Les revers de l’embellie allemande – dialogue avec Mathieu Pouydesseau – Les Jeudis de Corbera

La semaine dernière, Marie-Noëlle Lienemann recevait Mathieu Pouydesseau, chef d’entreprise en Allemagne et ancien conseiller au commerce extérieur, pour échanger sur la situation politique, économique et sociale de l’Allemagne dans le cadre des « Jeudis de Corbera ». Vivant depuis 24 ans à Berlin, notre camarade dispose d’un poste d’observation privilégié sur la société allemande et décrypte le « miroir aux alouettes » qui a conduit à sur-estimé le « modèle allemand » sans mesurer les contradictions du système.

Nous vous proposons d’écouter en podcast cette grosse heure d’entretien en trois parties :

  • la situation économique ;
  • la situation politique ;
  • la relation franco-allemande.

Nous vous proposons également dans la foulée un long article d’analyse très référencé signé par Mathieu Pouydesseau. Bonne écoute et bonne lecture.

Les revers de l’embellie allemande – partie 1 : la situation économique

Les revers de l’embellie allemande – partie 2 : la situation politique

Les revers de l’embellie allemande – partie 3 : la relation franco-allemande

Entre Weimar et Bonn : la république allemande « de Berlin » à la croisée des chemins

Pendant 15 ans, la droite et le centre français ont proclamé l’Allemagne comme un modèle à suivre. Les élites éditoriales, économiques et politiques étaient fascinées à la fois :

  1. par un pays à la démocratie « apaisée » par de grandes coalitions associant les deux grands partis de la gauche et de la droite,
  2. par les succès de la « compétitivité » allemande lui permettant d’être massivement exportatrice,
  3. par le maintien de son tissu industriel,
  4. et enfin par l’équilibre de ses comptes publics.

Sur chacun de ces points, le « naïf » idéalisme des cadres intellectuels, administratifs et entrepreneuriaux français vis-à-vis de l’Allemagne s’accompagnait d’un mépris profond pour les Français, l’État-providence, les syndicats français, la culture du débat raisonné entre positions contradictoires, les libertés publiques d’un peuple considéré comme « réfractaire ».

Pourtant, chacun de ces points est un « miroir aux alouettes », une imposture, un « village Potemkine »1 dissimulant une société de plus en plus inégalitaire, fracturée, violente. Nous allons donc reprendre chacun de ces quatre points, en démontrant la crise de la démocratie allemande, qui rappelle les trois dernières années de Weimar2. Nous allons passer en revue les conséquences sociales délétères de l’économie d’exportation, la courte vue d’un modèle fortement dépendant de l’énergie russe qui entraîne aujourd’hui une crise industrielle. Nous présenterons également les problèmes insolubles que la Nation-comptable par excellence rencontre pour concevoir un budget juridiquement conforme à sa constitution. Nous esquisserons enfin les conséquences pour la France et pour l’Europe.

La weimarisation de la République fédérale allemande

En l’absence de débouchés politiques aux convulsions de la société, gauche et droite refusant pendant 20 ans de s’opposer et donc de construire un espace démocratique de gestion des conflits profonds traversant la société, le peuple allemand a choisi de reproduire au Bundestag, à partir de 2021, et dans les parlements régionaux, les structures du parlement de la première république allemande, dite de Weimar.

Absente du parlement entre 1951 et 2017, l’extrême droite y fait cette année-là son retour à un niveau immédiatement élevé avec plus de 90 sièges.

Sept ans plus tard, en 2024, les élections régionales partielles voient désormais le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD en allemand) caracoler au dessus de 30%, arrivant première en Thuringe. La démocratie semble ne plus convaincre près d’un tiers des Allemands.

Un parti créé fin 2023, « l’alliance Sahra Wagenknecht, pour la justice et la raison » (BSW) – rassemblant des députés dissidents de la gauche radicale ayant formé leur propre groupe, l’ancien maire social-démocrate de Dusseldorf, des dirigeants écologistes en rupture de leu parti – forme un axe de résistance à la progression de l’extrême droite. Les positions de ce parti ne se retrouvent pas en France. Ce qui s’en rapprocherait le plus serait une synthèse de « Picardie debout » de François Ruffin, de la ligne Roussel au sein du PCF et de la GRS, avec – différence majeure – cependant un soutien plus affirmé pour la Russie que pour l’Ukraine.

Les gouvernement de grande coalition de 2005 à 2021, interrompus entre 2009 et 2013 par une coalition droite-centre droit, ont ainsi abouti à un paysage politique en ruine.

Panorama politique de 2024 : élections européennes, élections régionales et sondages

En plus des élections européennes du 9 juin dernier, trois Länder ont voté en septembre 2024. Passons en revue ces scrutins.

Les élections européennes de juin 2024

La coalition gouvernant actuellement à Berlin a subi un désastre électoral avec seulement 31% des suffrages exprimés :

  • le SPD (une social-démocratie dont l’équivalent français pourrait être Raphael Glücksmann) recueille 13,9% ;
  • les écologistes (avec une forte division interne entre néolibéraux et critiques de l’ordre économique) 11,9% ;
  • les Libéraux du FDP (alliés de Macron arque-boutés sur le refus de l’augmentation des impôts des riches et des propriétaires d’entreprises) ont « sauvé leur peau » avec 5,2%.

Cette coalition en échec en Allemagne est ce qui se rapproche le plus de ce qu’aurait pu souhaiter mettre en place Bernard Cazeneuve si Macron avait sérieusement pensé le nommer à Matignon – ce qui n’était pas le cas.

Le SPD à moins de 14% retrouve les scores catastrophiques qu’il avait connu du temps de la domination complète des sociaux-libéraux en son sein. Ce n’est pas une surprise : la reconquête d’une partie de son électorat en septembre 2021 s’était appuyée sur une direction plutôt à gauche, avec un expert de la lutte contre la fraude fiscale ; mais coalition « feu de circulation »3 est dirigée par Olaf Scholz. L’actuel Chancelier fut l’un des piliers de l’agenda de Gerhard Schröder, et, maire de Hambourg, un représentant de l’aile droite du parti qui s’est opposé à la lutte contre la fraude fiscale et, à ce titre, est mis en cause par la justice. Incapable de s’imposer dans sa coalition gouvernementale, Scholz est très impopulaire, les voix se multiplient pour le remplacer en 2025 par le populaire ministre de la défense, Boris Pistorius.

Les écologistes ont perdu 42 % de leur électorat de 2019 (3 millions d’électeurs, -8,6 points) dans un scrutin qui leur était jusqu’ici plutôt favorable. C’est une évolution européenne : les droites ont réussi à faire des agendas climatiques les boucs émissaires des difficultés des classes populaires et moyennes. Les écologistes allemands sont cependant également infectés de néolibéralisme : l’individualisme dominant et la critique de l’État fort les a conduits à sous estimer les rapports de force économiques et à surévaluer la morale chrétienne, bigote, de l’acte individuel rédempteur dans la lutte pour le climat – ils semblent incapables de concevoir un discours alternatif et socialement prometteur. Promettre l’apocalypse ne séduit que les illuminés de la foi.

Les Libéraux du FDP ont aux élections européennes de 2024 résisté en surnageant à 5%, mais tous les sondages promettent depuis leur effondrement, et ils ont perdus leur représentation dans quasiment toutes les élections régionales intermédiaires. Le ministre libéral des finances, Christian Lindner, qui tente actuellement de faire de la France un nouveau bouc émissaire de ses propres difficultés budgétaires, défend également avec le même déni du réel et les mêmes mensonges que messieurs Attal et Darmanin en France le refus de toute augmentation des impôts des riches. Alors que l’Allemagne en récession souffre d’un déficit de demande, il préfère proposer une consolidation budgétaire encore plus récessive. C’est un suicide économique par sectarisme idéologique. Les Allemands n’en veulent pas – ou en tout cas n’en veulent plus.

Si les Unions chrétiennes – la droite chrétienne démocrate – réussissent à maintenir leur position de 2019, c’est à un niveau historiquement bas. 30% n’a rien de glorieux pour ce courant politique. Les Allemands de la classe moyenne, les retraités des classes populaires, continuent d’assimiler la droite à une image de sérieux budgétaire, alors même que l’échec du merkellisme est à l’origine des difficultés européennes actuelles.

Les partis anti-système, qu’ils soient d’extrême droite, de gauche radicale ou de « gauche conservatrice »4, ou d’intérêts particuliers, ont un score cumulé supérieur à celle de la coalition gouvernementale. Les deux principaux partis qui ont le plus progressé sont d’un côté l’AfD – l’extrême droite néofasciste – passant de 10 à 15%, et « l’alliance Sahra Wagenknecht » (BSW), un parti de « gauche conservatrice » créé l’an dernier, passant du premier coup à 6,2%. Les deux partis sont critiques de l’UE, du soutien massif à l’Ukraine et des ouvertures répétées des frontières, mais pas pour les mêmes raisons. Là où l’AfD recycle les contenus racistes de l’extrême droite des années 1920, BSW met au cœur de son agenda les questions économiques et sociales. C’est là-dessus que BSW convainc un électorat hésitant entre abstention et vote anti système. Les Linke (héritiers lointains des communistes allemands) ont pris la voie d’une stratégie « Terra Nova », qui se rapprochent de celle adoptées par LFI depuis 2021 ; ils se sont effondrés à 2,7%. Les partis satiriques ou n’ayant aucune chance d’avoir des élus cumulent quand même 8,9% des voix!

La déroute électorale des européennes a aggravé la crise interne de la coalition gouvernementale. D’autant plus qu’en parallèle, à la suite d’un recours des Unions chrétiennes, le Conseil d’État allemand a jugé le budget 2024 « contraire à la constitution » : la « règle d’or » constitutionnalisée par Angela Merkel en 2010 empêche le gouvernement de s’endetter pour financer la relance économique nécessaire face aux crises de l’inflation et de l’énergie. Le piège merkellien est parfait.

Dans ce contexte, tout le monde attendait un tremblement de terre dans les trois élections régionales de septembre 2024. Il a bien eu lieu.

Les Régionales en Thuringe, Saxe et Brandebourg, triomphes de l’extrême droite et de la « gauche conservatrice »

La Thuringe a offert un triomphe pour le parti d’extrême droite AfD, premier avec 33,4% des voix. L‘AfD de Thuringe est conduite par Björn Höcke ; elle n’est pas comparable au RN ou aux Fratelli d’Italia de Georgia Meloni : c’est beaucoup plus radical, ce parti assume d’être catalogué « néofasciste » par la,justice allemande et « catégorie Sé par les services de sécurité intérieure. Björn Höcke assume avoir milité dans sa jeunesse au sein d’un groupe néonazi et de présenter des candidats néonazis. Aucun autre parti ne souhaite s’associer avec eux.

