L’urgence d’une nouvelle politique du logement ? UGR24 – samedi 12 octobre 2024

Samedi 12 octobre 2024 vers 14h45, Renaud PAYRE, Vice-président de la Métropole de Lyon en charger de la politique de la ville et du logement et politologue, Marie-Noëlle LIENEMANN, ancienne ministre du logement, et Romain BIESSY, Secrétaire général de la Confédération Syndicale des Familles, intervenaient dans le cadre des universités de la gauche républicaine au Palais de la Mutualité de Lyon, dans une table ronde programmée par la Gauche Républicaine et Socialiste et animée par Frédéric Faravel.

En France, près de 15 millions de nos concitoyens sont menacés par la crise du logement et 4 millions en souffrent directement. Le logement est trop cher et plombe le pouvoir d’achat des Français. L’explosion des prix de l’immobilier, renforcée par un retour élevé de l’inflation, entretient une rente intolérable peu productive, anti-économique qui accroît considérablement les inégalités. Pourtant, la production de logement n’a pas été une réelle préoccupation de la politique conduite par les gouvernements d’Emmanuel Macron ; pire que cela, la stratégie de l’offre mise en avant par choix idéologique a provoqué un effondrement de la construction et les organismes HLM ont été volontairement mis en difficulté par des prélèvements excessifs qui ont attaqué leurs fonds propres. L’avant-dernier ministre du logement avait comme priorité de faciliter les expulsions, la nouvelle ministre n’aura sans doute pas le temps de mettre en place quoi que ce soit. La GRS a fait des propositions fortes pour conjuguer accès au logement et pouvoir d’achat ; le dialogue entre Marie-Noëlle Lienemann, Romain Biessy et Renaud Payre permettra de compléter nos réflexions et nos solutions politiques.

SNCF : « Sans contrôle ni investissement, l’ouverture à la concurrence n’aura aucun effet positif » – tribune de Chloé Petat

Alors que des grèves sont annoncées à la SNCF à partir du 11 décembre prochain, Chloé Petat, membre de la direction nationale de la GRS, co-rédactrice en chef du média Le Temps des Ruptures et auteure de La révolution ratée du transport ferroviaire (Éditions du Bord de l’Eau), met en lumière dans une tribune publiée dans Marianne le mercredi 27 novembre 2024 une cause qu’elle juge particulièrement préoccupante : l’ouverture à la concurrence des trains régionaux.

Les grèves SNCF annoncées à partir du 11 décembre remettent sur le devant de la scène la situation extrêmement critique que connaît le rail depuis maintenant plusieurs décennies. Le démantèlement du fret est la première raison explicative de cette grève. La deuxième, moins reprise par les médias, concerne l’ouverture à la concurrence des trains régionaux autrement appelés TER. Depuis les années 2000, l’Union européenne a adopté une stratégie d’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire en insistant sur les bénéfices attendus tels que la baisse des prix ou l’amélioration de la qualité de service et la régularité.

Qu’en est-il réellement ? Avant toute chose, il faut préciser que la mise en concurrence du ferroviaire peut prendre deux formes. Pour les offres commerciales comme les TGV, la concurrence est en « libre accès » : les nouveaux opérateurs peuvent concurrencer la SNCF en adressant une demande auprès du gestionnaire d’infrastructures, SNCF Réseau, pour bénéficier de sillons et faire circuler leurs trains.

La concurrence des trains régionaux, les trains du quotidien, repose sur une autre procédure. C’est la région, en tant qu’autorité organisatrice des transports, qui lance un appel d’offres en vue de déléguer l’exploitation de son réseau par une ou plusieurs compagnies ferroviaires. Si certaines régions ont décidé de contractualiser avec la SNCF, comme la Normandie ou l’Occitanie, d’autres, comme la région PACA, ont ouvert une partie du réseau régional à la concurrence.

Par exemple, les lignes intermétropoles Marseille-Toulon-Nice et Nancy-Vittel-Contrexéville seront exploitées par Transdev. Pour l’instant, peu de régions osent encore se passer entièrement des services de la SNCF. En effet, l’ouverture à la concurrence fait peur, ce qui explique qu’elle soit à ce stade toujours partielle. Toutefois, le processus de libéralisation est largement engagé, les régions devant obligatoirement ouvrir à la concurrence d’ici 2034, ce qui pourrait engendrer la réorganisation en profondeur des services de transport ferroviaire régionaux.

Une privatisation qui ne fait pas baisser les prix

Cette réorganisation se fera-t-elle dans l’intérêt des usagers ? L’expérience des pays voisins permet de répondre en partie à cette question. En Allemagne ou au Royaume-Uni, cela fait des décennies que le réseau ferroviaire est ouvert à la concurrence. Mais cela ne s’est pas traduit par une baisse des prix, bien au contraire ! Au Royaume-Uni, la libéralisation a entraîné une hausse de 27 % des prix des billets entre 1990 et 2010, conséquence d’une absence totale de régulation étatique.

