Trump fait taire la « Voix de l’Amérique »

Voice of America a été la grande radio, qui a agi pour que le bloc soviétique se fissure : cette radio va être débranchée. L’administration Trump a décidé des centaines de licenciements dans ce média public ; la Russie et la Chine se félicitent évidemment de ces licenciements.

Plusieurs employés de VOA qui ne pouvaient pas entrer dans leurs locaux ce samedi se sont entretenus avec des médias, en demandant l’anonymat pour se prémunir de toutes représailles : « On a fait taire la voix de l’Amérique, du moins pour l’instant », disait un reporter chevronné à CNN. « Ce n’est pas que notre salaire qui est en jeu », disait un employé de Radio Free Asia interrogé par France 24. « Nous avons des employés et des pigistes qui craignent pour leur sécurité. Nous avons des journalistes qui travaillent dans des pays autoritaires en Asie, nous avons des journalistes aux États-Unis qui craignent l’expulsion si leurs visas ne sont pas renouvelés. » « On nous a effacés d’un coup de stylo, poursuivait cet employé, c’est tout simplement atroce ».

VoA, un combat pour les libertés parfois à géométrie variable

« Les autocrates du monde entier font des sauts de joie. Hindenburg [sic], Hitler n’avaient pas réussi à faire taire la voix de l’Amérique, Staline, Vladimir Poutine, Mao non plus, les Ayatollahs en iran n’ont pas réussi à le faire, mais Donald Trump vient de réduire au silence la voix de la liberté. Pour la première fois depuis 1942, VoA a été retirée de l’antenne », écrit un éditorialiste du Washington Post.

La chaîne Voice of America avait été souvent critiquée pour son manque d’indépendance et son tropisme pro-américain dans sa couverture des faits dans les années 1950 à 1980. Accusée d’être « négligente » face au communisme par McCarthy, elle a été détachée du Département d’État américain en 1953 par Eisenhower ; cela ne l’avait pas empêché d’être un vecteur pour préparer les opinions latino-américaines avant divers coups d’État au Guatemala et en République Dominicaine ou avant l’opération de la Baie des Cochons à Cuba. Sa petite sœur Radio Free Asia, fondée en 1951 par la CIA pour contrer la nouvelle Chine communiste, a quant à elle servi de porte-voix à la propagande américaine durant toute la guerre du Viet Nâm.

Pourtant, elle jouait également un rôle crucial dans des pays où s’exerce un contrôle drastique des médias comme l’Iran, la Chine populaire ou la Corée du Nord ; elle a joué un rôle important dans la mise au jour de l’univers concentrationnaire au Xinjiang et de l’oppression des Ouïghours. VoA y avait également dénoncé les tentatives d’ingérence du gouvernement chinois dans les élections aux États-Unis, contré les efforts du régime de pékin pour dissimuler les origines de la pandémie de Covid.

Agence de presse, radio, télévision, VoA et ses réseaux avaient progressivement gagné leurs galons d’indépendance, résistant aux pressions de l’administration Bush après le 11-Septembre.

La joie des dictateurs et des usines à fakenews

L’administration a mis en congé, donc, la quasi-totalité de ses 1300 employés et l’administration a fermé les stations sœurs de VoA, Radio Free Europe, Radio Liberty et Radio Free Asia. « La voix de l’Amérique, le soi-disant symbole de la liberté, a été jeté par son propre gouvernement comme un vieux chiffon » s’est réjoui en Chine, le Global Times, l’organe de presse international du parti communiste chinois, qui qualifie également VoA d’usine à mensonge. La Russie se réjouit également de la disparition de ce média indépendant, qu’elle avait qualifié l’an dernier d’organisation indésirable.

« Trump a annoncé la fermeture soudaine de radio liberty et de VoA. C’est une bonne décision », selon la rédactrice en chef du média d’État russe, RT, Margarita Simonian, sur le plateau de Rossia Adin. Dans la foulée, le présentateur Vladimir Solofief s’est amusé de la fermeture de tous les médias indépendants américains avec la fin de leur financement. « C’est génial », renchérit la rédactrice en chef de RT, comme le montre le magazine newsweek.

L’audience de VoA était estimée à plus de 400 millions d’auditeurs, de téléspectateurs, d’internautes, pour une diffusion en 63 langues, selon le magazine conservateur Washington Examiner.

Le monde des « faits alternatifs »

« Les propagandistes chinois ont tout à gagner à faire taire les voix de la vérité et de la liberté », a dénoncé le Washington Post. Apparemment, l’administration Trump a le même intérêt.