Les Linke avaient la présidence de région : ils perdent 18 points (!) passant de 32% à 13% des suffrages exprimés et de première force à quatrième, loin derrière la droite conservatrice (23,6%) et BSW (15,8%). Pour BSW, c’est aussi un triomphe – presque personnel : Sahra Wagenknecht est née en Thuringe. La coalition régionale la plus probable pour gouverner devra rassembler BSW et … la droite conservatrice, CDU.

Le SPD sauve sa présence dans le parlement régional avec 6,1%, perdant 2 points, pendant que les Verts et les Libéraux passent tous les deux sous la barre des 5%. La coalition gouvernementale ne totalise que 10,4% des voix dans cette région.

En Saxe, les chrétiens démocrates sont arrivés en tête de justesse avec 32%. Mais là aussi l’AfD jouera un rôle important avec ses 30,6%.

C’est le nouveau parti de Sahra Wagenknecht, BSW, qui emporte l’électorat abandonné par les Linke, empêchant leur dérive vers l’AfD. Sans le BSW, l’AfD aurait probablement dépassé les 40%. En Saxe, les Linke passent sous la barre des 5% (ils perdent plus de la moitié de leur électorat au scrutin de liste) mais ils conserveront leur représentation au parlement régional en emportant deux circonscriptions territoriale à Leipzig, ce qui leur ouvre droit à une représentation proportionnelle dans le Landtag. Les Linke ont choisi une stratégie en impasse qui ne leur ouvre plus que l’électorat des centres urbains, à la manière de la gauche française actuellement dominée par LFI. Les écologistes ont le même problème : vote urbain bourgeois, ils sont ratiboisés en Saxe mais passent juste au-dessus du seul de 5% et sauvent deux circonscriptions de Leipzig.

Dans le Brandebourg, le SPD, porté par un président de région très populaire faisant campagne sur son nom, gagne presque 5 points et finit de justesse devant l’extrême droite (30,9% contre 29,2%). BSW est le troisième parti avec 13,5% suivi des Unions chrétiennes à 12%. Tous les autres partis finissent en dessous de 5% et disparaissent du parlement. Les Verts perdent presque 7 points passant de 11 à 4% dans une région entourant Berlin avec de grandes villes, comme Potsdam qui leur étaient traditionnellement favorables. L’échec de la stratégie des milieux urbains face aux enjeux de classes et de territoire est là-aussi patent.

Les Linke payent là-encore leur stratégie ultra-urbaine et post-moderne avec un terrible prix, passant de 10,72 à 2,98% dans une région qui fut pourtant un de leur bastion.

Les Libéraux sont insignifiants dans cette région et continuent d’y perdre des voix.

Dans les trois Länder qui ont voté en septembre 2024, BSW pourrait être associé aux exécutifs régionaux et à la majorité régionale, avec les Unions chrétiennes en Thuringe et Saxe et le SPD en Brandebourg.

La crise de la coalition et les perspective de futures coalitions

La coalition « raisonnable » actuelle, constituée depuis la fin de l’année 20215 par des social-démocrates et des écologistes, aux positions économiques plutôt libérales, et les Libéraux, est un échec. Les sondages situent aujourd’hui la somme des trois partis à moins de 33%; le parti allié de Emmanuel Macron, le libéral FDP devrait passer en 2025 sous le seuil pour être représenté au Bundestag6.

La coalition va tenir jusqu’aux élections de 2025, dans moins de 11 mois maintenant. Mais elle est paralysée.

La crise de leadership au SPD (son jeune et charismatique secrétaire général, Kevin Kühnert, vient de démissionner « pour raisons de santé » et renonce à se représenter), le rejet croissant des écologistes par une partie de l’opinion publique (s’expliquant en partie car leur écologie punitive ne rappelle pas assez à leurs responsabilités les classes riches allemandes et s’en prend trop facilement aux comportements contraints des classes populaires) et la crise du FDP (combattant pour sa survie électorale) empêcheront toute action concrète allemande.

Alors que, suite à la dissolution irresponsable de Macron, la France a également un exécutif extrêmement faible, dépendant du RN pour survivre, les deux États les plus puissants de l’UE sont politiquement handicapés. L’absence de vision politique pour l’Allemagne et l’Europe laisse la myopie budgétaire dominer les débats. Les appels à une consolidation budgétaire massive est pourtant contestée par tous les économistes européens : ceux-ci font le constat que l’Allemagne a contribué à la crise de ses six partenaires sous procédure de l’UE parce qu’elle a massivement refusée d’investir, accumulant plus de 1000 milliards d’euros de retard dans ses infrastructures. Ces retards ont enfin un coût sur la compétitivité des industries du pays, qui ne peuvent être rattrapés par de nouvelles baisses de salaires.

Regarder les réalités en face, c’est donc reconnaître l’absurdité de la « règle d’or », la profonde injustice de la répartition de la prospérité des années 2009-2019, et les profonds traumatismes des années 2015-2023, avec deux vagues de réfugiés de un million de personnes chacune, suscitant plus de solidarité que les 17% de pauvres, dont 10% de salariés pauvres, brutalisés éaglement par la crise du Covid et l’impact de l’inflation sur les ménages populaires. Pendant ce temps, les grandes entreprises augmentaient leurs dividendes selon un modèle que nous avons observé en France : il conduit à la perte de l’industrie, à la hausse des inégalités, à l’asphyxie des services publics et à l’agonie de la démocratie.

L’exportation, c’est la surproduction d’un côté, la pauvreté des Allemands de l’autre

L’ensemble du système économique exportateur au cœur de la prospérité des classes riches allemandes est fondé sur l’accès abondant et peu cher à l’énergie, la déflation salariale pour les catégories populaires et moyennes et la protection du niveau de salaire des catégories intellectuelles supérieures et d’encadrement chargées de consommer.

Car une économie exportatrice sur une aussi longue période à de tels niveaux – plus de 6% du PIB en excédents pendant plus de 10 ans, contrevenant d’ailleurs aux critères de Maastricht – peut aussi être décrite sous un aspect plus négatif.

C’est une économie nationale en surproduction, mais qui refuse l’augmentation du pouvoir d’achat intérieur qui permettrait à sa population de consommer la surproduction, obligeant dès lors à écouler le surplus produit par le travail des Allemands à l’international.

Cela a deux conséquences :

1- Plus une économie exporte en points de PIB, plus ses travailleurs s’appauvrissent

C’est la conséquence logique et inévitable. La compétitivité est également la pauvreté, ce sont deux termes équivalents.

C’est la raison pour laquelle les gigantesques excédents commerciaux, par peur de créer une tension inflationniste par un regain de demande intérieure, n’ont pas été investis dans le pays, dans la transformation de l’économie, de l’énergie ou dans les infrastructures publiques.

Si les travailleurs bénéficiaient des excédents commerciaux, leur consommation augmenterait, ce qui mécaniquement réduirait l’ampleur du déficit commercial. Si l’Allemagne avait accepté de redonner à sa demande une partie des excédents, elle aurait, dans un premier temps (tout en conservant le même volume d’exportations,) augmenté ses importations. Une partie de sa production destinée à l’exportation aurait été absorbée par son marché intérieur. L’objectif désirable – revenir à un équilibre du commerce extérieur (en tout cas revenir en dessous des 6% de PIB tels que fixés dans les traités européens) – aurait été atteint tout en favorisant la cohésion sociale et en permettant aux économies des partenaires commerciaux d’en bénéficier.

Les élites allemandes ont fait un autre choix : alimenter l’inflation spéculative de l’immobilier et du foncier, ainsi que celle des valeurs cotées en bourse, et accumuler le capital sous forme d’augmentation du patrimoine de ses millionnaires et milliardaires. Tout cela sous couvert de « sérieux budgétaire »…

2. Les partenaires commerciaux de l’Allemagne exportatrice sont en sous-production

Les surplus allemands empêchent les économies de ses voisins de développer les activités nécessaires pour répondre à leur demande intérieure et la dépression de la demande allemande empêche ces économies de développer des produits pour couvrir les besoins allemands.

L’économie exportatrice allemande, « compétitive », appauvrit par force ses voisins qui, pour payer leurs déficits, sont obligés de s’endetter. La France a ainsi été l’un des pays européens les plus maltraités par l’économie exportatrice allemande.

La déflation salariale et la transformation de l’État providence en État de surveillance, avec création d’une trappe à main d’œuvre improductive découlant des réformes de l’assurance chômage dites « Hartz I à IV » ont piégé 5 millions de personnes pendant plus de 10 ans dans ce statut. Pour le faire accepter, l’Allemagne a pesé en faveur d’une déflation des produits de consommation populaire, quitte à faire baisser la qualité alimentaire et tuer les réseaux de distribution locaux au profit des grandes surfaces à rabais.

La déflation salariale supposait aussi une déflation sur les prix à la consommation. Il fallait donc réduire toutes les frictions à la hausse de coûts pouvant justifier des revendications sociales unissant des classes et catégories maintenues séparées.

Pour cela, il fallait désorganiser la politique agricole commune, empêcher les politiques de production durable et biologique, les modes de distribution près des marchés et circuits courts, les jachères et les petites exploitations « jardiniers de la nature » au profit de la concentration, des usines d’élevages de grande taille, des traités de libre-échange avec des pays pauvres pour qu’ils mobilisent leur capital naturel à la production et exportation de nourriture pas chère. La crise pandémique a ainsi permis de mettre au jour chez l’un des principaux producteurs de saucisse allemand, le groupe Tonnies, un véritable système « d’esclavage moderne »7.

La recherche de la baisse des coûts et le maintien des marges en rendement décroissant ne laissait pas d’autres alternatives au tenants de la loi du marché et des politiques de compétitivité que l’épuisement des ressources gratuites d’un point de vue financier de la nature, par l’épuisement des sols et la déforestation des forêts primaires, la surpêche avec des techniques extrêmement dispendieuses en plastique8.