Le désordre entraîné par la privatisation du secteur a entraîné un retour en arrière avec la création en 2023 de la Great British Railways… une renationalisation du secteur. En Allemagne, l’évolution des prix est méconnue. En toute logique, si la baisse avait été drastique, elle aurait été mise en avant par l’Union européenne pour justifier de l’efficacité de la libéralisation.

Au niveau de la régularité, les résultats sont contrastés. La situation britannique est catastrophique, avec un taux important de trains supprimés et de retards. En Allemagne, 35 % des trains sont arrivés en retard en 2022. Bien que la fréquentation du réseau ferroviaire soit en hausse, le réseau national souffre encore d’un sous-investissement chronique causant des retards à répétition.

L’ouverture à la concurrence n’a pas été menée de la même façon dans les deux pays. Elle a été totale et dérégulée au Royaume-Uni, alors que l’Allemagne l’a davantage encadrée et complétée par des investissements au démarrage. Il faut ainsi souligner que la concurrence à elle seule ne produit aucun miracle et peut même s’avérer particulièrement nocive si elle n’est pas sérieusement encadrée.

En effet, les expériences de libéralisation ont montré l’importance du réseau et de sa gestion dans l’organisation de la concurrence. Le réseau apparaît en effet comme un bien commun que se partagent des compagnies ayant pour objectif la maximisation de leurs gains. Mais s’il est surexploité et mal entretenu, certaines lignes peuvent devenir de véritables goulots d’étranglement. On ne peut pas faire rouler un nombre de trains infini, surtout sur des infrastructures vieillissantes.

Un encadrement étatique indispensable

Cela pose de sérieuses limites à la gestion de la concurrence, à moins de multiplier les dessertes sur certaines lignes. Mais, recherchant la rentabilité, les transporteurs vont privilégier l’exploitation des lignes les plus rentables et aucun ne se positionnera pour exploiter et financer les petites lignes déficitaires. L’absence de candidats aux appels d’offres lancés par l’État sur les lignes Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon en est une preuve flagrante. Ainsi, pour que le réseau garde sa cohérence et pour qu’un service public puisse continuer d’exister pour les petites et moyennes villes, les régions sont contraintes de financer les lignes déficitaires.

Face à la difficulté d’organiser une véritable concurrence, il a été décidé de soutenir financièrement les concurrents de l’opérateur historique en accordant aux nouveaux entrants une réduction sur les péages ferroviaires, dont ne bénéficie pas la SNCF. Cette pratique, qui n’est pas sans rappeler le mécanisme de l’Arenh (« Accès régulé à l’électricité nucléaire historique ») dans le marché de l’électricité, démontre à elle seule qu’il n’y a rien de spontané ni d’efficace dans l’ouverture à la concurrence, puisqu’il faut subventionner les concurrents afin qu’ils puissent rivaliser avec la SNCF.

En somme, dans le ferroviaire comme dans d’autres secteurs, il ne faut attendre aucun miracle de l’ouverture à la concurrence. Sans contrôle étatique, sans investissement dans le réseau, sans création de nouvelles infrastructures, elle n’apportera aucun effet positif sur les prix, la régularité ou encore la qualité de service. Les résultats de la libéralisation dans les autres pays européens le prouvent. Ce qui fera fonctionner les TER, ce sont les investissements et l’engagement financiers des régions et de l’État. À condition toutefois qu’ils parviennent à élaborer une véritable vision stratégique en concevant une politique publique de la desserte des territoires par le train, ce qui est loin d’être le cas.

Chloé Petat

Violences conjugales, violences sexistes et sexuelles : au-delà de l’indignation, passons à l’action

Le procès Pélicot a mis une nouvelle fois sur le devant de la scène une triste réalité : les violences conjugales persistent. Ce procès en dévoile l’horreur et surtout, la normalisation de ces violences au regard des profils des 50 accusés (sur 80 dont la totalité n’a pas pu être identifié), qui sont des hommes de tout horizon : militaire, boulanger, pâtissier, pompier, chômeur, jeune, retraité, chauffeur routier, ouvrier, électricien, etc. Le violeur et l’agresseur n’ont pas de visage et ne répondent à aucun critère prédéfinis.

Cette persistance des violences conjugales dans notre société est constamment sous nos yeux, en atteste les chiffres des associations féministes :

  • Entre 2018 et 2022 les signalements de violences conjugales ont augmenté de 83% ;
  • Les signalements de violences sexuelles ont augmenté de 100% en 10 ans ;
  • 1 femme est tuée en moyenne tous les 3 jours par son conjoint ou ex-conjoint : on dénombre en date du 4 octobre 2024, 105 féminicides en France1  et 122 si on se réfère au décompte du collectif « Nous Toutes » au 23 novembre 2024 ;
  • Dans 45% des cas, les viols sont commis dans l’enceinte du foyer ou par un conjoint ou un ex-conjoint.

