Face à la dégradation des comptes publics, le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire a annoncé, dimanche soir, des économies à hauteur de 10 milliards d’euros sur le budget de l’État. Il a en revanche explicitement écarté toute hausse d’impôt. David Cayla, économiste, décrypte dans La Croix.
propos recueillis par Laurent de Boissieu et Janice Bouhuon, publié dans La Croix le 19 février 2024
C’est un des tabous du macronisme : les impôts ne peuvent que baisser, jamais augmenter. Emmanuel Macron fera donc sans doute tout pour éviter une hausse des impôts. Mais à quel prix ?
Ne pas augmenter les impôts est un choix irrationnel, qui ne peut s’expliquer que par l’idéologie ou par un souci d’image dans l’opinion publique. D’un côté on promet deux milliards de baisses d’impôts pour les ménages, de l’autre on engage dix milliards de diminutions des dépenses publiques.
C’est un en même temps incohérent. Le principe de baisser les dépenses publiques peut relever d’un choix gouvernemental assumé de remettre en cause telle ou telle politique publique. On le voit sur le Compte personnel de formation (CPF) ou sur le dispositif « Ma Prime Rénov’ ». Ce pourrait judicieusement être le cas, selon moi, sur le crédit d’impôt recherche ou des aides à l’apprentissage, qui ont explosé depuis qu’Emmanuel Macron a été élu à l’Élysée.
Mais le choix d’un coup de rabot sur l’ensemble des dépenses de l’État est en réalité un non-choix inquiétant. Il aura des conséquences désastreuses sur des services publics qui ont déjà du mal à fonctionner : l’hôpital, l’éducation nationale et l’université ou encore la justice. Il s’agit de dépenses publiques directement utiles aux Français.
Autre inquiétude : ce coup de rabot d’ensemble révèle l’impréparation du gouvernement, visiblement surpris par une érosion de la croissance pourtant annoncée depuis longtemps. Il est d’ailleurs étonnant que l’annonce en ait été faite par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et non par le chef du gouvernement, Gabriel Attal.
Dans une conjoncture difficile, agir sur la fiscalité est pourtant bien plus pertinent que d’agir sur les dépenses publiques. Les économistes ont montré que dix milliards de dépenses publiques ont plus d’effet que la même somme restituée fiscalement. Ainsi, baisser les dépenses publiques de dix milliards représente une perte nette de recette dans l’économie réelle, ce qui risque d’approfondir la récession dans un processus sans fin.
À l’inverse, augmenter les impôts c’est prélever de l’argent dont une partie n’aurait pas irrigué l’économie française, qu’il s’agisse de l’imposition des entreprises (dont les dividendes profitent souvent à des actionnaires à l’étranger) ou des hauts revenus (dont une grande partie est épargnée sous forme de placement financiers ou immobiliers). Bref, en politique économique il faut faire des choix.
C’est pourquoi la comparaison entre l’État et un ménage ne tient pas. D’une part, l’État est un acteur macroéconomique, ce qui signifie que ses décisions ont un impact sur l’ensemble de l’économie. D’autre part, contrairement à un ménage, l’État peut décider de ses recettes… à travers justement les prélèvements obligatoires.
Décréter comme Emmanuel Macron qu’il ne faut pas augmenter les impôts, c’est-à-dire que l’État ne peut pas décider de ses recettes, ne relève que d’un choix politique, et non d’une contrainte économique.