Hôpital : sont-ils devenus fous !

Nous espérions (à tort) que la COVID était derrière nous, qu’il fallait tourner la page, que d’autres sujets méritaient toute notre attention. Sur ce point, il est vrai que de nombreuses préoccupations sont majeures : Énergie, Inflation, guerre en Ukraine, impuissance d’une assemblée paralysée par le manque de majorité politique, précarité, réchauffement climatique.

Mais voilà, le COVID refait son apparition, pour une neuvième vague. À bas bruit… une vague, une vaguelette ou un tsunami ? La différence n’est d’ailleurs pas tant sur la virulence ou pas de cette nouvelle saison de COVID, la différence de qualificatif de celle-ci réside plutôt dans nos capacités collectives à tenir le front, à maintenir la digue.

L’hôpital public est à terre et rien n’est fait pour le reconstruire. Il ne s’agit pas d’un effet conjoncturel, comme Olivier Véran et ses complices ont voulu nous le vendre lors des précédentes vagues ; il ne s’agit pas d’une situation exceptionnelle due aux inconséquents qui n’ont pas voulu se faire vacciner (dans un contexte de communication politique et de santé publique inexistant), il s’agit bien d’une destruction en cours de notre système de soins.

Bien sûr, ça fait 30 ans que l’hôpital s’écroule et on ne peut pas tout mettre sur le dos de la Macronie, mais quand même ! Jamais une majorité (quand ils avaient encore une majorité) n’avait eu si belle occasion de reconstruire ce que leurs prédécesseurs avaient commencé à détruire (Sarkozy, Hollande) : les (presque) pleins pouvoirs, une logique du « quoi qu’il en coûte » permettant des investissements massifs de reconstruction, un contexte géopolitique où les champions mondiaux du néolibéralisme lançaient à tours de bras des mesures digne du « new deal ».

Emmanuel Macron , qui avait critiqué les aspirations populaires des « Gilets Jaunes » en les traitant de « Gaulois réfractaires », s’est transformé en un Abraracourcix conservateur, chef du dernier village gaulois défendant sa vision néolibérale anachronique et inadaptée du monde.

Et pour quel résultat ?

Pénurie de soignants, pénurie de médicaments, pénurie de structures, pénurie d’une véritable politique sanitaire pourrait-on dire. Souvent, on a tancé la gauche en l’accusant de vouloir raser gratis, avec Macron, on est servi, on rase tout court., et en premier lieu l’hôpital.

Aujourd’hui, quelle que soit l’ampleur de la vague, l’hôpital est déjà sous l’eau et il ne veut même pas commencer à écoper !

Nous, les délégués des militants de la Gauche Républicaine et Socialiste, n’avons pas renoncé à changer la vie, et concernant l’hôpital public, nous n’avons pas renoncé à lui sauver la vie. C’est la motivation de la résolution adoptée lors de notre congrès et que vous retrouverez ci-dessous.

Face à la 5e vague, renforcer le soutien aux chômeurs et aux entreprises

Le 3 janvier 2022, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance a annoncé qu’il prolongeait les dispositifs « coûts fixes » et le soutien à l’activité partielle pour les mois de décembre et janvier.
Ainsi les entreprises des secteurs impactés (S1/S1bis) pourront bénéficier, pour ces deux mois d’une compensation de 90% (70% pour les entreprises de plus de 50 salariés) des pertes d’exploitation. Par ailleurs Les entreprises perdant plus de 65% de leur chiffre d’affaires, ou soumises à des restrictions sanitaires (interdiction des consommations debout, interdiction des consommations dans les lieux culturels, etc.), pourront bénéficier du dispositif de l’activité partielle sans reste à charge. Au regard des incertitudes de la période et des probables évolutions erratiques de l’activité économique avec le COVID, il nous paraît nécessaire d’étendre la poursuite du dispositif jusqu’à l’été 2022 et pas seulement à décembre 2021 et janvier 2022.

La GRS considère que s’il faut soutenir les entreprises pendant la crise sanitaire, il n’est pas acceptable que pour autant, le gouvernement oublie la situation dramatique de nombreux intermittents de l’emploi. Si les entreprises sont aidées c’est qu’elles ne peuvent pas embaucher et donc les chercheurs d’emplois rencontrent des difficultés plus grandes à trouver un emploi.
C’est pourquoi la GRS demande au gouvernement de prolonger la période d’indemnisation chômage de la même durée que l’aide aux entreprises.
La GRS rappelle sa ferme opposition à la réforme de l’assurance-chômage en vigueur depuis le 1er octobre 2021 (après un premier échec en novembre 2019) et exige l’instauration d’une assurance-chômage qui garantit à la fois un revenu de remplacement approprié et un accompagnement adapté aux besoins de chacun.

De la prévention au climat : un plan d’investissement isolation & ventilation pour un air plus sain et des bâtiments plus sobres

COVID19 : de la pandémie à l’endémie

Depuis son apparition au début 2020 la pandémie COVID19 a causé en France près de 120 000 morts, (l’équivalent de 10 % des décès sur la période 2020-2021) ; un nombre au moins équivalent de patients sont passés par les services de soin intensif et y ont subi des soins lourds entraînant séquelles et/ou congés maladie de longue durée, d’autres, affectés de manière moins aiguë ont à subir les effets invalidants d’un COVID « long » encore mal compris. En décembre 2020 nous subissons la 5e vague de cette pandémie. Même si la vaccination en France n’est pas aussi complète qu’en Espagne ou au Portugal (qui ont réussi à vacciner plus de 98 % des personnes de plus de 70 ans alors qu’environ 10 % de cette population reste à vacciner en France) le taux de vaccination français dans la population adulte est suffisamment élevé pour qu’avec la généralisation du rappel (3e dose), on puisse espérer voir notre système de santé tenir (une fois de plus) face à cette 5e vague.

La nécessité d’une politique de prévention

Même si la vaccination se généralise, même si des traitements curatifs devraient devenir progressivement disponibles, il est à craindre que le COVID19 ne devienne une maladie endémique, i.e. qu’elle devienne comme la grippe (10 000 morts par an en France) une affection annuelle. Dans ce contexte, il est certes indispensable de remettre à remettre à flot le système de santé et tout particulièrement l’hôpital public. Mais s’il faut se donner les moyens de soigner, il convient également de se donner les moyens de prévenir, de façon à limiter en amont la propagation de l’épidémie.