Déjà en 2002, le Conseil de l’Europe soulignait la récurrence et l’impact de ces violences « selon les statistiques, pour les femmes de 16 à 44 ans, la violence domestique serait la principale cause de décès et d’invalidité, avant le cancer, les accidents de la route et même la guerre. Elle doit, en conséquence, être traitée comme un problème politique et public, et une violation des droits de l’homme2. ».

Angle mort des politiques gouvernementales

Pourtant, Gérald Darmanin l’ancien ministre de l’Intérieur a voulu cacher son impuissance à lutter contre ces violences avec des mesurettes, notamment les fameux flyers distribués en 2023 pour informer sur les comportements à adopter en tant que témoin ou victime d’une agression. La sensibilisation est assurément utile, même nécessaire, mais ne constitue pas une réelle politique publique. Pourtant, le ministre avait lui-même indiquer vouloir faire de la lutte contre les violences conjugales, une priorité des forces de l’ordre.

La Fondation des Femmes, dans son rapport publié en septembre 20233, estime à 2,6 milliards d’euros le budget minimum devant être consacré à une politique de lutte contre les violences conjugales en comparaison au budget réel de l’État de 2023 de 184,4 millions d’euros. Malgré une augmentation du budget depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019, cela n’est pas suffisant, notamment au regard de l’augmentation du nombre de femmes et d’enfants victimes de violences.

Ainsi, la France échoue à conduire une politique publique efficace en matière de lutte contre les violences conjugales. Pourtant, des pays voisins comme la Suède ou l’Espagne nous montrent que cette impuissance étatique n’est pas une fatalité. A titre d’exemple, depuis l’adoption de la loi « mesures de protection intégrale contre la violence conjugale » en 2004, le nombre de féminicides par an est passé de 72 à 30 en 2020 en Espagne.

L’horreur du procès Pélicot mobilise fortement la presse française et mondiale et les organisations féministes, et serait « l’occasion » (bien qu’il soit très dommageable d’avoir besoin d’une telle tragédie pour envisager des mesures concrètes) de repenser complètement nos moyens de lutte contre les violences conjugales en France. Pourtant, il n’en est rien : il est fort peu probable, que le nouveau ministère de l’Intérieur Bruno Retailleau, au regard de ses positions en matière de droit des femmes se saisisse de ce sujet. En effet, il faut rappeler qu’il a notamment voté contre la constitutionnalisation de l’IVG ou encore contre la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

Réagir n’est pas seulement urgent : c’est nécessaire. Alors que faire ?

En tant qu’organisation politique, nous défendons la nécessité de pouvoir co-construire cette feuille de route de lutte contre les violences conjugales envers les femmes et les enfants avec toutes les organisations concernées : organisations féministes, associations, etc.

Quelques pistes peuvent être proposées, défendues depuis longtemps par les organisations féministes et les associations et que portent la GRS dans son programme :

  • D’abord, il est urgent de former les forces à l’ordre aux violences faites aux femmes et aux enfants. Cette mesure peut sembler anecdotique, pourtant le traitement de ces dossiers démontre aujourd’hui un manque crucial de sensibilisation et de formation. Des personnels dédiés doivent être recrutés pour traiter les questions des violences faites aux femmes et aux enfants. Le traitement des plaintes des femmes est aujourd’hui un réel problème, voir un supplice, qui empêche les femmes de dénoncer les violences et les viols quand elles en subissent. Gisèle Pélicot, a elle-même témoigné en ce sens lors du procès. Les femmes sont souvent victimes et accusées : il faut absolument sortir de cette logique ;
  • De même, il devient urgent de former les professionnel.les de la justice à l’accueil, à l’écoute et au recueil de la parole des victimes des violences faites aux femmes. L’accompagnement qui en suivra et le traitement de la plainte par la justice n’en seront que mieux vécus. Ce constat du manque de professionnalisation de la police et de la justice est ressenti par toutes les personnes actrices de la médiation sociale qui œuvrent dans l’accompagnement des femmes victimes de violences. Il s’agit là de garantir une qualité d’intervention digne, efficace qui rende les services de l’État capables de protéger et de rendre justice aux yeux des citoyennes et citoyens ;
  • Au-delà de la formation des forces de l’ordre, il faut que l’État forme au travers de l’école et dès le plus jeune âge, les enfants sur ces problématiques. Que ce soit au travers des cours d’éducation à la sexualité, au consentement, au vivre-ensemble. Bien que cela soit une obligation légale, le Haut Conseil à l’Égalité relève que cela n’est pas suffisamment appliqué dans les établissements. Il devrait également être du devoir des employeurs de former leurs collaborateurs au sexisme au travail et à mettre en œuvre des actions pour prévenir le sexisme et le harcèlement sexuel ;
  • Il faut améliorer la prise en charge des personnes victimes de violences : au-delà de l’assistance téléphonique, il faut donner les moyens aux forces de l’ordre de pouvoir intervenir rapidement et efficacement. Il faut également pouvoir fournir une assistance et un suivi psychologique gratuit aux victimes, tout comme des hébergements d’urgence qui respectent la dignité humaine. Même si la France s’est améliorée sur ce point depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019, le nombre de places disponibles n’est toujours pas suffisant ;
  • L’action des associations de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants doit être davantage subventionnée par l’État : à l’instar de la maison des femmes de Saint-Denis ;
  • Il est nécessaire de conduire des campagnes de sensibilisation massives et régulières, à l’instar de ce qui a pu être fait pour la sécurité routière ;
  • Il s’agit de réguler l’accès aux contenus faisant la promotion de la violence et susceptible d’influencer les comportements dans les relations interpersonnelles et d’entraîner des violences. C’est notamment le cas de certains contenus pornographiques. Le Haut Conseil à l’Égalité dans un rapport indique notamment que du fait du visionnage de tels contenus, 47% des garçons estiment que les filles « s’attendent » à ce que les rapports sexuels impliquent une agression physique et 42% pensent que la plupart des filles « apprécient » les actes d’agression sexuelle.