L’autre épuisement de la nature c’est l’épuisement démographique

Depuis 1975, les deux Allemagne sont en crise démographique : il meurt plus d’allemands qu’il n’en naît. Ce choix, jamais remis en cause sérieusement, a deux avantages déflationnistes :

  1. En l’absence de croissance démographique, les services publics croient plus lentement que la croissance économique. Si l’on calcule par exemple la différence de coût social de la croissance démographique française entre 1975 et 2024 et celle de l’Allemagne, le choix nataliste de la France lui a coûté 2000 milliards d’euros de plus sur la période. Les besoins en service public en France ont été logiquement bien plus élevés et croissant à un rythme supérieur à la croissance – du fait même de la croissance démographique – entraînent par force une augmentation du poids des dépenses publiques rapportées au PIB.
  2. L‘Allemagne a besoin d’un afflux permanent de travailleurs adultes, déjà formés au coût d’économies nationales lointaines, pour maintenir sa population active. Si l’on veut s’essayer à une métaphore footballistique : la France est restée au niveau des grands États-Nations un club formateur, l’Allemagne a choisi de puiser dans les autres clubs pour recruter ses joueurs productifs – sans payer de transfert au club formateur cependant. À la fin, les clubs de football français sont en faillite pendant que le Bayern Munich remporte la coupe d’Europe – ce qui est en jeu ici ce sont les secteurs industriels des deux pays.

Le patronat allemand a donc applaudi l’arrivée des réfugiés en 2015 et en 2022 ; en toute logique, l’Allemagne, même si elle a un peu verrouillée ses frontières suite à des attentats islamistes en 2024, a besoin de la liberté de circulation des personnes. Cela contribue, malgré un taux de chômage à 4% ou moins, à maintenir les salaires vers le bas pour les emplois de service et de l’économie intérieure.

Pour maintenir un taux de fécondité bas, l’Allemagne a refusé de copier le système français où la femme active bien formée est aussi un acteur économique autonome. La femme allemande est moins émancipée économiquement comparée à sa voisine française9. Son taux de pauvreté en retraite est plus élevé. Son taux d’activité est à temps plein de seulement 45% contre 53% en France. Les femmes allemandes qui travaillent le font en temps partiel, plus court que les Françaises en temps partiel, avec de grosses pertes de revenu. Les taux d’emplois des hommes sont cependant comparables entre les deux pays. C’est un choix politique, avec des habitus à la fois culturels et sociaux, et des lois fiscales décourageant les épouses mères de travailler, et discriminant les mères seules.

Ce système supposait une chaîne logistique spécialisant pour un coût toujours décroissant des économies nationales éloignées. Ainsi, on a découvert avec la pandémie que la Malaisie, pour se spécialiser dans l’agriculture d’exportation, avait perdu sa position de producteur de poulets, pourtant plat national de base, et qu’avec les pénuries logistiques de 2021, le pays n’arrivait plus à importer de poulets… Les surplus agricoles malaisiens servaient à importer des machines et des voitures… allemandes. C’est une autre illustration que la « globalisation heureuse » n’aboutit pas à un équilibre global tendant à la victoire des valeurs démocratiques, mais à des inégalités de plus en plus fortes, et des violences internationales de plus en plus marquées.

La pénurie est programmée par nature dans le système

L’abondance d’une énergie peu chère est devenue une priorité pour l’Allemagne, tout en se libérant de toute contrainte au sein de la zone monétaire. Il était important d’importer en devises faibles et de limiter les importations en Euro. Toute la stratégie européenne de Angela Merkel se résumait en deux mots : mercantilisme allemand10.

Contrairement à une lecture dominante française, Merkel n’a jamais joué l’Europe ou l’amitié franco allemande11. Elle a poussé à l’extrême les logiques de compétition et de concurrence, c’est à dire le jeu égoïste et individualiste, et trouvée des alliés en Europe bien décidés à jouer aussi ce jeu-là : le Benelux, les pays du pacte de Visegrad, la Grande Bretagne de Cameron. L’échec du système était visible dès fin 2019, et fut accéléré par la crise pandémique.

La guerre d’agression russe en Ukraine a cependant révélé l’échec du mercantilisme merkellien, présentant la facture à la coalition qui a succédé à son gouvernement12.

La désindustrialisation, conséquence des choix de long terme et d’erreurs à court terme, s’accélère en Allemagne

La Deutsche Bank a publié fin 202213 une étude prévoyant une perte de point d’industrie du PIB de 1 à 1,5 par an et la disparition de l’industrie allemande, actuellement à 20% – du moins sa réduction à un poids marginal, comparable à la France ou le Royaume Uni à 7% du PIB – d’ici 2030.

Un rapport publié cet été14 a constaté qu’alors que l’index de production industrielle reste largement en dessous de 2019, la part de l’industrie dans la balance commerciale progresse. Si l’auteur allemand se réjouissait de ce ratio, il en concluait que les entreprises allemandes montaient en gamme pour protéger leurs marges et continuer d’exporter, on peut surtout y voir que le grand problème allemand, c’est sa demande ! Car si l’Allemagne produit moins, et exporte plus, c’est qu’elle consomme encore moins ! Et ceci est sans doute le signe le plus manifeste de la crise sociale profonde de la société allemande dans son ensemble.

En effet, les Allemands n’ont pas réduit leur consommation suite à une formidable prise de conscience écologiste décroissante : la haine à l’égard des écologistes que nous avons décrit plus haut est aussi la conséquence d’une vie matérielle de pénurie pour les Allemands des classes populaires qui n’en peuvent plus de ne jamais bénéficier de l’économie. Leur parler de décroissance est ici un chiffon rouge.

Les experts américains autour du ministère de l’économie du gouvernement Biden disent d’ailleurs que malheureusement « l’Allemagne est dominée par un tas de comptables » sans vision. Cela fait écho aux propos de Thomas Geithner, le ministre américain du budget sous Obama pendant la crise financière, désignant comme « stupides » les idées de Merkel, Sarkozy, Cameron, Trichet et Barroso pour créer leur traité budgétaire « Merkozy ».

Le rapport Draghi publié15 en août 2024 démontre d’ailleurs combien l’absence de volonté d’investissement public et industriel a contribué, au nom des « règles d’or », au décrochage de l’Europe. Il défend l’idée d’un nouveau « Plan Marshall » sous stéroïde pour rattraper le retard accumulé depuis 2005 : 3 fois plus d’investissement que dans le plan de reconstruction américain des années 1950 !

Mais la désindustrialisation allemande a aussi d’autres raisons.

D’abord, de nombreuses entreprises ont tout misé sur la Chine sans comprendre que le régime, communiste, signifiait que les capitaux investis passaient sous contrôle du parti. Au plus fort de la crise pandémique, c’est le gouvernement chinois qui a fait rouvrir des usines allemandes contre la volonté même des propriétaires allemands. En bonne règle comptable, les capitaux en question devraient être effacés des bilans…

De plus, la Chine a su copier, et créer sa propre demande intérieure, qui alimente sa propre production nationale. Le marché mondial est ainsi inondé de voitures électriques au point que tout le secteur automobile allemand s’enrhume.

L’une des sociétés ayant ainsi misé sur des modèles électriques « haut de gamme » à forte marge, c’est Volkswagen. Mais ces berlines font face à une forte concurrence, et surtout, le marché européen va être au début dominé par la demande des classes moyennes et certaines classes populaires. La conséquence : VW négocie en ce moment avec la représentation syndicale un énorme plan de restructuration avec fermeture d’usines à la clé16.

Le problème est cependant présent également pour les machines outils, la robotique ou les centrales énergétiques. L’Allemagne n’arrive pas maintenir sa production industrielle parce qu’elle n’arrive pas à stimuler sa demande intérieure. Alors que les marchés internationaux deviennent plus concurrentiel et inabordables suite aux crises géopolitiques, l’Allemagne devrait pouvoir compter sur sa demande intérieure. Mais la logique déflationniste cependant s’y oppose.

L’Allemagne préfère ainsi perdre son industrie et sa démocratie plutôt que de massivement investir dans le pays.

Les conséquences en France et en Europe

La France et les pays du Sud de l’Europe avaient une vision à la fois romantique et idéaliste de l’Union Européenne comme un espace de coopération entre alliés.

Les Flamands, les Néerlandais, les Allemands, les Danois, les Britanniques, les Suédois et, dans une certaine mesure, les Hongrois et les Polonais avaient eux une autre vision de l’Union Européenne où il y aurait des gagnants, et donc des perdants, et ces perdants, il fallait les plumer.

L’Irlande, un temps assimilée aux pays du Sud comme pays problématique pendant la crise financière de 2010 a accélérée la mise en place d’instruments lui permettant de pirater elle aussi les ressources de l’espace européen.

En 2024, même Le Monde est obligé d’ouvrir les yeux sur ces actes de piraterie fiscale. C’est l’Union Européenne qui est obligée de forcer l’Irlande à faire respecter les lois fiscales de l’Europe, forçant Apple à payer 13 milliards d’euros de manque à gagner fiscal. Mais l’Irlande consolide un tel niveau de plus value réalisé ailleurs dans l’Union que les statistiques européennes en sont faussées17 !

La France elle a longtemps cru à son propre récit d’une Europe solidaire, construisant ensemble, par la coopération et la réconciliation des peuples, une économie au service d’intérêts communs.

La crise financière de 2008 et la présidence Sarkozy ont été le moment d’un réveil des élites les plus riches de France : une grande fête avait lieu en Europe, et ils n’en étaient pas encore pleinement – participer à la fête supposait de sacrifier l’industrie française, de détruire son État social de marché issu du compromis historique de 1944 entre résistances nationalistes, communistes et socialistes, et de se nourrir sur la bête : le peuple français. C’est la grande trahison des élites, qui, abandonnent leur rôle de contre pouvoirs internes, dissolvent ceux-ci pour rejoindre les intérêts des classes dominantes européennes.

Les élites françaises, toutes occupées à s’enrichir qu’elles soient, ont bien conscience que la fête ne va durer que le temps de la mise aux enchères du patrimoine national, et qu’après, il faudra bien un autre modèle.

La facture est là : le budget 2023 adopté sans débat parlementaire s’est révélé être mensonger, et très mal exécuté ; le budget 2024 est une farce tragique. Le gouvernement Barnier se retrouve, tant dans sa composition, la tolérance de son existence par l’extrême droite, et son programme profondément austéritaire, être une mauvaise copie du gouvernement Von Papen de juillet 1932.

La crise économique et budgétaire française est cependant indissociable du comportement prédateur des élites allemandes en Europe, au détriment de sa propre population, et de ses partenaires européens18.