L’exemple de la sécurité routière

Avant d’aborder le cas spécifique du COVID, revenons rapidement sur un exemple de prévention réussie : la sécurité routière. Entre 1972 (le pic de mortalité) et 2019 (avant la pandémie), le nombre de morts sur la route est passé de 18034 à 3244 (une baisse de plus d’un facteur 5) alors même que le trafic a lui augmenté d’un facteur presque 3. Le nombre de tués par milliard de voiture-kilomètres parcourus est ainsi passé de 77 à 5.2. Ce succès historique tient à la mise en place progressive d’un ensemble de mesures complémentaires qui ont porté sur : l’encadrement des comportements individuels (limitations de vitesse, du taux d’alcoolémie, interdiction des stupéfiants, port de la ceinture des sécurité ; un travail normatif sur la sécurité des véhicules (résistance aux crash-test, airbag, pare-brises feuilletés) ; un travail de sécurisation des infrastructures routières (identification et sécurisation des points les plus dangereux, diminution des passages à niveau, etc.). C’est la combinaison de l’ensemble de ces mesures qui a permis de faire de la route un endroit plus sûr1.

1 chiffres extraits du site de l’observatoire national interministérielle de la sécurité routière: https://www.onisr.securite-routiere.gouv.fr

La prévention du COVID ne saurait s’appuyer sur la seule stratégie vaccinale

Aussi efficaces soient les vaccins, leur couverture ne saurait être totale, ni leur protection parfaite. On constate d’ailleurs dans le cas du variant delta l’importance de la différence entre l’efficacité (préservée) de la protection vaccinale vis-à-vis de la gravité de la maladie et l’efficacité (altérée) vis-à-vis de la transmission. Du fait de son manque d’efficacité vis-à-vis de la transmission, ces vaccins initialement conçus pour le variant alpha demeurent un outil de prévention (de protection) individuelle mais ont pour partie perdu leur statut d’outil de prévention collective : ils permettent de diminuer l’afflux de patients à l’hôpital mais pas de juguler la propagation de l’épidémie.

Responsabilisation individuelle et coercition

Jusqu’ici la politique de prévention s’est essentiellement appuyée sur l’encadrement des comportements individuels (port du masque, distanciation sociale), une stratégie vaccinale fondée sur le seul concept de l’offre (pas d’obligation vaccinale non plus que de convocations individuelles comme le pratiquent avec succès l’Espagne et le Portugal), la mise en place de restriction des libertés individuelles (confinement, couvre-feux, pass sanitaire), la facilitation/massification de l’accès au dépistage (gratuit jusqu’à octobre dernier) et une politique (assez inefficace) de traçage : solutionnisme technologique via le développement de l’application stop-covid devenue ensuite tous-anti-covid ; manque d’investissement humain pour constituer des brigades de traçage1.

1https://www.mediapart.fr/journal/france/041221/sous-effectif-precarite-regles-obsoletes-le-tracing-est-deborde-par-le-coronavirus

Transmission aérosol

La difficulté et l’échec relatif des politiques de traçage tiennent notamment à une caractéristique du COVID19. A l’instar d’autres maladies respiratoires (grippe, tuberculose), sa transmission est essentiellement aéroportée : le virus SARS-COV2 est transporté dans l’air via l’émission des micro-gouttelettes (de tailles inférieure à 50-100 microns, le diamètre d’un cheveu) que nous émettons en respirant ou en parlant. A l’inverse des postillons, celles-ci sont suffisamment petites pour rester très longtemps (plusieurs heures) en suspension dans l’air et contaminer des personnes distantes de l’émetteur, même après que celui-ci a quitté la salle. Afin de diminuer les risques de transmission, il est donc crucial d’aérer, de ventiler et de contrôler l’atmosphère intérieure des logements, lieux de travail et autres bâtiments recevant du public.

Aération-ventilation-Taux de CO2

Malgré les alertes précoces (dès l’été 2020) d’une partie de la communauté scientifique, notamment au travers de l’initiative ProjetCO21 , l’existence de méthodes de mesure de la qualité de l’air (via le taux de CO2 – également émis lorsque nous respirons) et de normes tant sur la ventilation que les taux de CO2 dans les espaces clos, la communication sur l’importance de l’aération et la ventilation est restée jusqu’ici très en retrait vis à vis des autres mesures recommandées pour la prévention.

Pas plus qu’il n’y avait de fatalité à accepter de voir la jeunesse française fauchée par les accidents automobiles, il n’y a de fatalité de voir hôpitaux et établissements scolaires devenir les principaux foyers de contamination de la pandémie au COVID du fait d’une mauvaise ventilation. Comme le souligne l’Académie des Sciences dans son avis du 11 juin 20212, la relation entre la santé des enfants ou des adultes et l’aération des lieux fermés n’est pas une question nouvelle. Qu’il s’agisse d’écoles ou d’universités, de transports en commun, d’ateliers ou d’immeubles de bureaux, ces questions ont fait l’objet d’analyses scientifiques, préconisations légales et incitations multiples. Par ailleurs, au-delà de la crise sanitaire due au COVID19, l’aération et la ventilation des lieux fermé sont des méthodes de prévention déjà connues de la plupart des maladies respiratoires (au premier rang desquelles la grippe), ainsi que de la pollution intérieure (Composés Organiques Volatils, fibres, monoxyde de carbone, moisissures, etc.) connue pour être souvent très supérieure à la pollution atmosphérique3. Enfin le taux de CO2 est également important à contrôler dans le contexte scolaire puisqu’au delà de 1000 ppm, il est connu pour altérer les performances cognitives des élèves.

Si la France est un des rares pays européens à n’avoir pas revu les règles relatives à la ventilation des logements depuis plus de 30 ans4, il reste que des règles existent, généralement fondées sur des travaux de la fin du XIXe siècle. L’arrêté du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris5 stipule ainsi dans son article 64 : « En aucun cas, dans les conditions habituelles d’occupation, la teneur de l’atmosphère en dioxyde de carbone ne doit dépasser 1 pour mille avec tolérance de 1,3 pour 1000 dans les locaux où il est interdit de fumer. » Alors même que depuis près de 2 ans les Français vivent sous un régime d’exception, il ne s’est trouvé personne au gouvernement pour faire simplement appliquer la législation existante.