Depuis longtemps, des solutions sont mises en avant. Il est temps que le gouvernement s’en saisisse et accompagne les paroles d’actes concrets.

Chloé Petat, la GRS Seine-Saint-Denis et pôle féminisme de la GRS

1 Ces chiffres proviennent des études citées, par la Fondation des Femmes et le Haut Conseil à l’Égalité, et également du Ministère de l’Intérieur.

2 https://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=17055

3 Fondation des Femmes, septembre 2023 « Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? » https://fondationdesfemmes.org/actualites/rapport_ou_est_argent_pour_les_femmes_victimes_de_violences/

Électricité : l’Autorité de la concurrence contre la démocratie

Dans son communiqué du 19 novembre 2024, l’Autorité de la concurrence soutient que les interventions de l’État sur les prix de l’électricité ont été discrétionnaires et ont brouillé le « signal prix » censé créer des incitations à la sobriété énergétique. Elle exige donc du gouvernement d’organiser progressivement la suppression du tarif réglementé de l’électricité. Certes, l’Autorité de la concurrence veille au respect des règles de la concurrence. C’est sa mission. Néanmoins, elle ne peut pas se substituer aux principes démocratiques. Or, le besoin de fixer politiquement les prix de l’électricité relève avant tout d’une question démocratique. Les citoyens ne veulent pas élire des responsables politiques impuissants, comme l’a montré la réélection de Trump. Supprimer le tarif réglementé entraînerait la montée des contestations politiques et de l’extrême droite et pourrait mettre en danger un fondement de la démocratie française.

Le contrôle des prix de l’électricité est aussi une mesure favorable à l’économie et à la transition énergétique. La production électrique française est presque entièrement décarbonée et il faudrait inciter les ménages à acheter des véhicules électriques et à remplacer leurs systèmes de chauffage par des systèmes électriques. Or, pour cela, nous avons besoin d’un contrôle public des prix de l’électricité, afin de garantir aux ménages que ces prix resteront bas.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme l’autorité de la concurrence, l’ouverture à la concurrence n’a pas prouvé sa capacité à augmenter les investissements productifs dans la production d’électricité. Ainsi, faute d’investissements privés, le gouvernement a décidé de construire jusqu’à six nouveaux EPR avec EDF. Pour financer cet investissement, nécessaire à la transition écologique, il doit prévoir des recettes sur plusieurs dizaines d’années, ce qui implique de contrôler le prix de vente de l’électricité.

Enfin, l’actualité ne cesse de nous rappeler les graves conséquences du choix par l’Union européenne de la concurrence dans le marché européen de l’électricité. Cela interdit la planification à long terme et engendre une faible résilience face aux chocs tels que la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, les tarifs élevés de l’électricité sont le principal frein à la compétitivité des entreprises européennes. Les nouvelles règles du marché européen de l’électricité ne change pas l’absurdité d’empêcher notre pays de fixer sa tarification électrique et nous devons nous mobiliser pour que la France prenne comme l’Espagne et le Portugal les moyens de maîtriser le prix de l’énergie dans notre pays. Mais en attendant, au moins une décision immédiate s’impose : le maintien des tarifs régulés de l’électricité. Cela est indispensable pour des raisons démocratiques, mais également parce qu’ils sont une condition nécessaire à la planification de la transition écologique. Il faudrait même, à terme, élargir la réglementation pour y inclure les industriels et éviter qu’un prix trop élevé de l’électricité conduise de nombreuses entreprises soit à renoncer à l’électrification de leur système productif, soit à délocaliser.

Au moment où se multiplient les plans sociaux et où déferle une nouvelle vague de désindustrialisation, faire baisser le prix de l’énergie est un impératif absolu. Et vite !

Les droites conduisent l’État et le pays dans le mur !

