Attentats du 7 janvier 2015 : 10 ans après, ne jamais rien lâcher !

Il y a dix ans les frères Kouachi assassinaient 12 personnes à la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo dans un attentat qui avait pour cible la rédaction, celles et ceux qui travaillaient avec les journalistes et les dessinateurs, mais aussi plusieurs policiers … Deux symboles visés : la liberté d’expression, d’abord, la République qui l’instaure et la protège ensuite. Le terrorisme islamiste a tenté de bâillonner par la terreur le droit à caricaturer, à utiliser l’humour pour traiter de tous les sujets, sans se soumettre à aucune contrainte dogmatique. Nous n’oublions pas l’assassinat d’une policière municipale à Montrouge et la prise d’otages de l’Hypercasher de Vincennes et le meurtre depuis plusieurs de ses clients par Amédy Coulibaly.

Dix ans après ces odieux assassinats, « être Charlie » c’est continuer à se battre contre l’intolérance et pour rappeler que la notion de blasphème n’existe pas dans le droit français. « Être Charlie », c’est également ne jamais laisser passer aucun appel à la haine et au meurtre en raison de sa conscience, de son origine réelle ou supposée ou de son orientation sexuelle et de genre : une exigence qui résonne avec force et une angoissante actualité au moment où le recensement des actes et la parole antisémite dans notre pays est au plus haut (à la suite des attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023) et où des influenceurs numériques au service d’une puissance étrangère multiplient depuis quelques semaines les messages criminels.

La République garantit à tous ses citoyens, à toutes celles et tous ceux qui vivent sur son sol, que leur liberté de conscience est absolue, que leur liberté d’expression est protégée tant qu’elle n’attente pas à l’intégrité des personnes, que tout acte de racisme sera poursuivi, qu’on ne peut vous imputer que vos actes, vos écrits ou vos paroles et non ce que certains veulent vous imposer comme votre identité … que cette promesse de liberté publique et collective est inséparable de l’exigence de justice et d’égalité sociales.

Avec tous les Républicains sincères, la Gauche Républicaine et Socialiste salue la mémoire des victimes de janvier 2015 et appelle à continuer le combat et l’action pour renforcer une République laïque, sociale et concrète.

Macron : Après lui, le déluge ? tribune libre

L’enquête « Macron et son double », révélée en quatre parties par Le Monde, jette une lumière particulièrement crue sur la personnalité d’Emmanuel Macron. La dissolution imprévisible du neuf juin dernier, apparue comme irresponsable pour nombre d’observateurs politiques et embourbant le pays dans une crise politique majeure, pourrait trouver sa cause dans l’hubris de celui qui l’a décrétée…

De fait, l’enquête décrit un Emmanuel Macron cultivant un esprit de cour — « Les gens rampent sans même que je leur demande et ensuite je passe pour un dictateur ! » se serait-il amusé devant Stéphane Bern — et n’hésitant pas à avoir recours aux humiliations pour renforcer son contrôle sur les affaires. On y trouverait ainsi quelques traces de la pathologie individuelle dont les symptômes les plus importants sont politiques et structurels — s’il s’accroche tant au pouvoir, c’est qu’il s’y plaît. Ces éléments deviennent tout à fait éclairants quant à la conjoncture politique dans laquelle le président nous a jetés.

Dans l’idée gaullienne, le chef de l’État devait « servir d’arbitre au-dessus des contingences politiques, soit normalement par le conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître, par des élections, sa décision souveraine ». C’est du moins ce que de Gaulle théorisait dans son discours de Bayeux le 16 juin 1946. L’inquiétante montée de l’extrême-droite en Europe étant à n’en pas douter un de ces moments de grave confusion, c’est peut-être une volonté d’application bancale de cette idée du pouvoir qui a poussé Emmanuel Macron à nous « redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote » en juin dernier.

Pourtant, par l’affichage constant de son mépris et par ses politiques délétères pour notre modèle social, n’est-il pas lui-même un agent de la montée de l’extrême-droite ? Maintenant que le loup frappe à la porte, il met tout en œuvre pour qu’on le laisse rentrer. La démarche nous semble étonnante. Assurément, c’est car nous ne pourrions la comprendre — quelle chance avons-nous : notre président brille tellement qu’il fait de l’ombre au soleil ! Sa fameuse phrase de juin 2017, qui opposait déjà « ceux qui ont réussis et ceux qui ne sont rien » annonçait la couleur.