Emmanuel Macron ne s’est pas seulement entouré de gens médiocres ne le concurrençant pas qui ont mal exécutés les plans conçus sur des fausses théories, il a également sous-estimé le trou noir que constitue l’économie exportatrice allemande sans investissement dans sa demande intérieure. C’est un trou noir absorbant les énergies extérieures, puis ses propres énergies, et son peuple même, dans une implosion mortelle pour la démocratie.

La solution: la relance européenne, la baisse des taux de la BCE, la fin du traité budgétaire et de la « règle d’or », et l’Allemagne en consommateur de dernier ressort

Le rapport Draghi a présenté la note de l’échec du merkellisme : 6 fois le plan Marshall des années 1950 en investissements publics nécessaires !

L’économie européenne menace de subir un troisième décrochage massif en 25 ans et de devenir une région sans importance dans le monde.

La crise économique et sociale s’accompagne d’une crise morale. En l’absence de grand projet, les peuples européens se rebellent contre une démocratie dont ils sont les perdants.

Il faut rétablir l’économie sociale, l’État architecte d’un pacte social et lieu de modération des conflits d’intérêts, casser la logique de la loin du marché toute puissante, et retrouver une fiscalité juste mettant à contribution les classes gagnantes de la période 2005-2024.

L’alternative, c’est de connaître la même fin que la République de Weimar.

Mathieu Pouydesseau

1 En 1787, le premier ministre russe a fait fabriquer des façades de en trompe l’œil dans de faux villages pour faire croire à l’impératrice Catherine visitant l’Ukraine à la prospérité des paysans.

2 Weimar : surnom donné à la première république allemande, proclamée en novembre 1918 mais dotée d’une constitution adoptée par le Reichstag à Weimar en 1919.
Bonn : surnom donné à la seconde république fédérale, ouest-allemande, créée sous la domination des occupants occidentaux avec le vote de la loi constitutionnelle (Grundgesetze, GG en abrégé) en 1949 et l’établissement de la capitale à Bonn.
Depuis la réunification et le retour de la capitale à Berlin, on parle parfois à partir de 1995 de « République de Berlin » pour différencier le régime après la réunification des cultures politiques propres à l’Allemagne de l’Ouest.
De 1949 à 1990, la souveraineté allemande sur les territoires de l’Est sous occupation soviétique est assurée par le régime de la « République démocratique allemande » qui disparaît le soir de la réunification.

3 AmpelKoalition : Vert-Jaune-Rouge, c’est-à-dire écologistes/libéraux/social-démocrates.

4 Faute de mieux, pour catégoriser ce parti, nous utiliserons le vocable de « gauche conservatrice », afin de caractériser son indifférence relative, tout du mieux le fait que BSW considère les questions sociétales comme secondaires ou accessoires voire dilatoires.

5 À propos des élections allemandes de septembre 2021, relire l’article : https://g-r-s.fr/allemagne-defaite-des-conservateurs-et-bundestag-introuvable/

6 https://www.wahlrecht.de/umfragen/

7 Sur « esclavage moderne » dans le groupe Tönnies :

8 80% de la mer de Plastique du Pacifique Nord a comme origine, non le plastique consommé sur le continent, mais celui jeté par dessus bord par la pêche industrielle et les activités maritimes.

9 Avant le COVID :
Les Allemandes travaillent moins que les Françaises, dans le blog de l’OFCE : https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/les-allemandes-travaillent-moins-que-les-francaises/
et après COVID :
Allemagne – Les nouvelles mesures gouvernementales pour renforcer la participation des femmes au marché du travail : un défi impossible ? | Variances https://variances.eu/?p=7622

10 Sur le mercantilisme merkellien, lire : https://librechronique.net/2022/10/20/le-mercantilisme-merkellien-triomphe-de-la-raison-stupide/

11 Mathieu Pouydesseau avait développé abondamment cette idée en février 2017 dans un entretien avec Coralie Delaume (repris en partie dans son ouvrage L’amitié franco-allemande n’existe pas) L’arène nue : « Souverainiste, l’Allemagne ne changera pas sa politique européenne », entretien avec Mathieu Pouydesseau : https://l-arene-nue.blogspot.com/2017/02/souverainiste-lallemagne-ne-changera.html
Pour approfondir sur la montée de l’extrême droite avant déjà le Covid, voir ce deuxième entretien réalisé en octobre 2018 : L’arène nue : Où en est l’Allemagne après Chemnitz ? Réponses avec M. Pouydesseau : https://l-arene-nue.blogspot.com/2018/10/ou-en-est-lallemagne-apres-chemnitz.html

12 Nous en avons fait déjà une analyse extensive en février 2022 ici : Le modèle allemand en fin de vie ? https://g-r-s.fr/le-modele-allemand-en-fin-de-vie/

13 sur la désindustrialisation allemande : Analyse: Energiekrise beschleunigt deutsche Deindustrialisierung – Business Insider : https://www.businessinsider.de/wirtschaft/energiekrise-anfang-der-deindustrialisierung-deutschlands-deutsche-bank-studie-b/

14 sur la résistance de l’exportation mais aussi sur le niveau de l’industrie inférieur à 2019 Deindustrialisierung? Deutsche Industrie zeigt auch neue Stärke – Business Insider : https://www.businessinsider.de/wirtschaft/deindustrialisierung-deutsche-industrie-zeigt-auch-neue-staerke-laut-deutsche-bank-analyse/

15 Compétitivité de l’UE : les préconisations du rapport Draghi | vie-publique.fr – https://www.vie-publique.fr/en-bref/295303-competitivite-de-lue-les-preconisations-du-rapport-draghi

16 sur la crise de Volkswagen : Crise chez Volkswagen : le modèle social allemand à l’épreuve https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/09/06/crise-chez-volkswagen-le-modele-social-allemand-a-l-epreuve_6305674_3234.html et un article de 2015 sur la crise du Dieselgate : La paille et la poutre http://www.gds-ds.org/la-paille-et-la-poutre-1/

17 https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/09/30/en-irlande-un-excedent-budgetaire-historique-qui-depend-du-detournement-des-impots-du-reste-de-l-europe_6339796_3234.html

18 sur la paupérisation des classes salariées allemandes et l’extension du temps de travail des classes salariés françaises https://g-r-s.fr/ce-que-les-politiques-neoliberales-ont-coute-a-la-production-francaise/

Définir les leçons de Weimar

Lorsque la crise économique et financière de 1929 se déclenche, l’Allemagne connaît en seulement 4 années une véritable désintégration de la république. Sans culture démocratique enracinée, avec des forces sociales lui ayant été opposées dès ses débuts, la première République n’avait pas d’instruments pour résister.

Cependant, l’analyse de son suicide – car c’est bien cela qu’il s’est passé – est plein d’enseignement quant à la crise démocratique actuelle. Elle est aussi pertinente pour analyser la crise démocratique française, où la constitution de la cinquième république permet un haut niveau d’autoritarisme et de pouvoir personnel, expliquant que la crise sociale n’a toujours pas eu de conséquence sur les politiques économiques menées.

Que s’est-il passé entre 1929 et 1933 ?

Tout d’abord, notons l’accélération du rythme politique : entre décembre 1928 et mars 1933, dernier scrutin pluraliste, ce sont pas moins de 5 élections générales qui ont lieu. Sans dissolution, le rythme aurait pris normalement 20 ans.

Ensuite, c’est la seconde caractéristique du régime : c’est une « grande coalition » qui gouverne de la chute de l’empire en 1919 à 1930. Les partis représentés sont le SPD, le parti du centre catholique libéral Zentrum et le parti conservateur DDP. S’il fallait comparer avec des partis d’aujourd’hui, imaginons un gouvernement du socialiste Cazeneuve en coalition avec Attal, Bayrou, Wauquiez et Philippe.

Le clivage est entre le cercle de la raison rassemblant centre gauche et centre droit, et les extrémistes, du Parti communiste à l’extrême droite, en passant par la droite national-populiste antisémite, non encore unifiée par le NSDAP de Hitler. En 1929, le parti nazi est marginal, à 4,5%, comme l’AfD en 2013 (4,9%).

Cependant, rapidement, les politiques de baisse des salaires du centre droit ne sont plus compensées pour les classes populaires par une réindustrialisation, promesse de solution au chômage, dans le contexte d’une économie d’exportation, l’Allemagne devant dégager un énorme excédent pour rembourser ses dettes de guerre et ses réparations aux pays qu’il a agressé et détruit.

À partir de 1930, effrayés que le SPD puisse se rapprocher du Parti communiste sur l’antifascisme, la droite confisque le pouvoir et constitue des gouvernements minoritaires, s’appuyant sur le président de la République pour passer les textes législatifs par ordonnances, ou par l’équivalent des votes bloqués que nous connaissons sous le nom de 49.3. La rupture se fait sur la réforme de l’assurance chômage.

Voyant que le vote ne sert à rien, les électeurs allemands votent contre celle-ci, choisissant de plus en plus soit des micro partis soit des partis considérés comme « hors du champ républicain » et donc non associés au pouvoir.

Entre 1928 et juillet 1932, on passe de 10 à 15 partis représentés au parlement. Surtout, la gauche, oscillant entre 41% en 1928 et 36% en juillet 1932 est profondément divisé en « gauches irréconciliables ». La diabolisation du Parti communiste entraîne dès juin 1932 une tolérance accrue à l’extrême droite.

C’est le moment que choisit un dirigeant du centre catholique, Von Papen, pour renverser la coalition précédente et gouverner avec une coalition minoritaire libéral-conservateurs et la tolérance de l’extrême droite. Le soutien sans participation du NSDAP ne lui réussit pas : en janvier 1933, la gauche progresse un peu, le parti nazi recule. L’émiettement se poursuit. Après l’échec à construire une nouvelle coalition d’union nationale avec un soutien sans participation du SPD, Von Papen, chancelier de juin à décembre 1932 avec la tolérance du parti nazi, organise une coalition rassemblant à la fois les élites technocratiques, une partie du centre libéral catholique, la droite antisémite et le parti nazi, avec Hitler chancelier.

Les droites de l’amer

C’est bien connu : À Bruxelles, personne ne t’entend crier.

C’est donc dans une indifférence quasi générale que la nouvelle Commission Européenne se met en place, sous la houlette d’une présidente pourtant largement discréditée. Il y aurait pourtant fort à dire sur les nouvelles orientations de l’exécutif communautaire, et sur la disparition des préoccupations écologiques et sociales de sa feuille de route : le poste de commissaire à l’emploi et aux affaires sociales a d’ailleurs….disparu.