Les gouvernements Borne et Attal pourront être classés parmi les pires gestionnaires des dernières décennies, ils ont conduit à un déficit colossal de 170 milliards d’euros en 2024, bien au-delà des prévisions annoncées de 120 milliards. Plus grave encore, cette réalité a été délibérément cachée aux Français durant les campagnes électorales du printemps dernier.

Dans ce contexte, nous avons avec le Nouveau Front Populaire proposé des solutions pour réduire le déficit tout en protégeant les classes populaires et moyennes. Ces mesures incluaient :

  • Une taxe de 2 % sur les patrimoines dépassant 1 milliard d’euros, permettant de générer 13 milliards d’euros ;
  • Un prélèvement de 5 % sur les « super dividendes » des grandes entreprises, ciblant les excès des actionnaires ;
  • Une extension de la taxe sur les transactions financières à toutes les opérations boursières, avec 3 milliards d’euros attendus.

En parallèle, le NFP a défendu des mesures visant à soulager les Français, notamment en supprimant la taxe sur l’électricité et l’augmentation de TVA prévues par le gouvernement Barnier. Il a également élargi l’accès au Prêt à Taux Zéro (PTZ) à tous les primo-accédants et empêché des coupes budgétaires dans les collectivités locales, essentielles pour les services publics de proximité.

Bien que le budget amendé par le NFP promettait 30 milliards d’euros de recettes supplémentaires en ciblant les plus riches, toutes les droites – macronistes, LR et Rassemblement National – se sont coalisées pour bloquer ces réformes. En conséquence, le budget d’austérité à la sauce Barnier a été maintenu, créant un risque d’aggraver le chômage et d’amputer fortement la croissance économique.

Pendant ce temps, des ministres enchaînent des propos délirant sur l’éducation nationale ou leur amour soudain pour Elon Musk : la haine des fonctionnaires est redevenue une stratégie de diversion. Nous serons à leurs côtés dans les mouvements à venir pour défendre une certaine conception de l’État et des services publics au service de l’égalité.

Barnier doit abandonner une politique budgétaire qui punit les Français

Emmanuel Maurel, député du Val-d’Oise (groupe GDR) et animateur national de la GRS, était l’invité politique de France Info TV le vendredi 15 novembre 2024 à 7h45.

Alors que le budget de l’État pour 2025 poursuit son parcours au Parlement, après le rejet de son volet recettes en première lecture par les députés macronistes, LR et RN, il a rappelé ce qui guide notre action : « Ce que j’aimerais surtout, c’est que Michel Barnier abandonne la politique budgétaire qu’il veut mettre en œuvre, qui risque d’avoir des effets très graves pour l’économie de ce pays ».

Emmanuel Maurel a déploré le fait que le Premier ministre « refuse obstinément d’aller chercher l’argent là où on peut le trouver, c’est-à-dire sur les bénéfices des grandes entreprises ou chez les très riches ». « La réalité du débat budgétaire pendant les trois semaines qui viennent de s’écouler, c’est que la gauche a fait des propositions qui, à mon avis, étaient constructives pour réduire le déficit, pour faire en sorte qu’il y ait un peu plus de justice fiscale. Et ce qu’on appelle le bloc central (qui n’est ni un socle, ni un bloc) s’est obstinément refusé à faire en sorte que les très grandes fortunes et les très grandes entreprises qui font des bénéfices participent à la vie économique de ce pays en payant un peu plus », a-t-il affirmé, y voyant « le principal problème du moment ».

Habitat indigne à Marseille : Un avant et un après la rue d’Aubagne

En ce mois de novembre 2024 se déroule le « procès de la rue d’Aubagne » à Marseille, suite à l’effondrement des immeubles du 63 au 67 rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018. Six ans après cette tragédie, l’émotion est toujours aussi forte, aux côtés des familles des huit victimes. La couverture médiatique reste énorme. Cette année, nous avons été particulièrement interrogés sur ce qui a changé depuis ce drame.

En tant que nouvelle élue depuis 2020, c’est une responsabilité que je prends avec attention mais qui ne change pas mon engagement. Je précise d’où je parle : En 2018, je faisais partie des manifestants. Depuis 2020, après la victoire du Printemps marseillais, je suis devenue Maire du 1er secteur de Marseille, où se situe le quartier de Noailles et de la rue d’Aubagne. Ce quartier est dégradé depuis de nombreuses années, comme celui de Belsunce de l’autre côté de la Canebière, et classé en « quartier politique de la ville ».

Membre de la majorité municipale, je soutiens la nouvelle politique de lutte contre l’habitat indigne mise en place après notre élection en 2020, sous la responsabilité de Patrick Amico, Adjoint au Maire délégué au Logement, et du Maire de Marseille Benoît Payan. Je représente aussi la Ville au Conseil d’Administration de la SPLA-IN (Société Publique Locale d’Aménagement d’Intérêt National), créée après le drame pour éradiquer l’habitat indigne et réhabiliter des immeubles dégradés dans plusieurs îlots prioritaires du centre-ville, notamment le haut de la rue d’Aubagne à Noailles.