1https://projetco2.fr/

2 https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/2021_06_11_Avis_CO2.pdf

3Site de l’Office de la Qualité de l’Air Intérieur: https://www.oqai.fr/fr

4 Le guide technique de la ventilation – Terre vivante 2013

5 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070308/2021-05-27/

Propositions

Pour compléter la politique vaccinale et l’indispensable remise à flot de l’hôpital public nous proposons de développer une politique de prévention basée sur la ventilation, la mesure des taux de CO2 dans les locaux fermé, et tout particulièrement dans l’habitat, les établissements scolaires, les hôpitaux et les entreprises.

Travail normatif – il sera entrepris en partenariat avec des partenaires institutionnels, tels que l’Office de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI), le Centre Scientifique et technique du Bâtiment (CSTB) pour mettre à jour la réglementation sanitaire relative à la qualité de l’air intérieur, sa mesure (en particulier le taux de CO2) et à la ventilation.

Commande publique – Un plan de mise aux normes des établissements publics sera lancé pour équiper en capteurs de CO2 et rénover leurs système de ventilation. La priorité sera donnée aux hôpitaux et aux établissements scolaires et universitaires. L’élaboration des éléments techniques associés à cette commande publique sera effectuée en partenariat avec des partenaires tels que l’ADEME en sus du CSTB et de l’OQAI. La ventilation des bâtiments ne saurait en effet être mise en œuvre sans prendre en compte la qualité de leur isolation (intérêt de la ventilation double flux, de la ventilation naturelle assistée).

Développement d’une filière technologique isolation/ventilation – L’isolation des bâtiments comme la mise en place, le contrôle et la maintenance d’un système de ventilation requièrent un savoir faire et des technologies de haut niveau. Si la commande publique peut permettre de viabiliser un réseau de TPE/PME spécialisées dans l’installation, il convient aussi de pouvoir s’assurer du respect de la qualité des travaux, de pouvoir fabriquer les matériaux et les équipements nécessaires et de développer des certifications, des mentions et/ou des diplômes spécifiques à tous les niveaux nécessaires (BEP, Bac, DUT, ingénieur).

-Plan de mise aux normes isolation/ventilation du bâti ancien – La question de l’isolation de l’habitat et du bâti ancien peut sembler dépasser le cadre de cette note motivée par la prévention COVID. Du point de vue technique, isolation et ventilation sont pourtant étroitement liées et requièrent un grand savoir-faire technique. Combiner ces deux approches et ainsi pertinent du point de vue industriel et technologique mais permet également de porter un point de vue original sur un sujet devenu consensuel, la sobriété énergétique via l’isolation. Si l’accord est général sur la nécessité d’isoler le bâti ancien, la question de sa mise en œuvre, est quant à elle beaucoup plus problématique et en fait très politique. Depuis 20 ans au moins, celle-ci repose sur des politiques d’incitations, en particulier via des crédits d’impôt. Ces politiques ont été d’une efficacité médiocre, voire ont généré des escroqueries variées. Par ailleurs la qualité des travaux effectués, et donc les gains énergétiques n’ont pas toujours été au rendez-vous. Sur ce sujet la différenciation politique doit se faire sur la méthode. Il faut sans doute assumer une stratégie de planification beaucoup plus dirigiste, accompagnée de la mise en place d’une filière technologique.

Une pandémie ne s’arrête pas à la taille du portefeuille

L’Allemagne annonce reconfiner deux cantons autour de la ville de 100 000 habitants de Gütersloh. Elle y envoie également trois compagnies de policiers en renfort.

Le crime des habitants de cette ville? vivre à proximité de l’usine de viande – abattoir et empaquetage combinés – de 6000 salariés de Tönnies.

Son PDG, le patriarche Tönnies, est le propriétaire et président du club de football de première division Schalke 04.Il a doublé sa fortune entre 2015 et 2020 d’après Forbes, passant de 1 à 2 Milliards d’Euros. C’est l’un des grands donateurs au parti de la chancelière Angela Merkel.

Quant à l’usine Tönnies, elle compte aujourd’hui plus de 1700 cas positifs d’ouvriers contaminés au Coronavirus.

Nombre d’entre eux sont des travailleurs acheminés au début du confinement – le ministre de l’intérieur avait ouvert en mars les frontières à quelques dizaines de milliers de travailleurs venus de Roumanie et Bulgarie qu’on appelle plus « détachés » depuis les réformes de forme de 2018.

Les rabatteurs des « travailleurs détachés » ont depuis, comme le décrit le syndicaliste de la filière Brummer, créé des SARL de droit allemand, et, recrutant sous ce faux pavillon, poursuivi l’exploitation antérieure de « les faire travailler et vivre de manière indignes » dit Brummer.

Le pasteur Peter Kossen s’occupe des ouvriers roumains et bulgares de la filière de la viande pas chère allemande dans la région où se trouve l’usine Tönnies. Après être acheminés, ils sont logés dans des foyers, dans des chambres de 2, 3, 4 ou plus, dont ils doivent acquitter le loyer à … leurs employeurs. On parle de loyers de 300 euros, renforçant la dépendance économique de ces ouvriers aux donneurs d’ordre. Il a parlé, à la télévision publique, « d’esclavage moderne« .

La contamination dans ces foyers d’ouvriers est inévitable.

Entre temps, le procureur a ouvert 5 enquêtes judiciaires contre Tönnies, l’entreprise et le dirigeant.

Mais déjà en avril prés de 5 abattoirs d’entreprises concurrentes avaient connu, dans des conditions analogues, jusqu’à la moitié de leurs ouvriers contaminés.

En 2018, il y avait eu beaucoup de bruit et de vent brassé pour « annuler la directive du travailleur détaché ». On a réformé sur le papier un instrument formel, sans s’attaquer aux causes profondes du dumping salarial en Union Européenne. « Bien qu’on nous ait vendu un changement de paradigme avec la directive sur le travail détaché, censée mieux protéger les droits des travailleurs, nous voyons qu’il n’en est rien. (…) Nous constatons encore une fois que le discours sur le meilleur encadrement du travail détaché est une voie sans issue. Il faut en finir avec ce dispositif et abroger toute la législation qui permet le détachement des travailleurs. Sans cela, l’idée d’une Europe sociale et solidaire restera un slogan creux. » disait déjà notre député européen Emmanuel Maurel en 2019.

