A écouter les dirigeants occidentaux, la bataille de Baghouz aurait mis un terme à la guerre avec Daesch. Et Trump de parler de « victoire ».
La réalité nous invite à moins de triomphalisme.
S’il faut se réjouir de la défaite infligée au soi-disant État islamique, il serait aventureux de penser que l’affaire est close.
D’abord, si un tiers environ de ses 40 000 à 50 000 combattants a été mis hors de combat, nombreux sont ceux qui ont pu se replier en Égypte, en Libye ou ailleurs.
Ensuite, le mouvement peut ensuite compter sur un trésor de guerre de plusieurs centaines de millions de dollars constitué à partir de ventes de pétrole ou des prélèvements opérés sur les populations des territoires occupés.
Enfin, même gravement affectée par les combats, son organisation reste sa force et peut laisser craindre des résurgences ici ou là facilitées par la persistance de tensions régionales structurelles : territoires sunnites libérés par des forces chiites ; populations arabes administrées par des organisations kurdes ; concurrence entre puissances régionales péniblement arbitrées par la Russie et les Etats-Unis, en rivalité sur le terrain, notamment pour la vente d’armes à la Turquie.
Dans un tel contexte on ne peut être qu’inquiet sur l’avenir une fois de plus réservé à nos amis kurdes qui auront plus que jamais besoin de notre solidarité et du soutien de la France.
La déstabilisation de la région procède de la longue histoire, depuis le renversement par la CIA du gouvernement démocratiquement élu de Mossadegh en Iran en 1953, à la guerre d’Afghanistan et les interventions armées en Irak. L’ingérence atlantique dans la région a toujours eu deux caractéristiques : l’or noir, décisif pour l’économie américaine, et le choix de l’alliance privilégiée avec les régimes fondamentalistes.
Ce serait une erreur de penser aujourd’hui que cette histoire aurait cessé de produire ses effets délétères.