La SPLA-IN n’est véritablement activée que depuis 2021. Créée fin 2019, il a fallu attendre les élections municipales de 2020 et la sortie de crise sanitaire pour recruter un Directeur général et toute une équipe de compétences spécialisées, mener à bien les procédures d’acquisition ou d’expropriation de dizaines d’immeubles, signer les soutiens financiers de la Métropole et de l’ANRU, passer les premiers appels d’offres permettant d’être opérationnels aujourd’hui, en trois ans, donc.

Lorsque nous sommes interrogés sur ce qui a changé, nous expliquons l’ampleur des moyens qui ont été nécessaires, et qui seront longtemps nécessaires, pour répondre aux besoins. C’est cela, la différence entre l’avant et l’après rue d’Aubagne : la prise de conscience et la reconnaissance d’un enjeu politique qui n’était pas traité à hauteur de la situation, voire nié. Ce drame et l’ampleur des mobilisations citoyennes ont modifié en profondeur la politique publique de lutte contre l’habitat indigne à Marseille.

Ce que la Ville a mis en place est un ensemble de protocoles de soins pour vaincre une maladie coriace. Nous sommes les premiers à reconnaître que tout n’est pas fini et qu’il y a encore du mal-logement… Sinon, nous ne serions pas obligés de mettre tous ces moyens ! De plus, la crise du logement s’amplifie partout en France et Marseille n’y fait pas exception.

La Ville de Marseille agit au titre de sa compétence « police de l’habitat », qui consiste à réagir aux alertes sur la mise en sécurité des immeubles. Ces mesures doivent s’articuler avec les moyens de la Métropole qui a la compétence générale du Logement, et ceux de l’État sans lequel on ne peut pas traiter les énormes sujets de réhabilitation urbaine ou des grandes copropriétés dégradées. Voilà pourquoi la SPLA-IN (Société Publique Locale d’Aménagement d’Intérêt National) est une société publique à majorité métropolitaine (Le Président est David Ytier, Vice-Président Logement à la Métropole), avec une forte participation de l’État au titre de l’Intérêt national, et une représentation de la Ville. Voilà pourquoi aussi le permis de louer, l’encadrement des loyers (dont on attend toujours les décrets !), les plans d’urbanisme et d’habitat, les procédures d’utilité publique… sont des mesures qui nécessitent d’être appliquées par la Métropole, en concertation avec la Ville. A ce stade, une chaîne d’élus et de techniciens arrive à travailler ensemble sur ce sujet d’intérêt général et j’espère qu’il en sera ainsi le plus longtemps possible.

Chaque année, les Rendez-vous annuels du Logement organisés par la Ville de Marseille, sont l’occasion de faire un point de situation avec des centaines de participants, en réunions plénières et en ateliers, en toute transparence. Tout est publié sur le site de la Ville : Rendez-vous annuels du Logement à Marseille, 17 octobre 2024

C’était un engagement de campagne électorale, comme de nombreuses mesures dont nous avions écrit le principe : lutter contre les marchands de sommeil, faire des travaux d’office, financer des mesures sociales d’accompagnement et de relogement, contrôler les locations touristiques, inciter à produire plus de logements sociaux…

Ces mesures sont faciles à écrire mais quand il faut les quantifier « en vrai » pour les appliquer, c’est impressionnant ! Jamais je n’aurais pensé que la Ville aurait dû déposer 160 saisines de justice contre les marchands de sommeil, multiplié par dix les moyens humains d’une vraie Direction de Lutte contre l’habitat indigne, dégager plusieurs Millions d’euros par an pour les relogements et travaux d’office, dont la facture est le plus possible envoyée aux propriétaires tenus responsables. Rappelons en effet qu’il n’est pas normal qu’une Ville soit obligée de se substituer à des propriétaires défaillants. C’est tout un système de déni de travaux, de syndics et de copropriétés qui dysfonctionnent, de dossiers d’aides financières jugés trop complexes, qui est en cause.

Alors y a-t-il toujours des immeubles dégradés à Marseille ? Malheureusement Oui ! Mais nous espérons qu’ils sont mieux contrôlés, et que les habitants sont mieux protégés. Pour la première fois ces derniers mois, il y a eu moins de nouvelles procédures de mise en sécurité, que de sorties de péril. Pas de quoi triompher évidemment. Juste de quoi encourager l’action publique et persévérer. Il faudra encore bien des années et bien du soutien, pour arriver au bout des dizaines de milliers de logements indignes que compte notre ville.

En centre-ville, le symbole de ce changement sera le lancement des travaux sur la « dent creuse » et les immeubles de l’ancien périmètre de sécurité du haut de la rue d’Aubagne, pour y installer un équipement public de proximité et des logements sociaux. Si tout se passe comme prévu, c’est pour l’année prochaine. Ce ne sera pas la fin d’une politique, mais une étape franchie. Après le temps de la justice, dont j’espère qu’elle sera le mieux rendue possible, viendra celui de la reconstruction… mais pas celui de l’oubli.