La filière de la viande allemande a profité à fond des concessions accordées par le président Hollande à l’axe Merkel-Cameron en 2013. Il a utilisé le dumping salarial d’ouvriers agricoles est-européens présents six mois par an pour liquider les filières d’élevage en France, en Grèce, en Italie. Loin d’accepter le principe d’une spécialisation progressive des espaces européens qui permettrait par exemple à la France, en exportant de l’agroalimentaire en Allemagne, d’avoir les moyens d’y acheter des machines et des voitures, l’Allemagne a tout voulu, préférant que ses voisins s’endettent pour lui acheter ses biens industriels, mais aussi ses biens agricoles, ses biens financiers. Un peu plus, et l’Allemagne supplantait la côte d’azur avec la mer baltique.

Entre 2012 et 2020, la France est devenue importatrice nette de produits agro-alimentaires avec l’Allemagne.

C’est la conséquence de deux idéologies consubstantielles aux traités existants, et destructeurs de toute ambition sociale en Europe : celle de la compétitivité, qui, en magnifiant la concurrence entre Nations, organise une guerre économique sans pitié aux dépens des classes populaires et moyennes, et celle de la libre concurrence, qui empêche les États de protéger leurs standards sociaux, sanitaires et politiques.

Ce système profite à un pays disposant d’un « hinterland » de ressources humaines et matérielles, ce que les grands pays de l’Est sont à l’Allemagne.

Tant que ce système dominera, il n’y aura aucun espace pour une harmonisation des salaires, sinon à la baisse, pour une harmonisation des protections sociales et sanitaires. Les Tönnies doubleront leurs fortunes tous les cinq ans au prix de la misère et la mortalité de leurs salariés.

L’idéologie du gain du propriétaire, qui touche toujours son dividende, contre le salaire, lui toujours poussé à la baisse, explique à la fois le doublement de la richesse de monsieur Tönnies, et la contamination de plus de 30% de ses salariés.

Un nouvel abattoir, de la marque Wiesenhof, est à son tour touché. 57 salariés sont déjà testés positifs, 1300 doivent encore l’être.

Mais cette logique est à l’œuvre dans toute l’Europe.

Il est temps, au nom du Bien Public, d’y mettre fin.

Une pandémie ne s’arrête pas à la taille du portefeuille.

Corée du sud : une gestion réussie de la crise sanitaire mais après ?

La semaine dernière se tenaient des élections législatives en Corée du Sud. Le pays n’est pas sorti de l’opposition entre libéraux et conservateurs, lesquels totalisent chacun un tiers des voix au vote proportionnel mais obtiennent respectivement 163 et 84 sièges (sur 300) grâce à la prépondérance du scrutin majoritaire, qui attribue encore 85% des sièges. Ces deux partis sont parvenus à court-circuiter la nouvelle dose de proportionnelle qui prévoyait d’allouer des sièges aux partis qui n’avaient pas obtenu de députés grâce au scrutin majoritaire : ils n’ont pas présenté de liste au scrutin proportionnel et ont télécommandé des partis frères avec la même plateforme idéologique mais qui n’ont pas été handicapés par leur résultat au scrutin majoritaire pour l’attribution des sièges.

La victoire nette des libéraux du parti démocratique de Corée, qui obtiennent une majorité absolue des sièges, n’est pas l’évènement le plus notoire de cette élection. La participation de 66% est la plus élevée depuis 30 ans. Le gouvernement libéral a bénéficié d’un regain de popularité à la suite de sa gestion efficace de la crise du coronavirus.

Force est de constater qu’Emmanuel Macron, qui se réclame de la même idéologie libérale progressiste que le parti démocrate coréen, n’est pas parvenu au même succès que ceux-ci. La Corée du Sud a adopté des mesures étatiques immédiates, contrairement au louvoiement que nous avons connu en France. Plus encore, le système sanitaire coréen n’a pas connu dix ans d’austérité et la prévention a pleinement joué son rôle. C’est ainsi que la confiance dans les institutions a pu se maintenir et eu un effet électoral positif pour le gouvernement lors des élections.

Dans un pays où la moindre mesure de redistribution est cataloguée comme de la propagande nord-coréenne, et le résultat ne pouvait qu’être marginal pour les deux partis de gauche, qui ne cumulent respectivement que 10 et 1% des voix au scrutin proportionnel. Seul le premier, le parti de la justice, obtient des élus, 6 sièges. Le second, le parti populaire, perd son unique député. Ce parti avait été interdit en 2014 malgré les protestations d’Amnesty International après un scandale lié à des accusations d’espionnage pour la Corée du Nord.

Malgré la bonne gestion de la crise du coronavirus par le gouvernement, de grands défis l’attendent. Les inégalités sociales sont immenses et ont été exposées au monde et au peuple par le film Parasite. Si le gouvernement ne prend pas la mesure des effets destructeurs de ces inégalités, la situation risque de devenir explosive. En l’absence de mouvement politique structuré d’opposition aux injustices du marché qui donnerait l’espoir d’une alternance politique, la révolte pourrait être violente et dirigée tous azimuts, tout comme le serait la répression. Toute opposition pacifique à l’ordre et aux désordres du marché étant disqualifiée parce qu’assimilée à l’ennemi du nord, elle pourrait prendre des formes plus chaotiques.

Si la Corée du Sud connaissait un mouvement de gilets jaunes, il ne fait aucun doute que les libéraux au pouvoir, comme en France, réprimeraient violemment ce mouvement sans offrir de débouché social. Combien de temps durerait alors l’état de grâce d’une gestion efficace de l’Etat lors de la crise sanitaire ?

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles à l’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions de procédure pénale

ordonnance prise sur le fondement des articles 4 & 11 de la loi d’urgence

Le confinement s’est traduit pour les entreprises par l’arrêt ou la réduction de leur activité. Or les actions gouvernementales de soutien aux entreprises ont rapidement montré leurs limites (une entreprise peut ne pas être éligible aux prêts aidés/garantis par l’État (Bpi France) lorsqu’elle est « en difficulté » au sens de la législation européenne, alors que pourtant il avait été indiqué que le droit de l’union européenne concernant les aides d’Etat serait suspendu). La nécessité d’un traitement judiciaire – au mieux préventif – mais spécifique s’est rapidement imposée. C’est à cela que veut répondre la présente ordonnance. Plusieurs dispositions du Livre VI du code de commerce sont ainsi adaptées au contexte de la crise sanitaire.

