Intelligence artificielle : empêchons la dictature de la machine ! – tribune d’Emmanuel Maurel dans Euractiv

tribune publiée le 7 juin 2023 (pour la version anglo-saxonne ici)

Alors que Sam Altman, le PDG de l’IA générative ChatGPT, continue son tour du monde pour demander aux gouvernements de réguler l’intelligence artificielle (IA), le député européen Emmanuel Maurel met en garde contre tous les défis que l’UE aura à relever vis-à-vis de cette technologie de rupture.

L’intelligence artificielle révolutionne l’économie mais menace aussi la civilisation. Pour nous préserver de ce péril, il faudra aller bien plus loin que « l’IA Act » voté la semaine prochaine.

Pas un jour ne passe sans que nous soyons témoins de la progression fulgurante de l’intelligence artificielle.

L’IA est déjà utilisée dans la vie quotidienne : communications, traductions, jeux vidéo, bientôt voitures autonomes, mais aussi systèmes de surveillances de masse… et conflits armés. La possibilité de voir arriver des « robots tueurs » sur le champ de bataille est en effet tout sauf théorique.

Dans une lettre ouverte publiée en mars, un millier de chercheurs et professionnels du secteur demandaient un moratoire de six mois afin d’élaborer une régulation visant à empêcher l’IA d’être « dangereuse pour l’humanité ».

Moins apocalyptique, quoique fort inquiétant : la possibilité de propager de fausses informations à l’aide de photos et vidéos créées de toutes pièces par des IA, presque impossibles à distinguer des vraies.

Dans un contexte d’uniformisation des contenus sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming via les algorithmes, ce genre d’innovation nuira non seulement à la manifestation de la vérité, mais aussi à la culture et sa diversité – et donc à la civilisation.

Il est important de développer un projet éducatif autour de l’intelligence artificielle, ayant pour but d’informer les citoyens sur les risques associés à l’IA, mais aussi de les former à utiliser l’IA de manière responsable et éthique.

Des mesures fortes s’imposent pour encadrer l’IA, particulièrement sur les aspects liés aux droits humains. Est-il par exemple nécessaire de recourir aux technologies de reconnaissance faciale dans le cadre des prochains Jeux olympiques à Paris ?

L’Assemblée nationale, qui a voté en ce sens le mois dernier, aurait dû faire preuve de davantage de prudence au lieu de s’engager sur un terrain aussi glissant pour les libertés fondamentales.

Entretemps, l’Union européenne s’est emparée du sujet et met au point une législation se voulant protectrice et uniforme sur tout le continent, afin d’éviter toute tentation de « dumping numérique ». Les dispositions contenues dans son « IA Act », qui sera soumis au vote du Parlement européen en juin, offrent ainsi une perspective intéressante, insistant sur l’importance du rôle de l’humain dans la supervision de l’intelligence artificielle.

Mais organiser une telle supervision nécessitera que l’Europe se dote d’unités de contrôle fortement qualifiées, or les candidats manquent. De plus, il est nécessaire que l’humain soit en capacité de “débrancher la machine” manuellement, sans besoin de mécanismes informatisés et numérisés.

Qu’il s’agisse du contrôle ou du développement de l’IA, où nous sommes en retard par rapport aux États-Unis et à la Chine, nous n’aurons pas d’autre choix que mettre en place une stratégie extrêmement volontariste pour empêcher la « fuite de cerveaux », redoubler d’efforts pour la formation et pour la consolidation d’un écosystème favorable à l’émergence d’une IA spécifiquement européenne, centrée sur l’humain et sur les principes de liberté et de démocratie.

Un aspect important de cette stratégie est la collaboration entre les entreprises, les gouvernements, les experts en IA ainsi que la société civile, qui doivent travailler main dans la main pour amener une utilisation régulée des intelligences artificielles.

Dans l’immédiat, il nous faut contrer la voracité des géants du numérique, afin de prévenir toute utilisation abusive de l’IA, notamment en matière de protection des données personnelles, d’intrusion dans la vie privée, de désinformation, ou encore d’assurance-santé.