Au surplus, là où de Gaulle eut l’élégance de démissionner après la victoire du « Non » au référendum constitutionnel de 1969, lorsque Macron invite le pays à s’exprimer, il ne l’écoute pas. D’ailleurs, « il n’écoute plus personne » aurait confié son épouse à de multiples reprises.

Désavoué aux législatives anticipées, l’usage institutionnel aurait souhaité que le président nomme un premier ministre pourvu d’une légitimité parlementaire. Provoquant une situation de cohabitation, cela aurait de facto fait perdre au président le contrôle exécutif des affaires intérieures. Mais, en s’obstinant à nommer des chefs de gouvernement qui lui sont proches, bien qu’issus de minorités démocratiques, et en bafouant ainsi l’essence même de la Cinquième République, Emmanuel Macron s’accroche au pouvoir présidentiel et refuse catégoriquement une sortie de crise par la solution parlementaire. S’il a définitivement l’ego d’un souverain, il est très loin d’en avoir le courage.

Souhaitant donner l’illusion d’un homme fort — on se souvient de la mise en scène photographique du président aux biceps hypertrophiés se défoulant sur un sac de frappe — il se nourrit surtout des failles d’un système politique qu’il prétend régir, se frayant un chemin dans les fissures du rocher. En trahissant les fondements de la Cinquième République, il en illustre les limites les plus manifestes.

On ne peut que s’émouvoir que le peuple français, ayant trouvé sa dignité dans la République s’obstine désormais à hausser à la magistrature suprême des petits monarques en puissance. Héros de 1792, pardonnez-nous !

Désormais un des présidents les plus impopulaires des dernières décennies, Emmanuel Macron s’aveugle sur son propre bilan. L’autosatisfaction reste la marque de fabrique du macronisme, même lorsque celui-ci est déclinant. La séquence médiatique d’octobre fut édifiante, et montrait bien le contraste entre la situation désastreuse des finances publiques et l’auto-congratulation de ceux qui en étaient pourtant les responsables. Avec une dette publique à plus de 3 300 milliards d’euros, en augmentation de plus de 1100 milliards d’euros depuis l’arrivée de Emmanuel Macron au pouvoir, et des inégalités qui partent à la dérive, il n’y a pourtant pas matière à se gargariser. Les multiples avantages fiscaux accordés aux plus fortunés et le refus de faire contribuer les grandes entreprises réalisant du profit à juste mesure à la vie économique du pays sont des causes évidentes de ce naufrage.

Mais si on le savait largement outrecuidant, l’enquête du Monde nous fait découvrir Emmanuel Macron volontiers grivois, — « Petit pédé », « grande tarlouze »… — l’ambiance dans l’entourage proche du président semble moins élyséenne que licencieuse, loin de la solennité qu’est censée impliquer la fonction. Après l’homophobie ordinaire, prend place le racisme patent — « Le problème des urgences dans ce pays, c’est que c’est rempli de Mamadou » dit-il. Macron trouve un bouc émissaire à son propre désastre, qu’il contemple ensuite depuis sa tour d’ivoire, un verre de Lagavulin 16 ans d’âge à la main — son whisky favori, toujours selon les enquêteurs du Monde.

Mais qui est encore étonné ? L’homme de tous les mépris n’en est pas à son coup d’essai. En novembre dernier à Rio, le président lâchait en public que les Haïtiens étaient « complètement cons ». Un mois plus tard, il distillait ses bonnes leçons aux Mahorais…

Depuis des années, notre vie politique est ponctuée par ses frasques, et rares sont les présidents ayant si profondément avili la fonction présidentielle. Et pourtant, à l’heure où la presse nous apprend la condamnation de Nicolas Sarkozy à un an ferme pour corruption et trafic d’influence, on ne peut que déplorer que la concurrence soit si rude.

Jusqu’où ira celui qui prévient pourtant son entourage : « Je serai celui qui éteindra la lumière » ? Retenons notre souffle — il lui reste encore deux ans.

Maxence Guillaud

« Ne jamais renoncer au socialisme ! » – Emmanuel Maurel dans « La politique et moi » sur LCP

Emmanuel Maurel était l’invité dimanche 15 décembre 2024 de « La politique et moi » sur LCP.

