Le 29 mai 2005, à l’issue d’une campagne référendaire qui aura mobilisé les bras, les esprits et les consciences, le peuple français rejetait à 55% et une très forte participation le projet de traité constitutionnel européen (TCE).
Nous n’oublierons pas les scènes de joie au soir du scrutin, qui traduisaient une satisfaction profonde chez nombre de nos concitoyens d’avoir ainsi signifié à une élite technocratique et politique repliée sur elle-même qu’il fallait compter avec eux. Nous n’oublions pas non plus que trois ans plus tard, à la demande de Nicolas Sarkozy, une majorité hétéroclite rassemblant les parlementaires de l’UMP et l’essentiel des parlementaires du PS ratifièrent en dépit du référendum de 2005 le traité de Lisbonne, copie du TCE. Jamais la volonté de bafouer la souveraineté populaire n’était apparue aussi clairement aux yeux de toutes et tous, le président de la République et les parlementaires brisant le mandat populaire si clairement et constitutionnellement exprimé trois ans plus tôt.
Pour la gauche, cette forfaiture laissera des traces et des divisions profondes que seule la volonté de sanctionner Nicolas Sarkozy en 2012 permit un temps d’atténuer. Las, François Hollande reniait dans le mois qui suivait son élection à la présidence de la République le mandat qu’il avait reçu des électeurs de ne pas ratifier le TSCG ou « traité Merkozy » sans une substantielle renégociation. Les trois quarts de la majorité parlementaire qui le soutenait choisissaient dans la foulée de renier le programme qu’ils avaient présenté aux élections législatives. Les Français avaient voté pour une politique, et quelques semaines plus tard une autre était appliquée…
Tous les travers que nous avions pointés en 2005, 2008 et 2012 se sont révélés exacts dans leurs conséquences : ordolibéralisme et austérité renforcés, déséquilibres macro-économiques structurels, recul des démocraties nationales sans avancée démocratique au niveau européen, mécontentement populaire croissant, montée électorale de l’extrême droite… Le comble de la logique folle qui a pris en otage la construction européenne a été atteinte en 2015 dans la « punition » économique et politique infligée au peuple grec car « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » !?!
Partout le sentiment de dépossession démocratique, de perdre la maîtrise de nos destins collectifs, s’est formidablement accru. En France peut-être plus qu’ailleurs, où la dérive présidentialiste de la Vème république s’ajoute à la fuite en avant d’une partie des élites françaises fascinée par le « modèle allemand ». Il suffit de voir à quel point – lors des mobilisations contre les lois travail ou des « Gilets Jaunes » – l’expression populaire est méprisée par les exécutifs, à quel point le Parlement déjà affaibli, après avoir brisé le pacte de la souveraineté en 2008 et 2012, est traité pour moins que rien dans la gestion des crises qu’elles soient sécuritaire comme en 2015 ou pandémique cette année (par un pouvoir qui est une forme de synthèse de toutes les turpitudes précédentes).
La République ne pourra pas faire face sans graves dégâts si nous laissons perdurer les conditions d’une défiance croissante entre les citoyens et les institutions, qui sont la conséquence de choix politiques mal inspirés ou malhonnêtes. La Gauche Républicaine & Socialiste agira avec constance pour promouvoir les changements européens, institutionnels et politiques qui s’imposent (et permettre leur mise en œuvre) pour rétablir la souveraineté populaire, condition de la confiance démocratique et de l’efficacité de l’action républicaine.