L’ordonnance adapte d’abord des règles pour l’ouverture des procédures, règles applicables aux tribunaux et aux organes de la procédure dès le lundi 30 mars 2020 (I). Elle adapte également les règles applicables aux procédures en cours en prolongeant les délais de procédure et les plans (II).

I – L’adaptation des règles applicables à l’ouverture de la procédure

A – L’ouverture d’une procédure collective ou de conciliation

Une entreprise (au sens large) ou une association peut demander l’ouverture d’une procédure de conciliation ou une procédure collective. Le rapport accompagnant l’ordonnance précise que le débiteur « et lui seul » peut demander l’ouverture de la procédure, quelle qu’elle soit, ce qui écarte toute assignation par un créancier.

L’ordonnance a simplifié la procédure d’ouverture en incitant le débiteur à ne pas comparaître devant le tribunal. Celui-ci peut en effet saisir la juridiction par une remise au greffe, et formuler ses prétentions et ses moyens par écrit sans se présenter à l’audience, en insérant la demande d’autorisation prévue à l’article 446-1, alinéa 2, du code de procédure civile. Le président du tribunal peut recueillir les observations du demandeur par tout moyen.

Dans le même esprit, les communications entre le greffe du tribunal, l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire, ainsi qu’entre les organes de la procédure, sont également simplifiées puisqu’elles peuvent se faire par tout moyen conformément à l’ordonnance n° 2020-304 adaptant les règles des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale. D’ailleurs, l’article 7 de l’ordonnance permet de tenir les audiences grâce à un moyen de communication audiovisuelle, c’est-à-dire par visio-conférence et, en cas d’impossibilité technique ou matérielle d’y recourir, par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Ces règles dérogatoires s’appliquent jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Remarque :

L’ordonnance met donc fin à certaines spéculations puisque l’on pouvait douter de la possibilité d’ouvrir ces procédures après l’intervention d’Emmanuel Macron le 12 mars 2020 annonçant qu’« aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite ». Au demeurant, au regard des difficultés de mise en œuvre du fonds de solidarité et de la garantie d’emprunt de la BPI, cette nouvelle contradiction de la parole de l’exécutif ne manque pas de décevoir nombre de chefs d’entreprise.

B – La fixation légale de l’état de cessation des paiements

L’ordonnance précise que « l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 ». Cette appréciation de la situation des entreprises s’appliquera jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cette date est également celle retenue en matière agricole pour apprécier l’état de cessation des paiements lorsque l’accord conclu dans le cadre de la procédure de règlement amiable n’y a pas mis fin.

Toutefois, l’ordonnance laisse ici en suspens les demandes de redressement judiciaire déposées avant le 12 mars 2020 et non instruites par la juridiction avant le 12 mars 2020. Si l’hypothèse est peu probable pour les juridictions consulaires qui tiennent des audiences hebdomadaires, elle mérite d’être soulevée pour les tribunaux judiciaires qui font face à des délais d’instruction des demandes de redressement plus longs et peuvent avoir à connaître des déclarations de cessation des paiements déposées avant le 12 mars 2020.

La fixation légale de la date de cessation des paiements présente plusieurs intérêts :

  1. Les entreprises peuvent bénéficier des mesures ou procédures préventives telles que la procédure de conciliation ou la procédure de sauvegarde, même si elles sont en état de cessation des paiements après le 12 mars et pendant la période correspondant à l’état d’urgence sanitaire majorée de 3 mois. En matière agricole, l’article 3 de l’ordonnance précise que l’aggravation de la situation du débiteur à compter du 12 mars 2020, jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, ne peut faire obstacle à la désignation d’un conciliateur dans le cadre de la procédure de règlement amiable.
  2. Le processus de garantie des salaires est accéléré ; il est permis au mandataire judiciaire d’envoyer « sans délai » les créances salariales dès l’ouverture de la procédure, et de déclencher le versement des sommes par le régime de garantie des salaires (AGS ; art. 1er, I, 2°).
    L’ordonnance reste toutefois silencieuse sur les formalités de recueil des observations du représentant du personnel par le mandataire judiciaire. La présentation des relevés de créances salariales se fait toujours sous la responsabilité du mandataire de justice qui veillera à fournir des informations vérifiées.
  3. La fixation légale de la date d’état de cessation des paiements évite d’exposer le débiteur personne physique ou le dirigeant de la société débitrice à des sanctions personnelles pour avoir déclaré tardivement l’état de cessation des paiements. Le rapport lié à l’ordonnance énonce : « La fixation au 12 mars 2020 de la date d’appréciation de l’état de cessation des paiements ne peut être conçue que dans l’intérêt du débiteur ». L’ordonnance a toutefois réservé les modalités de report prévues à l’article L. 631-8 du code de commerce, relatif aux nullités de la période suspecte afin d’éviter toute fraude aux droits des créanciers.

II – La prolongation des procédures et des plans

A – La prolongation de la procédure de conciliation

Afin de favoriser les procédures amiables, l’ordonnance prévoit que la durée de la conciliation est prolongée de plein droit de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (art. 1er, II).

Cette mesure inscrit un principe de réalité lié au risque d’inertie des négociations avec les créanciers pendant la période couverte par la loi d’urgence, et aux difficultés auxquelles le débiteur et le conciliateur seront confrontés pour reprendre les négociations à l’issue de cette période. Aussi, jusqu’à l’expiration du délai de 3 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, il sera également possible d’ouvrir une nouvelle procédure de conciliation sans respecter le délai de 3 mois prévu à l’article L. 611-6 du code de commerce (art. 1er, II).

On peut peut-être ici regretter que l’ordonnance n’ait pas étendu cette disposition au mandat ad hoc en cours au 24 mars 2020. En effet, l’ordonnance d’ouverture du mandat ad hoc peut prévoir une durée (par exemple 6 mois), durée qui peut être prorogée sur demande du mandataire ad hoc et sur ordonnance présidentielle (?!).