Emmanuel Maurel est né un 10 mai, jour de l’élection de François Mitterrand, à Epinay, la ville qui a vu naître le parti socialiste. Emmanuel Maurel était destiné à militer au PS, mais il a fini par rompre avec le parti, sans renoncer au socialisme. C’est la raison pour laquelle il a fondé la Gauche Républicaine et Socialiste en 2019 avec des centaines d’autres camarades. Il siège aujourd’hui aux côtés des communistes dans le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

Pourquoi s’engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l’Assemblée ? Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements – historiques ou personnels – qui l’ont conduit à choisir la vie publique. Car on ne naît pas politique, on le devient !

Mayotte : de l’indignation à la désolation

Le cyclone tropical Chido, d’une intensité exceptionnelle, a semé la désolation samedi à Mayotte.

Alors que le bilan est actuellement d’au moins 14 personnes décédées1, de nombreuses familles sont plongées dans une situation difficile avec des dégâts sur leurs maisons, parfois complètement détruites comme dans le bidonville de Kaweni, et la mise hors service des commerces et des équipements.

L’archipel, département le plus pauvre de France, n’avait nullement besoin de cette catastrophe au regard de ses problématiques existantes.

Il est urgent d’apporter tout le secours nécessaire au niveau sanitaire, alors que l’île fait également une épidémie de choléra, et de rétablir l’eau et l’électricité sur le territoire. Le prochain Gouvernement doit aussi réfléchir, enfin, au développement du territoire face aux catastrophes climatiques qui vont influer de plus en plus sur la vie de nos concitoyens ultramarins.

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte son entier soutien à l’ensemble de nos compatriotes mahoraises et mahorais.

  1. les dernières informations semblent désormais converger vers un bilan bien plus grave avec des centaines de morts sous les décombres, difficiles à évaluer dans les premières heures du fait de l’importance de « l’habitat informel » dans l’île et du nombre d’habitants en situation irrégulière. [mise à jour du lundi 16 décembre, 10h] ↩︎

Bayrou à Matignon : la dernière cartouche de Macron

Emmanuel Macron a décidé une nouvelle fois de rester dans le déni du résultat des élections législatives qu’il a lui-même provoquées.

En nommant François Bayrou au poste de Premier ministre, le Président a choisi la continuité, là où une majorité de Français aspiraient au changement.

Depuis sept ans, les députés du parti de Monsieur Bayrou ont soutenu, avec tous les autres macronistes, la retraite à 64 ans, les réformes cruelles de l’assurance-chômage, les « lois travail » et les privilèges fiscaux accordés aux plus riches.

Macron avait dit vouloir la « stabilité institutionnelle » : sous Bayrou comme sous Barnier, tous deux minoritaires, celle-ci risque de s’enliser dans la paralysie politique. L’aspiration à une vie meilleure des millions de Français qui ont soutenu le Nouveau Front Populaire restera sans doute ignorée. 

La discussion sur le budget sera un moment de vérité. Si la nouvelle équipe gouvernementale persiste à refuser des mesures élémentaires de justice fiscale et sociale, alors elle aura une durée de vie tout aussi éphémère que la précédente.

Il reste à espérer que le nouveau Premier ministre prendra au sérieux l’état de déliquescence démocratique qui caractérise notre pays après sept ans de macronisme.

Le respect du Parlement, qui passe au préalable par l’abandon de l’utilisation du 49.3, sera une condition sine qua non de sa longévité politique.

L’éducation n’a jamais été une priorité pour le gouvernement censuré

C’est un véritable plan social pour le second degré qui avait été proposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 présenté par feu le gouvernement Barnier. Était en effet planifiée une dégringolade du nombre de postes ouverts aux concours d’enseignement et d’éducation. Cela représente quelques 232 postes en moins au CAPES externe, toutes disciplines confondues, soit une baisse de 4,53% par rapport à 2024 et jusqu’à –10% dans certaines matières pourtant déjà déficitaires : mathématiques, lettres, sciences physiques, technologie, espagnol, allemand.

Si on remonte à la session 2017, cela représente même 33% de postes de moins ! Dans le contexte actuel, alors que le nombre d’élèves par classe ne cesse d’augmenter, cette mesure aurait comme conséquence la dégradation des conditions d’apprentissage des élèves ainsi que celles des conditions de travail des enseignants. En clair, la stratégie portée par les ministres successifs de l’Éducation nationale privilégiait le recours aux personnels non-titulaires et non-formés. Selon la Cour des Comptes, le nombre de ces contractuels a même augmenté de 80% depuis 2015 dans premier degré.

Pour la Gauche Républicaine et Socialiste, la réponse à la crise de recrutement actuelle dans l’Éducation nationale n’est pas de diminuer les postes et de recourir encore davantage aux contractuels – ce qui a pour conséquence de paupériser davantage une profession déjà très attaquée par des années de réformes – mais d’améliorer les conditions de travail, les salaires et la formation des enseignants tant initiale que continue.

