Refus du RIP : la mobilisation continue !

En refusant pour la seconde fois de faire bon droit à la demande de referendum sur l’âge de départ à la retraite déposée par les parlementaires de l’opposition, le Conseil constitutionnel a rendu service au Président, mais pas à la République. 

Certes, le Referendum d’initiative partagée est dispositif complexe et par trop restrictif. Certes, Il devient urgent d’instaurer en France une procédure de référendum d’initiative citoyenne simple et compréhensible par tous. Mais le Conseil constitutionnel a pris, de fait, une décision politique qui contribue à aggraver la défiance de nos concitoyens à l’encontre des institutions. 

Faut-il pour autant en conclure que la messe est dite ? Certainement pas ! 

Il faut continuer de se battre, tous ensemble, unis derrière l’intersyndicale, pour que la démonstration de force populaire du 6 juin prochain soit la plus massive possible. Les députés qui devront se prononcer sur la proposition de loi d’abrogation de la retraite à 64 ans le surlendemain le feront ainsi en toute connaissance de cause, et en pleine responsabilité.

Pas de place au découragement ! La mobilisation de toutes et tous paiera et l’écrasante majorité des Français qui travaillent et créent les richesses de notre pays l’emportera ! Aucune autre forme « d’apaisement » n’est possible que celle du retrait de cette réforme injuste et cruelle. Si le président veut éviter l’aggravation de la crise démocratique et sociale, qu’il donne la parole au peuple !

Macron, Waterloo, et après ?

De l’intervention du président, les Français n’attendaient qu’une seule chose : qu’il retire une réforme injuste et cruelle, quasi unanimement condamnée. Mais Emmanuel Macron, s’il a reconnu, dans un rare éclair de lucidité, que le passage à 64 ans « n’était pas accepté », n’en a pas pour autant tiré la seule conclusion logique qui aurait pu ramener de « l’apaisement ». Au contraire, le chef de l’État a fait le choix de foncer droit dans le mur en klaxonnant.

Dès lors, cette courte allocution n’apporte rien d’autre que du carburant supplémentaire à la colère, dont le Président fait semblant de ne pas comprendre qu’elle est dirigée contre lui. Les Français en ont assez de sa pratique autoritaire et arrogante du pouvoir, de sa brutalité, de son mépris des corps intermédiaires et de son indifférence aux souffrances de la classe ouvrière et de la classe moyenne.

Pour le reste, son programme des « cent jours » s’apparente à un catalogue de mesures disparates, pour la plupart recyclées d’interventions précédentes, et sans véritable plan d’action. Comme à son habitude, Emmanuel Macron essaie de noyer le poisson et refuse d’apporter les réponses qui s’imposent aux inquiétudes de nos concitoyens.

Déconnecté du réel, obtus, Macron est incapable de comprendre l’ampleur des crises auxquelles le pays est confronté. Il persiste dans une lecture néolibérale des enjeux économiques et sociaux. Bruno Le Maire a ainsi confirmé ce matin que son « seul but est d’accélérer le désendettement de la France », ce qui annonce un nouveau train de mesures austéritaires – en totale contradiction avec la soi-disant « volonté de justice sociale » exprimée hier par son chef.

Répondre à l’urgence sociale

Comment l’Exécutif compte-t-il résoudre la crise sociale qui nait de l’inflation galopante des produits de première nécessité, à commencer par l’alimentation et l’énergie ? Ses « chèques » et ses « boucliers » n’ont servi à presque rien, mais ont couté cher aux finances publiques.

Ce dont les gens ont besoin, c’est d’un rattrapage de leurs revenus pour pouvoir faire face. Mais Macron, Borne et Le Maire, n’en veulent pas. Ils poursuivent sciemment leur politique de « déflation compétitive » en refusant d’indexer les salaires sur les prix (hormis l’indexation du SMIC, qui leur est imposée par la loi). Ils estiment qu’en faisant baisser les salaires réels, car c’est bien de ça dont il s’agit, la France attirera les capitaux et se réindustrialisera.

Ce faisant, ils commettent une énorme erreur d’analyse, car l’inflation n’est pas nourrie par les salaires : elle est nourrie par les profits ! Tous les économistes voient ce qui est en train de se passer : il y a aujourd’hui en France une boucle « profits – prix » qui tourne à plein régime et qui frappe des millions de familles ne touchant pas davantage que le revenu médian (environ 1800€ net par personne).

Les classes populaires sont les premières victimes, mais les classes moyennes elles-mêmes, confrontées à une augmentation rapide des prix alimentaires, révisent radicalement leur manière de consommer. Pour la majorité des Français, les fins de mois sont difficiles.

Il y a pourtant des marges de manœuvre. La montée des prix engendre des recettes supplémentaires de TVA et la montée des profits accroît le rendement de l’impôt sur les sociétés (60 milliards en 2022). Il est donc possible de sauver le pouvoir d’achat des Français en indexant leur salaire sur les prix « et en même temps » de sauver les services publics, particulièrement l’hôpital, de l’effondrement. Mais le Gouvernement fait exactement le contraire, en misant tout sur « l’attractivité du capital » et en osant même s’auto-délivrer d’indécents satisfécits sur l’ouverture de quelques usines et sur la baisse – artificielle – du chômage.

Répondre à la crise démocratique

Face à un échec économique et social aussi patent et une colère populaire aussi massive, l’Exécutif s’enferme dans une spirale dont même les commentateurs les plus modérés voient qu’elle ne peut dégénérer qu’en crise de régime. À un stade si avancé de bâillonnement parlementaire, de mépris des syndicats et de brutalisation de l’État vis-à-vis de l’ultra-majorité de l’opinion, comment pourrait-il en être autrement ?