Remarques : Il aurait été cohérent de prévoir la prorogation également pour le mandat ad hoc, ce qui aurait évité au mandataire ad hoc de présenter une requête au Président qui devra traiter des demandes plus urgentes.

B – La prolongation générale des délais de procédure pour les mandataires de justice

Le IV de l’article 1er de l’ordonnance permet au président du tribunal de prolonger les délais de procédure du Livre VI du code de commerce imposés à l’administrateur judiciaire, au mandataire judiciaire, au liquidateur ou au commissaire à l’exécution du plan, d’une durée équivalente à la durée de la période de l’état d’urgence sanitaire à laquelle seront ajoutés 3 mois. La requête peut être formée jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire. Cette disposition permet une prorogation des délais habituels qui risquent de ne pas pouvoir être respectés dans le contexte d’urgence sanitaire. Il appartiendra alors au président du tribunal d’apprécier, au cas par cas, dans quelle mesure les circonstances exceptionnelles justifient une prolongation de ces délais. Tel sera le cas par exemple du délai imposé au liquidateur pour la réalisation des actifs du débiteur dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire.

C – La prolongation de la période d’observation et la suppression de l’audience « intermédiaire »

S’agissant de la période d’observation, l’ordonnance prévoit plusieurs mesures d’adaptation. La durée de la période d’observation est prolongée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire à laquelle un mois aura été ajouté (art. 2, II, 1°). La période d’observation fixée par la cour d’appel, prévue à l’article L. 661-9 du code de commerce, est également prolongée.

L’ordonnance supprime par ailleurs, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, l’audience « intermédiaire » qui doit se tenir en principe au plus tard dans un délai de 2 mois à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire (art. L. 631-15, I du code du commerce) afin que le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation. Le rapport initialement établi par l’administrateur judiciaire ou le cas échéant par le débiteur est également suppimé. Reste cependant ouverte la possibilité pour le tribunal d’ordonner, à tout moment de la période d’observation, la cession partielle de l’activité ou de prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible (art. L. 631-15, II du code du commerce).

Remarques :

Si la suppression de cette audience dans le contexte sanitaire est plutôt opportune sur un plan économique en raison de l’absence totale ou partielle de chiffre d’affaires, elle peut être aussi périlleuse. Alors que la trésorerie est mise à rude épreuve, l’administrateur judiciaire sera amené à informer les organes de la procédure de la capacité de l’entreprise à financer la période d’observation. Cette communication pourrait prendre la forme d’un rapport permettant de savoir si l’entreprise est en capacité de pouvoir poursuivre son activité ou si, à l’inverse, une conversion en liquidation judiciaire s’impose (pour la prise en charge des salaires par l’AGS par exemple).

En l’absence d’administrateur judiciaire, le tribunal pourrait-il ouvrir une procédure de redressement judiciaire et ensuite laisser le dirigeant de l’entreprise sans jalon ? Cela paraît risqué, compte tenu des nombreuses difficultés auxquelles devra faire face le dirigeant, sauf à mettre à la charge du mandataire judiciaire, dont ce n’est ni le rôle ni la responsabilité, l’élaboration et la communication d’une information financière sur la situation de l’entreprise.

D – La prolongation des plans et de la liquidation judiciaire simplifiée

La prolongation de plein droit

L’article 2, II, de l’ordonnance prolonge de plein droit, sans tenue d’audience ou jugement, les durées relatives au plan, au maintien de l’activité et à la liquidation judiciaire simplifiée jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire et pour une durée équivalente à celle de la période de l’état d’urgence sanitaire plus un mois.

Cette prolongation est fondamentale pour les entreprises en plan pour éviter un état de cessation des paiements en raison de l’impossibilité de payer l’échéance du plan. Cela permet également au commissaire à l’exécution du plan d’avoir une base justificative pour ne pas solliciter la résolution du plan. Le report d’exigibilité semble toutefois limité pour les entreprises.

Or, l’entreprise devrait avoir besoin de mobiliser toutes ses ressources au 2ème semestre 2020 et en particulier sa trésorerie pour assurer un redémarrage de l’activité. Il aurait été peut-être opportun d’instaurer « une année blanche » et de décaler le plan d’un an.

La prolongation sur requête

Des délais supplémentaires pourront être accordés uniquement sur requête tels qu’encadrés par l’ordonnance. D’abord, sur requête du commissaire à l’exécution du plan, le président du tribunal peut, jusqu’à l’expiration d’un délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, prolonger les plans dans la limite de 3 mois après l’état d’urgence sanitaire (art. 1er, III, 1°). Une prolongation d’une durée maximale d’un an peut être prononcée sur requête du ministère public. Ensuite, après l’expiration du délai de 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire et pendant un délai de 6 mois, le tribunal peut, sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan, prolonger le plan pour une durée maximale d’un an (art. 1er, III, 2°).

S’agissant de ces prorogations de la durée du plan, le rapport au président de la République précise bien qu’elles sont possibles sans devoir respecter la procédure contraignante d’une modification substantielle du plan initialement arrêté par le tribunal.

E – La prolongation des délais de couverture des créances salariales

Les délais de couverture des créances salariales par l’AGS prévus aux 2° et 5° de l’article L. 3253-8 du code du travail sont également prolongés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire pour une durée d’un mois au-delà de la période d’état d’urgence sanitaire. Ces délais concernent les créances résultant de la rupture des contrats de travail à la suite d’un plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, ou pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation, ou à la suite d’une liquidation immédiate ou par conversion (art. 2, II, 2° et 3°).

Ces dispositions sont justifiées à juste titre par l’impossibilité pour l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le liquidateur judiciaire, de respecter des délais imposés pour la prise en charge de salaires ou indemnités par l’AGS. Il en est ainsi notamment pour la rupture du contrat de travail qui doit être réalisée dans les 15 jours de l’ouverture de la procédure de liquidation. Le non-respect de ce délai est une cause de refus de prise en charge par l’AGS. Le rapport lié à l’ordonnance précise que « la prolongation du délai accordé au mandataire de justice n’aurait pas de sens si les limites de la garantie de l’AGS n’étaient pas adaptées ».

Le double langage ou le « en même temps » de crise !

Alors que la situation sanitaire du Pays, de l’Europe et du Monde se détériore de jours en jours et que les messages provenant de Chine ou d’Italie nous enjoignent à adopter et respecter un confinement strict, seul moyen valide, pour l’instant, de freiner la progression de la pandémie, le gouvernement continue de pratiquer le « En même temps ».