Mais Madame Von Der Leyen ne se contente pas de supprimer les intitulés. Elle se réserve aussi le droit de choisir les titulaires des postes subsistants. Ainsi a-t-elle refusé, purement et simplement, la reconduction du commissaire français, Thierry Breton. Il s’agit là d’une affaire bien plus grave qu’il n’y paraît, et cela quoiqu’on pense du bilan de Monsieur Breton.

C’est la première fois que la France se voit ainsi retoquer un candidat avant même de passer devant des eurodéputés (on se souvient  que Madame Sylvie Goulard, après une audition catastrophique, avait été justement rejetée par la majorité des parlementaires). Et c’est surtout la première fois qu’un chef de l’État français s’exécute !

Au point de remplacer immédiatement l’impétrant par un de ses plus proches en échange d’une promesse (l’élargissement du portefeuille) finalement non tenue. 

On pourra toujours gloser sur les raisons (personnelles, mais aussi politiques) qui ont conduit Von der Leyen à ce coup d’éclat. On pourra toujours rappeler que l’atlantisme échevelé de l’ancienne ministre allemande était peu compatible avec le volontarisme (souvent de façade pourtant) du Français, il n’en reste pas moins que Macron n’a même pas résisté ! Et c’est cela qui est grave. 

Au fond, cet épisode traduit une forme de « macronisation » de la présidente de la Commission, qui implique de s’entourer des plus dociles, des plus malléables, et des plus conformes à l’idéologie néo-libérale mainstream.

L’interminable feuilleton de la nomination du gouvernement français l’illustre parfaitement.   Non seulement Macron prend sept semaines (!) pour nommer un Premier ministre issu d’un parti de droite très minoritaire à l’Assemblée Nationale, non seulement il le fait après avoir obtenu l’assentiment du RN, mais il met un point d’honneur à valider une équipe pléthorique, droitière et politiquement faible, à l’instar de l’exécutif européen. 

Cette coalition des perdants fleure bon le gouvernement RPR-UDF de fin de règne, à la merci du RN.  Les millions d’électeurs qui se sont mobilisés entre les deux tours pour contrer l’extrême droite ne doivent pas désespérer. Nous porterons leurs voix et leurs aspirations au Parlement et dans la rue.

Commission européenne : Emmanuel Macron cède encore devant Ursula von der Leyen et l’Allemagne

Alors que Thierry Breton vient de quitter ses fonctions sur injonction d’Ursula von der Leyen (présidente de la commission européenne, reconfirmée cet été par le Parlement européen), il doit être rappelé que la Commission européenne est un collège composé de choix émanant des États membres, approuvés par le Parlement européen.

Ainsi, il n’appartient pas à Ursula von der Leyen de décider selon son « bon vouloir » quel commissaire est compatible avec elle, en fonction de son degré d’opposition à la politique du « fait du prince » conduite au sein de la Commission européenne. Il n’appartient pas non plus à l’Allemagne et à sa représentante au sein de la Commission européenne de décider quel commissaire la France doit désigner au sein de l’exécutif européen, notamment pour mieux imposer en Europe les choix décidés outre-Rhin en matière d’énergie, de politique industrielle et commerciale, de défense ou encore dans les domaines numériques !

Enfin et surtout, il incombe au Président de la République comme au Premier ministre d’être garants des intérêts de la France en Europe et de refuser les politiques libérales et d’austérité qui étranglent notre pays depuis des années.

Les eurodéputés français qui ont ratifié la candidature de von der Leyen paient leur naïveté et leur double discours d’une humiliation pour la France. Les macronistes, LR et les socialistes avaient pourtant tous critiqué sa politique et ses méthodes pendant la campagne des élections européennes. Ce dernier et lamentable épisode symbolise et concentre à lui seul l’inconséquence des européistes.

Changement constitutionnel en Irlande : la balle est dans le camp du cabinet britannique

Plus de cinq semaines se sont écoulées depuis les élections générales pour la Chambre des Communes. Elles ont offert au Labour Party conduit par Keir Starmer un retour en grâce qui doit bien plus à la déchéance des Tories, aux difficultés internes des nationalistes écossais et à la fin de la séquence du Brexit (qui avait vu le Red Wall passer aux mains des conservateurs grâce à la promesse de Boris Johnson de mettre fin aux atermoiements du parlement) qu’au caractère enthousiasmant du programme du nouveau gouvernement Keir Starmer.

Une victoire travailliste massive mais par défaut

Le nouveau Premier ministre britannique a résolument engagé son parti sur une voie centriste depuis qu’il a battu la dauphine de Jeremy Corbyn en avril 2020 pour le poste de chef du Labour : les 10 promesses sur lesquelles il avait alors fait campagne pour obtenir le « job », et qui marquaient une forme de continuité économique et sociale avec la ligne précédente du parti, ont été prestement effacée du site internet. Son leadership a donc constitué un retour au New Labour de Tony Blair, sans volonté de renégocier les relations avec l’Union Européenne ,et avec une grande modération dans ses critiques concernant la politique migratoire du gouvernement Sunak.

Aussi la victoire des travaillistes s’explique-telle avant tout par la déconfiture des Conservateurs conduits par le Premier ministre sortant Rishi Sunak, qui ont perdu près de 20 points (et 121 sièges) par rapport au scrutin de 2019. L’ancien (et richissime) directeur de société financière a été incapable de compenser les dégâts causés dans l’opinion par les scandales à répétition sous Boris Johnson et le passage catastrophique au 10 Downing street de sa prédécesseure Liz Truss. Il a dû aussi assumer les dégâts provoqués par la violence sociale de la politique économique des Tories et par les promesses non tenues des brexiters (sur le système de santé, le NHS, notamment).

Une politique plus dure sur l’immigration (on retiendra l’accord absurde de re-migration vers le Rwanda, quelle que soit l’origine des migrants) n’a pas non plus permis de contenir l’extrême droite parlementaire, née des ruines d’un UKIP devenu inutile par la concrétisation du Brexit. Bien au contraire, le Reform Party, la nouvelle petite entreprise de Nigel Farage, semble avoir recueilli une forme de légitimation. Il a ainsi réuni 14,3% (+12,3 points) des suffrages (devant les LibDems avec 12,2%, +0,7) mais n’a obtenu que 5 sièges (contre 72 aux LibDems1 qui emportent 61 circonscriptions supplémentaires, bénéficiant d’implantations locales stratégiques en Angleterre et en Écosse).

Le Labour Party a ainsi et avant tout bénéficié de la division de la droite et et d’une baisse de régime du Scottish National Party2 (le Labour a repris une trentaine de sièges au SNP – qui se maintient à 30% dans la région –, rétablissant le caractère stratégique de l’Écosse dans le dispositif majoritaire travailliste). Le scrutin majoritaire à un tour de circonscription a fait le reste.

Qui est Keir Starmer ?

Cependant le nouveau Premier ministre britannique n’est peut-être pas uniquement ce personnage sans charisme et social-libéral décrit (pas forcément à tort) par ses opposants internes et la presse d’Outre-Manche.

Avocat de talent, il s’est fait un nom dans la défense des droits humains, des libertés publiques et des militants politiques écologistes, mais aussi dans la lutte légale sur des causes économiques. Jeune avocat, il fournit en 1990 une aide juridique gratuite aux manifestants arrêtés par la police après les émeutes contre la Poll tax de Margaret Thatcher (1990) ; il s’est également opposé au gouvernement Blair, lui reprochant en particulier la guerre en Irak et l’attaquant en justice lorsque ce dernier refusa d’accorder des prestations aux demandeurs d’asile.

Et c’est bien dans son parcours professionnel que l’on peut trouver aujourd’hui des éléments de nature à nous intéresser, bien qu’il se soit révélé finalement assez malléable sur ces questions à la tête de son parti : ainsi dès le printemps 2020, il a exclu plusieurs membres du cabinet fantôme au prétexte d’avoir voté contre deux projets de loi conservateurs visant à garantir l’impunité aux militaires et aux agents de renseignement s’ils commettaient des actes criminels au cours de leurs opérations.

Avant de devenir député en 2015, il a été Procureur général (« directeur des poursuites pénales publiques », dans le système britannique) du Royaume Uni de 2008 à 2013, mais surtout il a participé entre 2003 et 2008 à l’élaboration des nouveaux services de police en Irlande du Nord, le Police Service of Northern Ireland (PSNI)3, un des nombreux points découlant des Accords du Vendredi-Saint4. Au moment d’aborder la question de l’Irlande du Nord comme Premier Ministre, cette expérience n’est sans doute pas inutile.

Une scène politique totalement différente

Le tableau politique de la province d’Irlande du Nord n’a pas grand-chose à voir avec le reste du Royaume Uni. Pour la troisième élection consécutive entre 2022 et 2024, le Sinn Féin5 est devenu le plus grand parti politique de la province ; il est désormais en tête de manière décisive en termes de représentativité et de suffrages, au sein de l’Assemblée provinciale, du gouvernement local et des députés élus au parlement britannique (où il continue de refuser de siéger car il ne reconnaît pas la souveraineté britannique sur la province malgré son attitude de coopération avec les autorités britanniques en Irlande du Nord depuis les Accords du Vendredi Saint).

Les sept députés du Sinn Féin élus constituent désormais le plus grand groupe de députés de tous les partis du nord, avec une augmentation de 4,2 points6 en termes de suffrages exprimés. 2024 marque donc le renforcement de Sinn Féin dans un contexte plus favorable à l’unité irlandaise : le Democratic Unionist Party (DUP)7 continue son déclin, ne conservant plus que 5 membres du parlement britannique : il a perdu plus de 70 000 voix depuis 20198 (-8,5 points) et trois sièges à Westminster où il dépassait jusqu’ici de peu la représentation théorique des républicains irlandais.

En réalité, le DUP avait perdu sa position stratégique dès les élections générales britanniques de 2019 : jusque-là, ses 10 députés étaient indispensables à la majorité parlementaire de Theresa May, tout en représentant une partie de ses problèmes. Le DUP était un soutien radical du Brexit, apportant de l’eau au moulin de Boris Johnson ; la victoire électorale massive de ce dernier en 2019 rendait le DUP inutile.

