Le « Manifeste des 343 » a 50 ans : Poursuivons le combat pour que le droit à l’avortement soit effectif pour toutes et partout !
déclaration du pôle féminisme de la Gauche Républicaine et Socialiste
1- Un peu d’histoire, le combat des féministes et de la gauche
Le 5 Avril 1971, Le nouvel observateur publie l’appel des 343, signé par des personnalités, femmes qui déclarent : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France.
Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.
On fait le silence sur ces millions de femmes.
Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté.
De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. »
Les militantes du MLF ajoutent libre et gratuit !
C’est aussi le moment où se développe l’action du Planning familial en matière de d’information, de conseil, d’accès à la contraception et d’accompagnement en particulier des jeunes filles. Et c’est bien sûr essentiel.
En tout cas, C’est le début d’un grand mouvement de mobilisation dans le pays.
On connait la suite :
- 1972 : le procès de Bobigny avec Gisèle Halimi ;
- 1975 : la loi Veil qui n’est votée par l’Assemblée qu’avec le vote de la gauche ;
- 1982 : la loi Roudy pour le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale ;
- 2015 : la gratuité de l’IVG.
Toutes ces avancées ont été votées et permises par la gauche au pouvoir. Et bien sûr par le combat culturel et politique, engagé par les féministes.
2- le combat continue car dans les faits de réels problèmes demeurent pour garantir effectivement ce droit à toutes et partout.
Il faut exiger un maillage sérieux des structures où se pratique l’IVG dans tous nos territoires. Ils sont trop nombreux où il n’est pas aisé – voire possible – de trouver des centres ou hôpitaux pour faire réaliser une IVG. Entre le libre choix des médecins, les arbitrages budgétaires des hôpitaux et cliniques et l’arrêt d’une politique volontariste de financement des centres d’orthogénie, beaucoup de femmes ont les plus grandes difficultés et mettent beaucoup de temps à trouver une structure pour avorter. Certaines sont d’ailleurs prises dans le piège des délais. Les plus riches partent à l’étranger, les autres subissent une grossesse non souhaitée !
En parallèle, il faut rallonger le délai de grossesse pour avoir le droit de pratiquer une IVG : il est de 12 semaines en France. Mais il est de 24 semaines au Royaume-Uni, de 22 aux Pays-Bas, de 18 en Suède, de 14 en Espagne et en Autriche. Nous avons à plusieurs reprises tenté par voie d’amendements parlementaires d’allonger les délais de 12 à 14 semaines. En vain ! ni le gouvernement, ni les majorités à l’Assemblée ou au Sénat n’ont accepté !
La situation demeure dramatique pour de trop nombreuses femmes.
Ces combats sont ceux qu’il faut gagner aujourd’hui.
3- Solidarité avec les femmes du monde entier où ce droit n’est pas acquis ou même il est remis en cause par les courants néoconservateurs.
Dans certains pays la situation évolue positivement comme en Irlande avec le référendum de 2018 qui autorise l’IVG jusqu’à 12 semaines de grossesse, ou en Argentine où l’avortement vient d’être légalisé (14 semaines de grossesse). La mobilisation a été déterminante. Mais dans d’autres pays, au sein même de l’UE, la situation se dégrade… comme en Pologne où le Tribunal constitutionnel a rendu, par un arrêt du 22 octobre 2020, l’avortement quasi illégal en Pologne. Sans parler de l’influence de Trump qui a conforte les lobbies anti-avortement et nommé des juges qui y sont défavorables à la Cour suprême. Ne négligeons pas les offensives des religieux ultra dans le monde.
Ce combat de libération des femmes est une grande cause universelle où nous devons prendre toute notre part.
Il y aura de nombreuses initiatives militantes et féministes pour poursuivre le combat des signataires du manifeste des 343. La GRS, ses militantes et ses militants y prendront toute leur part.
Si dans votre département, votre ville, vous avez connaissance de difficultés d’accès à l’IVG. Adressez nous un message pour expliquer la situation et exiger des solutions. Notre engagement est aussi pour trouver des réponses concrètes aux difficultés des femmes et de nos concitoyens-concitoyennes.
Emmanuel Maurel : « Aujourd’hui, pour être entendu, il faut surjouer l’indignation »
L’Express – entretien recueilli par Paul Chaulet,
publié le 03/04/2021 à 10:30
L’eurodéputé déplore la dégradation du débat public, illustré par une série de polémiques identitaires. Et appelle la gauche à renouer avec l’universalisme républicain.
Affaire de la mosquée de Strasbourg, polémiques autour des réunions non-mixtes… En pleine crise sanitaire, les sujets identitaires ont envahi le débat public ces dernières semaines. La polémique autour d’Audrey Pulvar a ainsi illustré les fractures au sein de la gauche sur la laïcité ou les discriminations. Dans un entretien à Libération publié dimanche, Jean-Luc Mélenchon dénonçait le manque de soutien des socialistes pour leur tête de liste aux régionales en Île-de-France.
Député européen (élu sur la liste LFI) et fondateur de la « Gauche républicaine et socialiste », Emmanuel Maurel est réputé pour ses convictions laïques et son attachement à la tradition universaliste. Dans un entretien à L’Express, il déplore la dégradation du débat public sur ces thématiques. « On est sommés de choisir son camp sur tous les sujets, sous peine d’être mis en accusation. L’ancien socialiste appelle la gauche à mettre l’accent sur les questions économiques et sociales, afin de reconquérir les classes populaires.
L’Express : Les propos d’Audrey Pulvar sur les réunions non-mixtes ont déclenché une vaste polémique. Vous avez évoqué dans Le Figaro une « déchéance de rationalité » du débat public. Débattre autour des sujets dits « républicains » ou « identitaires » est devenu impossible ?
Emmanuel Maurel : Cette déchéance de rationalité ne se limite pas à la gauche, elle est généralisée. Tout le monde est à cran en ce moment, en raison de cette crise interminable. Mais on observe une mutation profonde impulsée en partie par l’éclosion des chaînes de télévision en continu et des réseaux sociaux. Dans le débat public, il faut toujours avoir quelque chose à dire, le dire vite et privilégier le clash pour être repris. Les plus belles intelligences se sentent obligées d’en rajouter en termes de véhémence et de caricature pour être entendues.
C’est une « tweeterisation » de la vie politique. Il faut surjouer l’indignation pour attirer l’attention et vitupérer pour être écouté. À cela s’ajoute l’importation d’un phénomène nord-américain : tout le monde est tour à tour offenseur et offensé. On en arrive à une situation pénible où notre débat public donne l’impression de se résumer à une confrontation entre Eric Zemmour et Camélia Jordana. Ce n’est évidemment pas le cas dans le fond. Il faut rétablir un débat rationnel et respectueux.
Pourquoi cette crispation du débat public est-elle spécifiquement aiguë sur ces sujets identitaires ?
Nos sociétés sont taraudées par l’angoisse du déclin, leurs repères traditionnels sont brouillés. Elles sont en outre percutées par le néolibéralisme, qui a fait voler en éclat les solidarités collectives. C’est dans ce genre de situation que la passion identitaire refait surface. On se rattache à une identité souvent fantasmée, car il est terrifiant d’être laissé seul dans ce que Marx appelait les « eaux glacées du calcul égoïste » : la solitude de l’individu plongé dans le grand bain libéral.
Vous revendiquez une approche « rationnelle » sur ces thématiques. Vous ressentez une difficulté à vous faire entendre ?
Évidemment. Comme l’écrit le chercheur Christian Salmon, nous sommes passés de l’ère du storytelling à l’ère du clash. Il faut exacerber les tensions et adopter une pensée caricaturale pour l’emporter. Eric Zemmour incarne malheureusement cette époque : il a des avis tranchés et péremptoires sur tous les sujets, quitte à dire tantôt des horreurs, tantôt n’importe quoi, sans être contredit. Or, j’estime – même si les faits ne me donnent pas forcément raison – que la confrontation démocratique implique humilité, respect et attention aux arguments des autres.
