Barnier à Matignon : le bras d’honneur de Macron aux Français

L’interminable série de consultations conduites par le Président de la République pour ne pas nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire a pris fin aujourd’hui de la pire des manières.

En choisissant Michel Barnier, dernière roue du carrosse LR, Emmanuel Macron a balayé d’un revers de main les résultats de sa propre dissolution ; et fait un bras d’honneur aux millions d’électeurs de gauche qui ont sauvé la moitié de son groupe parlementaire à l’Assemblée.

Pire : l’Elysée a négocié en direct avec Marine Le Pen les conditions d’une neutralité bienveillante des députés RN en cas de dépôt d’une motion de censure !

Le nouveau Premier ministre, qui lors de la primaire LR avait proposé d’abolir des pans entiers de la Convention Européennes des Droits de l’Homme, ne manquera pas de détailler les termes de cet accord lors de son discours de politique générale.

Les milieux d’affaires et les marchés financiers sont les vrais gagnants de cette forfaiture démocratique. Leur effroi à l’idée d’augmenter les salaires et contribuer davantage aux charges publiques s’est instantanément dissipé. Les dividendes défiscalisés et autres subventions sans contreparties continueront d’arroser leur cours de bourse.

Macron n’a jamais été préoccupé par une quelconque « stabilité institutionnelle ». Son obsession cardinale demeure la préservation des privilèges de son noyau dur de supporters, sous l’œil vigilant de Bruxelles, rassurée par « Barnier l’européen ».

Nos concitoyens n’ont à présent sous les yeux qu’un régime crépusculaire accaparé et dénaturé par un Président méprisant et solitaire. Il reviendra aux forces de gauche de s’opposer radicalement à la poursuite de sa politique d’austérité néolibérale et autoritaire.

Allemagne : Minuit moins le quart

Voici les nouveaux résultats pour les élections en Thuringe et en Saxe, deux régions d’Allemagne de l’Est qui votaient aujourd’hui. La participation fut convenable. C’est en Thuringe un triomphe pour le parti d’extrême droite AfD, premier avec 33,4%.

L‘AfD menée ici par Björn Höcke n’est pas comparable au RN ou à Fratelli d’Italia de Meloni : c’est beaucoup plus radical, assumant d’être catalogué « néofasciste » par la justice allemande, et « catégorie S » par les services de sécurité intérieur. Björn Höcke assume avoir milité jeune dans un groupe néonazi et avoir des candidats néonazis.

Aucun autre parti ne souhaite s’associer avec eux. Mais ayant obtenu 33,4% des suffrages ils obtiendrons plus de 33% des sièges et auront un rôle de blocage, ainsi que la présidence du parlement du Land. L’AfD vient d’annoncer qu’ils regarderaient très en détail les nominations de juges et enseignants – compétence parlementaire et qu’ils peuvent bloquer avec le niveau qu’ils ont atteints.

En Saxe, les chrétiens démocrates de la CDU sont de justesse devant. Mais là aussi l‘AfD va jouer un rôle important.

Dans les deux régions, les Linke, le parti issu des anciens communistes de l’Est (le SED, puis le PDS), s’effondrent. En Thuringe, la popularité du président de la région, issu des Linke, n’a rien pu empêcher. En Saxe, les Linke manquent le score minimum de 5% mais vont gagner directement deux circonscriptions à Leipzig, illustrant à merveille l’impasse de la stratégie qu’ils ont choisi depuis quelques années et que suit également La France Insoumise en France. Ils sauveront une présence minimum au parlement. Les écologistes ont le même problème : vote urbain bourgeois, ils sont ratiboisés en Saxe mais emportent les deux autres circonscriptions de Leipzig.

C’est le nouveau parti de Sahra Wagenknecht, BSW, gauche conservatrice sur les questions sociétales, qui emporte l’électorat abandonné par les Linke, empêchant leur dérive vers l‘AfD. Sans le BSW, l‘AfD serait au dessus de 40%.

Sahra Wagenknecht, fondatrice du parti Alliance Sahra Wagenknecht (Bündnis Sahra Wagenknecht, BSW), en meeting le 29 août dans la ville d’Erfurt, capitale du Land de Thuringe. © Martin Schutt/AP/SIPA

La coalition au gouvernement à Berlin est sanctionnée lourdement. En Thuringe, où le FDP local (le parti libéral allié à Renaissance) avait un temps fait alliance avec l’AfD de Höcke, ils sont balayés, seulement 1,2%. Les libéraux ne serons plus représentés. Le SPD est le parti qui résiste sur un socle très bas. En Saxe, la coalition gouvernementale rassemble 15%, les libéraux n’aurons pas de sièges, les écologistes en sauvent deux à Leipzig, le SPD revient de très loin…

Rappelons qu’à Berlin gouverne, plutôt mal que bien, la coalition rêvée d’Emmanuel Macron : un social-démocrate libéral comme Chancelier, un ministre des finances libéral-centriste, des verts libéraux. C’est un désastre.

La CDU a annoncé dès ce soir vouloir établir un front républicain avec un cordon de protection contre l‘AfD. Il a donc proposé une coalition à l’alliance de Sahra Wagenknecht. Celle-ci l’a accepté, écartant catégoriquement toute collaboration avec l’AfD « néofasciste ». En Thuringe, les Linke soutiendrons, en Saxe, le SPD serait d’accord.
Mais cette alliance va devoir traiter au fond les échecs de la République fédérale allemande depuis 2003 et l’agenda 2010 de Schröder, suivi des années erratiques et sans investissement d’avenir d’Angela Merkel, dont le gouvernement actuel paye les factures cachées, guerre Russie-Ukraine incluse.

Regarder les réalités en face, c’est reconnaître l’absurdité de la règle d’or, la profonde injustice de la répartition de la prospérité des années 2009-2019 et les profonds traumatismes des années 2015-2023, avec deux vagues de réfugiés d’un million de personnes chacune, suscitant plus de solidarité que les 17% de pauvres, dont 10% de salariés pauvres, mais aussi la crise du Covid et l’impact de l’inflation sur les ménages populaires.

Pendant ce temps, les grandes entreprises augmentent leurs dividendes selon un modèle que nous avons observé en France : il conduit à la perte de l’industrie, des inégalités, et l’asphyxie des services publics.

Il est minuit moins le quart.

Fin septembre, la région du Brandebourg, qui encercle Berlin, est la prochaine à voter.

Mathias Weidenberg (GRS, Berlin)

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