Depuis, le parti ultra-conservateur protestant s’est enlisé dans des scandales internes. Les positions de plus en plus caricaturales de certains de ses élus en matière de société et des dissensions sur la ligne politique l’ont conduit à raidir sa position et à refuser pendant près de deux ans (de mai 2022 à février 2024) la constitution d’un gouvernement provincial dirigé par la républicaine Michelle O’Neill qui avait remporté les élections de 2022 avec 29% de voix (contre 21 au DUP). Le parti unioniste a ainsi perdu sur toute la ligne et le scrutin britannique du 4 juillet dernier ne fut qu’une confirmation supplémentaire : le DUP a perdu sur tous les fronts, il cède North-Antrim au parti Traditionnal Unionist Voice (encore plus à droite), South-Antrim à l’Ulster Unionist Party (UUP)9 et Lagan Valley à l’Alliance Party10. La position globale du Sinn Féin en tant que parti le plus important d’Irlande a été consolidée11.

Le cabinet Starmer doit rompre avec la stratégie d’indifférence qui a prévalu depuis 14 ans

La réalité est que le système gouvernemental et parlementaire britannique proprement dit n’a pas pris en compte les intérêts de l’Ulster et de sa population. Cela est illustré par l’héritage des administrations tories successives qui ont abouti à l’austérité, au sous-financement systémique des services publics, à la catastrophe du Brexit et à la plus récente « loi d’amnistie »12. Cela s’est également traduit par le peu d’entrain des gouvernements conservateurs à peser sur le DUP pour qu’il respecte le cadre constitutionnel nord-irlandais découlant des Accords du Vendredi Saint en entrant dans le gouvernement provincial, tout comme Sinn Féin avait accepté de le faire quand le premier ministre nord-irlandais était membre du DUP.

Cependant, l’élection de la nouvelle administration travailliste offre l’occasion de changer fondamentalement la politique du gouvernement britannique à l’égard de l’Irlande et de réinitialiser les relations entre la Grande-Bretagne et l’Irlande. Les évolutions électorales sanctionnées par le scrutin du 4 juillet reflètent une demande populaire en Irlande-du-Nord pour une amélioration réelle de leurs perspectives politiques, ainsi qu’une opinion croissante selon laquelle le progrès économique et social requis pour répondre aux priorités des travailleurs et des familles ne sera possible qu’en dépassant la partition de l’Île ce qui implique un processus de changement constitutionnel.

Dans les jours qui ont suivi les élections, les médias britanniques et internationaux ont largement commenté la façon dont les bons résultats électoraux du Sinn Féin renforçaient la position de toutes celles et tous ceux qui militent en faveur de l’unité irlandaise. Cet élan a été alimenté par le Brexit, l’indifférence des responsables politiques anglais, l’échec économique et politique de la partition et l’impossibilité complète d’un retour en arrière qui rétablirait la frontière entre les deux Irlande à la suite de la mise en œuvre effective de la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne. Nous avons déjà eu l’occasion d’en expliquer les impasses et l’échec des Unionistes radicaux à relancer – au prix d’une compromission avec la pègre – les « troubles » au prétexte de l’établissement d’une frontière économique de fait entre la Grande Bretagne et l’Irlande du Nord13.

L’unité de l’Irlande est de toute façon à l’agenda

La question n’est plus tant de savoir si la réunification irlandaise est inscrite à l’agenda politique mais de quelle manière l’unité irlandaise peut se réaliser et comment la lier indissociablement à un potentiel de prospérité économique accrue, de services publics de meilleure qualité, d’une stabilité politique et d’un règlement constitutionnel fondé sur l’état de droit. Si Sinn Féin a progressé dans les deux parties de l’Île, c’est aussi en grande partie parce qu’il prétend porter la promesse d’une République Sociale irlandaise, débarrassée du sectarisme confessionnel.

L’Accord du Vendredi Saint fournit le mécanisme permettant l’exercice de l’autodétermination par le biais de référendums d’unité simultanés et permettant une transition planifiée vers la réunification. Or jusqu’à présent, les gouvernements britanniques ont refusé de définir les critères selon lesquels la date de convocation de tels référendums pourrait être fixée, même si l’on peut comprendre que les premières années de la paix civile, après 29 ans de conflits, méritaient une prudence attentive.

Aujourd’hui, les changements électoraux, les changements démographiques, les réalignements politiques, les sondages d’opinion au nord et au sud et les énormes travaux de recherche universitaires soulignent tous la nécessité pour ce gouvernement britannique de commencer à penser et à agir différemment sur la question stratégique de l’autodétermination irlandaise.

Le refus persistant de le faire n’est plus tenable.

Consensus irlandais inédit

En revanche, un consensus émerge désormais sur la nécessité de planifier et de préparer un changement constitutionnel au sein de la majorité des partis politiques de l’île d’Irlande (y compris les trois partis gouvernementaux de coalition à Dublin)14. Le mois dernier, un comité multipartite du parlement irlandais (comprenant à la fois l’Assemblée et le Sénat), le Comité mixte sur la mise en œuvre des Accords du Vendredi-Saint, a publié un rapport historique intitulé Perspectives sur le changement constitutionnel : finances et économie. Ce rapport énonce 15 recommandations, dont la nécessité d’adopter une approche pangouvernementale (gouvernement irlandais, exécutif d’Irlande-du-Nord, cabinet britannique) pour planifier et se préparer à l’éventualité d’un changement constitutionnel. Il appelle en outre le gouvernement de Dublin à publier un livre vert définissant une vision pour une Irlande unie. Il recommande notamment qu’un comité parlementaire irlandais soit mandaté, doté de ressources adéquates et dédié à la préparation d’une Irlande unie dès maintenant.

Ce rapport représente une avancée politique majeure car il intègre ainsi la parole des parlementaires républicains de Sinn Féin dans une expression commune des forces politiques irlandaises, alors que le jeu politique des partis qui avaient dominé la vie politique de la République d’Irlande consistait avant tout à marginaliser les Républicains pour tenter (sans succès) de les faire reculer électoralement. Cela signifie qu’un changement constitutionnel est désormais à l’agenda politique de l’ensemble des partis de la République d’Irlande alors qu’il avait en réalité peu ou prou disparu des objectifs du Fine Gael et du Fianna Fáil (ce dernier ayant tenté de maintenir l’illusion sur ses intentions plus longtemps que son « frère ennemi »15). Bien sûr, cela ne signifie pas que l’unification soit irrésistible, mais le large consensus contenu dans le rapport du Comité mixte reflète la profondeur et la force de l’accord politique sur l’unité irlandaise et les processus nécessaires pour y parvenir.

En octobre 2022, Ireland’s Future, l’organisation civique qui milite et défend l’unité irlandaise, a organisé une grande conférence publique à la 3Arena sur les Docks de Dublin. À cette occasion, elle a réussi à réunir dans une même enceinte les dix principaux partis politiques irlandais de tous les horizons politiques nationaux et démocratiques pour discuter de l’unité irlandaise. Il y a deux mois, et peu avant les élections générales britanniques, Ireland’s Future a organisé un événement similaire à l’Odyssey Arena de Belfast. Cette fois, les représentants des mêmes partis politiques ont été rejoints par l’Alliance Party, signifiant le basculement de cette organisation dont nombre de dirigeants sont issus de communautés unionistes vers la perspective de l’unité irlandaise16. La participation de tous les principaux partis organisés à travers l’Irlande, à l’exception des trois principaux partis unionistes17, souligne ainsi la centralité du changement constitutionnel dans le discours national irlandais.

Deux interventions individuelles extrêmement importantes ont été faites lors de la conférence tenue à l’Odyssey, par Jarlath Burns, président de la Gaelic Athletic Association, et par l’ancien Premier ministre irlandais Leo Varadkar (FG). Burns a insisté sur la nécessité de favoriser les discussions sur l’avenir constitutionnel de l’Irlande, tandis que Varadkar a affirmé qu’il était désormais temps pour le gouvernement irlandais de traiter l’unité irlandaise comme un objectif politique, et non plus simplement comme une aspiration, ce qui illustre la transformation complète de posture du centre droit irlandais que nous évoquions plus haut (personne n’est dupe, il s’agit aussi de tenter de couper l’herbe sous les pieds de Sinn Féin).

Des solutions à l’étude

Ireland’s Future et d’autres, dont le professeur Brendan O’Leary18, ont produit des propositions détaillées sur la fixation d’une date pour les référendums sur l’unité d’ici 2030 et sur le type de processus de transition pour parvenir à un nouveau règlement constitutionnel pour l’Irlande. Le débat sur la réunification est également devenu une préoccupation ouverte du mouvement syndical irlandais depuis la conférence biennale des délégués du Congrès irlandais des syndicats en octobre 2021. Des dirigeants syndicaux, dont Owen Reidy, Gerry Murphy et d’autres, ainsi que des personnalités du mouvement syndical basé en Grande-Bretagne et aux États-Unis, comme Mick Lynch et Terry O’Sullivan, ont tous réfléchi aux futurs arrangements politiques de transition en faisant référence aux droits des travailleurs.

Un plus grand nombre de voix alternatives issues de la tradition civique unioniste se font désormais entendre. Ainsi, des personnalités telles que Denzil McDaniels, Claire Mitchell, Karen Sethuraman et Davy Adams ont élargi la portée du débat en soulignant que les valeurs et les identités des Protestants et des syndicalistes doivent faire partie intégrante du processus de changement en cours.

Alors que le peuple irlandais s’est vu refuser son droit à l’autodétermination sur l’ensemble de l’Île depuis plus de 100 ans, cette option démocratique a finalement été reconnue en 1998 grâce à son inclusion dans les Accords du Vendredi-Saint. Plus que jamais aujourd’hui, la réunification irlandaise et un nouveau règlement constitutionnel constituent des objectifs à la fois raisonnables et légitimes.

Starmer devant ses responsabilités

Le jour est venu pour le nouveau gouvernement britannique de s’engager et d’accepter ces réalités. Il peut entrer dans l’histoire en permettant d’écrire un récit positif. Keir Starmer a les atouts en main pour devenir un partenaire dans la gestion du changement progressiste en Irlande et travailler en partenariat avec le gouvernement irlandais et l’opinion démocratique au sens large pour ouvrir la voie à la réunification et à la réconciliation.

Il y a vingt-sept ans, un gouvernement travailliste, récemment parvenu aux affaires, a joué un rôle crucial en contribuant à garantir un accord de paix en Irlande et à ancrer le processus dans la durée. Cela a été une réussite au-delà des espérances les plus folles de l’époque car l’Accord a tenu face à toutes les chausses-trappes et que ces 27 années ont fait évolué comme jamais les mentalités.