Vous connaissez bien Jean-Luc Mélenchon. Quand il accuse le premier secrétaire du PS Olivier Faure de se faire le « relais des inquisitions de l’extrême droite », ne participe-t-il pas à ce phénomène ?
Je rappelle le contexte : certains à droite demandaient la dissolution de l’UNEF, les esprits se sont échauffés, les tweets ont fusé. On a le devoir de combattre cette position scandaleuse de la droite et de l’extrême droite mais on a le droit d’exprimer des critiques fortes sur les dérives de ce syndicat étudiant.
Les accusations de complicité avec l’extrême droite ou d’islamo-gauchisme irriguent le débat public. Le soupçon, plus que le désir de convaincre, semble s’emparer de la discussion publique…
Les débats sur l’Unef ou Audrey Pulvar l’ont montré : nous sommes sommés de choisir notre camp sur tous les sujets, sous peine d’être mis en accusation. Au final, il n’y a plus que les « complices des islamistes » et « les complices de l’extrême droite ». C’est évidemment faux et contre-productif : les vrais islamistes et les vrais fascistes peuvent prospérer tranquillement, car les mots perdent leur sens. Évidemment que Jean-Luc Mélenchon n’est pas complice de l’islamisme et qu’Olivier Faure n’est pas complice de l’extrême droite.
Dans cette période angoissante et incertaine, il faut un retour de la rationalité en politique. Cela n’est pas synonyme de fadeur ou de centrisme. La nuance a sa grandeur. Et cela n’empêche pas de répondre aux vrais problèmes, par exemple, dans le cas d’espèce, de la persistance des discriminations et du racisme qui défigurent notre nation.
Le terme d’islamo-gauchisme recouvre-t-il une réalité selon vous ?
Cette expression en dit plus sur ceux qui l’utilisent pour conspuer leurs adversaires que sur ceux qui sont censés l’être. Ce n’est pas un hasard si Madame Vidal l’a balancée alors que des milliers d’étudiants font la queue devant les centres de distribution alimentaire.
Si l’on veut vraiment s’attarder sur ce thème, il renvoie à un moment particulier de l’histoire de l’extrême gauche. Une toute petite partie de l’extrême gauche estimait que les musulmans étaient un facteur révolutionnaire car opprimés. Mais de nos jours, c’est devenu un mot-valise pour discréditer, comme le terme « populiste ». Le terme est tellement péremptoire et définitif qu’il empêche toute discussion.
Les débats les plus clivants au sein de la gauche ne portent pas sur la politique économique ou la question sociale, mais sur ces sujets républicains. Comment l’expliquez-vous ?
Il faut rappeler une chose : le pouvoir a une responsabilité immense dans l’abaissement du débat public. Emmanuel Macron a prononcé en 2018 un discours plus qu’ambigu sur la religion au collège des Bernardins ; et avait parlé des « mâles blancs » lors de la présentation du plan banlieue. Il a contribué à cette « essentialisation » du débat public et a installé un agenda qui n’est pas le nôtre .
Quant à la gauche, elle s’est retrouvée acculée après le désastre du quinquennat de Hollande. Cette perte de repères se traduit assez bizarrement par la focalisation sur ce qu’on appelait autrefois des « contradictions secondaires », au détriment des sujets qui intéressent le plus grand nombre. Je trouve lunaire que l’on parle pendant deux semaines des réunions non-mixtes, même si je n’en pense pas du bien. Cela ne mérite pas autant de polémiques. Évidemment, la droite et l’extrême droite se frottent les mains.
Personne ne me parle de l’Unef, de l’écriture inclusive ou des réunions non mixtes dans ce contexte de crise sanitaire. Les gens parlent de l’éducation, du système de santé ou du chômage. La gauche doit rester maîtresse de ses combats, et en revenir aux questions essentielles qui intéressent la majorité de nos compatriotes, ceux qui travaillent, ceux qui sont exposés à la précarité et dont les espérances sont assombries par la crise du capitalisme.
La gauche prend un risque politique à s’enliser dans ces polémiques ?
Oui. La coupure de la gauche avec le peuple a commencé avec l’exercice du pouvoir. Jusqu’à la fin du XXe siècle, les socialistes et leurs partenaires avaient réussi l’alliance entre les classes populaires et les classes moyennes. Comme elle a perdu les classes populaires à force de renoncements économiques, la gauche réduit trop souvent sa pensée à des éléments de langage s’adressant surtout aux classes moyennes intégrées. Elle risque de s’éloigner encore davantage du plus grand nombre.
Dire cela ne m’empêche pas de penser qu’il n’y a pas de sursaut possible pour la gauche si elle ne renoue pas avec l’universalisme républicain. C’était la clé du succès de Mélenchon en 2017 : un humanisme généreux et un universalisme assumé…
Il s’en éloigne?
A mon avis, il ne doit pas s’en éloigner.
A treize mois de l’élection présidentielle, la gauche part en ordre dispersé. Son éclatement est inévitable ?
Rien n’est inéluctable. Il y a un refus net de l’électorat de gauche de rejouer le duel Macron-Le Pen en 2022. Il y a la crainte légitime de l’extrême droite, que le pouvoir a nourrie par sa politique et avec laquelle il rêve de se retrouver au deuxième tour. Il y a une aspiration unitaire dans notre électorat. Les gens ne disent pas que la recherche de l’unité est une condition suffisante mais qu’elle est une condition nécessaire.
Enfin, on a tout intérêt à reparler des questions économiques, sociales et de la bifurcation écologique : je suis persuadé que l’on peut trouver des points d’entente entre nous sur ces sujets. La sortie de crise et le redressement d’un pays durement éprouvé, c’est l’enjeu essentiel pour 2022. Il faut se mettre autour de la table pour identifier nos convergences programmatiques.
Yannick Jadot se dit prêt à s’entretenir avec « tous les leaders de la gauche » afin d’aboutir à une candidature « unie » pour la présidentielle de 2022. Que pensez-vous de cette initiative, à laquelle vous êtes conviée ?
Comme toutes les initiatives unitaires, elle est bienvenue. On doit se désintoxiquer des institutions de la Ve République. Notre code génétique, c’est la délibération collective. C’est une question de méthode : nous devons nous accorder sur un programme d’intérêt général, les questions de personnes viendront après. Les dernières élections ont montré que l’imprévu et l’inattendu font partie du temps politique.
Au-delà de ses divisions, les sondages montrent la faiblesse du bloc de gauche pour 2022. Comment l’expliquez-vous ?
Ce reflux est historique et ne concerne pas que la France. Le début du siècle a été marqué par un fort recul de la social-démocratie, incapable de résister à la mondialisation financière. L’émergence d’une gauche plus radicale et la percée des écologistes ne sont pas parvenues à contenir le populisme de droite qui récupère des électeurs des classes populaires. Notre objectif doit être de renouer avec les ouvriers et les employés qui nous ont tourné le dos. Pour y parvenir, on doit parler de ce qui intéresse vraiment les gens : emploi, santé, éducation, sécurité, préservation de l’environnement. Ce n’est pas toujours le cas.
Marie-Noëlle Lienemann : « Vous ne me ferez pas dire du mal de tout le monde… » – entretien au Point, 3 avril 2021
ENTRETIEN. La sénatrice de Paris Marie-Noëlle Lienemann estime qu’il y a, dans le pays, une envie de gauche. Et milite pour une candidature unique en 2022.
Propos recueillis par Florent Barraco et Jacques Paugam – Le Point – Publié le 03/04/2021 à 08h00
Si le socialisme était un héritage, Marie-Noëlle Lienemann en serait la gardienne zélée. Droite comme la justice, qu’elle aimerait sociale, sévère au demeurant, ne laissant passer aucun reniement ou renoncement, l’élue socialiste n’a jamais souffert les virages idéologiques. Au point de quitter le PS, son parti de cœur, en 2018, après l’effondrement de la gauche, trahie, selon elle, par les sociaux-libéraux, de Manuel Valls à François Hollande.