Les « 100 jours de l’apaisement » risquent bien, en effet, de finir en Waterloo politique non seulement pour Macron, mais aussi, hélas, pour la souveraineté populaire. Toute critique est au mieux esquivée au pire balayée d’un revers de main. Toute opposition est empêchée, par l’usage systématique du coup de force.

Coup de force institutionnel avec l’usage des articles 47-1 (on peut changer en quelques jours la retraite des Français avec une simple loi de finance rectificative de la Sécu), 44 (vote bloqué sur les seuls amendements acceptés par le Gouvernement) et 49-3 (adoption sans vote du projet de loi), que même le Conseil constitutionnel, dans son incompréhensible (« surprenante », disent les juristes) décision du 14 avril dernier, a qualifié « d’inhabituel ».

Coup de force répressif, avec le retour – en force – des tabassages en règle de manifestants, voire de simples passants, dont les images et le son ont fait le tour du monde, stupéfiant les opinions publiques des démocraties et suscitant des réactions indignées de la part des défenseurs des droits, jusqu’au Conseil de l’Europe. Les gens sont arrêtés « préventivement », les manifestations sont interdites par simple affichage public, sans autre forme de notification, parfois même… le lendemain de leur déroulement !

Coup de force social enfin : le refus de faire vivre un dialogue de qualité avec les représentants du monde du travail, dans un pays à ce point éprouvé, est une faute politique grave. Depuis des mois, l’unité syndicale est un bien précieux. Elle conforte la légitimité des dirigeants des grandes centrales. Le pouvoir qui les méprise ne peut qu’accroître la crise.

La 5ème République n’est pas un régime qui sied à n’importe qui. François Mitterrand avait prophétisé : « les institutions étaient dangereuses avant moi. Elles le seront après moi ». Nous y sommes. Et nous ne pouvons plus nous permettre de parier sur l’élection d’un De Gaulle, d’un Mitterrand ou même d’un Chirac, qui eux, surent apaiser les crises. Il est à l’inverse possible, sinon probable, que le pire advienne en 2027.

Il faut donc changer de République et constituer un nouveau régime politique, essentiellement parlementaire, où tous les pouvoirs ne sont pas concentrés dans une seule paire de mains.

Pour ce faire, il faut redonner la parole au peuple. D’abord en obtenant un référendum sur les retraites ; et ensuite en tournant la page du macronisme et en même temps de cette 5ème République à bout de souffle.

64 ans, c’est toujours non. La 6ème République, plus que jamais, c’est oui.

Frédéric Faravel et Laurent Miermont

Macron 20 heures : 64 ans c’est toujours NON !

Ce lundi 17 avril, le Président de la République a publiquement admis que sa réforme des retraites « n’est pas acceptée ». Il a même déclaré vouloir en « tirer les enseignements », mais… sans faire la moindre concession sur le fond du texte ! Les 64 ans sont « validés » et « rentreront en vigueur ».

Au lieu de conclure logiquement que seul un retrait, à tout le moins une suspension, de la réforme s’impose pour résoudre la crise politique qu’il a provoquée, Emmanuel Macron s’est livré à un exercice de dissertation aussi vain que lunaire sur divers sujets.

Comme d’habitude, Emmanuel Macron a voulu détourner l’attention des Français en faisant mine de prendre de la hauteur, mais cet exercice, à nouveau complètement raté, ne trompera personne.

La mobilisation doit se poursuivre, et particulièrement le 1er mai prochain.

La fête des travailleurs sera un moment décisif de la bataille contre la retraite à 64 ans. La Gauche Républicaine et Socialiste appelle tous les Français à s’y joindre pour exprimer leur opposition à la régression sociale et démocratique que leur inflige ce Président totalement coupé de la réalité.

Retraites : le combat continue !

En validant la loi sur les retraites, le Conseil constitutionnel a rendu une décision politique sous couvert d’arguments juridiques.

Il a privilégié une lecture présidentialiste de la Constitution, qui affaiblit encore le Parlement et la souveraineté populaire.

Cette décision est la pire qui pouvait être prise. Elle abîme très gravement notre modèle social et la confiance de nos compatriotes dans les institutions.

L’annonce d’une promulgation de la loi dans les 48h par le Président de la République est une nouvelle provocation, mais de la part d’Emmanuel Macron, cela ne nous surprend pas.

Mais la bataille n’est pas finie : les Français ne doivent pas se laisser démoraliser par la brutalité du Gouvernement confortée par la décision du Conseil constitutionnel : une deuxième demande de Référendum d’Initiative Partagée est déposée et nous comptons vivement sur sa validation.

Nous maintenons notre confiance en l’intersyndicale, appelons nos concitoyens à soutenir ses appels à la mobilisation ; et à constituer des comités locaux pour le référendum populaire afin de faire échec à cette loi injuste et cruelle.

pour la Gauche Républicaine et Socialiste

Emmanuel MAUREL, Député européen, Animateur national de la GRS 

Marie-Noëlle LIENEMANN, Sénatrice de Paris, Coordinatrice nationale de la GRS

Anthony GRATACOS, Conseiller Départemental de Seine-et-Marne, Porte parole de la GRS

Réforme des retraites : « Le Conseil constitutionnel fera un choix politique » – entretien avec Emmanuel Maurel

entretien accordé par Emmanuel Maurel, député européen et animateur de la Gauche Républicaine et Socialiste, à L’Express, publié le 13 avril 2023 à 5h30 – Propos recueillis par Paul Chaulet

Son verdict est attendu avec impatience par l’exécutif et les oppositions. Le Conseil constitutionnel se prononcera ce vendredi 14 avril sur la réforme des retraites, au lendemain d’une nouvelle journée de mobilisation. La gauche espère que les neuf sages feront tomber le texte, le gouvernement veut croire que sa validation « sera l’aboutissement du cheminement démocratique ». Va-t-elle censurer la réforme ? Seulement une partie ? Et donnera-t-elle son feu vert à la procédure d’un référendum d’initiative partagée (RIP), chère à la gauche ? La vie politique est suspendue aux choix de l’institution, chargée de contrôler la conformité du texte à notre loi fondamentale.