Les gouvernements britannique et irlandais sont désormais devant la responsabilité conjointe de planifier et de préparer le changement constitutionnel et de concevoir une transition ordonnée vers de nouveaux arrangements nationaux, démocratiques et constitutionnels en Irlande. Une feuille de route intergouvernementale convenue et dotée de ressources adéquates est nécessaire ; il est pour cela indispensable que des discussions formelles commencent entre les administrations britannique et irlandaise en place. La réponse anti-raciste apportée des deux côtés de la mer d’Irlande aux émeutes suprémacistes qui ont éclaté en Angleterre et à Belfast ces dernières semaines démontre que les sociétés sont prêtes : ne pas saisir le moment serait un gâchis incommensurable.

Keir Starmer doit se hisser à la hauteur de l’histoire.

Frédéric Faravel


1Les Libéraux-démocrates (anglais : Liberal Democrats, abrégé en LibDems) sont un parti politique britannique libéral classé au centre et au centre gauche. Le parti a été fondé en 1988 par une fusion du Parti libéral avec le Parti social-démocrate (SDP, scission du Labour Party) qui formaient depuis 1981 une alliance électorale. Le Parti libéral existait précédemment depuis 129 ans (il est né au milieu du XIXème siècle de la fusion du parti et du groupe parlementaire Whig et d’une partie des Radicals) et a dirigé le Royaume-Uni sous de nombreux Premiers ministres Gladstone, Asquith et Lloyd George notamment, avant d’être progressivement surpassé par le Parti travailliste, traduction de l’accès de la classe ouvrière au droit de vote et de sa conscience de devoir prendre en charge directement la défense de ses intérêts.

2Le Parti national écossais est le principal parti indépendantiste écossais. Fondé en 1934, le parti retrouve de la popularité depuis les années 1970 et suit une ligne politique de centre gauche qualifiée par le parti lui-même de « social-démocrate ». L’élan électoral du nationalisme écossais découle indirectement du rejet de la politique économique et fiscale Margareth Thatcher, une partie des catégories populaires et moyennes écossaises considérant que la défense de leurs intérêts de classe passaient par une réaffirmation de l’Écosse comme Nation. Lors de l’établissement du Parlement écossais en 1999, le SNP devient le plus grand parti d’opposition. Depuis sa victoire lors des élections législatives écossaises de 2007, le Parti national écossais dirige le gouvernement écossais. Le SNP siégeait au Parlement européen au sein du groupe écologiste.

3Le Service de police d’Irlande du Nord a remplacé en 2001 la Royal Ulster Constabulary (RUC), dont la composition héritée du régime unioniste ségrégationniste qui a dirigé la province de 1920 à 1972 empêchait toute utilisation en faveur de la paix civile : son recrutement exclusivement protestant l’a conduit à de très nombreuses reprises à être complices des groupes paramilitaires « loyalistes » et d’exactions multiples contre la population civile. Le PSNI assure un recrutement non sectaire de ses agents ; elle est par son caractère impartial régulièrement l’objet de critique de la part du principal parti unioniste de la province et des groupes politico-maffieux héritiers des paramilitaires loyalistes. La situation politique en Ulster explique l’armement de tous ses personnels assermentés.

4Pour une présentation complète des Accords du Vendredi-Saint (Good Friday Agreement en anglais, GFA), nous vous invitons à lire notre article du 10 avril 2023 : 25 ans après le Good Friday Agreement, l’Irlande en chemin vers l’unité ? https://g-r-s.fr/25-ans-apres-le-good-friday-agreement-lirlande-en-chemin-vers-lunite/

5Sinn Féin : « nous-mêmes » en irlandais. Parti Républicain, dont la forme actuelle est issue de la tendance du parti qui choisit de conserver l’objectif d’émancipation nationale au côté de l’émancipation sociale en 1969-1970.

6En 2017, le Sinn Féin avait fait un meilleur score en voix comme en pourcentage – 238 915 et 29,4% – mais à l’époque le score écrasant des ultra-conservateurs unionistes du DUP, 36% et l’effondrement des autres partis unionistes, nationalistes ou centristes empêchaient toute évolution. La vacance gouvernementale en Irlande du Nord de plus de 2 ans provoquée par les scandales politico-financiers frappant le DUP et le refus de Sinn Féin de constituer dans ces conditions un exécutif provincial (en pleine négociation pour le Brexit) avait été mal perçue par les nord-irlandais qui avaient d’une certaine manière sanctionné les deux principaux partis de la province remettant en selle les autres forces politiques locales – UUP, SDLP et Alliance Party.

7Parti unioniste démocratique : parti ultra-conservateur protestant, fondé en 1971 par le Révérend Ian Paisley et de nombreux dissidents du Unionist Ulster Party, qui dirigeait le gouvernement provincial depuis 1920 et que les fondateurs du DUP trouvaient trop accommodant avec la volonté (pourtant très limitée) de transformation politique et sociale de la province des différents gouvernements britanniques à partir de 1968. L’intransigeance politique et le sectarisme du DUP l’a conduit à avoir des liens étroits avec plusieurs groupes paramilitaires « loyalistes » comme l’Ulster Volunteer Force (UVF) et l’Ulster Defence Association (UDA). Le parti refusa les Accords du Vendredi Saint jusqu’à ce qu’il soit amené à prendre la direction du gouvernement provincial en association avec leurs anciens ennemis du Sinn Féin.

8et 120 000 depuis 2017…

9Le Parti unioniste d’Ulster est l’ancien parti protestant du pouvoir de 1920 à 1971, signataire des Accords du Vendredi Saint en 1998 avec David Trimble, qui a reçu pour cela le Prix Nobel de Paix.

10Créé en 1970 pour défendre un unionisme non confessionnel, le Parti de l’Alliance a progressivement évolué comme un parti libéral, qui prétend dépasser les conflits communautaires. Politiquement, il n’est classé ni chez les Unionistes, ni chez les Nationalistes ; le nombre de ses adhérents en faveur de l’unification de l’Irlande tend à devenir majoritaires.

11Sinn Féin est également présent en République d’Irlande : il a obtenu le meilleur score aux élections générales en février 2020 avec 24,5% des voix et le groupe parlementaire le plus important (37 sièges, à égalité avec les conservateurs du Fianna Fáil. Il est écarté du pouvoir par une coalition (qui était informelle depuis 2016 et qui visait déjà à l’époque à refuser à Sinn Féin de participer à une coalition gouvernementale malgré un score plus modeste) des deux partis ennemis de droite qui alternent au pouvoir depuis 1926.

12Le gouvernement de Rishi Sunak a fait adopter le 12 septembre 2023 une loi interdisant les enquêtes de police et les procès pour les crimes commis durant la période de la guerre civile en Irlande du Nord. L’avancée des enquêtes en ce domaine était de nature à compromettre gravement la réputation des forces de sécurité et des gouvernements britanniques en mettant à jour leur collaboration criminelle avec les groupes paramilitaires « loyalistes ». La République d’Irlande a saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme, le jugeant contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme.

13Irlande du Nord : Le Brexit va-t-il gâcher 23 ans de Paix ? https://g-r-s.fr/irlande-du-nord-le-brexit-va-t-il-gacher-23-ans-de-paix/

14Depuis 4 ans, la coalition gouvernementale irlandaise est composée par le Fine Gael (FG, centre droit, libéral, siégeant aux côtés du PPE), du Fianna Fáil (FF, centre droit, conservateur, siégeant au sein de Renew Europe) – deux partis qui se sont affrontés électoralement de 1926 à 2016 (et les armes à la main en 1922 et 1923) – et le Green Party (écologiste). Depuis avril dernier, c’est Simon Harris (FG) qui est premier ministre en titre (avec Micheál Martin, FF, comme vice premier ministre) après la démission de Leo Varadkar (FG, plusieurs fois premier ministre, dont la période décembre 2022 à avril 2024) ; ce dernier avait lui-même succédé à Micheál Martin, dont il était vice premier ministre, qui avait dirigé le gouvernement de juin 2020 à décembre 2022.

15Fine Gael et Fianna Fáil sont héritiers des deux branches nationalistes qui se sont divisées sur le traité anglo-irlandais de 1921 créant l’État libre d’Irlande, division qui conduisit à une terrible guerre civile au début des années 1920.

16Les partis soutenant une perspective d’unification de l’Irlande au parlement provincial d’Irlande du Nord sont désormais majoritaires dans cette assemblée : Sinn Féin, Alliance Party, Social-Democratic and Labour Party (SDLP, nationalistes et travaillistes), People before Profit Alliance (extrême gauche), 53 sièges sur 90. Cependant, les Accords du Vendredi-Saint imposent que les quatre partis les plus importants de l’assemblée appartiennent à l’exécutif provincial (Sinn Féin, DUP, Alliance Party, UUP) ; le SDLP sert ici d’« opposition officielle ».

17Democratic Unionist Party (DUP), Ulster Unionist Pary (UUP, signataire des Accords du Vendredi-Saint), Traditionnal Unionist Voice (TUV)… Il faudrait ajouter à cette liste le Progressive Unionist Party(PUP), signataire des Accords du Vendredi-Saint et qui représentait « l’aile gauche » socialisante des membres de l’Ulster Volunteer Force (un des principaux groupes paramilitaires « loyalistes ») qui prétendait défendre les intérêts de la classe ouvrière protestante ; ce parti se maintient mais peine à se faire entendre électoralement.

18Politologue irlandais, professeur à l’Université de Pennsylvanie. Il était auparavant professeur à la London School of Economics. En 2009-2010, il a été le deuxième conseiller principal sur le partage du pouvoir au sein de l’équipe de veille de l’unité d’appui à la médiation du Département des affaires politiques des Nations Unies.

« Pour une gauche qui défend les intérêts de la France, il faut une gauche qui secoue l’Europe » – tribune dans Marianne

tribune publiée dans Marianne, le jeudi 6 juin 2024 à 20h30

Les promoteurs de la gauche républicaine invitent à voter pour la liste de la Gauche Unie, conduite par le communiste Léon Deffontaines, le 9 juin prochain.

Dans quelques jours, les Françaises et les Français seront appelés aux urnes pour élire leurs députés européens.

Ils feront leur choix, au terme d’une campagne électorale hors sol, dans laquelle leurs préoccupations ont été étouffées par des postures politiciennes et des jeux médiatiques avilissants pour notre démocratie. Avec la liste de Gauche Unie pour le monde du travail, conduite par Léon Deffontaines et soutenue par Fabien Roussel, nous avons œuvré pour renverser cette tendance.