Sophie Camard

Fret SNCF : une mise à mort orchestrée par Bruxelles et Paris


Au lieu de défendre les intérêts du fret français, Paris courbe l’échine face à la Commission européenne et condamne le secteur du Fret. Au 1er janvier 2025, l’entreprise sera dépossédée de ses activités les plus rentables, au profit des entreprises concurrentes et au détriment des salariés et de l’écologie.

FRET SNCF agonise depuis plusieurs années déjà. Sa part modale n’a cessé de baisser, jusqu’à descendre en dessous de 10%. Son déclin a été accentué par un certain nombre de facteurs :

  • D’abord, l’ouverture à la concurrence qui a contribué à morceler complètement le marché et qui n’a pas réussi contrairement aux promesses de l’Union européenne, à rendre ses lettres de noblesse au fret. Le nombre de marchandises en milliards de tonnes.km1 était déjà en déclin depuis les années 1980, il a été divisé par deux en 2010. On peut légitimement considérer que cette baisse drastique et soudaine, est corrélée à l’ouverture à la concurrence effective depuis 2005/2006.
  • Ensuite, la concurrence déloyale de la route face à laquelle l’Union européenne reste muette. Les investissements massifs dans le réseau routier ont contribué à créer un réseau correctement maillé, efficace et permettant d’effectuer des trajets de bout-en-bout ce qui n’est aujourd’hui pas le cas du réseau ferroviaire.

Les acteurs empruntant les réseaux routiers peuvent par ailleurs contourner la fiscalité en place. En effet, l’utilisation des réseaux routier et ferroviaire nécessite de s’acquitter d’un péage. Pourtant, les acteurs du réseau routier peuvent facilement éviter de payer péages et taxes, en utilisant le réseau routier gratuit et en ne réalisant pas le plein d’essence en France mais dans les pays voisins. Ainsi, ces acteurs ne payent pas la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE), qui est de 4 centimes par litre pour les transporteurs. Avec la déréglementation du transport routier les entreprises peuvent également faire appel à des travailleurs étrangers moins rémunérés, réduisant ainsi le coût du travail.

Enfin, l’état catastrophique des infrastructures induit une qualité de service insatisfaisante pour les entreprises. En 2022, près d’un train sur six (16%) a accusé un retard de plus de 30 minutes. Le réseau est extrêmement dégradé ce qui explique ces retards : les lignes capillaires qui connectent les entrepôts / usines au réseau principal ont en moyenne 73 ans. De nombreuses lignes ont également été fermés ces dernières années faute de travaux de remise en état.

Désinvestissement dans le réseau, évitement de la fiscalité par les transporteurs routiers, concurrence déloyale, ouverture à la concurrence, circulation des méga-camions favorisée en Union européenne… Voici une liste non-exhaustive des principaux facteurs qui sont en train de tuer le fret ferroviaire.

Pour répondre aux pressions et aux menaces de liquidation totale de la Commission européenne qui visait fret SNCF d’une enquête pour non-respect des règles de la concurrence, le gouvernement a donc décidé de mettre en œuvre en toute discrétion, la réforme présentée par Clément Beaune en mai 2023. La commission accuse notamment fret SNCF d’avoir bénéficié de subventions notamment pour la recapitalisation de l’entreprise, et l’annulation de la dette en 2019 pour un montant d’environ 5 milliards d’euros.

La réforme devient désormais réalité. Au 1er janvier 2025, fret SNCF va être divisé en 2 sociétés, Hexafret pour le transport de marchandises et Technis pour la maintenance.

Il faut également mentionner que malgré le morcellement du marché, fret SNCF conservait encore près de 50% des parts de marché et restait donc un acteur clé. Ces parts de marché vont désormais être réparties entre les autres acteurs du marché. En effet, la réforme oblige fret SNCF à abandonner 23 flux de marchandises (représentant 20% de son chiffre d’affaires), évidemment les plus rentables pour l’entreprise. Ces flux vont être ouverts à la concurrence, sans que fret SNCF puisse y candidater pendant près de 10 ans. L’ouverture à la concurrence n’est donc pas la même pour tous : comment justifier cet écartement de fret SNCF des appels d’offres pendant 10 ans ?

Dernière étape de la réforme : ouvrir le capital de fret SNCF à des investisseurs privés, d’ici quelques années.

Dans « La révolution ratée du transport ferroviaire au XXIème siècle », j’écrivais déjà avant confirmation de la réforme que sa mise en œuvre serait la mort pure et simple de l’entreprise et qu’elle engendrerait le chaos sur le marché. Evidemment, la situation est d’autant plus catastrophique qu’elle impacte directement les cheminots, avec la suppression de 500 emplois.

Le gouvernement défend la réforme en indiquant qu’elle sera un nouveau souffle pour fret SNCF, et que l’Etat va aider le secteur à hauteur de 370 millions d’euros. Cette somme est très faible, au regard des demandes des acteurs du secteur. Selon la commission des finances du Sénat, près de 10 milliards d’euros devraient être investis pour la rénovation du réseau d’ici 2030.