Convaincue que les Français ont une envie de gauche et attendent des propositions pour lutter contre les inégalités, la sénatrice de Paris, secrétaire d’État au logement sous Lionel Jospin, fixe néanmoins le cap à près d’un an de l’élection présidentielle. Si elle veut espérer l’emporter en 2022, la gauche doit se retrouver elle-même, les ambitions suivront. Une gauche sociale, planificatrice, affranchie de la dette et, si possible, farouchement anti-Macron.
Le Point : Dans quel état se trouve la gauche : en état de mort cérébrale ? Dans le coma ? Ou en rémission ?
Marie-Noëlle Lienemann : En rémission. Je ne pense pas que la gauche doit disparaître dans ce pays, parce que les idéaux de gauche, notamment l’égalité sociale ou plus de justice, sont extrêmement forts. Mais il y a en effet une crise politique. Cette crise est idéologique, car une partie de la gauche qui a gouverné a été au mieux une gauche sociale-démocrate ou trop souvent néolibérale. Ensuite, il y a l’obstacle de la division à surmonter. Nous devons également réfléchir au centre de gravité politico-idéologique. Et il y a la chute de l’adhésion des classes populaires aux partis politiques de gauche. Nous devons concurrencer le Rassemblement national et ne pas faire comme si c’était une évidence que cet électorat est acquis à Marine Le Pen. Ces défis ne sont pas tous à mener dans la même temporalité : la reconquête des classes ouvrières sera plus longue car « chat échaudé craint l’eau froide » et la tentation nationaliste et identitaire peut les attirer ; l’unité des forces de gauche peut aller plus vite.
Comment se traduirait cette unité ?
Je ne la crois possible qu’autour d’un programme avec des propositions précises. Si tout le monde signe cet accord, tout le monde se tient par la barbichette et personne ne peut revenir sur des propositions fondamentales. Je ne crois pas au principe des deux gauches irréconciliables. Il y a toujours eu dans l’histoire de la gauche française deux tendances avec des affrontements sérieux, mais à la fin tout le monde finit par se réunir. La France va sortir de cette crise dans un état terrible. Les Français ont une idée de pourquoi on a été si vulnérables, notamment sur le vaccin, qu’on n’a pas été capables de produire. Il y a des leçons tirées et la gauche doit se positionner sur ces sujets.
Tous ceux qui étaient plutôt macronistes, qui disaient « pourquoi pas », ont été vaccinés, si je puis dire…
Si cette unité n’a pas eu lieu en 2017 où Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon étaient d’accord sur l’essentiel, pourquoi serait-ce le cas en 2022 ?
En 2017, on était dans le bilan de François Hollande. Bien que critique, Benoît Hamon avait été dans le gouvernement Hollande et, par ailleurs, l’électorat socialiste était en colère, mais pas en décrochage total. La situation était ubuesque avec un président sortant qui n’assume pas son bilan et une gauche socialiste complètement désarçonnée et éclatée. Aujourd’hui, c’est un peu différent. Le bilan d’Emmanuel Macron a levé pas mal d’ambiguïtés et clarifié la position de beaucoup de personnes au Parti socialiste : tous ceux qui étaient plutôt macronistes, qui disaient « pourquoi pas », ont été vaccinés, si je puis dire… La crise elle-même a mis en évidence toute une série d’errements que la gauche au pouvoir avait accompagnés ou mis en œuvre. Quelle va être l’alternative offerte aux Français pour engager cette phase de reconstruction d’une République sociale ? Nous avons le devoir de proposer une alternative crédible. Mais ce n’est pas parce qu’on a le devoir que tout le monde a le sens du devoir… On sent que ça pousse.
Aucune personnalité ne peut se dégager dans le clapotis de la division et de la guerre d’ego.
Vous parlez d’une République sociale. Xavier Bertrand, qui s’est déclaré candidat à la présidentielle dans nos colonnes, se revendique comme gaulliste social. Il existe une offre à droite…
C’est comme Chirac sur la fracture sociale : verbalement ils sont toujours très bien, mais après ils vous disent « il faut rétablir les comptes », « il y a trop d’assistés »… On connaît leur discours. Le seul avantage de Xavier Bertrand par rapport à pas mal de ses camarades de droite, c’est que lorsqu’on est président de la région des Hauts-de-France, on ne peut pas se permettre de croire que le libre marché généralisé va permettre de résoudre les problèmes sociaux…
Pour en revenir à l’unité : qui peut porter cette candidature commune ?
C’est en permanence cette question que l’on pose. Au lieu de commencer par cette équation, dont on sait qu’elle est la plus dure à résoudre, commençons par ce qui est faisable et attendu : les propositions ! Il y a certes la grande mythologie de la Ve République, de la rencontre d’un homme avec les Français, mais je n’en suis plus certaine. Ils ont d’abord besoin de repères clairs sur les décisions relativement rapides qu’on est capable de prendre pour inverser la spirale du déclin, d’inégalité et doute républicain dans laquelle notre pays est plongé. Tout en répondant à l’exigence écologique. Si déjà sur ces quatre sujets, on met en œuvre un programme d’intérêt général pour la France, commun à toutes les forces de la gauche, la confiance remontera. Aucune personnalité ne peut se dégager dans le clapotis de la division et de la guerre d’ego. Ce sont des jeux qui nous isolent.
Cela ressemble à un vœu pieux…
Je sais, mais vous pouvez me dire tout ce que vous voulez, je ne vois pas comment on dénoue la situation. Elle n’est pas bonne. Personne n’a de solution à part dire « ralliez-vous à moi ». C’est une forme d’impasse. Le vote utile à gauche ne marchera que s’il y a l’idée qu’on peut porter quelque chose d’autre. Les Verts, Mélenchon et le PS peuvent se mettre d’accord sur un programme, ne serait-ce que pour avoir une majorité législative.
Dans un sondage publié par Marianne il y a quelques semaines, le bloc de gauche peine à atteindre les 30 %. Y a-t-il vraiment une envie de gauche en France ?
Les attentes qui s’expriment sont de gauche, et la crise sanitaire l’a montré. Il n’y a, pour l’instant, pas de réponse politique structurée pour mettre la gauche au pouvoir. Voilà le décalage. Les idées de gauche, quelles sont-elles ? Un besoin d’égalité, davantage de moyens pour les services politiques, une planification du redressement industriel, l’engagement de la transition écologique en demandant aux plus forts de faire les efforts, une justice fiscale, l’allocation d’autonomie pour les jeunes, un meilleur partage du pouvoir, etc.
Tout est fait par Emmanuel Macron et le Rassemblement national pour éluder la question économico-sociale.
Ne pensez-vous pas qu’il y a une autre aspiration, plus à droite et majoritaire au vu des sondages, pour davantage de sécurité, d’autorité, des mesures contre l’islamisme et un contrôle de l’immigration qui écrase les aspirations sociales ?
C’est la tentation de la droite. Vous savez, dans une élection, ce qui est important, c’est le pied d’appel, l’axe dominant de la campagne. Quand, en 1995, Jacques Chirac fait campagne sur la fracture sociale, il a choisi de ne pas s’enfermer dans le débat sur la sécurité. La sécurité et l’immigration, c’est le pied d’appel de la droite, mais dans les sondages, les Français vous expliquent qu’ils sont inquiets pour leur pouvoir d’achat et leur emploi. Si la gauche ne fait pas de ces thèmes-là le cœur de son programme avec des propositions concrètes, elle ne pourra pas gagner. Les Verts ont fait de très bons scores car le sujet qui a été dominant, et qu’ils ont su porter lors des européennes et des municipales, c’était le climat. Tout est fait par Emmanuel Macron et le Rassemblement national pour éluder la question économico-sociale. D’ailleurs, quand je vois les résultats de la droite sur la sécurité, ils ne sont pas plus mirobolants que ceux de la gauche. C’est la droite qui n’a pas embauché de policiers…
Que dites-vous aux jeunes, qui sont, selon les enquêtes, de plus en plus nombreux à ne pas vouloir voter Emmanuel Macron s’il y a un deuxième tour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron ?