Alors que le travail d’élaboration budgétaire pour 2025 est à reprendre après la censure du gouvernement Barnier, la Gauche Républicaine et Socialiste souhaite que le futur gouvernement mette en œuvre enfin des orientations de progrès et propose aux parlementaires un changement de stratégie qui réponde enfin aux défis auxquels est confrontée l’Éducation nationale.

Chute de Bachar el Assad : la Syrie entre espoir et inquiétude

Après 13 ans de guerre civile, le régime sanguinaire de Bachar el Assad est tombé.

Le tyran, connu pour avoir utilisé des armes de guerre incluant des armes chimiques contre la population civile, emprisonné, torturé et assassiné nombres d’opposants politique, est en fuite à Moscou. Sous son règne, la politique internationale de la Syrie sous a toujours consisté à soutenir cyniquement la politique du pire, participant activement à la déstabilisation du Liban après que l’armée syrienne a dû évacuer celui-ci, relâchant des djihadistes qui ont grossi les rangs de l’État Islamique, soutien constant de l’Iran dans les conflits régionaux.

La chute du régime syrien réjouit les défenseurs des droits humains que nous sommes. Cette bonne nouvelle ne saurait masquer nos vives inquiétudes pour l’avenir de la Syrie.

La guerre civile syrienne oppose notamment la Turquie et l’Iran, et c’est un groupe islamiste, Hayat Tahrir Al-Cham, anciennement affilié à Al Qaeda qui est entré dans Damas hier matin. Nous redoutons le pire pour des millions de Syriens, particulièrement les Kurdes, désormais à la merci de l’armée turque et des islamistes, ainsi que les minorités chrétiennes, chi’ites, druzes et alaouites, qui craignent, non sans raisons, que les signes d’apaisement envoyés par le nouveau pouvoir ne soient qu’un écran de fumée.

Nous appelons la diplomatie française à agir avec détermination pour contribuer à la mobilisation internationale indispensable à la protection des droits humains en Syrie, particulièrement ceux des femmes et des minorités, dans le long processus de reconstruction de la Syrie qui s’engage.

Grève dans la fonction publique : défendons notre bien commun !

Une séquence de forte incertitude politique est ouverte depuis plusieurs mois, depuis la dissolution ratée d’Emmanuel Macron et la nomination de Michel Barnier. Les pseudos concertations autour des différents textes budgétaires ont conduit à la censure logique du gouvernement. Malgré la chute d’un gouvernement très ancré à droite et hostile aux agents publics, jusqu’à la caricature avec le libertarien compulsif Guillaume Kasbarian comme ministre de la fonction publique, il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de réussir une mobilisation massive le 5 décembre 2024.

Alors que la fonction publique peine à attirer, à recruter et rencontre une crise des vocations, plutôt que de rendre du pouvoir d’achat aux fonctionnaires, la solution de l’union de la droite et du centre a été de tenter d’instaurer 3 jours de carence, une baisse de l’indemnisation des arrêts maladie à 90% à partir du 4ème jour, la suppression de la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), le gel de la valeur du point d’indice et la suppression de toujours plus de moyens dans tous les services publics.

Michel Barnier a enchaîné avec le président de la République les danses du ventre à destination de l’extrême-droite, qui leur dictait des « lignes rouges » mais rien pour dénoncer la haine du fonctionnaire, avant de leur claquer ce soir la porte au nez. Et pour cause, la droite et l’extrême droite se sont toujours parfaitement entendues quand il s’agit de taper sur les agents publics !

La Gauche Républicaine et Socialiste (GRS), par la voix à l’Assemblée Nationale de son député Emmanuel Maurel, refuse de sacrifier sur l’autel de l’austérité les 5,7 millions d’agents publics, alors que les différents gouvernements macronistes et de droite ont creusé le déficit de l’État et des collectivités locales en exonérant, sans aucune honte, les plus fortunés du pays. La chute du gouvernement Barnier ne met pas fin au danger et au mépris : rien ne garantit aujourd’hui que le locataire de l’Elysée ne s’obstine pas encore dans le déni de sa défaite des 9 juin et 7 juillet derniers en nommant un premier ministre et un gouvernement qui reproduise la même dérive.