Du droit, rien que du droit : le Conseil constitutionnel se défend de tout jugement politique sur les textes qu’il examine. Mais la frontière entre droit et politique est ténue. Le député européen Emmanuel Maurel (Gauche républicaine et socialiste) évoque le choix à venir des sages. « Le droit n’est jamais objectif ou politiquement neutre », assure l’élu, qui estime que le Conseil constitutionnel a une « grille de lecture de la société ». Entretien.

L’exécutif et l’opposition ont les yeux rivés vers le Conseil Constitutionnel, qui doit rendre sa décision ce vendredi. Cette institution est-elle devenue l’arbitre du débat politique ?

On sent que pour les acteurs principaux, l’échéance est importante, pour ne pas dire décisive. Et on voit aussi que cela intéresse beaucoup les Français, notamment ceux qui ont participé aux douze journées de mobilisation. Mais il faut être clair : vendredi, même s’il s’appuiera sur des arguments juridiques, le Conseil constitutionnel fera un choix politique. Sa décision va avoir une portée considérable sur la vie de millions de gens. Il y a une forte attente et une indécision car le texte et sa procédure sont contestables juridiquement, et pas seulement politiquement. 

Reste que le Conseil constitutionnel n’est pas un habitué des coups d’éclat. Sa jurisprudence est plutôt prudente, malgré sa célèbre décision de 1971 qui englobe dans son contrôle le préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Ce n’est pas une institution révolutionnaire – ce qui serait un oxymore. Cette prudence a une raison simple : le Conseil constitutionnel ne saurait se substituer aux décideurs politiques et doit fonder ses décisions en droit, même s’il lui arrive d’introduire des principes novateurs.

Les opposants à la réforme jugent que le véhicule législatif – projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale – n’est pas adapté à une réforme des retraites. Ils contestent le recours à une série d’articles limitant les débats et estiment que les errements du gouvernement sur la retraite minimale à 1200 euros contreviennent au principe de sincérité des débats. Ces arguments ne sont-ils pas eux-mêmes à la lisière du droit et de la politique ?

Oui, mais c’est normal car il n’y a pas de séparation étanche entre le juridique et le politique. La façon d’interpréter le droit contient souvent des présupposés voire des opinions politiques. On a recouru à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour faire passer cette réforme, via l’article 47-1 de la Constitution. Elle devrait selon moi produire des effets pour la seule année 2023, or la retraite à 64 ans ne rentre pas dans ce cadre puisqu’il est prévu de passer de 62 à 64 ans en rajoutant un trimestre par an jusqu’en 2030. 

D’autres procédures parlementaires utilisées par le Gouvernement sont aussi sujettes à caution, au vu de l’exigence de clarté et de sincérité des débats. Le gouvernement a menti sur le nombre de bénéficiaires de la pension minimum à 1200 euros, ce qui a induit les parlementaires en erreur. Il a surtout accéléré les débats en abusant des outils à sa disposition. Le législateur n’a pas pu se prononcer en toute connaissance de cause – et l’Assemblée n’a d’ailleurs même pas pu voter le texte…

S’appuyer sur ce seul principe de clarté et de sincérité des débats pour censurer le texte créerait un précédent majeur…

Oui. S’en tenir à ce seul argument serait intéressant mais aurait des implications dont on ne peut pas mesurer aujourd’hui les conséquences. Cela contribuerait toutefois à un rééquilibrage entre l’exécutif et le législatif, dans notre système de parlementarisme très « rationalisé ». Le Conseil constitutionnel aura-t-il cette audace ? Je n’en suis pas sûr. Imaginons qu’il censure la loi au nom du manque de sincérité et de clarté des débats parlementaires. Cela remettrait alors en cause le caractère présidentialiste de notre régime et obligerait l’Exécutif à respecter davantage le Parlement. Je doute qu’il se sente légitime à faire ce choix, même si cela me ravirait !

Cette décision du Conseil constitutionnel fait rejaillir le débat autour du mode de nomination de ses membres. Ils sont désignés par le chef de l’État et les présidents des deux assemblées. Ce système n’affecte-t-il pas la légitimité de l’institution et l’autorité et de ses décisions ?

C’est un vieux débat, notamment à gauche. Au début de la Ve République, les communistes et certains socialistes contestaient ce mode de nomination. Les adversaires des gaullistes parlaient eux-mêmes d’un « chien de garde de l’exécutif ». Paradoxe : c’est le Conseil Constitutionnel nommé par les gaullistes qui a produit la décision de 1971, que n’avaient envisagée ni De Gaulle, ni Debré (le rédacteur de la Constitution de 1958). Des juges nommés par une autorité politique, dont on peut deviner la ligne idéologique, s’émancipent parfois de ceux qui les ont choisis.

Le mode de nomination des juges peut poser problème, mais tout mode de désignation donne matière à contestation. À l’épreuve des années, cette institution s’est quand même révélée protectrice des droits fondamentaux ! C’est d’autant plus observable depuis l’introduction en 2008 de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC).