Je pense qu’on ne peut pas donner aujourd’hui un blanc-seing à Emmanuel Macron. Il faut bien sûr tout faire pour éviter d’avoir Marine Le Pen à l’Élysée, mais ça commence à bien faire ! Je commence à en avoir marre qu’on me pose la question du deuxième tour avant d’avoir joué le premier. Et du coup, cette question obère le premier vote. Cela a déjà eu lieu en 2017… On a vu ce que cela donne… De plus, comme en 2002, où Jacques Chirac n’a pas été à la hauteur de ceux qui ont voté massivement pour lui, Emmanuel Macron n’a pas donné assez de signes à un électorat de gauche qui l’a élu de manière défensive par rapport au RN. Il a fait de l’hyperlibéralisme comme si nous avions tous voté pour sa loi XL antisociale, la réforme des retraites, l’assurance-chômage… Il est élu par des gens qui n’en voulaient pas. Il délégitime la résistance à Marine Le Pen. Bien sûr que je me suis sentie cocufiée.
Macron n’a pas changé d’orientation. Il a ouvert une parenthèse.
Le libéralisme d’Emmanuel Macron en a pris un coup avec le Covid : il a, de son propre aveu, nationalisé les salaires avec le chômage partiel et a ouvert le robinet d’argent public…
Il n’a pas changé de logique. Les libéraux ont toujours considéré que l’État était là pour faire le pompier quand tout allait mal. Vive le marché, mais quand il y a des ratés, on rappelle l’État à la rescousse. C’est un classique. Les gens qui pensent qu’à cause de la crise ils ont changé d’orientation se trompent : ils ont ouvert une parenthèse. Mais dans cette parenthèse, il n’a pas renoncé à ses idéaux libéraux : il n’a pas abandonné la réforme de l’assurance-chômage, ni celle des retraites. À aucun moment il n’a augmenté les salaires des premiers de cordée. Il fait des primes, beaucoup plus fragiles. Ils sont venus au secours du système par des dépenses massives. Tant mieux ! Il a aussi promis de ne pas augmenter les impôts mais, avec la crise qui se profile, Emmanuel Macron essayera de réduire la voilure sur les dépenses et la protection sociale.
Tous les candidats, de Xavier Bertrand à Emmanuel Macron, promettent de ne pas augmenter les impôts…
Nous, nous augmenterons les impôts, mais pour les riches. Je suis pour le retour de l’ISF et je pense aussi qu’il faut réfléchir à la question de la transmission des héritages importants. Il y a une réforme fiscale majeure à prévoir pour ce pays, mais il faut, dans le même temps, innover et réfléchir à taxer autrement pour retrouver des recettes fiscales en France. On peut penser à une imposition des Gafam, à la lutte contre la fraude fiscale, par exemple.
J’en ai clairement ras le bol que nos divisions s’invitent sur ce terrain de l’identité.
Sur l’endettement, quelle serait la position d’un ou d’une candidate de la gauche unie ? Marine Le Pen a elle-même endossé l’esprit de responsabilité en déclarant vouloir rembourser la dette.
Ne soyons pas trop dogmatiques, ne nous flagellons pas avec ce sujet de la dette. En réalité, on vous explique partout que si la France arrête de rembourser, le marché ne voudra plus prêter. Mon œil ! C’est faire paniquer les gens pour pas grand-chose. Nous sommes un pays qui a toujours remboursé ses dettes, même de façon indirecte, parce que vous les reportez, parce qu’une certaine inflation finit par en diminuer la charge dans le budget de l’État. La vraie question, c’est comment on ne se laisse pas enfermer dans ce circuit de remboursement permanent, toujours à courir après les intérêts de la dette, à en oublier nos besoins en investissements pour le pays. C’est l’investissement qui doit être notre priorité aujourd’hui. Endettons-nous pour de bonnes raisons ! Pour des projets de réindustrialisation, de transition écologique, de filières locales. Ce ne sera jamais du gaspillage ni du déficit.
Aujourd’hui, la fracture à gauche n’est plus simplement sociale, mais identitaire, avec ce qu’on appelle la « cancel culture », la « génération woke »… C’est la nouvelle lutte finale ?
J’en ai clairement ras le bol que nos divisions s’invitent sur ce terrain de l’identité et c’est bien pour ça que je vous parle autant de social. Soyons clairs : les expériences de la gauche américaine qui fédère les minorités, au motif qu’elles sont minoritaires, et qui espère que cette somme des opprimés finira par faire une majorité, n’ont jamais fonctionné. Ces démarches isolent, enferment les gens et ne correspondent pas à notre modèle républicain. Je dis à la gauche sur ces sujets : attention, danger ! Ça n’est pas la bonne méthode. Nous devons porter un projet d’intérêt général pour les plus défavorisés et au service du pays parce que la gauche a vocation à gouverner pour tous. Nous devons enfin porter haut l’idéal républicain. Qu’est-ce qui mine les valeurs républicaines, la République ? Ce sont les inégalités. La vraie question, elle est sociale. Au lieu d’avoir des débats théoriques sur l’intersectionnalité, réfléchissons vraiment à la lutte contre les discriminations du quotidien.
Mélenchon, les Verts…, la nouvelle gauche est particulièrement active sur ces sujets de société. La sortie récente d’Audrey Pulvar sur les réunions non mixtes a défrayé la chronique. Peut-on parler d’un conflit de générations à gauche ?
La domination anglo-saxonne a pesé dans la culture générale des jeunes générations mais, vous savez, à mon époque, les mêmes qui étaient des libertaires enflammés se sont vite calmés. Ils sont devenus des libéraux forcenés ou des autoritaristes plein pot. Je ne dis pas que la jeunesse a tort, mais il faut veiller à ne pas devenir péremptoire. La seule philosophie qui vaille, c’est l’action. Contre les discriminations, il doit être possible d’agir en fédérant tous les républicains de gauche. Comment évite-t-on que la police ne fasse des contrôles au faciès ? Comment évite-t-on la discrimination à l’embauche ? Concrètement, que fait-on ?
Vous l’avez dit à Manuel Valls, qui sort un livre, Pas une goutte de sang français, aux éditions Grasset ?
Je n’ai rien à dire à Manuel Valls qui a déserté la gauche et la France.
Et à Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon, ces ténors d’une gauche, pour l’instant, très plurielle ?
Je ne passe pas mon temps à dispenser mes conseils aux uns ou aux autres. Vous ne me ferez pas dire du mal de tout le monde. J’ai mes convictions, que je partage volontiers, mais je ne varierai pas d’un iota. On veut toujours porter le fer pour disqualifier l’autre, au détriment des principes. L’urgence, c’est de nous mettre autour de la table pour proposer une vision aux électeurs de gauche !
On nous prend trop pour des enfants.
À quoi ressemblera la campagne de 2022 ? À un grand procès d’Emmanuel Macron ou à une bataille des idées ? Pourra-t-on s’exonérer du contexte sanitaire ?