Pour toutes ces raisons, la Gauche Républicaine et Socialiste soutient la grève du 5 décembre 2024 initiée par l’intersyndicale et appelle les Françaises et les Français à rejoindre massivement les grévistes de la fonction publique dans la rue !

Emmanuel Maurel : « Je ne voterai pas la motion de censure dans l’allégresse mais dans l’inquiétude »

Mardi 3 décembre 2024 à la veille de la motion de censure déposée par le Nouveau Front Populaire contre le gouvernement de Michel Barnier sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, Emmanuel Maurel était l’invité de #LaMidinale du magazine Regards pour examiner et expliquer en détail les enjeux politiques de cette motion de censure et leurs conséquences pour les Français et pour la gauche.

Comment sortir d’une situation où Emmanuel Macron a voulu que le gouvernement soit à la merci du Rassemblement National ? Comment renforcer le socle électoral et social de la gauche en consolidant notre programme et en reprenant langue avec les syndicats ? Comment proposer et apporter des réponses aux attentes des Français et à une société qui a été brutalisée ?

Violences conjugales, violences sexistes et sexuelles : au-delà de l’indignation, passons à l’action

Le procès Pélicot a mis une nouvelle fois sur le devant de la scène une triste réalité : les violences conjugales persistent. Ce procès en dévoile l’horreur et surtout, la normalisation de ces violences au regard des profils des 50 accusés (sur 80 dont la totalité n’a pas pu être identifié), qui sont des hommes de tout horizon : militaire, boulanger, pâtissier, pompier, chômeur, jeune, retraité, chauffeur routier, ouvrier, électricien, etc. Le violeur et l’agresseur n’ont pas de visage et ne répondent à aucun critère prédéfinis.

Cette persistance des violences conjugales dans notre société est constamment sous nos yeux, en atteste les chiffres des associations féministes :

  • Entre 2018 et 2022 les signalements de violences conjugales ont augmenté de 83% ;
  • Les signalements de violences sexuelles ont augmenté de 100% en 10 ans ;
  • 1 femme est tuée en moyenne tous les 3 jours par son conjoint ou ex-conjoint : on dénombre en date du 4 octobre 2024, 105 féminicides en France1  et 122 si on se réfère au décompte du collectif « Nous Toutes » au 23 novembre 2024 ;
  • Dans 45% des cas, les viols sont commis dans l’enceinte du foyer ou par un conjoint ou un ex-conjoint.

Déjà en 2002, le Conseil de l’Europe soulignait la récurrence et l’impact de ces violences « selon les statistiques, pour les femmes de 16 à 44 ans, la violence domestique serait la principale cause de décès et d’invalidité, avant le cancer, les accidents de la route et même la guerre. Elle doit, en conséquence, être traitée comme un problème politique et public, et une violation des droits de l’homme2. ».

Angle mort des politiques gouvernementales

Pourtant, Gérald Darmanin l’ancien ministre de l’Intérieur a voulu cacher son impuissance à lutter contre ces violences avec des mesurettes, notamment les fameux flyers distribués en 2023 pour informer sur les comportements à adopter en tant que témoin ou victime d’une agression. La sensibilisation est assurément utile, même nécessaire, mais ne constitue pas une réelle politique publique. Pourtant, le ministre avait lui-même indiquer vouloir faire de la lutte contre les violences conjugales, une priorité des forces de l’ordre.

La Fondation des Femmes, dans son rapport publié en septembre 20233, estime à 2,6 milliards d’euros le budget minimum devant être consacré à une politique de lutte contre les violences conjugales en comparaison au budget réel de l’État de 2023 de 184,4 millions d’euros. Malgré une augmentation du budget depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019, cela n’est pas suffisant, notamment au regard de l’augmentation du nombre de femmes et d’enfants victimes de violences.

Ainsi, la France échoue à conduire une politique publique efficace en matière de lutte contre les violences conjugales. Pourtant, des pays voisins comme la Suède ou l’Espagne nous montrent que cette impuissance étatique n’est pas une fatalité. A titre d’exemple, depuis l’adoption de la loi « mesures de protection intégrale contre la violence conjugale » en 2004, le nombre de féminicides par an est passé de 72 à 30 en 2020 en Espagne.

L’horreur du procès Pélicot mobilise fortement la presse française et mondiale et les organisations féministes, et serait « l’occasion » (bien qu’il soit très dommageable d’avoir besoin d’une telle tragédie pour envisager des mesures concrètes) de repenser complètement nos moyens de lutte contre les violences conjugales en France. Pourtant, il n’en est rien : il est fort peu probable, que le nouveau ministère de l’Intérieur Bruno Retailleau, au regard de ses positions en matière de droit des femmes se saisisse de ce sujet. En effet, il faut rappeler qu’il a notamment voté contre la constitutionnalisation de l’IVG ou encore contre la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

Réagir n’est pas seulement urgent : c’est nécessaire. Alors que faire ?