Entre 2015 et 2021, Donald Trump avait publié plus de 2490 messages négatifs sur le média national, selon la base de données U.S. Press Freedom Tracker. Et cela ne prend en compte que ses messages sur les réseaux sociaux, dans lesquels il a régulièrement qualifié des chaînes, des journaux de « propagateurs de fake news » et d’« ennemis du peuple ».

Depuis son retour à la Maison-Blanche, l’administration Trump a retiré leur agrément et leur bureau au Pentagone à quatre médias : le New York Times, NBC News, NPR, et Politico.

Frédéric Faravel

Redonner du pouvoir aux travailleurs. Entretien avec Étienne Colin – Les Jeudis de Corbera [PODCAST]

Dans le cadre des « Jeudis de Corbera », nous recevions Étienne Colin, Avocat au barreau de Paris en droit du travail, membre de l’Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès et Enseignant à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne  en Master 2 de Relations professionnelles.

Le thème exploré pour ce jeudi 27 février 2025 est « Redonner du pouvoir aux Travailleurs« .
Cela s’inscrit dans un contexte social difficile, car les fermeture d’entreprises, les « plans sociaux » et licenciements reprennent. D’autre part, depuis plusieurs années est engagé un débat autour du travail : les Français n’aimeraient pas le travail et en contesteraient la valeur, alors qu’en réalité ce sont les conditions de travail et de rémunération qui sont mises en cause ainsi que l’absence de respect et de reconnaissance pour ce qu’apportent les travailleurs. Il ne faut pas non plus sous-estimer les changements d’organisation et de comportement qui favorisent l’individualisation, de pénibilité, de stress…

C’est sur ces questions que Marie-Noëlle Lienemann et Carole Condat ont interrogé et débattu avec Étienne Colin en lui demandant de s’intéresser également et tout particulièrement à l’état de la démocratie sociale ; au-delà des constats, le sujet est aussi de suggérer des pistes pour redonner de la force à cette démocratie sociale et de la valeur au travail et aux travailleurs.

Bonne écoute du podcast !

Vous trouverez plus bas le podcast organisé en deux parties pour une écoute thématique.

1. Repenser la démocratie sociale

– La démocratie n’est pas que politique, elle doit aussi être sociale et irriguée intermédiaires re-légitimés (A. Supiot)

– Pourquoi a-t-elle été considérablement affaiblie ces dernières années ? Rupture avec la conférence sociale en 2014 / Rejet de la négociation interprofessionnelle et mise à distance de la branche / Primauté du « tout entreprise » / Recul du rôle de l’Etat

– Impasse dans des sociétés dont le fonctionnement s’est horizontalisé et où les réponses ne peuvent plus être uniformes et  tomber d’en haut / Nécessité de créer du dialogue à tous les niveaux, pour donner un débouché à la confrontation sociale, sans peur du nécessaire conflit

– Interroger le « fait syndical » : Particularités du syndicalisme français / Comparaisons internationales / Situation de la social-démocratie / Evolutions possible ou nécessaires

– Quelle démocratie sociale ? Rôle de l’Etat / Tripartisme / Hiérarchie des normes

2. Donner du pouvoir aux salariés dans l’entreprise

– Garantir un haut niveau de protection individuelle : Santé-sécurité / Conditions de travail / Durée du travail / Stabilité de l’emploi

– Renforcer la citoyenneté dans l’entreprise : Liberté d’expression / Libertés fondamentales (harcèlements/discriminations /égalité de traitement)

– Protéger contre les difficultés économiques : « plans de sauvegarde de l’emploi », autres licenciements économiques

– Participation des salariés via leurs représentants : Administrateurs salariés ? Nécessité mais limites

– Concilier revendication/représentation/participation  = renforcer la négociation collective de travail

– Impossible sans une intervention résolue de l’Etat = tripartisme et non paritarisme béat (ex. édifiant de Bayrou avec les retraites)

Élections Allemandes : Mathieu Pouydesseau analyse les résultats [PODCAST]

Quel est l’impact des élections législatives allemandes sur l’Europe et ses voisins ?
Dans cet épisode du podcast « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde », Gauthier Seys interrogeait lundi 24 février 2025 Mathieu Pouydesseau sur les répercussions potentielles des récentes élections législatives allemandes.