Il y a le mode de désignation des membres, mais aussi leur profil. Certains regrettent le poids excessif de personnalités politiques, au détriment des juristes. N’est-ce pas un problème ?

Certains pays réservent la nomination à des professionnels du droit. Mais cela ne change rien ! Les décisions 100% juridiques n’existent pas. Le droit n’est jamais objectif ou politiquement neutre. Cette vision d’un droit au-dessus de la politique est erronée. Les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas dans l’éther, détachés des contingences politiques. Bref, il n’y a pas de système de nomination idéal.

On l’a vu avec la validation « douteuse » des comptes de campagne de Jacques Chirac après la présidentielle de 1995…

Jacques Chirac avait été élu par le peuple Français. Le conflit de légitimité était très fort. Pouvait-on demander à un juge d’annuler une élection présidentielle au prétexte que les comptes de campagne n’étaient pas conformes ? Les conséquences politiques auraient été colossales et on serait rentrés dans le « gouvernement des juges ».

Vous rappelez que le droit n’est jamais « neutre ». À gauche, on juge souvent la jurisprudence du Conseil constitutionnel trop favorable à la « liberté d’entreprendre » et teintée de libéralisme économique. L’économiste Thomas Piketty affirme dans une tribune au Monde qu’il est parfois « complice objectif des possédants ». Vous partagez cette critique ?

Elle est légitime. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est économiquement libérale et met fortement en avant le droit de propriété. Son ancien président Jean-Louis Debré estime qu’un certain niveau de taxe relève de la « spoliation ». Cela relève d’une conception du monde qui à mon avis n’est pas fondée juridiquement. Mais on peut remonter plus loin : dès 1982, avec la loi sur les nationalisations. Le Conseil avait contraint le Gouvernement Mauroy à revoir le mode de calcul de l’indemnité préalable des actionnaires des sociétés nationalisées au nom du droit à la propriété (article 17 de la DDHC).

A l’inverse, il existe une critique de droite du Conseil Constitutionnel. Elle juge l’institution trop protectrice des droits individuels face à l’ordre public. Cette critique s’est exprimée en 2018, à l’occasion de la découverte du principe de fraternité. Les juges avaient dégagé ce principe pour justifier la légalité de l’apport d’une aide humanitaire à un étranger en situation irrégulière. Le « délit de solidarité » avait été partiellement censuré.

A cette aune, estimez-vous que le Conseil constitutionnel a une teinte idéologique globale ?

Ses décisions témoignent d’une grille de lecture de la société. Au départ, le Conseil constitutionnel devait uniquement arbitrer entre les compétences des pouvoirs législatif et exécutif. Il est maintenant bien plus que cela, car le juge constitutionnel s’est donné à lui-même un pouvoir d’appréciation et d’interprétation. Cela disqualifie-t-il pour autant cette juridiction ? Je n’en suis pas sûr. 

N’oublions pas que la Cour suprême américaine est bien plus politisée. En témoignent ses débats sur les questions sociétales, comme l’IVG. 

Et puis, la Constitution permet au peuple de trancher certaines orientations, via le référendum. On ne l’utilise pas assez, le peuple est toujours plus clairvoyant que les dirigeants ne l’imaginent. Les sages vont d’ailleurs se prononcer vendredi sur un référendum d’initiative partagée (RIP) au sujet des retraites. Toutes les conditions sont réunies pour que cette proposition de référendum soit soumise à la signature des citoyens.

Au nom de la souveraineté populaire, le principe même du contrôle de constitutionnalité est remis en cause à droite. Vous le comprenez ?

C’était aussi le cas à gauche. Sous la révolution, le contrôle de constitutionnalité n’était pas souhaité. La loi étant l’expression de la volonté générale, elle ne saurait être contestée. Les révolutionnaires n’étaient pourtant ni de « droite », ni conservateurs.

Cet argument se tient en théorie. Mais le législateur peut voter des textes qui remettent en cause des principes au-dessus de la loi, et qui sont aussi l’expression de la volonté générale. C’est par exemple le cas de la liberté d’association. Le législateur ne peut pas tout faire. Ce n’était pas compréhensible il y a deux siècles, au moment de la Grande Révolution. Mais cela s’avère plutôt efficace aujourd’hui.

« Un référendum sur la réforme des retraites serait un débouché démocratique » – Sophie Camard dans La Marseillaise

Sophie Camard, Maire GRS du 1er secteur de Marseille, était vendredi 31 mars du rendez-vous d’actualité « Rue de la République » du journal La Marseillaise et Maritima Médias pour parler de son exigence, comme 90% des salariés, du retrait de la réforme des retaites. Elle revient également sur l’action qu’elle conduit comme Maire du 1er secteur de Marseille, que ce soit dans ses arrondissements, à l’échelle de la Ville ou de la Métropole.
Elle se réjouit enfin de l’élection de Sophie Binet comme Secrétaire Générale de la CGT Confédération Générale du Travail.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DOIT CENSURER TOUTE LA RÉFORME DES RETRAITES

Le projet de réforme des retraites d’Emmanuel Macron n’est pas seulement injuste et cruel socialement, inutile financièrement… Il est très probablement anticonstitutionnel ; Le Canard Enchaîné s’était d’ailleurs fait l’écho le 19 janvier dernier du fait que Laurent Fabius, président du Conseil Constitutionnel, avait prévenu le gouvernement que le texte pourrait bien être annulé pour vice de forme – une telle alerte en amont est assez rare. Les sénateurs des trois groupes de gauche de la Haute Assemblée, les députés des groupes de la NUPES, les députés et enfin la Première ministre elle-même ont déposé plusieurs recours1 devant le Conseil Constitutionnel contre le Projet de Loi de Financement Rectificative de la Sécurité Sociale (PLFRSS) pour 2023 qui est censé avoir été adopté suite à l’échec des deux motions de censure qui ont suivi le recours à l’article 49.3 par l’exécutif.

