Le ministère de Justice déclare pour l’année 2017 (les chiffres pour 2018 ne sont pas parus à ce jour), 14908 mineurs non accompagnés reconnus comme tels, et accueillis par les services des conseils départementaux. On constate une augmentation de 85% depuis 2016. Les autres chiffres sont constants que ce soit la proportion de jeunes hommes qui représentent 95% des accueillis, la provenance des jeunes en majorité guinéens (29%), ivoiriens et maliens, ou encore les départements les plus concernés par l’accueil : les départements d’Île de France, le Nord, le Pas de calais, la Loire Atlantique et les Bouches du Rhône.
Les mineurs non accompagnés sont désignés ainsi depuis janvier 2016 suite à la circulaire Taubira qui réaffirme le critère de minorité comme prioritaire sur celui de la nationalité et ceci en adéquation avec les directives européennes, auparavant ils étaient appelés mineurs isolés étrangers. Le ministère de tutelle est la Justice, car c’est le parquet qui détermine la minorité des jeunes et leur mise sous tutelle des conseils départementaux au titre de la protection de l’enfance.
L’arrivée en constante augmentation des jeunes et leur prise en charge (en Loire Atlantique, entre décembre 2015 et décembre 2017 le nombre de jeunes accueillis a doublé) n’est pas sans poser des problèmes dans l’organisation globale de la protection de l’enfance avec des structures d’ores et déjà saturées. Les départements font face également à de grandes difficultés économiques malgré la contribution de l’État pendant la période transitoire de la mise à l’abri et de l’évaluation.
Face à ces difficultés, la réponse de l’État apportée via le décret du 30 janvier 2019 pris en application de l’article 51 de la loi Asile Immigration porte atteinte à l’accueil des jeunes via la protection de l’enfance en jetant le soupçon systématique sur leur minorité. Le décret précise que dès qu’un jeune est reconnu majeur, il doit être signalé à la préfecture pour une prise en charge par les services du ministère de l’Intérieur en tant que migrant majeur. Ce décret a pour objectif de lutter contre le nomadisme des jeunes et traiter l’afflux des jeunes, le gouvernement précise que ce décret et le fichier d’appui à l’évaluation des mineurs (AEM) tend à « mieux garantir la protection de l’enfance et lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ». A ce jour, 4 départements (Essonne, Bas Rhin, Haute Garonne, Isère) participent à l’expérimentation jusqu’en avril, date à laquelle le dispositif doit être généralisé. Paris et la Seine Saint Denis ont déjà fait savoir leur opposition à ce dispositif.
Ce décret qui met également en place un fichage biométrique des jeunes est critiqué par les associations et par le défenseur des droits qui y voient une négation de la convention internationale des droits de l’enfant et rappellent que ces jeunes doivent d’abord être traités comme des mineurs. Les travailleurs sociaux et associations redoutent également de participer par ce dispositif à la politique de tri du gouvernement en matière d’immigration. Rappelons par ailleurs que l’État a été condamné par la cour européenne des droits de l’Homme le jeudi 28 février pour traitement dégradant sur un enfant de 12 ans ayant vécu dans la « jungle de calais ». Face à cette situation, les associations, à l’initiative d’Unicef France (c’est inédit) ont demandé au conseil d’état un retrait pur et simple du décret du 30 janvier 2019 (1).
Le sort s’acharne contre les Mineurs Non Accompagnés, le 21 mars 2019 , le conseil constitutionnel valide les tests osseux sur les mineurs bien que reconnaissant qu’ils « peuvent comporter une marge d’erreur significative ». Ces tests sont basés sur les données statistiques collectées entre 1935 et 1941 sur des enfants nord américains. La marge d’erreur est estimée entre 3 mois et 18 mois. Ainsi, ces tests sont équivalents à la roulette russe. Sur le terrain, les médecins statuent généralement en établissant un âge situé entre 17 et 19 ans ! Pourquoi alors continuer d’utiliser ces tests à l’efficacité discutable et dont l’apport à la procédure demeure limité ?
La Gauche Républicaine et Socialiste, affirme son soutien aux associations dans leur demande de retrait de ce décret qui place les mineurs non accompagnés dans un soupçon permanent et met en difficulté les travailleurs sociaux et les bénévoles. GRS salue également l’action volontariste de nombreux départements qui développent des initiatives telles que l’accueil familial des mineurs. L’État ne doit pas se servir des collectivités et des associations comme complices de sa politique migratoire répressive.
(1) https://www.unicef.fr/article/non-au-fichage-des-mineures-non-accompagnees