Alors que l’Allemagne, pilier central de l’Union européenne, traverse une période de bouleversements politiques, quelle influence cela pourrait-il avoir sur ses voisins, notamment la France ? Ce questionnement introduit une discussion captivante qui explore les dynamiques politiques actuelles en Allemagne et leurs implications plus larges.

Mettons fin à la complaisance à l’égard d’Elon Musk

La France s’est vue confiée par l’assemblée générale des Nations Unies l’organisation du « Sommet pour l’Action dans l’Intelligence Artificielle (IA) », faisant suite à l’adoption à sa 79ème session du « pacte numérique mondial », et aux sommets pionniers ayant déjà eu lieu en Grande Bretagne en 2023 et en Corée du Sud en 2024. Ce sommet aura lieu à Paris, au Grand Palais, les 10 et 11 février 2025, organisé par le palais de l’Élysée.

La feuille de route de ce sommet est à la fois ambitieuse en définissant des objectifs universels, et pusillanime quant aux moyens à mettre en place. Voici les 5 axes de travail :

  • L’IA au service de l’intérêt général,
  • Avenir du travail,
  • Innovation et culture,
  • IA de confiance,
  • Gouvernance mondiale de l’IA.

Son agenda, et la starisation choisie de personnalité controversées du capitalisme technologique libertarien, interrogent tous les démocrates sincères.

En octobre 2024 la mission de préparation annonce souhaiter « lutter contre le mésusage de l’IA », en « s’appuyant sur un consensus scientifique robuste », notamment pour « lutter contre la manipulation de l’information, notamment sur les réseaux sociaux. »

Elon Musk est pourtant annoncé comme l’une des stars de l’évènement qu’Emmanuel Macron souhaite utiliser pour redorer son blason, après ses échecs budgétaires, économiques et politiques, et ses deux défaites électorales consécutives.

Le loup est invité à cuisiner le chaperon rouge !

Nous devons, au nom de la décence et de la protection des libertés publiques, interpeller la présidence française, encore une fois.

Le nouveau ministre américain en charge de « la simplification administrative » a toujours été soigné par le président de la République Française, pensant ainsi attirer l’une des sociétés du magnat de la technologie, Tesla, dans notre pays.

Musk a choisi l’Allemagne, mais le président français Macron continue sa danse du paon.

Nous sommes persuadés que la France, par son histoire, son universalisme, les contributions essentielles de ses chercheurs et ses philosophes sur les concepts clés de l’IA, doit être le moteur en Europe des réflexions sur son déploiement, sa régulation : il s’agit d’un enjeu politique crucial, un enjeu de souveraineté, un enjeu vital pour garantir notre indépendance.

Ce que nous refusons avec force, c’est que soit à nouveau déroulé le tapis rouge pour Elon Musk et ses alliés libertariens ! Celui qui est aujourd’hui l’homme le plus riche du monde n’est pas seulement le premier allié de Donald Trump : il est devenu un acteur politique toxique, ennemi de toutes les lois limitant son pouvoir absolu, et chantre d’un libertarianisme aussi débridé qu’irrationnel, soutenant les néofascismes européens.

Après avoir déboursé 270 millions de dollars et mis son réseau x et son logiciel d’intelligence artificielle Grok au service de Donald Trump pendant la campagne électorale américaine, il a submergé l’espace médiatique de fausses informations.

Depuis le scrutin de novembre 2024, Elon Musk a insulté publiquement le Chancelier allemand et fait ouvertement campagne pour l’AfD, un parti d’extrême-droite allemand, dont les dirigeants assument leurs inspirations néo-nazies.

Il s’attaque également au gouvernement travailliste britannique, soutenant l’extrême droite anglaise, propageant fausses polémiques et accusations diffamatoires.

Il insulte le chef du gouvernement canadien démissionnaire, soutenant la campagne impérialiste de Trump visant à annexer ce pays, une partie du Danemark, et le Panama.

L’Europe a décidé, lâchement, de faire semblant de ne pas entendre les déclarations pourtant répétées du nouvel exécutif nord-américain.

Les dirigeants politiques attaqués, dont deux social-démocrates, sont seuls face à des campagnes de haine multipliés par les algorithmes trafiqués.

Le patron de Meta Marc Zuckerberg (Facebook, Youtube, Instagram, WhatsApp, etc.) a annoncé se rallier lui aussi à l’alliance idéologique populiste pour inonder les réseaux de contenus manipulant les réseaux sociaux !

Comment inviter des patrons qui déclarent être opposés aux objectifs du sommet ? Ils ne serons là que pour les saboter.