1 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decisions/affaires-instances?id=32246

Certes, des esprits avertis expliqueront que les Sages de la Rue de Montpensier jugent souvent avec des considérations politiques plutôt que de s’en tenir uniquement au seul respect de la Constitution. Mais lorsque l’on analyse les décisions du Conseil constitutionnel à travers les années, il ressort qu’il existe des contextes à censure plus ou moins forts. Quand l’Élysée, l’Assemblée, le Sénat et l’opinion publique convergent, il devient très délicat pour les Sages de censurer. Quand, au contraire, il y a division entre les institutions et avec l’opinion, les chances de censure augmentent. Et c’est peu de dire que la mobilisation populaire contre cette réforme a été massive et l’existence d’une majorité parlementaire pour la soutenir est sujette à caution.

Or en miroir, les motifs d’inconstitutionnalité pour des raisons de forme sont particulièrement sérieux. Il paraît donc difficile que le Conseil Constitutionnel ne censure pas la loi, quand bien même Emmanuel Macron pourrait considérer qu’il s’agit d’une espèce de déclaration de guerre envoyée à l’exécutif. On l’a vu cependant ranger dans les tiroirs sa menace de dissolution, tant la situation politique lui paraît défavorable, il n’est pas dit que sa marotte de remettre sur le métier une réforme des institutions – au passage de laquelle il sanctionnerait les Sages – puisse tenir très longtemps. A contrario, la validation de la loi par le Conseil Constitutionnel pourrait aggraver la crise politique – ou même de régime – dans laquelle le « cheminement » du PLFRSS a plongé le pays, car cela serait apporter une onction constitutionnelle à des dérives de l’examen parlementaire rarement atteintes.

Passons donc en revue des arguments en faveur de la censure.

Le recours de l’article 47-1 de la constitution

L’article 47-1 de la constitution permet au gouvernement de faire adopter un Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en un temps restreint. En effet, celui-ci dispose que, « si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours ».

Les délais qui enserrent un PLFSS ont un objectif : permettre l’adoption d’un budget avant la fin de l’année civile. En effet, si aucun n’est adopté avant le 1er janvier, nous pourrions nous retrouver en situation de shutdown (fermeture) à l’américaine. Le constituant en écrivant l’article 47 a donc prévu des délais et, en cas d’échec, une application temporaire par ordonnance ; lorsque les PLFSS ont été créés par la loi organique de 1996, une réforme constitutionnelle a amendé le texte pour copier pour ce nouveau véhicule législative, les dispositions prévues pour un projet de loi de finances (à la différence qu’un PLF bénéficie de 70 jours d’examen et non de 50). Or, ici, pas de limite du 1er janvier, pas d’urgence, sauf à considérer que si la réforme n’avait pas été votée en mars, le régime des retraites serait en faillite… ce que personne n’a dit (même si certains membres du gouvernement ou de la minorité présidentielle ont parfois tenté cette exagération rhétorique).

Première remarque : si dans une décision de 1983, le Conseil Constitutionnel a reconnu que le recours à l’article 47 était autant valable pour les projets de loi de finances rectificative (PLFR) que pour un PLF initial, aucune formulation de ce type n’a jamais été édictée pour un PLFRSS.

Deuxième remarque : la vocation d’un PLFR est de voter des crédits de façon limitative ; l’objectif d’un PLFRSS serait d’adapter en profondeur le texte initial pour assurer l’équilibre financier de la sécurité sociale. Ces adaptations sont en général réalisées lors du PLFSS suivant et il est important de rappeler qu’en deux années de crise sanitaire, aucun PLFRSS n’a été mise en discussion, alors que les équilibres ont été sérieusement bousculés et qu’il y a eu a contrario de nombreux PLFR.

Or il existe une jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui pourrait s’appliquer à la situation présente et qui date de 1985 (bien que les PLFSS n’existassent point à l’époque) : dans sa décision n°85-190 DC du 24 juillet 19851, sur la loi de règlement du budget de 1983 (texte financier), le juge a considéré que « les mesures d’ordre financier commandées par la continuité de la vie nationale […] ne se retrouvent pas pour les lois de règlement » ; le recours à l’article 47 était donc invalide, l’ensemble de la loi fut censurée.

L’analogie est ici très forte avec le PLFRSS mis en cause : une réforme des retraites envisagée depuis 2017 par Emmanuel Macron (quelle que soit la forme qu’elle prend) n’a pas besoin d’un examen en urgence, elle ne causera pas plus de difficultés de fonctionnement à la Sécurité Sociale que son examen ait pris 50 jours ou plusieurs mois, pas plus que les délais pour l’examen d’une loi de règlement n’empêcheraient un exécutif de faire exécuter le budget du pays. Les contraintes en matière de délai d’examen du PLFRSS sont d’autant moins fondées que les mesures qu’il contient n’ont pas vocation à être appliquées au lendemain de la promulgation de la loi, mais au plus tôt au 1er septembre 2023, et encore uniquement pour une partie infime d’entre elles, n’ayant donc aucun impact sérieux sur l’équilibre financier de la sécurité sociale en 2023 (voire même pour les années suivantes).

Ainsi, plus largement, c’est le recours au PLFRSS pour porter une réforme des retraites qui pose problème.

Peut-on réformer notre système des retraites au détour d’un PLFSS ou d’un PLFRSS ?