Que ce soit dans les annonces du président ou du premier ministre, qui deviennent de plus en plus moralisateurs, ou dans les points presse quotidiens du professeur Salomon, qui annonce un durcissement de la crise pour les jours suivants, il faut bien se rendre à l’évidence que le « quoi qu’il en coûte » du discours présidentiel reste une belle formule, mais que nos dirigeants disruptifs ne changent pas de ligne dans cette période.

En effet, alors que les salariés du BTP ainsi que les organisations représentatives se posent légitimement la question de la continuité des activités, la ministre du travail, Murielle Penicaut les accuse de défaitisme et de désertion.

Les activités de construction se font toujours en co-activité et en collaboration entre corps d’état. Or si on sait gérer la co-activité pour se prémunir des accidents du travail, on ne peut pas organiser efficacement les mesures barrières sur un chantier. Outre le manque régulier de points d’eau pour se laver les mains, la pénurie de gel hydroalcoolique, ou la pénurie de masques qui doivent être réservés avant tout aux personnels soignants, les règles de distanciation ne peuvent être respectées, pour des raisons simples de sécurité.

En outre, les marchés de travaux de construction sont attribués selon des critères trop souvent économiques, ce qui élimine les petites entreprises artisanales locales. Les trajets effectués par les entreprises de plus grosses taille (souvent les groupes nationaux, Vinci, Eiffage, …) représentent ainsi autant de nouveaux vecteurs de propagation du virus, et la co-activité inhérente à la construction rend de ce fait la contamination inévitable.

De même, l’approvisionnement des fournitures de chantier, principalement organisé par des plateformes nationales crée autant de nouveaux points de fixation du virus.

En proposant une « prime » aux salariés du BTP, le gouvernement crée ainsi les conditions d’un choix économique au détriment d’un choix sanitaire. Ce choix, certaines catégories de salariés du BTP ne l’ont pas : salariés payés au SMIC, intérimaires, auto-entrepreneurs sous contrat quasi exclusif avec de plus grosses entreprises.

Or, s’il y a des activités absolument nécessaires de maintenance et de réparation, il faut préserver l’appareil productif pour la gestion de l’après crise.

Nous aurons besoin de tous pour répondre au plan de relance nécessaire qui devra faire émerger un autre modèle que celui purement financier et spéculatif défendu jusqu’à présent par Emmanuel Macron.

Il appartient donc au gouvernement de protéger tous les Français en prenant les mesures de maintien des niveaux de salaire pendant la crise, sans revenir sur le droit du travail et sans les mettre en danger en utilisant ce double langage.

Quelques remarques et inquiétudes sur les lois d’urgence pour lutter contre la propagation de l’épidémie de #COVID_19

Ce matin commence en commission à l’Assemblée nationale le débat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020 et au Sénat sur les projets de loi organique et ordinaire pour prendre des mesures d’urgence et faire face à la propagation de l’épidémie de COVID-19.

Passons rapidement sur le projet de loi organique qui concerne les délais de traitement des dossiers soumis au Conseil Constitutionnel car c’est celui qui pose le moins de problème. Actuellement la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est encadrée par des délais devant les juridictions administratives et judiciaires et le Conseil constitutionnel. Ainsi, l’absence d’examen, dans un délai de 3 mois, des QPC soulevées dans le cadre d’un litige devant le Conseil d’État et la Cour de cassation entraînerait le dessaisissement de ces juridictions et la saisine du Conseil constitutionnel. Or le confinement et la crise sanitaire empêchent ces juridictions de se réunir dans un cadre adéquat ce que ces délais puissent être respectés. Aussi, le projet de loi organique prévoit que le délai de 3 mois de transmission des QPC par le Conseil d’État et la Cour de cassation ainsi que le délai de 3 mois dans lequel le Conseil constitutionnel statue sur une question transmise soient suspendus jusqu’au 30 juin 2020.

Concernant le Projet de loi de finance rectificative, sa présentation même était un passage obligé pour pouvoir mettre en oeuvre d’une garantie de l’Etat relative aux prêts consentis par les banques et établissements de crédit, et ceci avec pour un montant maximal de 300 milliards d’euros (Mds€). Ce qui implique une première remarque : Pourquoi les garanties en France ne sont que de 300 Mds€ alors que l’Allemagne monte à 550 Mds€ ? Ils ont 14 millions d’habitants en plus et de meilleurs comptes publics mais est-ce qu’on en est à chipoter au risque de ne pas être à la hauteur ?
D’un point de vue technique, il reste extrêmement lacunaire à quasiment tous les égards et devra s’accompagner d’un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques pour être crédible. Il ne l’est en effet pas à ce stade.
Sur le contenu, le texte manque indéniablement de précision, voire de clarté à plusieurs niveaux et, une nouvelle fois, met en lumière des « décisions » gouvernementales dont la véracité n’est à ce stade pas attesté. Les dépenses réellement engagées par l’Etat seront en toute hypothèse très éloignée des 45 Mds€ annoncés et représenteront un montant pour l’Etat de 15,4 Mds€ si l’on se base sur le référentiel retenu par le gouvernement.

Le projet de loi ordinaire sur les mesures d’urgence et qui crée l’état d’urgence sanitaire pose plus de difficultés. Au regard du caractère inédit de la situation et de l’émotion (légitime) qui en résulte, les mesures qui doivent être prises doivent être exceptionnelles, expérimentales, originales… mais c’est un moment délicat pendant lequel le risque existe de faire passer des mesures excessives et dangereuses à court terme et de créer des précédents douteux à long terme. Notre boussole doit évidemment être l’intérêt général et l’efficacité face à l’épidémie. Cela n’est pas à discuter. Mais il ne peut être question de mettre la démocratie entre parenthèses, ou de confier d’une manière ou d’une autre les pleins pouvoirs à qui que ce soit quel qu’en soit le prétexte. La création d’un « état d’urgence sanitaire » est donc inédit et il conviendrait que le contrôle parlementaire soit renforcé pour assurer le suivi de sa mise en oeuvre et la sortie du dispositif. Le recours aux ordonnances extrêmement nombreuses dans ce projet de loi paraît logique vue l’urgence de la situation, mais elles touchent des champs tellement larges que le contrôle des modifications qui seront opérées du point de vue économique et social sera compliqué sinon impossible après coup. Le Gouvernement nous demande une confiance absolue… Nous sommes pour la confiance méfiante.