Comme pourraient-ils être encore le bienvenu en France, alors qu’ils s’attaquent à nos intérêts et aux fondements de la démocratie républicaine ?

Elon Musk n’a jamais été un partenaire loyal mais une menace permanente. Aujourd’hui, il attaque ouvertement le principe même de l’égalité devant la loi, les fondements de notre démocratie. Sa prétendue défense de la liberté d’expression est d’une indécence absolue : quelle liberté d’expression reste-t-il quand des multimilliardaires disposent des outils médiatiques les plus puissants pour saturer le débat public de mensonges ?

Musk ne veut pas de liberté d’expression, il veut la liberté de mentir, de diffamer, de propager la haine, avec ses gigantesques moyens financiers comme seules limites.

Qui, une fois pris comme cible par ces hommes riches, opposés aux principes démocratiques, peut espérer faire corriger une accusation mensongère par sa propre voix, sans la protection des lois ?

Musk met toute sa puissance pour saper la démocratie issue de la philosophie des Lumières ; il est parmi nos ennemis.

Le président américain Donald Trump sera présent également. Il n’est pas possible de l’empêcher de participer vu le mandat de l’assemblée générale des Nations Unies. Mais sommes-nous obligés de dérouler le tapis rouge à ceux qui multiplient les déclarations hostiles à nos valeurs, notre démocratie, à l’Europe ?

La Gauche Républicaine et Socialiste demande à la présidence de la République et au gouvernement de tenir enfin un discours de fermeté en direction des principaux dirigeants des multinationales du numérique : les conditions d’exercice de la liberté d’expression ne sont pas marchandables, la protection des médias et de l’information et des citoyens français ne sont pas négociables. La GRS exige que l’Union Européenne consolide l’encadrement législatif des services numériques (DSA) pour protéger les citoyens et nos démocraties de l’incitation à la haine, à la violence et au terrorisme, des manipulation, des opérations de désinformation et des contrefaçons ; la GRS exige que les plateformes numériques soient enfin mises réellement et de manière concrète en face de leurs responsabilités et de leurs obligations en Europe et qu’elles soient sanctionnées quand elles ne les respectent pas.

Nous appelons les organisations démocratiques à faire des propositions communes en ce sens. Nous proposons à l’ensemble des organisations politiques et de défense des libertés à se joindre à elle dans cette exigence et à l’exprimer sur place lors du sommet.

Frédéric Faravel et Mathieu Pouydesseau

Électricité : l’Autorité de la concurrence contre la démocratie

Dans son communiqué du 19 novembre 2024, l’Autorité de la concurrence soutient que les interventions de l’État sur les prix de l’électricité ont été discrétionnaires et ont brouillé le « signal prix » censé créer des incitations à la sobriété énergétique. Elle exige donc du gouvernement d’organiser progressivement la suppression du tarif réglementé de l’électricité. Certes, l’Autorité de la concurrence veille au respect des règles de la concurrence. C’est sa mission. Néanmoins, elle ne peut pas se substituer aux principes démocratiques. Or, le besoin de fixer politiquement les prix de l’électricité relève avant tout d’une question démocratique. Les citoyens ne veulent pas élire des responsables politiques impuissants, comme l’a montré la réélection de Trump. Supprimer le tarif réglementé entraînerait la montée des contestations politiques et de l’extrême droite et pourrait mettre en danger un fondement de la démocratie française.

Le contrôle des prix de l’électricité est aussi une mesure favorable à l’économie et à la transition énergétique. La production électrique française est presque entièrement décarbonée et il faudrait inciter les ménages à acheter des véhicules électriques et à remplacer leurs systèmes de chauffage par des systèmes électriques. Or, pour cela, nous avons besoin d’un contrôle public des prix de l’électricité, afin de garantir aux ménages que ces prix resteront bas.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme l’autorité de la concurrence, l’ouverture à la concurrence n’a pas prouvé sa capacité à augmenter les investissements productifs dans la production d’électricité. Ainsi, faute d’investissements privés, le gouvernement a décidé de construire jusqu’à six nouveaux EPR avec EDF. Pour financer cet investissement, nécessaire à la transition écologique, il doit prévoir des recettes sur plusieurs dizaines d’années, ce qui implique de contrôler le prix de vente de l’électricité.