Nous l’avons indiqué plus haut, selon l’alinéa 19 de l’article 34 de la constitution, un PLFSS (et a fortiori un PLFRSS) « déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

Il s’agissait ici de permettre au Parlement de mieux exercer ses missions de législation et de contrôle, quand l’emploi de cette méthode législative pour réformer les retraites en 2023 ne vise qu’à accélérer la procédure parlementaire ce qui limitent les capacités des parlementaires à exercer leur mission.

Les décisions du Conseil Constitutionnel de 2008, 2019 et 2022 ont précisé, après la réforme constitutionnelle de 1996, que les dispositions d’une loi de financement de la sécurité sociale devaient avoir un effet ou ne pas être dépourvues d’effet indirect sur les recettes et les dépenses. C’est sur cette qu’une censure partielle avait été appliquée au PLFSS pour 2020, concernant l’application du « bonus malus » pour les cotisations d’assurance-chômage2, le juge considérant que les effets sur les recettes de la sécurité étaient trop indirects et que son impact financier était évalué comme nul pour 2021, 2022 et 2023.

Nous l’avons dit plus haut si le recours à des PLFR est fréquent, celui à des PLFRSS est rare car inadapté en réalité à la situation de la sécurité sociale et à l’exercice des droits des assurés. Un PLFRSS ne doit agir que sur les recettes et les dépenses de l’année concernée, or les conditions d’usage des droits sociaux ne peuvent pas être gérées à court terme. C’est pourquoi les adaptations sont généralement réalisées l’année suivante et non en cours d’exercice.

On est donc face à un détournement complet du texte constitutionnel par le gouvernement à la seule fin d’empêcher un examen serein d’une réforme des retraites qui aurait des effets non immédiats et à moyen et long terme ; les effets sur l’année 2023 de ce PLFRSS sont quasiment inexistant et plus de la moitié des articles du texte soumis au débat parlementaire n’apportaient aucune modification au budget des différentes branches de la sécurité sociale.

Le choix d’un PLFRSS ne vise donc qu’à des objectifs dilatoires : justifier de recourir à l’article 47.1 de la constitution pour limiter le temps des débats ; permettre au gouvernement de trouver un accord en Commission Mixte Paritaire (CMP) pour contourner son absence de majorité à l’Assemblée nationale ; en l’absence de CMP, justifier de légiférer par ordonnance (sachant que le Conseil Constitutionnel a pris en décembre 2020 une décision dangereuse qui rend inutile le vote d’une loi de ratification pour rendre définitives les dispositions contenues dans une ordonnance).

Une validation du PLFRSS « portant réforme des retraites » par le Conseil Constitutionnel serait donc à l’origine d’une nouvelle jurisprudence, permettant à l’avenir de réformer à nouveau les retraites de la sorte, voire d’étendre l’usage du PLFRSS à d’autres réformes sociales d’ampleur en contraignant le parlement sans que la contrainte ne se justifie.

Le principe de clarté et de sincérité des débats parlementaire a-t-il été respecté ?

Le Conseil Constitutionnel a établi en 2009 qu’au regard de l’article 6 de la Déclarations des Droits de l’Homme et du Citoyen les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ont une valeur constitutionnelle3. Exigences qui conduisent régulièrement le Conseil à émettre des réserves plus ou moins fortes sur la constitutionnalité des textes soumis à son examen.

Or si le gouvernement puis la majorité sénatoriale ont eu recours à des procédures parfaitement constitutionnelles ou réglementaires, qui prises séparément n’entraîneraient peut-être pas la censure du texte, leur accumulation aboutit à une mise en cause de la clarté des débats, ceux-ci ne pouvant se tenir dans des conditions de sérénité suffisante, les règles du débat parlementaire étant modifiées à plusieurs reprises en cours d’examen.

Ainsi outre le recours à l’article 47.1 de la constitution, dont nous avons détaillé plus haut les effets, le gouvernement a eu recours à l’article 44.2 de la constitution – pour refuser l’examen d’amendements en séance qui n’avaient pu être examinés en commission des affaires sociales et pour lesquels la présidente de la commission refusait une nouvelle réunion – puis l’article 44.3 pour obliger le Sénat à se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement (procédure dite du « vote bloqué »), avant d’avoir recours au fameux 49.3.

La majorité sénatoriale a de son côté eu recours à de nombreuses procédures réglementaires visant à empêcher l’opposition de défendre ses amendements. L’article 38 du règlement du Sénat pour clore les débats sur les explications de vote relatives à des amendements a été invoqué 6 fois. Le bureau du Sénat a également eu recours à l’article 42 du règlement du Sénat pour limiter à un orateur par groupe les prises de parole sur article et les explications de vote ; il a déclaré irrecevables des centaines d’amendements et de sous amendements sur la base d’interprétations abusives en invoquant l’article 44 bis du règlement du Sénat : la présidente de la commission a notamment prétexté que les centaines de sous amendements présentés à l’article 7 n’avaient pas de lien avec le texte, après une réunion expresse de la commission pendant une interruption de séance de 50 mn pendant laquelle il était matériellement impossible de tous les examiner.

Surtout, il a été fait usage à quatre reprises de l’article 44.6 du règlement du Sénat pour permettre l’examen en priorité d’amendements de la majorité sénatoriale, rédigés à la seule fin de réécrire certains articles afin de faire tomber plus d’un millier d’amendement issus des rangs de l’opposition : ainsi les amendements de la majorité sénatoriale ont pu être débattus sans que les amendements de l’opposition puissent l’être.