Les élections ne se jouent jamais sur un bilan, mais sur un horizon. Quel avenir proposer aux Français au sortir de la crise ? Je ne cessais de le dire à Lionel Jospin avant le 21 avril 2002, à qui l’on répétait qu’il avait un bilan excellent. On a vu la suite… Sur les vaccins par exemple, je suis tendance franchouillarde – je viens d’une famille de résistants, je suis née à Belfort – et j’ai une certaine idée de la place que doit occuper mon pays. Quand on voit que l’on est complètement dans les choux sur la vaccination alors que nous étions parmi les meilleurs au monde, que notre système hospitalier est à la peine après des années de coupes budgétaires ! Depuis dix ans que j’interviens sur ces sujets, j’en ai vu des technos nous expliquant que nous n’avions rien compris. Les Français précaires se sentent écrasés et une large majorité, si ce n’est humiliée, au moins mal à l’aise. Sans faire du flamboyant, ils espèrent que la France se redresse, retrouve le goût de l’optimisme, se projette dans un avenir commun. On nous prend trop pour des enfants. C’est celui qui portera le mieux une vision positive et républicaine, à gauche ou à droite, qui aura le plus de chances de gagner. Les gens ont déjà leur avis sur la gestion de la crise sanitaire. Pas besoin d’en rajouter, si j’ose dire. Et puis qu’est-ce que c’est que ces âneries de se comparer en permanence avec les autres pays ?
Vous ne demandez pas d’excuses au gouvernement, comme Angela Merkel ?
Non, j’attends des analyses. Pourquoi n’avons-nous pas fait mieux, comment aurions-nous pu éviter des morts inutiles ? Qu’est-ce qu’il faut changer ? Je suis pour une relation rationnelle à la politique, pas sur-affective. Et puis, c’est mon côté catholique, mais les gens s’excusent souvent de leurs péchés pour mieux recommencer derrière.
3e confinement : l’échec du narcissisme présidentiel
L’intervention du président de la République le soir du mercredi 31 mars 2021 à 20 heures est l’illustration d’un homme prenant ses décisions seul malgré l’échec du pari qu’il avait fait au début de l’année 2021, pari dont on peut se demander si c’était la santé des Français qui en était l’enjeu ou son entrée en campagne présidentielle.
Car il faut bien le constater, c’est bien l’échec des précédentes décisions d’Emmanuel Macron à court, moyen et long termes qui conduit aujourd’hui à généraliser une forme de semi-confinement à tout le pays pour tenter de freiner une troisième vague de l’épidémie que les pouvoirs publics sous la férule de l’Elysée ont laissé filer pour ne pas – aussi longtemps que possible – désavouer la parole macronienne.
Les mesures annoncées hier soir sont prévues pour quatre semaines, mais l’expérience aidant comment les Français pourraient-ils avoir la garantie de cet horizon ?
Alors que l’éducation nationale – après un an de crise sanitaire – n’a toujours pas pu se donner les moyens d’assurer l’enseignement à distance partout et pour tous dans de bonnes conditions, la fermeture des établissements scolaires se traduira évidemment par de nouveaux dégâts chez les élèves et les étudiants. Le gouvernement a nié durant trop de mois que le niveau des contaminations dans les écoles, étant équivalant à celui en population générale, il participait évidemment à la diffusion du COVID ; pourtant jamais les établissements scolaires ne se sont vus dotés des moyens pour appliquer correctement les « protocoles sanitaires renforcés » ; quant aux campagnes de tests salivaires dans ces établissements, elles sont trop peu intenses, trop tardives, et non suivies (une fois un établissement testé on n’y revient plus ?), sans obligation de s’y soumettre pour être efficace. Les victimes de cette légèreté seront d’abord les élèves.
En deuxième, viennent leurs parents car – sauf à considérer que les Français avaient les reins économiques suffisamment solides pour partir en vacances – sans solution pour affronter 4 semaines sans école, le télétravail jouant déjà sans doute au maximum, les salariés risquent de se voir massivement contraint au chômage partiel, avec les dégâts économiques et sociaux qui suivront. Quand les familles ont déjà du mal à s’en sortir avec 100% du salaire, on peut déjà mesurer la détresse qui les guettent avec 80% du salaire. Sans compter les salariés qui perdront leur emploi…
L’intervention d’Emmanuel Macron marque aussi l’échec de la stratégie vaccinale de l’exécutif, sujet qui a été largement éludé hier soir. La seule stratégie de sortie de crise efficace est une campagne de vaccination massive : force est de constater que le gouvernement ne se donne pas les moyens de combler le retard, la pression exercée sur les groupes pharmaceutiques par l’Union européenne et la France étant très faible. Cette faiblesse se double d’un entêtement idéologique à refuser les vaccins russes, cubains, indiens ou chinois.
Enfin, que dire de la promesse de revenir à 10 000 lits de réanimation pour faire face. Alors que les soignants sont épuisés par plus d’un an d’errances diverses du gouvernement face à la crise sanitaire, on se demande si les propos du président de la République ne sont pas une provocation pure et simple ! Depuis un an, le gouvernement et les ARS ont poursuivi une politique de fermeture de lits (y compris en réanimation !). Depuis un an, rien de sérieux n’a été fait pour mobiliser dans la durée les hôpitaux privés aux côtés des hôpitaux publics. Depuis un an, rien de sérieux n’a été fait pour tarir l’hémorragie de personnels soignants qui quittent l’hôpital public démoralisés, découragés et épuisés. Depuis un an, le gouvernement nous explique qu’il ne peut pas former les professionnels compétents nécessaires à l’augmentation des lits de réanimation « en claquant des doigts » ; on en déduit que, dans ces conditions, l’augmentation « en claquant des doigts » du nombre de « lits de réa » se traduira par une dégradation de la prise en charge et de la qualité des soins. Il aurait pourtant été possible en un an de recruter les personnels compétents qui existent dans le pays et de retenir ceux qui continuent de partir en ayant la considération qui convient à leur égard !
Comment enfin considérer qu’avec de tels échecs et de telles annonces, notre démocratie ne serait pas atteinte. Depuis un an, le parlement est écarté des décisions, l’exécutif gouverne par ordonnances et par le truchement d’un état d’urgence sanitaire débarrassé de tout contrôle réel des députés et sénateurs. Le Parlement sera convoqué cet après-midi non pour avoir un débat éclairé, données à l’appui, pour discuter des mesures à prendre et dégager les moyens nécessaires, mais pour être sommé de partager, sous une forme de chantage, la responsabilité des décisions de l’oracle élyséens. Comment imaginer également que dans les semaines qui viennent, on puisse envisager dans des conditions sereines et équitables de conduire des campagnes électorales pour les élections départementales et régionales. Renvoyer à une dématérialisation de la campagne, on le sait, n’apporte aucune garantie d’information des citoyens, c’est empêcher tout émergence d’offre politique alternative à celles « grands partis » qui disposent déjà d’une audience sur les réseaux sociaux ou de financements importants, c’est l’assurance de ne récolter qu’une abstention massive qui atteindra la légitimité des futurs élus.
Emmanuel Macron a failli. Emmanuel Macron a depuis un an décidé seul, écartant le Parlement pour lui préférer l’opaque conseil de défense. Emmanuel Macron a joué avec le bien-être des Français comme on joue au loto. Emmanuel Macron est responsable des dégâts qu’il a causé et il devra en assumer les conséquences le jour de rendre des comptes.
Élections en Israël : plus qu’une crise politique, une crise identitaire
Le 23 mars dernier, les quatrièmes élections depuis deux ans se tenaient en Israël. Benjamin Netanyahou semble avoir manqué son pari d’une campagne conçue comme un référendum sur sa personne.
La multitude de partis communautaires réunissant entre 4 et 7% des suffrages nous contraint à une analyse par bloc électoral, même si ceux-ci sont mouvants et manquent parfois de cohérence.
Le premier bloc, celui de la droite religieuse, est celui de Benjamin Netanyahou. Le Likoud, sa principale composante, obtient 24% des suffrages et 30 députés (sur 120). S’il s’agit d’une performance en demi-teinte, il n’en reste pas moins que le Likoud a dix points d’avance sur le deuxième parti. Les alliés de Benjamin Netanyahou sont d’une part les ultra-orthodoxes de Shas (séfarade) et de Judaïsme Unifié de la Torah, qui obtiennent presque 13% des voix à eux deux et 16 sièges. D’autre part, le Likoud peut compter sur le soutien des partis néo-sionistes Yamina et du Parti sioniste religieux. Ces deux partis, populaires dans les colonies et auprès des jeunes soldats, représentent la branche religieuse du néo-sionisme. Ils obtiennent 11% des suffrages et 13 sièges. Cela porte la coalition de Benjamin Netanyahou à 59 sièges, deux de moins que la majorité.