NON À L’EUROPE DE LA COMMISSION VAN DER LEYEN

C’est pourquoi nous avons parlé de l’Europe telle qu’elle est et non pas telle que certains voudraient vous la présenter. Celle où la Commission Van der Leyen multiplie, avec la complicité des gouvernements, les traités de libre-échange avec l’autre bout du monde, ce qui est tout à la fois nuisible pour notre planète, mais aussi pour nos travailleurs et nos agriculteurs, soumis à une concurrence déloyale.

C’est pourquoi nous avons parlé de cette folie qui motive certains à plaider pou

Que dire enfin de la désindustrialisation qui a touché notre pays, au profit de l’Allemagne, de la Chine et des USA ? Perdre son industrie ce n’est pas seulement perdre quelques points de PIB, mais un tissu économique qui fournit des emplois non précaires, de nature collective, à haut niveau de syndicalisation.

Le développement de l’emploi industriel avait permis de faire émerger une classe moyenne nombreuse et de favoriser la conquête de nouveaux droits sociaux. La désindustrialisation a favorisé la précarisation de l’emploi, la stagnation salariale et la perte de certains droits sociaux. Voilà ce que nous devons réparer en ne laissant plus notre pays et nos concitoyens se faire dépouiller pour satisfaire les détenteurs de capitaux.

RÉPARER LES DÉGÂTS DE L’EUROPE NÉOLIBÉRALE

Réparer les dégâts de l’Europe néolibérale, c’est également ne plus se soumettre aux priorités politiques allemandes : Berlin voulait abattre l’avantage français qu’était son parc nucléaire de qualité.

r un nouvel élargissement à l’Est, avec un dumping fiscal et social inimaginable à la clef, mais aussi pour un « saut fédéral », dans lequel notre pays et nos concitoyens perdraient la maîtrise des décisions en matière de diplomatie et de défense. Tout cela en s’alignant toujours plus sur l’OTAN et les États-Unis, sans percevoir que l’instabilité politique américaine pourrait bientôt nous laisser sans protection face aux impérialismes renaissants.

C’est pourquoi nous avons parlé de nos services publics, mis à mal par la concurrence libre et non faussée consacrée dans le droit européen. Aujourd’hui encore, ces règles iniques conduisent au démantèlement du fret ferroviaire, alors que la transition écologique devrait l’imposer comme une évidence.

En alignant le prix de l’électricité sur celui du gaz, nos factures d’énergie ont explosé avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a révélé au grand jour la dépendance de nos voisins au chantage du Kremlin. En ce sens, avec Emmanuel Maurel au Parlement européen, pendant 10 ans, nous avons combattu avec succès le traité sur la Charte de l’Énergie.

Faire élire de nouveaux députés européens avec la Gauche Unie pour le monde du travail, c’est l’assurance de voir ce travail amplifié. C’est la garantie de disposer de représentants sur qui compter pour défendre notre souveraineté démocratique et promouvoir les principes universalistes et laïques si chers à notre histoire républicaine. C’est la certitude d’envoyer au Parlement des femmes et des hommes qui ont dit NON au traité constitutionnel européen de 2005.

Le 9 juin prochain, soyons au rendez-vous de cette histoire en votant pour la liste de la Gauche Unie !

Signataires :

Emmanuel Maurel député européen et cofondateur de la GRS

Marie-Noëlle Lienemann, ancienne ministre et cofondatrice de la GRS

Brigitte Blang, candidate GRS

Laurent Miermont, candidat GRS, ancien adjoint au Maire du 13e ardt de Paris

Elisabeth Jutel, traductrice, artiste, candidate GRS

Nathalie Moine, conseillère départementale GRS de Seine-et-Marne, conseillère municipale de Saint-Pathus

David Cayla, Maître de conférences en économie et essayiste

Samia Jaber, conseillère départementale du Territoire de Belfort, candidate de L’Engagement

Thierry Cotelle, conseiller régional d’Occitanie, président du MRC

Anthony Gratacos, Porte-parole de la GRS, Conseiller départemental de Seine-et-Marne, Conseiller municipal de Moussy-le-Neuf

Chloé Petat, cheffe de projet, candidate GRS

Céline Piot, conseillère municipale et communautaire de Mont-de-Marsan, candidate GRS

Naïma Sayad, avocate, candidate GRS

Catherine Coutard, médecin urgentiste, vice-présidente du MRC

Christophe Mouton, adjoint MRC au maire de Chatillon

Martine Souvignet, adjointe MRC à la maire du 3e arrondissement de Lyon

Marie Pierre Gleize, adjointe MRC au maire de Ramonville

Denis Durand, maire MRC de Bengy sur Craon

Emmanuel Maurel dans Regards : « Les sociaux-démocrates européens recherchent toujours un accord avec la droite »

Emmanuel Maurel était mardi 4 juin 2024l’invité de La Midinale dans Regards. Il aborde tous les sujets majeurs de la politique européenne : la montée de l’extrême droite et la manière de la combattre, les alliances qui favorisent le néo-libéralisme et l’austérité, la nécessité de ramener les classes populaires au cœur de la politique concrète, la reconstruction de la gauche, la réindustrialisation, le libre-échange, la planification écologique, l’énergie et le pouvoir d’achat…

L’Europe néolibérale contre les intérêts fondamentaux des Français

La France s’effondre en Europe ! Deux régions sont même passées sous le seuil des 75% à la moyenne UE.

Nos territoires régressent et rejoignent les régions les plus pauvres d’Europe de l’Est et du Sud qui … elles progressent mais sont dépossédées de leurs souverainetés économiques par des investissements étrangers (UE et non UE) via l’optimisation des fonds européens dont elles disposent.

Il y a 10-15 ans (bien après les derniers élargissements en Europe de l’Est en 2007), plus des deux-tiers des régions françaises étaient au-dessus de la moyenne européenne. Faute de croissance significative des PIB, ces données traduisent même un appauvrissement en France.

La France dispose de grandes qualités et pourrait être compétitive en Europe, notamment en raison de sa productivité du travail supérieure à la moyenne européenne.

Le réarmement économique du pays commande de sortir des discours mièvres sur l’Europe pour construire des stratégies nationales et territoriales conquérantes, secteurs public et privé, dans le marché intérieur européen comme à l’appui des accords conclus par l’UE avec des pays.

💰En 2022, le PIB régional par habitant dans l’UE, en standards de pouvoir d’achat, variait de 30% de la moyenne de l’UE à Mayotte à 286% pour le sud de l’Irlande. Source : Eurostat février 2024… Cela traduit un des problèmes de la France (et des prix des logements franciliens) en une carte : l’Île-de-France est très riche (et de plus en plus inabordable) quand le reste de la France a décroché.
PIB régional/habitants en 2015
PIB régional/habitants en 2009

Emmanuel Maurel au meeting de la Gauche Unie à Avion (Pas-de-Calais) le 22 mai 2024

Nous sommes la Gauche Unie pour le Monde du Travail ! Ce qui nous rassemble, c’est notre mission historique : redistribuer les richesses et améliorer les conditions de vie des travailleurs. Notre idéal : la République laïque face à tous les obscurantismes ! C’était le message porté le mercredi 22 mai 2024 lors du meeting de la Gauche Unie par Emmanuel Maurel auprès des électeurs du Nord et du Pas-de-Calais…

Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann le 15 mai 2024 au meeting de la Gauche Unie à Paris

La Gauche Républicaine et Socialiste défend la République démocratique, laïque et sociale contre tous ceux qui veulent dissoudre la France dans une Europe fédérale, atlantiste et libérale !

C’est le message de la liste de Gauche Unie pour le monde du travail rassemblée derrière Léon Deffontaines, avec Fabien Roussel, pour les élections européennes. Retrouvez ci-dessous les interventions fortes d’Emmanuel Maurel et Marie-Noëlle Lienemann lors du chaleureux meeting du 15 mai 2024 au Gymnase Japy à Paris.

REJOIGNEZ LE COMITE DE SOUTIEN DE LA LISTE DE GAUCHE UNIE POUR LE MONDE DU TRAVAIL

La campagne des élections européennes entre dans sa phase décisive.

D’ici le scrutin du 9 juin, nous avons besoin de toi pour faire entendre une voix différente à gauche qui redonne espoir à nos concitoyens et notre pays.

Les Français-es exigent de la politique qu’elle se consacre à leurs problèmes du quotidien et pas qu’elle se noie dans des controverses « sociétales » dont ne raffolent que les salons où l’on cause.

Le choix de la différence à gauche, c’est de remettre la question sociale et démocratique au cœur de son programme.

TRACT 2 EUROPEENNES 2024

Nos propositions vont toutes dans ce sens :

lutter contre l’austérité imposée par Bruxelles et appliquée avez zèle par Macron

changer la politique budgétaire, monétaire et commerciale afin de produire plus en France et en Europe pour restaurer notre souveraineté alimentaire et industrielle

– développer les services publics dans les transports, la santé, l’énergie… hors du champ de la « concurrence libre et non faussée »

– lancer des grands travaux utiles pour l’environnement : mix nucléaire-renouvelables, fret ferroviaire Lyon-Turin, canal Seine-Nord-Escaut, lignes à grande vitesse…

renforcer notre indépendance face aux injonctions atlantistes et fédéralistes

sauver l’exception culturelle face à l’uniformisation voulue par les géants du numérique

Contre la propagation de l’intolérance et du racisme portés par l’extrême-droite, nous avons choisi pour fil conducteur le progrès, la science et la raison, piliers de l’universalisme des Lumières.

Qu’il s’agisse de promouvoir la laïcité contre la bigoterie et le communautarisme, ou d’imposer aux tenants de la décroissance une écologie rationnelle qui sorte enfin des énergies fossiles, préserve la nature, sa biodiversité et ses paysages, nous sommes les seuls à vouloir prolonger les conquêtes humanistes, révolutionnaires et sociales qui ont fait la France.

Rejoins-nous dans ce combat ! Rejoins le comité de soutien à la Liste de la Gauche Unie pour le Monde du Travail conduite par Léon Deffontaines, la seule qui rassemble communistes, républicains, socialistes, militant-es féministes, des droits humains, du droit au logement… et surtout ouvriers, employés, cadres et responsables de PME de tous métiers : commerce, énergie, enseignement, métallurgie, droit, santé, culture…Nous comptons vivement sur ton soutien et ta participation active pour reprendre la main en France et en Europe !

Nous avons besoin de vous !

Quelles que soient vos compétences, si vous touchez votre bille en droit, en bricolage, si vous aimez écrire, si vous êtes créatif… vous pouvez prendre part à des actions et ateliers près de chez vous ou encore nous envoyer vos vidéos, vos dessins pour des affiches etc.