléaire civil pour compenser l’automne prochain une partie du gaz russe.
C’est le ministre Libéral des finances qui annonce un plan d’endettement considérable pour financer tout un ensemble d’investissements structurels, de la construction de ports avec terminaux pour du gaz liquide à la relance de l’équipement militaire de la Bundeswehr.
Car Merkel, en bonne déflationniste à la Daladier, avait aussi économisée, avec von der Leyen comme ministre de La Défense, tout ce qu’elle pouvait sur ce dossier, alors même que l’Allemagne assumait des missions militaires à l’étranger, trouvant cela plus économe que de financer, comme elle le faisait sous Helmut Kohl, les interventions des autres.
Le chef d’état major des armées dut reconnaître que si l’Ukraine tombait en quelques jours, la Défense allemande ne serait pas en mesure de contenir une menace en Pologne.
C’est donc une ministre SPD qui annonce 100 milliards d’euros pour la Défense.
C’est un ministre vert qui se rend au Qatar pour conclure des accords de livraison de gaz liquide.
Car le gouvernement allemand, contrairement à une lecture fainéante de certains cercles d’extrême gauche française, ne veut pas échanger une dépendance au gaz russe par une dépendance au gaz de schiste américain, surtout avec les Verts au gouvernement. Alors, le nouveau gouvernement fédéral cherche des alternatives.
Il est ainsi probable que le gaz iranien revienne sur le tapis international.
Merkel avait bien d’autres dossiers où régnaient la confusion et les contradictions permanentes, la chancelière louvoyant au jugé, le doigt mouillé en l’air. Si elle ouvrit ses frontières en septembre 2015 aux réfugiés syriens, après avoir refusé d’aider les pays européens qui recevaient ces réfugiés, et après avoir massacré la démocratie en Grèce, elle conclut un accord avec la Turquie d’Erdogan pour les refermer.
En refusant les transferts solidaires en Europe, elle a laissé se dégrader une situation humanitaire catastrophique. Elle a augmenté encore la dépendance au bloc russe, le président biélorusse utilisant l’ouverture de ses frontières comme arme de chantage contre l’Union Européenne.
Aujourd’hui, l’Allemagne accueille déjà plus de 300 000 Ukrainiens, la Pologne près de 1,8 millions. 3 des 3,4 millions de réfugiés ukrainiens hors d’Ukraine sont sur le territoire de l’Union Européenne. Il y a en Ukraine même 6,5 millions de déplacés.
Un quart des Ukrainiens ont fui la zone des combats. C’est un exode seulement comparable à celui qu’a connu la France en mai-juin 1940.
Pendant ce temps, alors que l’Allemagne se mobilise jusque dans la société civile pour venir en aide, comme en 2015, la présidence française de l’Union reste muette sur une politique migratoire et d’accueil.
Cela éclaire du coup une erreur de jugement des analystes français sur l’annonce d’un réarmement allemand. Celui-ci pointé vers l’Est, et une fois l’Ukraine neutralisée, sa façade maritime occupée, l’Allemagne redevient le glacis défensif pour la France qu’elle était entre 1945 et 1989.
Si la France n’a plus la volonté d’exercer sa dissuasion nucléaire (ce que laissait entendre les déclarations de Jacques Chirac lorsqu’il était président de la République), ni la capacité de l’exercer, Poutine ne semble pas avoir peur des lanceurs français tant il paraît persuadé de pouvoir intercepter les missiles. Dans ces conditions, la France doit aussi assurer sa défense conventionnelle.
L’Allemagne est donc passée en 3 ans dans un processus profond et radical de transformation de ses doctrines.
Il reste un dossier où des amorces existent, mais où une initiative se laisse attendre. C’est l’Union Européenne.
Or, la présidence de l’Union est exercée par … Emmanuel Macron, et celui-ci ne comprend rien au monde ouvert par la défaite de la droite allemande puis par l’invasion de l’Ukraine.
Il n’y a donc eu encore aucune initiative de solidarité financière ni de construction d’une Union de la Défense plus intégrée, qui rendrait à la fois autonome de l’OTAN tout en protégeant Finlande et Suède. Macron, qui pourtant ne fait pas campagne, procrastine, comme d’habitude, tout en posant dans les journaux en Cosplay.
L’absence de débats de fond en France sur ces sujets alors même que nous sommes en campagne électorale contraste fortement avec les transformations radicales en cours Outre Rhin.