Enfin, l’actualité ne cesse de nous rappeler les graves conséquences du choix par l’Union européenne de la concurrence dans le marché européen de l’électricité. Cela interdit la planification à long terme et engendre une faible résilience face aux chocs tels que la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, les tarifs élevés de l’électricité sont le principal frein à la compétitivité des entreprises européennes. Les nouvelles règles du marché européen de l’électricité ne change pas l’absurdité d’empêcher notre pays de fixer sa tarification électrique et nous devons nous mobiliser pour que la France prenne comme l’Espagne et le Portugal les moyens de maîtriser le prix de l’énergie dans notre pays. Mais en attendant, au moins une décision immédiate s’impose : le maintien des tarifs régulés de l’électricité. Cela est indispensable pour des raisons démocratiques, mais également parce qu’ils sont une condition nécessaire à la planification de la transition écologique. Il faudrait même, à terme, élargir la réglementation pour y inclure les industriels et éviter qu’un prix trop élevé de l’électricité conduise de nombreuses entreprises soit à renoncer à l’électrification de leur système productif, soit à délocaliser.

Au moment où se multiplient les plans sociaux et où déferle une nouvelle vague de désindustrialisation, faire baisser le prix de l’énergie est un impératif absolu. Et vite !

Barnier à Matignon : le bras d’honneur de Macron aux Français

L’interminable série de consultations conduites par le Président de la République pour ne pas nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire a pris fin aujourd’hui de la pire des manières.

En choisissant Michel Barnier, dernière roue du carrosse LR, Emmanuel Macron a balayé d’un revers de main les résultats de sa propre dissolution ; et fait un bras d’honneur aux millions d’électeurs de gauche qui ont sauvé la moitié de son groupe parlementaire à l’Assemblée.

Pire : l’Elysée a négocié en direct avec Marine Le Pen les conditions d’une neutralité bienveillante des députés RN en cas de dépôt d’une motion de censure !

Le nouveau Premier ministre, qui lors de la primaire LR avait proposé d’abolir des pans entiers de la Convention Européennes des Droits de l’Homme, ne manquera pas de détailler les termes de cet accord lors de son discours de politique générale.

Les milieux d’affaires et les marchés financiers sont les vrais gagnants de cette forfaiture démocratique. Leur effroi à l’idée d’augmenter les salaires et contribuer davantage aux charges publiques s’est instantanément dissipé. Les dividendes défiscalisés et autres subventions sans contreparties continueront d’arroser leur cours de bourse.

Macron n’a jamais été préoccupé par une quelconque « stabilité institutionnelle ». Son obsession cardinale demeure la préservation des privilèges de son noyau dur de supporters, sous l’œil vigilant de Bruxelles, rassurée par « Barnier l’européen ».

Nos concitoyens n’ont à présent sous les yeux qu’un régime crépusculaire accaparé et dénaturé par un Président méprisant et solitaire. Il reviendra aux forces de gauche de s’opposer radicalement à la poursuite de sa politique d’austérité néolibérale et autoritaire.

Solidarité avec les revendications démocratiques du peuple vénézuélien

L’annonce des résultats des élections présidentielles vénézuéliennes du 28 juillet 2024 a suscité des protestations populaires massives. Nicolás Maduro affirme avoir gagné avec sept points d’avance, sans que le Conseil national électoral n’ait publié, comme il en a l’obligation, les résultats détaillés du scrutin. L’équipe de son principal concurrent, Edmundo González, a quant à elle publié sur Internet ce qu’elle affirme être les procès-verbaux de 81,7 % des bureaux de vote lui donnant un avantage de 37 points. Dans cette situation, la seule sortie par le haut consiste en un audit citoyen, public et pluraliste des actes du scrutin, qui permette la publication par le Conseil national électoral de l’ensemble des résultats par bureaux de vote pour que la volonté exprimée dans les urnes puisse prévaloir.

Depuis le soir des élections, les manifestants subissent une répression implacable : au moins 1 200 arrestations (selon les données du Procureur général de la République), dont des journalistes, des étudiants, des assesseurs de bureaux de vote. À ce jour, le décompte de morts s’élève à au moins 22 victimes. Les déclarations de Nicolás Maduro selon lesquelles deux prisons seraient dédiées à l’incarcération de 1000 personnes supplémentaires, au travail forcé et à la « rééducation » des manifestants nous indignent particulièrement. Nous affirmons le droit inaliénable des Vénézuéliens à choisir démocratiquement leurs dirigeants ainsi qu’à protester sans être criminalisés par l’État.