Un deuxième bloc, celui de la droite laïque, est lui-même fracturé entre sionistes traditionnels et néo-sionistes. Les deux partis néo-sionistes de droite, Israël Beytenou, défendant les intérêts des juifs russophones, et Nouvel Espoir, scission récente du Likoud, tous deux issus de scissions du Likoud, obtiennent 10% des voix et 11 sièges. Le centre-droit laïque, qui avait concurrencé le Likoud aux dernières élections unis dernières le parti Bleu et Blanc de l’ancien général en chef de Tsahal Benny Gantz, était cette fois divisé. Benny Gantz et quelques députés avaient fini par se rallier à Benjamin Netanyahou, provoquant la rupture des puristes anti Likoud du parti Yesh Atid. Ce dernier parvient à 14% des suffrages et 17 sièges, tandis que Benny Gantz obtient 6.5% des voix et 8 sièges. La droite laïque obtient dans son ensemble 38 sièges, 21 de moins que celle de Netanyahou.
La gauche sioniste, unie aux dernières élections, est partie divisée en mars. Le mapaï, parti travailliste fondateur historique d’Israël à l’électorat vieillissant, obtient 6% des voix et 7 sièges. Le Meretz, parti des jeunes urbains progressistes et précaires de Tel-Aviv obtient 4.5% des voix et 6 sièges. La gauche progresse nettement, puisqu’en 2019 la coalition Mapaï-Meretz n’avait obtenu que 5.8% des voix et 7 sièges. Une partie de l’électorat de centre-gauche, séduit par Bleu et Blanc et l’opposition unifiée à Benjamin Netanyahou qu’elle promettait, est revenue au Mapaï. La gauche reste néanmoins dans un état moribond, alors que la crise du logement en Israël dure depuis quinze ans. Aucun mouvement social et populaire n’a pu être structuré par la gauche, qui focalise son discours sur le progressisme et la lutte contre les extrémistes religieux et néo-sionistes. Au total, la gauche obtient 13 sièges.
Enfin, les partis arabes sont eux aussi partis divisés alors qu’ils étaient unis aux dernières élections. La gauche nationaliste arabe obtient 4.8% des voix et 6 sièges, tandis que les islamistes obtiennent 3.8% des voix et 4 sièges. Au total, les partis arabes obtiennent donc 10 sièges.
Le Likoud, qui est devenu un parti à la limite du culte de la personnalité autour de Benjamin Netanyahou, a fait campagne en vantant les succès de politique diplomatique (normalisation des relations avec plusieurs pays arabes) et sanitaire (sortie anticipée de la crise du covid grâce à la vaccination massive). L’opposition a insisté sur les scandales de corruption qui l’entourent et sur l’obscurantisme religieux grandissant de son gouvernement.
La personnalisation extrême de cette élection et l’impression de plébiscite pro ou anti Netayahou ne doit pas cacher certaines tendances électorales lourdes.
Cette élection a marqué une forte progression du camp néo-sioniste, qu’il soit laïque et dans l’opposition ou religieux et pro-Netanyahou. Cette idéologie expansionniste diffère largement du sionisme originel. Elle repose sur la volonté d’annexer les territoires palestiniens et d’en expulser les Arabes. Les laïques ont lâché Benjamin Netanyahou il y a deux ans, provoquant une crise politique dont Israël n’est toujours pas sorti. La cause de cette rupture est l’influence politique et démographique grandissante des ultra-orthodoxes, qui refusent le service militaire et obtiennent des subventions publiques qui réduisent les capacités budgétaires de l’Etat. Ces partis, qui appartiennent certes à des coalitions politiques différentes, représentent plus d’un électeur sur cinq et 26 sièges, 14 de plus qu’aux dernières élections. Le parti religieux sioniste, le plus extrême des néo-sionistes, relève de l’idéologie kahaniste, une idéologie authentiquement raciste et suprémacistes. Les militants de ce parti, qui avait été interdit dans les années 90, mènent régulièrement des expéditions punitives dans les quartiers et villes arabes et jugent positivement l’assassinat d’Yitzak Rabin. Il n’avait même pas obtenu 0.5% des suffrages aux dernières élections. Comme dans les autres démocraties occidentales, Israël est donc confronté à la montée en puissance d’un parti raciste d’extrême-droite qui progresse de manière fulgurante d’une élection à l’autre.
Malgré tout, aucun bloc ne semble capable de gouverner. Certaines solutions semblent se dessiner, mais elles semblent toutes aussi bancales que précaires et irréalistes.
Dans le camp Netanyahou, on pousse pour une coalition religieuse face aux laïques. Le parti islamiste Ra’am, qui ne se positionne pas officiellement dans l’opposition, pourrait apporter les quatre sièges d’appoint pour une majorité. Aussi invraisemblable que cette alliance puisse paraître, elle est régulièrement évoquée et des négociations auraient lieu en ce moment-même pour obtenir cette majorité des partis religieux. Qu’importe qu’un des alliés de Netanyahou soit un parti ouvertement raciste contre les Arabes, qu’importe que le Likoud et Yamina amalgament régulièrement l’ensemble des Palestiniens à un peuple de terroristes islamistes, une solution d’alliance avec les islamistes est évoquée. Yamina, toutefois, a indiqué qu’elle refuserait d’être membre d’une quelconque coalition avec un parti arabe.
Du côté de l’opposition, tout semble être fait dans l’unique objectif de sortir Benjamin Netanyahou du pouvoir. Les partis néo-sionistes de droite sont prêts à s’allier aux nationalistes arabes, une perspective inimaginable et absurde il y a encore six mois. Toutefois, sans l’appoint des islamistes, cette coalition n’aurait pas le pouvoir.
La situation est figée, et le scénario le plus probable est finalement celui d’une nouvelle élection dans quelques mois, la cinquième en deux ans. Les thèmes de campagne – influence de la religion, annexion ou démantèlement des colonies, corruption, politique étrangère – sont à mille lieux de la crise sociale qui se joue aujourd’hui en Israël. La progression alarmante de partis politiques extrémistes et ouvertement violents, qui accompagne l’incapacité à trouver un consensus démocratique, est partie intégrante de la Weimarisation de la politique que nous décrivions récemment. La gauche économique, hébraïque ou arabe, n’obtient pas 15% des suffrages, et même si elle est en progression, il semble que ce soit plus conjoncturel que structurel. La question laïque est omniprésente, tant l’extrémisme religieux et l’obscurantisme progressent, mais les partis laïques n’ont pas la majorité. Les résultats locaux démontrent un éclatement total du pays : à Jérusalem, les ultra-orthodoxes obtiennent plus de 30% des voix, alors qu’à Tel-Aviv c’est la gauche qui obtient 30% des voix. Dans les colonies, un électeur sur quatre a voté pour les kahanistes, et presque un sur deux pour Yamina. Les banlieues de Tel-Aviv, villes champignons construites pour accueillir l’immigration russe des années 90, votent massivement pour les néo-sionistes laïques, et les zones arabes sont elles-mêmes divisées, entre villes qui votent pour la gauche nationaliste et bédouins qui votent pour les islamistes.
Israël est en proie à une crise politique qui ne fait que refléter la crise identitaire profonde qui la traverse. Le mode de scrutin proportionnel amène le blocage, mais un mode de scrutin majoritaire mènerait au pouvoir un camp qui ne serait que marginalement soutenu. Arabes ou hébreux, orthodoxes ou laïques, néo-sionistes ou pour la paix, les multiples fractures qui structurent la société israélienne se retrouvent en politique. Tant que cette crise identitaire ne sera pas résolue, Israël ne pourra pas sortir de la crise politique. Pendant ce temps, la crise sociale et la Weimarisation progressent.