L’usage fait ici des article 44.6 et 44 bis du règlement constituent donc une violation manifeste du droit d’amendement des parlementaires, pourtant garanti par l’article 44.1 de la constitution. Tout ceci accumulé dans un contexte où le temps du parlement était déjà contraint, alors que l’opposition sénatoriale n’a pas tenté d’empêcher l’adoption du texte, marque une défaillance majeure de la clarté et de la sincérité des débats. Pour compléter, en août 2021, le Conseil Constitutionnel avait considéré que si seulement 5 amendements parmi les centaines considérés irrecevables lors d’un examen en commission cela ne portait pas atteinte à la clarté et à la sincérité des débats : là on parle de plusieurs milliers déclarés irrecevables dans des conditions pour le moins rocambolesques.

Bien que cela ne soit évoqué que dans la saisine du groupe du Rassemblement National, en matière de clarté et de sincérité des débats, on peut aussi rappeler que sur la question des 1 200 euros, la « vérité » et les informations données par le gouvernement ont énormément évolué au fil du débat parlementaire, en l’absence de véritable étude d’impact – Olivier Dussopt refusant au demeurant de transmettre à plusieurs reprises la note du Conseil d’État et d’autres documents pourtant de nature publique : on peut donc là-aussi considérer que les exigences de valeur constitutionnelle n’ont pas été respectées, le gouvernement donnant aux parlementaires des informations contredites ensuite par sa propre expression et lui en dissimulant d’autres.

Il est d’autre part assez déroutant de constater les conséquences baroques du 47.1 en matière de procédure parlementaire. Après le vote en première lecture par le Sénat, la CMP a été réunie. Une CMP vise à trouver un compromis entre les deux chambres lorsque celles-ci ont adopté des versions différentes du même texte ; or l’Assemblée nationale n’ayant pas adopté de texte à l’issue des 20 jours qui lui étaient impartis, il n’y avait sur la table qu’un seul texte issu d’une des deux assemblées !? Sur quelle base s’est donc déroulée la négociation pour trouver un texte de compromis en CMP ? Sur la confrontation du texte que le gouvernement avait transmis au Sénat, sans qu’il soit voté par l’Assemblée nationale, et du texte adopté par le Sénat : la CMP a donc discuté du texte du gouvernement et du texte du Sénat, elle a été un lieu d’une négociation entre le gouvernement et les sénateurs, alors qu’elle doit être le lieu d’une négociation entre les députés et les sénateurs.

Cela ne s’arrête pas là : au sortir de la CMP, le texte de compromis a été soumis au Sénat jeudi 16 mars au matin ; le texte n’a été rendu public que 35 mn avant le début de la séance. D’aucuns pourraient considérer que le texte de la CMP était connu – au moins dans les grandes lignes – depuis la fin de l’après-midi du jour précédent… pas de quoi chipoter… Sauf que entre le texte issu de la CMP la veille et celui qui sort du Sénat le 16 mars à 10h42, le gouvernement y a fait ajouter un substantiel amendement financier. Le texte qui est donc arrivé devant l’Assemblée nationale à 15h le même jour n’était plus celui de la CMP et c’est sur ce texte qui n’était plus celui de la CMP que le gouvernement a eu recours au 49.3. Jusqu’au bout, l’examen du projet de réforme des retraites aura été l’objet de chausse-trappes de la part de l’exécutif et de la majorité sénatoriale qui mette en cause la transparence, la clarté et la sincérité du débat parlementaire.

Les « cavaliers sociaux » de la réforme des retraites

Un « cavalier social » est une disposition dont la présence dans une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) est proscrite par l’article 34 alinéa 20 de la Constitution et l’article 1er de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, car ne relevant ni du domaine exclusif des LFSS ni de leurs domaines facultatifs. À défaut, les « cavaliers sociaux » inclus dans un projet de loi de finances font systématiquement l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel4.

En choisissant donc le véhicule législatif du PLFSS afin de prétendre recourir à l’article 47.1 de la constitution, l’exécutif s’est en réalité pris lui-même les pieds dans le tapis. En effet, plusieurs dispositions de son projet de réforme qui auraient pu être jugées conformes à la constitution dans un projet de loi ad hoc risquent d’être censurées car elles n’ont pas leur place dans un PLFSS.

C’est le cas de l’index senior (article 2 du PLFRSS) qui n’a en réalité aucun effet sur les recettes et les dépenses de la sécurité sociale, se contentant d’une obligation de publication d’indicateurs. Le « CDI senior » introduit par la droite sénatoriale (nouvel article 3) souffre de la même faiblesse.

Enfin, plusieurs alinéa d’articles (10 et 17) du PLFRSS n’affecteront pas les dépenses et les recettes de la sécurité sociale en 2023… or justement, c’est l’objet d’un tel véhicule législatif.

Conclusion

On le voit les raisons de censurer le projet de réforme des retraites ne manquent pas ; le gouvernement a accumulé les fautes stratégiques graves, pensant qu’il se donnait les moyens d’imposer son texte qu’il dispose ou non d’une majorité parlementaire. Son allié politique – la majorité sénatoriale LR – en a ajouté plusieurs couches.

Une saisine du conseil constitutionnel n’interroge évidemment pas ici le sujet de fond ; nous nous sommes opposés à la réforme des retraites exigées par Emmanuel Macron parce qu’elle était injuste, cruelle et inutile, vous retrouverez ici nos arguments à ce propos5. De ce qui aurait dû être un débat politique et social majeur, toujours susceptible de créer des oppositions farouches et un fort mouvement social, nous sommes passés au bord de la crise de régime car, au-delà du caractère injuste du projet, les méthodes auxquelles l’exécutif a choisi d’avoir recours mettent en réalité gravement en cause la démocratie parlementaire.