En effet, les article 6, 7, 8 et 9 de l’avant projet de loi semblaient initialement particulièrement respectueux du Parlement (limite du décret instituant l’état d’urgence sanitaire, vote d’une loi pour le proroger au-delà de 12 jours, fin de l’EUS en cas de démission du gouvernement ou de dissolution du parlement, information du parlement par le gouvernement de toutes les mesures exceptionnelles prises…) ; or le décret tel qu’il est définit par le projet de loi porte à un mois l’instauration de l’état d’urgence sanitaire sans contrôle réel du parlement ; tout cela dans une période sans possibilité de contrôle juridictionnel de la proportionnalité des mesures. L’article 10 définit ce que l’état d’urgence sanitaire permet au gouvernement : limiter la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion et procéder aux réquisitions nécessaires. Ces mesures doivent être proportionnées aux risques encourus et appropriées. Mais il est indiqué « Il est mis fin sans délai aux mesures mentionnées à au premier alinéa dès lors qu’elles ne sont plus nécessaires. » Or qui décide ? le gouvernement tout seul ? On peut donc s’interroger ici légitimement sur la façon dont seront conduites les choses…

D’autre part il est à noter que l’article 12  reprend des dispositions déjà existantes concernant les mesures qui peuvent être prises par les représentants de l’Etat dans les territoires et qui existent déjà dans la loi (cf. Article L. 3131-1 du code de la santé publique actuellement en vigueur).

C’est dans la lecture des ordonnances prévues par ce projet de loi que notre interrogation grandit donc, car les mesures envisagées dans le domaine économique et social pourraient ne pas être limitées dans le temps contrairement à ce qui est prévu pour toutes les mesures concernant des sujets de police administrative. Notons encore que la conformité au droit européen n’est d’ailleurs rappelée dans ce projet de loi que pour les questions économiques et sociales et non pour les libertés publiques…

Point commun de toutes ces mesures : on tourne déjà le dos au discours de Macron de jeudi sur le « Quel que soit le coût ». L’exécutif choisit donc dans ces domaines de limiter les coûts pour les entreprises au détriment des droits et surtout de la protection des salariés, c’est également une manière de ne pas mettre l’Etat dans une situation où il aurait à indemniser ou soutenir économiquement trop d’entreprises : on fait donc le lien avec un projet de loi de finances rectificative pour 2020 lacunaire, comme nous le disions plus haut, et cela au prix de la sécurité des salariés. Il faut donc regarder à l’article les sous alinéas suivants :

iii) modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis par le livre 1er de la troisième partie du code du travail , les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;

On veut permettre aux employeurs de contraindre les salariés à poser leurs jours de Congés payés, RTT et d’utiliser leur Compte Epargne Temps dès maintenant.
Les employeurs, qui font déjà pression sur les salariés en ce sens depuis plusieurs jours, vont avoir intérêt à privilégier cette solution, moins chère et contraignante que le recours à l’activité partielle.
Et les salariés n’auront plus de congés au moment de la reprise de l’activité, notamment cet été, pour récupérer d’une période stressante physiquement et psychologiquement.
Cela pose aussi un problème considérable de rupture d’égalité entre salariés, selon que l’entreprise aura ou non déposé un dossier de recours à l’activité partielle, et aussi selon que le recours au télétravail ou à l’arrêt maladie pour garde d’enfant de moins de 16 ans est possible ou non : des congés d’ici la fin de l’année pour les uns, aucun pour les autres.
Enfin, l’expression « modifier les conditions d’acquisition de congés payés » peut également permettre de toucher à la période d’acquisition des CP, en principe aujourd’hui entre le 1er juillet le 30 juin, afin de permettre aux entreprises de maximiser les congés à prendre dès maintenant.

iv) permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;

Cette mesure générale devant être précisée par ordonnance est très dangereuse. La situation est déjà extrêmement difficile pour ceux qui doivent travailler en présentiel. Va-t-on jusqu’à remettre en cause les durées de repos minimales du droit européen (repos journalier de 13h, hebdo de 24, 48h max hebdo…) ?
On ne peut pas demander aux quelques salariés qui doivent continuer à travailler, pour des raisons évidentes compte tenu de leur activité, de se tuer à la tâche. Il faudrait au contraire les ménager pour qu’ils tiennent dans la durée, organiser les roulements, le repos, etc.

viii) modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d’émettre les avis nécessaires dans les délais impartis ;

Tout dépend de ce que contiendront les ordonnances. Si c’est pour suspendre les délais de consultation des Comités sociaux d’Entreprise (CSE) sur les projets en cours, c’est heureux, mais à condition que la mise en œuvre de ces projets d’entreprise soient eux-mêmes suspendus ; mais cela nous paraît assez improbable. Ce sont donc les salariés qui en feront les frais.
Si c’est pour permettre aux entreprises de remettre en cause toute procédure d’information/consultation des CSE, ou pire, toute obligation de les réunir par visio-conférence, c’est dangereux et largement absurde, dans la mesure où il est au contraire indispensable dans la période de réunir les comités pour les associer à la recherche de solutions concertées, intelligentes, sur-mesure, au bénéfice des salariés comme des entreprises. C’est ce que demandent les CSE, les organisations syndicales et à bien des égards les entreprises qui cherchent des solutions intelligentes et adaptées dans la période.

Aucune interpellation, ou rappels à l’ordre, de la part des des salariés, CSE et organisations syndicales dans les entreprises ne peut être prise au sérieux, puisque il n’y a plus de justice et plus d’inspection du travail. Donc pas d’enquête ni inspection dans les entreprises (confinement), et pas de sanction possible pour les manquements. Et les entreprises commencent à bien le comprendre. 
Il reste donc les médias, et la politique, mais évidemment dans les circonstances il va être facile pour les démagogues de dénoncer les alertes des représentants des salariés et de les faire passer pour des caprices puisqu’on garantit le maintien des emplois. 
Nous devons pourtant absolument faire entendre le message qu’il faut protéger ceux qui travaillent parce qu’on a jamais eu autant besoin d’eux. 

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