Le Projet de Loi Climat et Résilience : les bons, les brutes et les truands.
Comme nous l’avions évoqué dans une précédente analyse (https://g-r-s.fr/climat-et-resilience%e2%80%af-lobbies-vessies-et-lanternes/), le Projet de Loi surnommé « Climat et Résilience »1 devait reprendre les propositions des 150 citoyens qui composaient la Convention Citoyenne pour le Climat. Cependant loin de cet objectif, c’est dans une logique de détricotage, de rafistolage et de ripolinage, devenue plus qu’habituelle, que le Gouvernement et sa majorité ont examiné ce texte.
Tout s’est passé pendant la Commission spéciale de l’Assemblée Nationale, mise en place pour l’occasion. Ce texte de près de 70 articles, qui devaient réguler des activités de la vie quotidienne (se nourrir, se déplacer, consommer, produire, etc.) et des aspects plus spécifiques, comme la mobilité, l’artificialisation des sols ou encore certains types de publicités accouchera finalement comme nous l’avions démontré de mesures peu ambitieuses. Pour compléter le tableau, il ne traite nullement de certains sujets essentiels comme l’impact de l’utilisation des pesticides sur le changement climatique, l’économie et les industries vertes ou très peu de sujets comme l’eau et la forêt. Pourtant, selon l’exécutif, le projet de Loi devait « ancrer l’écologie au sein de notre société ».
Sauf que, face au changement climatique, nombre de scientifiques, d’associations de citoyens et d’experts s’accordent à dire que toutes les activités humaines, qu’elles soient économiques ou sociales, ont une influence à différents degrés sur notre planète. L’ensemble des questions auraient donc du être traités.
L’examen de ce projet de Loi est une démonstration exemplaire de la lourde implication de ce que l’on appelle « l’Etat profond » dans les travaux du Parlement. Rien de neuf sous le soleil diront certains. Les travaux de l’Assemblée Nationale, aussi bien que ceux du Sénat, voient souvent des amendements passer sous les fourches caudines d’une haute administration consanguine des lobbies dont elle devrait nous prémunir. Pourtant, cet épisode peut être qualifié d’« historique » dans cette législature car jamais avant il n’y avait eu autant d’amendements rejetés sous cette pression.
Au premier jour des travaux, 5 518 amendements qui ont été déposés devant la Commission spéciale : 1 112 amendements ont été déclarés « irrecevables », donc non examinés, dont un millier dénoncés abusivement comme « cavalier législatifs ». Cette pratique a enlevé l’un des derniers outils dont disposaient encore les députés : le temps de parole. En empêchant les députés de s’exprimer, la majorité macroniste s’est assurée que rien ne pourrait freiner la marche du gouvernement qui veut aller très vite sur ce texte décevant après avoir été annoncé en fanfare … et cela quitte à aller dans le mur.
Evidemment, dans le cadre d’un débat « de bonne foi », le fait d’écarter les « cavaliers législatifs » permet généralement d’éviter que des députés ne déposent des propositions sans liens avec le texte. Ce n’est pas le cas aujourd’hui et il est « curieux », voire supsect, de constater la systématisation de ce procédé pour traiter des amendements des oppositions parlementaires.
Cet épisode est en réalité révélateur de certaines pratiques qui se sont généralisées depuis le début du quinquennat et ont atteint sur ce texte leur apogée. Plusieurs cas illustrent ce phénomène malsain pour la démocratie. Ainsi ont été considérés comme irrecevables :
- des amendements déposés par des députés de l’opposition alors que des amendements similaires de la majorité sont discutés ;
- des demandes de rapports en lien avec la philosophie du texte et qui auraient permis aux parlementaires d’obtenir des informations importantes sur les phénomènes climatiques. Or, ils sont systématiquement placés à l’article 40 de la Constitution (ne pas alourdir les charges), comme si la rédaction de rapports, un travail coutumier pour les députés, allait « plomber » les finances de la Nation ;
Dans le même état d’esprit, l’irrecevabilité des amendements de l’opposition a été complétée par d’autres méthodes de détournement de la démocratie parlementaire :
- des amendements de l’opposition « rejetés » pour de faibles raisons et mais qui seront adoptés par la Commission lorsque les « mêmes » ont été déposés par des députés macronistes. Il est important de préciser que curieusement certains amendements déposés à la dernière minute par la majorité ressemblaient étrangement, à deux virgules près, à ceux déposés plus tôt par des députés de l’opposition ;
- des amendements de la majorité adoptés au pas de course sans réelle discussion alors qu’ils dégradaient le texte ou en enlevaient des notions importantes dans la lutte contre le changement climatique.
Plusieurs hypothèses permettent d’expliquer cette méthode délétère déjà constatée lors de l’examen de précédents textes :
- des amendements de l’opposition ont été transmis par l’administration parlementaire aux députés de la majorité, avant le délai final de dépôt des amendements en commission ;
- la mauvaise foi qui sous-tend ce traitement masque la mise en place de « tarifs préférentiels » pour les parlementaires de la majorité. Ainsi, in fine, seuls 8% des amendements ont été adoptés sachant que 78% d’entre eux proviennent du groupe LREM qui n’avait déposé que 1 800 amendements. Bien évidemment, une petite proportion des amendements de la majorité ont connu un sort néfaste afin de sauver les apparences.
En réalité, tout amendement qui pouvait améliorer et enrichir le texte du gouvernement a été balayé avant le début des travaux de la Commission spéciale. Pour le reste, les quelques amendements de l’opposition qui ont été adoptés en commission étaient trop anodins pour mettre en danger les desseins du Gouvernement.
Cette séquence parlementaire démontre à l’envie, comme pour tous les autres sujets de fonds, le Gouvernement n’a que faire du climat. Seul compte l’affiche que nous prépare le Président de la République à un an de l’élection présidentielle. Tout cela à une époque où la communauté scientifique ne cesse de nous mettre en garde contre l’aggravation des désastres environnementaux. Le Macronisme, comme on pouvait s’y attendre, handicape la lutte contre le dérèglement climatique tout en abaissant un peu plus un Parlement qu’il méprise.
La Gauche Républicaine et Socialiste s’indigne de ce déni aggravé de démocratie et exige que le Gouvernement retrouve sagesse et écoute lors des discussions de ce texte en séance (nous ne nous faisons que peu d’illusions). Il en va de la nécessité d’agir pour notre planète et de sécuriser l’avenir des générations futures faces aux désastres qui pourraient rapidement survenir si nous ne faisons rien.
1 – De son vrai nom : Projet de Loi « de lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face ses effets »
Les dépistages dans les écoles doivent être réalisés par des professionnels
Le Gouvernement a lancé le recrutement de « Médiateurs de lutte anti-Covid ». Il s’agit d’agents contractuels recrutés au niveau bac et payés au SMIC horaire qui seront chargés entre autres de la réalisation des tests de dépistage anti-covid. Alors que la pandémie frappe notre pays depuis plus d’un an, c’est un nouvel exemple du fait que le gouvernement continue de traiter la situation sanitaire avec légèreté.
Emmanuel Macron, Jean Castex et Bruno Le Maire parlent toujours, comme il y a un an, de soutenir l’économie « quoi qu’il en coûte ». Cet argent public n’est visiblement pas suffisamment disponible pour faire progresser la sécurité sanitaire. Ainsi, le gouvernement souhaite que les dépistages dans les écoles soient réalisés par des personnels contractuels sans qualification médicale préalable. Cet incroyable mépris illustre le mensonge d’un gouvernement qui a osé prétendre avoir pour priorité la jeunesse.
La Gauche Républicaine et Socialiste demande le retrait de ces offres de recrutement et la réalisation des tests de dépistages par des personnels ayant des qualifications médicales.