Face aux risques d’aggravation du conflit portés par l’auto-proclamation unilatérale des deux principaux candidats et l’intervention de grandes puissances étrangères en leur faveur, nous soutenons les efforts de médiation des gouvernements latino-américains de gauche entre les forces politiques en dispute pour une solution pacifique, en particulier le Brésil, la Colombie et le Mexique qui ont appelé dans une déclaration commune au respect du « principe fondamental de la souveraineté populaire […] grâce à une vérification impartiale des résultats ».

Enfin, nous appelons à la constitution d’un réseau de solidarité internationaliste avec le peuple vénézuélien, pour le soutien de ses aspirations démocratiques et de ses luttes d’émancipation, en rejetant toutes les prétentions et actions impérialistes au Venezuela, d’où qu’elles viennent.

Paris, 9 août 2024.

Signataires : À nous la démocratie ; ⁠Arguments pour la lutte sociale (Alputsoc) ; ⁠Ensemble ! ; Les écologistes – Europe écologie les Verts ⁠ (EELV) ; Gauche démocratique et sociale (GDS) ; ⁠Gauche écosocialiste (GES) ; Gauche républicaine et socialiste (GRS) ; ⁠Génération·s ; Nouveau parti anticapitaliste – l’Anticapitaliste (NPA-A) ; Parti Socialiste (PS) ; Pour une écologie populaire et sociale (Peps) ; ⁠Rejoignons-nous ; Réseau Bastille.

#UGR 2023 : Comment sortir de la crise démocratique ? – dimanche 8 octobre 2023

Dimanche 8 octobre 2023 à 10h, se tenait la dernière table ronde des Universités de la Gauche Républicaine à Rochefort avec Benjamin Morel, Maître de conférences en droit public à l’université Paris II Panthéon-Assas, Sophie Camard, Maire GRS du 1er secteur de Marseille et présidente du groupe « Printemps Marseillais » à la métropole, Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis, et Jean-Luc Laurent, Maire du Kremlin-Bicêtre et président du Mouvement Républicain & Citoyen. Le débat était animé par Isabelle Amaglio-Térisse, conseillère municipale et communautaire de Sartrouville, co-Présidente des Radicaux de gauche – LRDG.

Le long conflit sur la réforme des retraites est devenu le révélateur des crises sociales, démocratiques, institutionnelles … qui s’approfondissent dans notre pays depuis plusieurs années, voire décennies. Les raisons des crises s’alimentent les unes les autres. La pratique autoritaire du pouvoir et la surdité, comme le mépris affiché, du gouvernement accentuent la fracturation de notre pays et sont lourds de risques pour la Nation. Le gouvernement, sans majorité parlementaire établie, ne peut plus que s’appuyer sur des moyens constitutionnels et réglementaires pour légiférer contre l’opinion majoritaire des Françaises et des Français et l’exécutif ignore les manifestations des syndicats unis (soutenus par l’opinion publique), expression de la démocratie sociale.

C’est à la gauche de donner des perspectives et des débouchés au mouvement social dans le cadre de la République. C’est à la gauche de restaurer les voies de la confiance qui est au cœur du pacte républicain.

Le macronisme est un autoritarisme

Sans changer une virgule à la Constitution, Emmanuel MACRON nous révèle, par sa pratique du pouvoir, toutes les tares de la Vème République.

Sa loi sur les retraites est une maltraitance démocratique tout autant que sociale. Il l’impose contre une très large majorité des Français et contre l’Assemblée nationale. En effet, toutes les dispositions tirées de la Constitution de 1958, dont le projet était d’instaurer un « parlementarisme rationnalisé » auront été utilisées, aboutissant de fait à un parlementarisme muselé.

« Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. » énonce l’article 24 de la Constitution. « Nous empêcherons un vote à tout prix » ont trompeté plusieurs responsables du parti présidentiel Renaissance ces dernières semaines à propos de la proposition de loi portée par le groupe LIOT, dont l’article 1er propose l’abrogation de la loi retraites du 14 avril 2023. Les fondamentaux sont attaqués.

 Les députés du parti présidentiel ont brandi contre la proposition de LIOT l’article 40 de la Constitution qui prévoit que « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. ». La proposition de loi du groupe LIOT prévoit la compensation, à due concurrence, des charges induites pour les organismes de Sécurité sociale par une taxe sur le tabac ? Elle a été déclarée recevable par le président de la commission des finances, conformément aux prérogatives de ce dernier ? Qu’importe, il fallait éviter un vote « à tout prix » sur l’abrogation !

