Pour les salariés et les Français, il faut faire plier les sociétés pétrolières

Depuis plusieurs semaines en France, une situation de pénurie de carburants monte inexorablement sur tout le territoire national mais en touchant plus particulièrement les Hauts-de-France ou l’Île-de-France. La communication gouvernementale a cherché, ces derniers jours, à masquer cette situation en noyant la réalité du terrain sous des moyennes qui n’ont pas de sens.

Cette situation est consécutive au refus du gouvernement de regarder la réalité en face : durant tout le mois de septembre, Bruno Le Maire et Roland Lescure – suivis par tout l’exécutif – ont raconté à qui voulait l’entendre que les super-profits n’existaient pas, qu’il n’y avait donc rien à taxer, tout en reconnaissant que la manne financière des sociétés pétrolières devaient servir à compléter les « ristournes » gouvernementales à la pompe et augmenter les salaires s’il le souhaitait. Un nouvel exemple de l’exercice habituel : « Bruno demande » a toujours été le maître mot de Bercy à l’égard des grandes entreprises, sans que l’on ne lise jamais « Bruno agit » ou « Bruno décide ».

Résultats :

  • Total a décidé de casser les prix provoquant une distorsion de la concurrence qui a rapidement mis à sec ses propres stations face à l’afflux de clients ;
  • les salariés d’ExxonMobil (Esso) et de TotalEnergies se sont mis en grève face à la sourde oreille de leurs dirigeants…

La pénurie dans les stations services s’est donc largement diffusée, touchant d’abord le diesel mais s’étendant rapidement à d’autres types de carburants. Les filles d’attentes sont interminables devant certaines stations, alors que dimanche 9 octobre les mouvements de grève ont été reconduits dans les raffineries chez TotalEnergies et ExxonMobil.

La grève des raffineurs est totalement légitime !

L’exigence d’augmentation de salaires des raffineurs d’ExxonMobil et TotalEnergies est parfaitement justifiée par les bénéfices de ces deux grands groupes, grâce notamment à la hausse des prix des hydrocarbures. TotalEnergies avait engrangé 14 milliards d’euros en 2021, et « a déjà cumulé plus de 18 milliards d’euros sur les six premiers mois de cette année ». Le PDG de Total s’est augmenté de 50% l’année dernière. La société TotalEnergies a annoncé le 28 septembre 2022 qu’elle verserait un acompte sur dividende exceptionnel de 1 € par action en décembre 2022, au-delà de l’augmentation de 5% des acomptes trimestriels déjà annoncée en avril et mise en œuvre. Sur cette base, le montant final du dividende 2022 de l’action TotalEnergies serait de 3,76 €/action. L’« acompte » ainsi annoncé s’élève à 2,6 milliards d’euros !

Il était légitime que les salariés, dont les conditions de travail sont particulièrement difficiles, aient aussi le droit à une augmentation comme tous les actionnaires.

La CGT revendique notamment que les salaires des employés soient revalorisés « à hauteur de 10% pour l’année 2022, soit 7% pour l’inflation et 3% « pour le partage de la richesse » ; elle réclame également une remise en état des raffineries.

La Gauche républicaine et Socialiste soutient ce mouvement de grève et souscrit aux revendications des syndicats demandant une augmentation des salaires et une remise en état des raffineries.

Cette situation ne peut plus durer ! Les bénéfices des actionnaires doivent bénéficier aux employés et à la collectivité. La lutte commence à payer puisque la direction de TotalEnergies qui refusait jusqu’ici toute discussion s’est dit prête à ouvrir des négociations sur les salaires, à la condition que la grève s’arrête : c’est un encouragement à maintenir la pression. Une pression qui doit également s’amplifier concernant la taxation des super-profits.

Les Français pour qui la voiture est indispensable au quotidien souffrent de cette pénurie qui les pénalise injustement : il s’agit de la majorité de la population qu’elle vive en milieu rural, dans la « France périphérique », dans le périurbain ou même en banlieue des métropoles.

Nous exigeons de la part du gouvernement des mesures concrètes pour sortir de cette crise en répondant aux demandes des salariés et des usagers.

Le néolibéralisme contre la croissance et le progrès

En France, entre 1990 et 2007, le PIB par habitant a progressé de 28%. Entre 2007 et 2021, il a progressé de 4%. Nous vous partageons ici les réflexions que cette situation soulève.

Les tensions sociales actuelles sur le pouvoir d’achat sont essentiellement dues au fait que chacun souhaite une part plus grande d’un gâteau qui ne croît pratiquement plus. Par exemple, si le PIB n’augmente plus, il est impossible d’augmenter la part de la consommation collective (les services publics) sans baisser la part de la consommation individuelle (le pouvoir d’achat) ou celle de l’investissement.

Or, en raison du vieillissement de la population et des besoins économiques, la part de la dépense collective devrait croître pour faire face au coût des dépenses de santé, à celui de la dépendance, ou pour augmenter le niveau éducatif de la jeunesse. Mais dans une économie sans croissance, la hausse des dépenses collectives ne peut se faire qu’au détriment du pouvoir d’achat des ménages ou de l’investissement (les infrastructures collectives et industrielles).

Ainsi, ce que les gouvernements essaient de faire depuis 2007, c’est d’augmenter la production des services collectifs en diminuant les revenus réels des fonctionnaires par le gel de leurs rémunérations afin d’éviter toute hausse d’impôt. On mesure aujourd’hui les limites de cette stratégie. Les services publics sont à l’os et on ne parvient plus à recruter des soignants et des enseignants. On ne peut pas faire toujours plus sans hausse des moyens et sans hausse de la fiscalité.

Une autre stratégie menée depuis 2007 (et accélérée en 2012 et 2017) a été de basculer la charge fiscale des entreprises vers les ménages au nom de l’attractivité fiscale. Cette politique a globalement augmenté les profits des entreprises et les revenus des classes supérieures.

PO : prélèvements obligatoires

Mais dans une économie sans croissance, les gains des uns sont les pertes des autres, donc celles des revenus du travail et des classes moyennes et populaires. Cette stratégie a conduit au mouvement des gilets jaunes et à l’exaspération d’une grande partie de la population.
Aujourd’hui, pour dégager des marges de manœuvre et financer sa politique d’attractivité fiscale, le gouvernement s’attaque aux retraites. L’idée est de faire payer les futurs retraités après avoir fait payer les fonctionnaires et les revenus du travail.

Pourtant, la stratégie de l’attractivité fiscale n’a donné aucun résultat depuis 2007. Les baisses d’impôt et les subventions au bénéfice des entreprises qui ont été payées par les Français n’ont eu aucun effets notables sur la croissance*.

Au lieu de s’acharner à relancer la croissance en aidant toujours les mêmes, il faudrait changer complètement notre manière de penser. Réfléchir à partir des besoins sociaux et penser à comment décider démocratiquement des grands choix économiques. On en reparlera.

Évidemment, réfléchir en termes de besoins sociaux, cela suppose d’arrêter de penser exclusivement en termes de “pouvoir d’achat”. Or, je ne suis pas sûr que le débat politique actuel soit tout à fait prêt à ça.

* source : http://ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations-syndicales/item/6572-un-capitalisme-sous-perfusion-mesure-theories-et-effets-macroeconomiques-des-aides-publiques-aux-entreprises-francaises

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