Tout reste à faire pour mettre sur pied une vision spécifiquement européenne de l’IA, à rebours du modèle chinois, mais aussi du modèle américain. Microsoft, qui a énormément investi dans OpenAI, et son « ChatGPT » vient de licencier la totalité de son équipe responsable de l’éthique de l’IA…

Enfin, l’IA risque d’entraîner une déstabilisation sociale massive. Des études récentes pronostiquent que 300 millions d’emplois pourraient être sous-traités par des IA !

Après avoir délocalisé la classe ouvrière en Asie, les multinationales s’apprêtent à remplacer la classe moyenne, y compris la plus diplômée, par des logiciels autonomes. Nos sociétés démocratiques n’y survivront pas. En l’espèce, agir dès maintenant sur le partage du temps de travail et de la valeur ajoutée, ainsi que sur les conditions de travail n’est pas une option, mais une obligation.

Tout doit être fait pour garantir une utilisation responsable et éthique de l’IA, dans l’intérêt des travailleurs et des citoyens européens. Nous ne pouvons pas laisser la machine décider de tout à la place de l’humain.

Le macronisme est un autoritarisme

Sans changer une virgule à la Constitution, Emmanuel MACRON nous révèle, par sa pratique du pouvoir, toutes les tares de la Vème République.

Sa loi sur les retraites est une maltraitance démocratique tout autant que sociale. Il l’impose contre une très large majorité des Français et contre l’Assemblée nationale. En effet, toutes les dispositions tirées de la Constitution de 1958, dont le projet était d’instaurer un « parlementarisme rationnalisé » auront été utilisées, aboutissant de fait à un parlementarisme muselé.

« Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. » énonce l’article 24 de la Constitution. « Nous empêcherons un vote à tout prix » ont trompeté plusieurs responsables du parti présidentiel Renaissance ces dernières semaines à propos de la proposition de loi portée par le groupe LIOT, dont l’article 1er propose l’abrogation de la loi retraites du 14 avril 2023. Les fondamentaux sont attaqués.

 Les députés du parti présidentiel ont brandi contre la proposition de LIOT l’article 40 de la Constitution qui prévoit que « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. ». La proposition de loi du groupe LIOT prévoit la compensation, à due concurrence, des charges induites pour les organismes de Sécurité sociale par une taxe sur le tabac ? Elle a été déclarée recevable par le président de la commission des finances, conformément aux prérogatives de ce dernier ? Qu’importe, il fallait éviter un vote « à tout prix » sur l’abrogation !

La présidente de l’Assemblée nationale, après quelques hésitations et après avoir subi de très fortes pressions de l’Élysée, s’est donc résolue à s’asseoir sur les principes démocratiques élémentaires, en s’opposant à ce que la proposition de loi soit débattue en séance plénière, après avoir fait voté la suppression de l’article 1er de la proposition de loi en commission des affaires sociales, et en piétinant le droit d’amendement des parlementaires. La séparation des pouvoirs a rarement été aussi méconnue depuis l’instauration de la République.

Les républicains qui ne se résolvent pas à cette forfaiture doivent se rassembler et proposer des solutions permettant de redonner des perspectives positives à notre démocratie.

Dans l’immédiat, il faut utiliser tous les moyens légaux pour faire vivre les contre-pouvoirs, qu’ils soient institutionnels (motions de censure parlementaires, proposition référendaire au printemps 2024…) ou extra-institutionnels (manifestations, pétitions, grèves, articles de presse…).

Près de 65 ans après son instauration, la Vème République est à bout de souffle. Sa dangerosité initiale montre aujourd’hui toute sa dimension.

Mais avant d’envisager de refonder nos institutions, il nous faut résister ici et maintenant à la dérive autoritaire du pouvoir macroniste.

Hélène Franco

La guerre des tranchées entre l’Élysée et Matignon

Y aurait-il du rififi entre le Président et sa Première Ministre en ce début de semaine, après le recadrage sévère qu’Emmanuel Macron a adressé à Élisabeth Borne après ses propos sur le RN et l’héritage du maréchal Pétain ? Privé de majorité, de cap politique, son discours sur son rôle de “rempart contre l’extrême droite” sonne de plus en plus creux… Le président a dérapé une fois de plus de manière incontrôlée et s’est retrouvé obligé de rétropédaler dès le lendemain.