La présidente de l’Assemblée nationale, après quelques hésitations et après avoir subi de très fortes pressions de l’Élysée, s’est donc résolue à s’asseoir sur les principes démocratiques élémentaires, en s’opposant à ce que la proposition de loi soit débattue en séance plénière, après avoir fait voté la suppression de l’article 1er de la proposition de loi en commission des affaires sociales, et en piétinant le droit d’amendement des parlementaires. La séparation des pouvoirs a rarement été aussi méconnue depuis l’instauration de la République.

Les républicains qui ne se résolvent pas à cette forfaiture doivent se rassembler et proposer des solutions permettant de redonner des perspectives positives à notre démocratie.

Dans l’immédiat, il faut utiliser tous les moyens légaux pour faire vivre les contre-pouvoirs, qu’ils soient institutionnels (motions de censure parlementaires, proposition référendaire au printemps 2024…) ou extra-institutionnels (manifestations, pétitions, grèves, articles de presse…).

Près de 65 ans après son instauration, la Vème République est à bout de souffle. Sa dangerosité initiale montre aujourd’hui toute sa dimension.

Mais avant d’envisager de refonder nos institutions, il nous faut résister ici et maintenant à la dérive autoritaire du pouvoir macroniste.

Hélène Franco

La sortie de crise passe (aussi) par la sortie de la 5ème

Dans sa majorité, la gauche a tôt fait de dénoncer les fondements voire les dérives monarchiques de la Ve République. La Constitution de 1958, rédigée pour « mettre fin aux errements parlementaires » d’une IVe République adoptée de justesse douze ans plus tôt1 et sévèrement chahutée depuis le début de la guerre d’Algérie, confère, on le sait, un pouvoir excessif au Président de la République. La révision constitutionnelle de 1962, là encore très contestée (elle donna lieu à la seule motion de censure adoptée, contre le gouvernement de Georges Pompidou), fait de son élection l’axe central, incontournable, devenu quasi unique de la vie politique française.

La dérive grandissante de l’exercice du pouvoir présidentiel suscite une défiance de plus en plus accrue. Les révisions constitutionnelles ou les évolutions législatives institutionnelles (notamment sur le quinquennat puis l’inversion du calendrier électoral) ont mis un terme à la fiction du rôle arbitral du Président de la République, alors même que la dérive de la construction européenne (et le manque de volonté politique de nos dirigeants) en fait en réalité une sorte de comptable à l’échelle de l’Union. La décentralisation – et l’émergence des Régions – ont parallèlement conduit à une forme de dilution, voire de confusion, des pouvoirs (une partie des présidents de Région semble même vouloir entrer désormais en concurrence avec le pouvoir central),alors même que la capacité des différentes strates de la puissance publique à agir concrètement sur la vie quotidienne de nos concitoyens est de plus en plus interrogée.

L’accumulation des réformes constitutionnelles de 2002 et 2008 ont ainsi définitivement fait passer le président de la République dans un rôle de chef de l’exécutif – au sens gouvernemental du terme – rabaissant en réalité le rôle du premier ministre au rang de « simple collaborateur » selon le mot de Nicolas Sarkozy, dépendant d’une majorité parlementaire faite à la main du chef de l’État (au moins jusqu’en 2022). Le paradoxe veut que le renforcement théorique des pouvoirs du président de la République se soit inscrit en parallèle d’un affaiblissement de l’autorité de l’État. Cette contradiction n’a jamais été aussi vivante que sous Emmanuel Macron, qui a prétendu plus que tout autre à un exercice jupitérien de sa fonction, sans rediscuter sérieusement la tutelle ordolibérale de l’Union Européenne, sans ancrage local réel de sa majorité parlementaire … pour finir par ne plus bénéficier du tout de majorité parlementaire.

Ne se situant plus au-dessus de la mêlée, la statue du commandeur s’effrite et se dilue au contact des réformes impopulaires et de moins en moins admises par l’opinion publique. Celle-ci entend ces dernières années se réinviter au centre d’une scène politique dont elle était écartée. Cette manifestation brutale et verticale du pouvoir a été particulièrement mise en lumière tout au long de la crise COVID, où les décisions concernant l’ensemble des Français furent prises à huis clos, au sein de Conseils de Défense.