Emmanuel Macron déclarait en avril 2018 qu’il n’y a pas d’argent magique. La crise exceptionnelle que traverse notre pays l’a amené à revoir sa position. Maintenant que le Gouvernement a retrouvé son chéquier, il doit prendre au sérieux la santé des Français, la santé et l’avenir de nos enfants.
L’affaire de Strasbourg démontre l’absurdité des statuts locaux d’exception
Nous déplorons que la majorité municipale de Strasbourg ait voté une subvention de plus de 2,5 millions d’euros pour le projet de mosquée portée par le Comité Islamique du Milli Gorus (CIMG).
Si le droit local d’Alsace-Moselle autorise ce genre de subvention, elle n’a aucun caractère obligatoire. Cette affaire témoigne qu’il est temps enfin que l’Alsace et la Moselle entrent dans le régime commun de notre République une et indivisible. Les spécificités de type concordat et droit local ne peuvent qu’encourager le flou là où notre époque exige de la clarté dans le rapport des pouvoirs publics aux cultes. A contrario, certaines dispositions sociales du droit local (héritées de la législation Bismarck…) mériteraient d’être étendues à l’ensemble du territoire de la République. Il faut donc retrouver un cadre commun à tous.
Il n’est en aucun cas acceptable que de l’argent public participe au financement d’une opération portée par un organe de l’islamisme politique. Le CIMG, et son volet politique le Parti Égalité et Justice (PEJ), sont les proues avancées d’Erdogan en France. En prônant un « moratoire sur la laïcité » et l’adaptation de la loi de 1905, mais aussi l’abrogation de la loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires à l’école et celle de la loi de 2010 sur le port de la burqa, le CIMG et le PEJ sont des adversaires dangereux de notre République. Ils doivent donc être traités comme tel. A ce titre, le réveil tardif et opportuniste du ministre de l’intérieur ne peut que nous interroger ; en effet alors que le caractère politique et sectaire (notamment le fait de prôner le port du voile chez les très jeunes filles) de cette organisation est connu depuis de nombreuses années, elle n’a jamais fait l’objet d’un signalement particulier du ministère de l’intérieur. Le gouvernement et Gérald Darmanin sont donc tout autant responsables de la situation que le municipalité dont le choix a été dénoncé par un simple tweet.
Il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités pour que les fonds publics ne servent plus au financement des lieux de culte.
Il est des principes avec lesquels on ne peut pas transiger.
L’Etat de droit vacille en Turquie à grands coups contre la laïcité
Le 17 mars dernier, le parlement turc a destitué un député de l’opposition HDP, un avocat connu pour sa défense des libertés publiques et son engagement contre les abus de pouvoirs du parti d’Erdogan. Cette invalidation apparaît comme le prélude à une offensive en règle contre l’HDP, la troisième formation politique du pays qui fait l’objet d’une répression implacable depuis 2016 – à la suite de la tentative du coup d’Etat manqué de juillet 2016, initié selon Erdogan par son ancien allié Fethullah Gülen (tentative de coup d’Etat tellement mal ficelée qu’on peut se demander si ce n’était pas un « coup monté »). L’AKP, parti au pouvoir, avec son allié ultranationaliste turc, réclame tout à la fois l’interdiction du HDP, la criminalisation de 600 de ses cadres et élus, et l’inéligibilité de ses militants. Ainsi un procureur a envoyé, quelques heures après cette desitution, un acte d’accusation à la Cour constitutionnelle demandant l’ouverture d’un procès pour interdire le HDP.
Le HDP est souvent décrit comme un parti « de la gauche pro-kurde », laïque, très critique des lois du capitalisme. En réalité, il rassemble des suffrages dans de nombreuses couches de la société turque, recueillant quelques 11,6% des voix aux dernières élections de juin 2018 (13,1% en juin 2015 et 10,7 en novembre 2015). Souvent pris pour cible en raison de sa base électorale très forte au Kurdistan, le HDP subit ici une campagne par amalgame.
Un tweet, une présence fortuite au même endroit, et cela suffit pour assimiler tout un parti à un mouvement considéré comme terroriste. Le pouvoir islamiste d’Istanbul accuse le HDP ses relations avec le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), organisation inscrite sur la liste des organisations terroristes en Europe et aux Etats Unis. Posture à tout le moins hypocrite, car le FDS de Syrie – auquel participent les communistes kurdes de Syrie, liés au PKK – a été l’allié des Américains et des Européens, fournissant l’essentiel de l’effort militaire sur le terrain pour faire reculer Daesh puis le battre militairement. Bien que le FDS ait tout fait pour se distinguer nominalement du PKK, il était pour ces liens dénoncés par Erdogan la principale cible de l’invastion turque du nord de la Syrie en octobre 2019 … pendant laquelle les forces kurdes de Syrie ont été totalement lâchées par leurs alliés occidentaux.
L’annonce des projets de l’AKP et de la justice tuque, « normalisées » depuis 2016 avec des milliers de mises à pieds de juges indépendants, remplacés grâce à des nominations par le parti au pouvoir, ont déjà déclenché les condamnations de l’Union Européenne et de l’Allemagne.
La France ne s’est pas exprimée, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian refusant toute collusion apparente avec les forces communistes kurdes qui ont pourtant fait le travail contre les commanditaires des attentats de Paris en novembre 2015. D’une certaine manière, si à Paris le gouvernement français a décidé de mener un combat d’opérette contre les islamogauchistes, il semble bien qu’il ne veuille surtout pas froisser un gouvernement islamiste qui réprime des « gauchistes »… Pour Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian, l’ennemi semble moins être l’islamisme que le « gauchisme ».
Pourtant au-delà de l’ironie, il nous faut dire les choses : l’AKP et Erdogan construisent leur pouvoir en s’attaquant et en affaiblissant systématiquement les gauches laïques en Turquie, qu’elles s’expriment au nom de la majorité turque ou de la minorité kurde. La création et la progression de l’AKP, comme dans d’autres pays du Moyen Orient, doit beaucoup au soutien des services secrets américains qui voyaient dans la structuration politique islamiste un outil pour contrer les gauches syndicale et politique. 90% des travailleurs turcs étaient syndiqués dans les années 1970. Les batailles symboliques, comme celles du voile, ont ouvert la voie à ce parti, ringardisant les gauches laïques. Depuis son arrivée au pouvoir, l’AKP, tout en assurant son fond de commerce sur le conservatisme moral (si certains avaient encore quelques illusions le gouvernement Erdogan a annoncé que la Turquie – après la Pologne – sortait de la « convention d’Istanbul » visant à lutter contre les violences faites aux femmes sous prétexte que cela « favoriserait les divorces »et les droits des homosexuels !?!) et le nationalisme intégral, s’est parfaitement coulé dans le costume du défenseur des intérêts des propriétaires d’entreprises. À ce titre, les difficultés économiques et monétaires que connaît la Turquie depuis plus de deux ans ne peuvent que nous conduire à considérer que cette nouvelle offensive politique autoritaire est une manœuvre dilatoire pour masquer l’impéritie économique du pouvoir AKP.
Nous ne nous laisserons pas abuser par la propagande caricaturale du pouvoir islamiste d’Istanbul. Face à la prédation économique d’une classe et d’un parti corrompu, ce sont bien les républicains kemalistes du CHP et les « gauchistes » du HDP qui représentent une alternative républicaine, démocratique et de gauche, apte à répondre aux besoins réels des citoyens de Turquie.
La Gauche Républicaine et Socialiste dénonce les menées dictatoriales d’Erdogan et ses tentatives de faire interdire le HDP. La GRS espère que les Turcs reprendront au plus vite le contrôle de leur République. La GRS apporte son soutien au CHP et au HDP dans la bataille nécessaire qui doit conduire au rétablissement démocratique de l’Etat de droit, d’une république laïque et démocratique.