En tant qu’organisation politique, nous défendons la nécessité de pouvoir co-construire cette feuille de route de lutte contre les violences conjugales envers les femmes et les enfants avec toutes les organisations concernées : organisations féministes, associations, etc.

Quelques pistes peuvent être proposées, défendues depuis longtemps par les organisations féministes et les associations et que portent la GRS dans son programme :

  • D’abord, il est urgent de former les forces à l’ordre aux violences faites aux femmes et aux enfants. Cette mesure peut sembler anecdotique, pourtant le traitement de ces dossiers démontre aujourd’hui un manque crucial de sensibilisation et de formation. Des personnels dédiés doivent être recrutés pour traiter les questions des violences faites aux femmes et aux enfants. Le traitement des plaintes des femmes est aujourd’hui un réel problème, voir un supplice, qui empêche les femmes de dénoncer les violences et les viols quand elles en subissent. Gisèle Pélicot, a elle-même témoigné en ce sens lors du procès. Les femmes sont souvent victimes et accusées : il faut absolument sortir de cette logique ;
  • De même, il devient urgent de former les professionnel.les de la justice à l’accueil, à l’écoute et au recueil de la parole des victimes des violences faites aux femmes. L’accompagnement qui en suivra et le traitement de la plainte par la justice n’en seront que mieux vécus. Ce constat du manque de professionnalisation de la police et de la justice est ressenti par toutes les personnes actrices de la médiation sociale qui œuvrent dans l’accompagnement des femmes victimes de violences. Il s’agit là de garantir une qualité d’intervention digne, efficace qui rende les services de l’État capables de protéger et de rendre justice aux yeux des citoyennes et citoyens ;
  • Au-delà de la formation des forces de l’ordre, il faut que l’État forme au travers de l’école et dès le plus jeune âge, les enfants sur ces problématiques. Que ce soit au travers des cours d’éducation à la sexualité, au consentement, au vivre-ensemble. Bien que cela soit une obligation légale, le Haut Conseil à l’Égalité relève que cela n’est pas suffisamment appliqué dans les établissements. Il devrait également être du devoir des employeurs de former leurs collaborateurs au sexisme au travail et à mettre en œuvre des actions pour prévenir le sexisme et le harcèlement sexuel ;
  • Il faut améliorer la prise en charge des personnes victimes de violences : au-delà de l’assistance téléphonique, il faut donner les moyens aux forces de l’ordre de pouvoir intervenir rapidement et efficacement. Il faut également pouvoir fournir une assistance et un suivi psychologique gratuit aux victimes, tout comme des hébergements d’urgence qui respectent la dignité humaine. Même si la France s’est améliorée sur ce point depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019, le nombre de places disponibles n’est toujours pas suffisant ;
  • L’action des associations de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants doit être davantage subventionnée par l’État : à l’instar de la maison des femmes de Saint-Denis ;
  • Il est nécessaire de conduire des campagnes de sensibilisation massives et régulières, à l’instar de ce qui a pu être fait pour la sécurité routière ;
  • Il s’agit de réguler l’accès aux contenus faisant la promotion de la violence et susceptible d’influencer les comportements dans les relations interpersonnelles et d’entraîner des violences. C’est notamment le cas de certains contenus pornographiques. Le Haut Conseil à l’Égalité dans un rapport indique notamment que du fait du visionnage de tels contenus, 47% des garçons estiment que les filles « s’attendent » à ce que les rapports sexuels impliquent une agression physique et 42% pensent que la plupart des filles « apprécient » les actes d’agression sexuelle.

Depuis longtemps, des solutions sont mises en avant. Il est temps que le gouvernement s’en saisisse et accompagne les paroles d’actes concrets.

Chloé Petat, la GRS Seine-Saint-Denis et pôle féminisme de la GRS

1 Ces chiffres proviennent des études citées, par la Fondation des Femmes et le Haut Conseil à l’Égalité, et également du Ministère de l’Intérieur.

2 https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=17055

3 Fondation des Femmes, septembre 2023 « Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? » https://fondationdesfemmes.org/actualites/rapport_ou_est_argent_pour_les_femmes_victimes_de_violences/

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