Les gardiens du Temple gaulliste de la Vème République faisaient de l’autorité surplombante du Président de la République l’intérêt constitutif du régime. Or plus rien ne fonctionne selon ce principe Comme le disait Rémi Lefebvre au soir du second tour des élections législatives de 2022, « que le scrutin majoritaire donne une représentation politique qui se rapproche de celle que pourrait produire la proportionnelle est un indice paradoxal de plus de la crise de défiance généralisée, accrue par l’échec pratique du macronisme et la faiblesse de son assise électorale réelle… La prime majoritaire ne peut même plus masquer le déficit de légitimité du système… ». Et avec sa réforme injuste – et illégitime – des retraites, Emmanuel Macron a fait la démonstration qu’il n’avait pas de majorité parlementaire de rechange après son échec de juin 2022 ; et dans le même mouvement, ceux qui voyaient dans l’absence de majorité parlementaire alignée sur le président une opportunité historique de renouer avec un parlementarisme positif ont vite pu constater le caractère illusoire de leur pronostic. Car c’est aujourd’hui tout le système qui est grippé : la crise sociale s’est doublée d’une crise de régime.

La résolution de cette crise ne fera pas l’économie d’une VIe République, (re)mettant la vie parlementaire et l’expression populaire au centre du processus démocratique.

Il existe encore nombre de défenseur de la constitution de Michel Debré. Ils veulent bien concéder que ses équilibres institutionnels représentent une exception en Europe et dans le monde, mais prétendent conserver ce qu’ils jugent être un équilibre parfait entre les aspirations tumultueuses d’un peuple très politique de « gaulois réfractaires » et le bon sens libéral régnant en maître en Europe ; la constitution de la Vème République révisée attribue ainsi à l’exécutif et à l’Union Européenne non pas le monopole du cœur mais celui de la raison, qui ne serait alors plus la chose la mieux partagée. Pérorer ainsi sur des plateaux TV policés, en agitant encore et toujours le spectre de l’instabilité ministérielle caractéristique de la IVe République ou pire la défaite de 1940, c’est pourtant faire fi de l’histoire même des IIIe et IVe Républiques qui toutes deux ont permis de redresser et de reconstruire la France au lendemain des deux plus grands effondrements que la France ait connus, avant il est vrai de tomber sous les coups des événements, de leurs contradictions internes et de la médiocrité d’une partie du personnel politique.

Même le régime bancal de la IVe République avec ses courtes coalitions populaires nous a apporté, le socle économique, social et démocratique pour lequel la GRS se bat aujourd’hui – il est vrai que l’élan avait été donné par le programme « Les Jours Heureux » du Conseil National de la Résistance. Ce socle que nous entendons défendre n’a jamais été aussi menacé par les assauts réguliers, méthodiques, répétés et constants des néolibéraux, dont le projet s’accommode fort bien de l’affaiblissement des processus démocratiques. Tous les aspects de la protection sociale font depuis 35 ans l’objet d’une remise en cause progressive certes, mais systématique : le droit du travail, l’assurance chômage, l’assurance maladie et le système des retraites. Le détricotage social et démocratique, avec le recours brutal à l’article 49.3 et le détournement d’usage d’autres articles de la constitution2, doit céder sa place à une démocratie vivante. Le parlement doit retrouver une place prépondérante : pour cela, il faut limiter les outils du « parlementarisme rationalisé » qui aboutissent à l’affaiblissement spectaculaire de l’Assemblée Nationale. Plus généralement, la revitalisation de la vie démocratique suppose de donner davantage la parole aux citoyens. Le recours accru au référendum, l’institution d’un véritable référendum d’initiative citoyenne, paraissent aujourd’hui indispensables.

Le Parlementarisme est exigeant ; il nécessite débat, dialectique, compromis, autour d’un projet de société social, écologique, et tourné vers l’intérêt général. Le compromis, qui n’est pas la compromission, est synonyme d’une certaine harmonie politique, puisque respectueux des divergences et des singularités qui existe dans la communauté civique en les englobant dans un projet commun et une vision de long terme.

Cette vision socialiste et républicaine, nous l’avons ! Rejoignez-nous pour rebâtir et défendre l’héritage de nos brillants prédécesseurs !

Fabien Evezard et Frédéric Faravel

1 Après l’échec d’un premier projet constitutionnel en mai 1946, la constitution de la IVème république est adoptée par référendum le 13 octobre 1946 par 53,2 % des suffrages exprimés et une participation de 67 % seulement.

2 Relire notre analyse du 29 mars dernier « Le Conseil Constitutionnel doit censurer toute la réforme des retraites » : https://g-r-s.fr/le-conseil-constitutionnel-doit-censurer-toute-la-reforme-des-retraites/

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