Le « parlementarisme rationalisé » de la Vème République est ainsi fait : ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement use de procédures pour établir un rapport de force avec les parlementaires, surtout quand il ne dispose pas de majorité absolue. Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement fait adopter un projet de loi avec le 49.3 – qu’il y ait ou non un mouvement social. Ce n’est pas la première fois que le 47.1 est utilisé (il l’est tous les ans pour l’examen du PLFSS)… on pourrait faire l’énumération ainsi sur plusieurs lignes encore. Par contre, c’est la première fois qu’on tente de transformer profondément un des piliers de notre modèle social au détour d’un aménagement de texte budgétaire, là où un débat de société et un débat parlementaire éclairé et patient devrait être nécessaire. Et c’est également la première fois qu’à peu près toutes les procédures de contraintes contre le parlement ont été utilisées pour le même texte – « sauf peut-être l’article 16 » s’est permis d’ironiser le sémiologue Clément Viktorovitch devant Aurore Bergé, le 20 mars dernier sur TF1.

Ce qui est en cause aujourd’hui n’est donc plus seulement la dégradation brutale d’une partie de notre modèle social, mais le fait que les conditions d’examen de cette réforme créent un précédent grave mettant à mal notre conception de la démocratie et de la souveraineté populaire. Si le Conseil Constitutionnel validait (même partiellement) ce texte là, car la majorité de ses membres serait acquise au fond de la réforme, il porterait la grave responsabilité de donner à l’avenir à l’exécutif un blanc seing pour passer n’importe quel texte de loi sans réel débat parlementaire.

Cette pente est dangereuse ; il doit donc absolument déclarer inconstitutionnel l’ensemble du texte.

Frédéric Faravel

1 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1985/85190DC.htm

2 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019795DC.htm

3 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2009/2009582DC.htm

4 Par exemple : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2022845DC.htm

5 https://g-r-s.fr/campagne-retraites/

RETRAITES : IL FAUT DONNER LA PAROLE AU PEUPLE FRANÇAIS !

Communiqué de presse

La Gauche Républicaine et Socialiste, aux côtés des syndicats unis et des forces de gauche, s’est pleinement engagée pour le retrait de la réforme des retraites.

Au mépris d’une mobilisation historique et d’un rejet massif de son projet par l’opinion, le Gouvernement s’obstine à vouloir infliger aux Français cette régression sociale aussi cruelle qu’inutile, qui sape notre modèle social et républicain.

La GRS a toujours suivi la ligne prônée par l’intersyndicale, plaidant pour un débat parlementaire qui aille au fond du texte. Mais le Gouvernement, agissant de concert avec Les Républicains, a décidé de bâillonner la représentation nationale en utilisant toutes les procédures dilatoires que lui offre cette 5ème République à bout de souffle.

Les demandes légitimes des organisations syndicales, au premier rang desquelles une vraie négociation avec l’Exécutif, se sont brisées sur le mur du silence d’Emmanuel Macron et sur les mensonges de ses ministres.

Alors que partout des voix s’élèvent contre le report de l’âge de départ à 64 ans, que les salariés se mobilisent et que le peuple exprime son mécontentement dans toutes les villes de France, la seule sortie par le haut est désormais le référendum.

Pour ce faire, nous participerons à la mise en œuvre d’un référendum d’initiative partagée, conformément à l’article 11 de la Constitution. Nous aiderons nos camarades de gauche et, plus largement, les citoyens qui refusent le fait du Prince, à recueillir les signatures des électeurs afin de déclencher le processus qui mènera au vote populaire.

La GRS appelle tous les Français, et particulièrement les salariés de ce pays et leurs proches en âge de voter, à se joindre au mouvement de résistance contre la casse de nos conquis sociaux.



Emmanuel MAUREL, Député européen, Animateur national de la GRS 

Marie-Noëlle LIENEMANN, Sénatrice de Paris, Coordinatrice nationale de la GRS

Suivez les débats sur la réforme des Retraites au Sénat avec Marie-Noëlle Lienemann

La gauche au Sénat a décidé d’engager le débat de fond contre la droite et le gouvernement qui se sont alliés pour faire passer la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Sans excès, sans injures et sans cris, cela porte déjà ses fruits, car les incohérences du projet et les arrière-pensées se dévoilent peu à peu.

Le Mouvement social vient donc enfin de trouver des parlementaires qui relaient son message et sa disciplinaire unitaire.

Vous pouvez retrouver en ligne les débats du sénat :

Retrouvez ci-dessous une partie de ses vidéos

Réforme des Retraites : la droite nous sort le même discours depuis plus de 150 ans !

Anthony Gratacos, porte parle de la GRS et conseiller départemental de Seine-et-Marne, intervenait jeudi 2 mars 2023 dans les Salons de Blossac à Poitiers aux côtés de Rachel KEKE, députée LFI du Val-de-Marne, Ian Brossat, adjoint au Maire de Paris et porte-parole du PCF, Philippe Brun, député PS de l’Eure, Sophie Taillé-Polian, députée Génération.s du Val-de-Marne, et Lisa Belluco, députée EELV de la Vienne, et Pauline Salingue, porte parole du NPA, dans un meeting de mobilisation contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron.

L’occasion de rappeler que la droite – sous toute ses formes – a toujours essayé d’expliquer à la société que le progrès était impossible, que les régression étaient inévitables : c’est faux, notre histoire le prouve, notre système fonctionne, il n’a pas besoin d’être sacrifié au Moloch du Capital.

Nous avons besoin de vous !

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