Il n’en est pas à son coup d’essai quand il s’agit d’évoquer le maréchal Pétain. Déjà en 2018, à l’occasion des cérémonies du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, Emmanuel Macron avait voulu réintégrer le Maréchal frappé d’indignité nationale au parcours mémoriel, avant de faire machine arrière.

Alors que sa politique délétère nourrit les frustrations qui renforce l’extrême droite, l’aveuglement de l’exécutif sur le danger réel (à Saint-Brévin et ailleurs) pourrait plonger notre pays dans un péril inédit en régime démocratique.
Ce n’est pas un remaniement cosmétique qui résoudra le problème.

Sommet du Plastique : passons aux solutions pratiques !

Depuis le 29 mai et jusqu’à demain vendredi 2 juin 2023, la France accueille la deuxième session des négociations internationales pour mettre fin à la pollution plastique.

L’urgence est réelle avec une production de plastique qui dépassera le milliard de tonnes en 2050, si elle continue sa progression au rythme connu (près de 500 millions en 2020).

Le plastique est une catastrophe de santé publique avec nombre de microplastiques et de nano-plastiques (entre 50 et 100 micromètres) qui pénètrent dans le corps humain par ingestion, par inhalation ou en pénétrant par la peau pour les nanoparticules. Nous avalons individuellement 2 000 particules de plastiques par semaine soit 5 g de plastiques, l’équivalent d’une carte bancaire (WWF 2019).

C’est aussi une catastrophe pour les terres, les cours d’eau et les mers du globe. Depuis 1980, plus de 150 Mt de plastiques s’accumulent dans les océans provoquant du plus spectaculaire, l’île artificielle dans le Pacifique, au plus insidieux pour la biodiversité comme l’étranglement des mammifères marins et des oiseaux dans les filets, les « pêches fantômes », l’ingestion de micro-plastiques par les oiseaux, les poissons ou les tortues et la dégradation des fonds marins. 700 espèces marines sont touchées, dont 17% sont menacées ou « en danger critique d’extinction ». Cette pollution coûte 13 milliards de dollars en raison des pertes subies par la pêche, l’aquaculture ou le tourisme (nettoyage des plages) dans le monde, dont 470 millions d’euros pour l’Europe.

Pour réduire la masse, nous devons réduire la production de plastique à la source en privilégiant le réemploi comme les consignes ou la reprise d’emballages, voire la suppression de certains emballages plastiques. Cette démarche globale permettrait de réduire notre empreinte carbone de 85%.

Sur les 8,3 milliards de tonnes de plastiques produites par an, seuls 9% seront recyclées. Un résultat bien faible qui est questionné par les ONG sur le destin incertains des matières plastiques recyclables envoyées en Chine ou en Malaisie, notamment, par les industriels du retraitement, sur un marché qui représente chaque année plus de 275 milliards de dollars. Il faut trouver une voie française permettant d’augmenter massivement le tri et le recyclage, qui restent notoirement insuffisants.

Les pays nordiques imposent aux producteurs une responsabilité en matière d’emballages, puisqu’ils doivent fournir ou rejoindre un système de collecte assumant la responsabilité opérationnelle et financière de la récolte et du traitement des déchets d’emballage. La France a voté le principe de la création de la consigne pour 2023, si les progrès en tri n’étaient pas suffisants. Il convient en tout état de cause de veiller à ce que les structures mises en place par les industriels et la distribution s’opèrent en lien avec les collectivités locales et ne soient pas l’occasion de profits financiers, alors que la gestion des déchets doit relever d’une logique de service public.

La grande distribution pourrait être sensibilisée en rendant obligatoire la présence de conteneurs de tri à la sortie des grandes surfaces afin que les consommateurs puissent se défaire des emballages excessifs aux frais des distributeurs. Par ailleurs, des normes pour le traitement des emballages doivent être édictées pour protéger la santé, l’environnement et atteindre des objectifs de recyclage prédéfinis.

Plus de 15 conférences internationales et sommets ont été consacrés à ce sujet sans que cela aboutisse à une politique quelconque de lutte contre la production de plastique à la source voire de retraitement.

Espérons qu’à Paris une fumée blanche d’espoir se substitue à la fumée noire de combustion des plastiques gaspillés.

Alain Fabre-Pujol, Jean-Loup Kastler et Marie-Noëlle Lienemann
pour le pôle écologie républicaine de la GRS

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