Comment comprendre la schizophrénie de l’Union européenne ? Alors que cette dernière s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle condamne un secteur qui serait clé dans cette baisse. En effet, le secteur des transports représente 30% des émissions au niveau mondial et elle condamne aujourd’hui, avec l’accord de la France, un secteur clé pour amorcer la transition.

Au lieu de défendre ses intérêts, la France courbe l’échine face à la Commission européenne et condamne ainsi le fret, qui serait pourtant clé à la fois pour accompagner la réindustrialisation du pays et également pour amorcer la transition écologique. Tout ceci est un non-sens écologique et stratégique.

Chloé Petat

Pour aller plus loin, vous pouvez dès à présent vous procurer le dernier livre de la collection coordonnée par Le Temps des Ruptures avec les Editions du bord de l’eau sur le sujet, « La révolution ratée du transport ferroviaire au XXIème siècle ». Sortie le 15/11/2024 : https://www.editionsbdl.com/produit/la-revolution-ratee-du-transport-ferroviaire-au-21e-siecle/

1 La tonne-kilomètre est une unité de mesure de quantité de transport correspondant au transport d’une tonne sur un kilomètre. La quantité de transport s’appelle le volume de transport.

Élections américaines : « It’s the economy stupid », again…

Deux Amériques qui s’affrontent, ne se parlent plus, se haïssent viscéralement, considèrent la victoire de l’autre comme un péril démocratique, et se livrent à une guerre civique tous les deux ans, voilà la base de toute analyse politique digne de ce nom pour expliquer la situation électorale américaine. Difficile de le nier, entre l’Amérique blanche, rurale, évangélique, masculine et non diplômée, et l’Amérique colored, urbaine, peu croyante, féminine et diplômée, le dialogue est rompu. La première vote systématiquement pour le parti républicain et ses candidats, la seconde pour les démocrates.

Peut-on cependant imputer le résultat de chaque élection, depuis maintenant dix ans que Donald Trump a chamboulé le paysage politique américain, à une simple fluctuation de participation électorale de ces deux Amériques ?

Le triomphe trumpiste, indéniable et sans appel, du 5 novembre 2024, invite à plus de prudence.   A l’heure actuelle, Donald Trump réalise un score historique. Il dépasserait le parti démocrate au suffrage direct, une première en 20 ans, et pour la seconde fois seulement en 32 ans. Il accroît son nombre de voix par rapport à 2020, qui était déjà un record. Sous réserve des résultats définitifs au Nevada, il gagnerait cet Etat et ferait donc mieux qu’en 2016, quand il l’avait perdu de peu.

Les républicains reprennent également le contrôle du Sénat, en défaisant au moins 2 sénateurs démocrates sortants, et potentiellement encore deux autres d’ici la fin du décompte. Le résultat à la Chambre des Représentants n’est pas encore net, mais les tendances actuelles donnent les républicains gagnants, accroissant peut-être leur majorité de 2022.

Comment expliquer cette déroute démocrate, alors que Donald Trump et son colistier J.-D. Vance sont, selon les enquêtes d’opinion, largement plus impopulaires que Kamala Harris et Tim Walz ?

Alors que les mensonges et le coup d’Etat manqué de janvier 2021 ont marqué profondément les Américains, pas seulement démocrates. Alors les démocrates ont réussi leur stratégie de conquête des banlieues huppées ?

La réponse est toute trouvée pour les partisans de la théorie de la guerre culturelle. Pour la droite culturelle, les minorités auraient compris que le « wokisme » serait une impasse, la preuve, Trump progresse chez les afro-américains et talonne les démocrates chez les latinos, malgré (ou grâce, selon les plus radicaux) les multiples propos racistes tenus à l’égard d’à peu près toutes les minorités.

Pour la gauche culturelle, Gaza et le soutien à Israël seraient la cause unique de la défaite démocrate, qui aurait démobilisé les jeunes et les minorités, la preuve, la ville jadis démocrate de Dearborn au Michigan, majoritairement musulmane, a voté pour Trump, et les villes étudiantes du Michigan sont dans la même situation.

La guerre culturelle n’a pas eu lieu

Ces données électorales sont vraies, elles sont aussi anecdotiques.

La grande différence par rapport à 2020 et même 2016, c’est la bascule des indécis et des indépendants. Ils avaient largement plébiscité Joe Biden il y a 4 ans, Donald Trump y est fortement majoritaire cette année. L’électeur indécis et indépendant moyen américain est favorable à l’avortement mais opposé à l’immigration. Partant de ce fait, à chaque élection, les démocrates tentent d’orienter le débat sur l’avortement, et les républicains sur l’immigration.

Las, ces sujets n’étaient que les troisième et quatrième priorités des électeurs d’après les sondages de sortie d’urne. Le ciblage communautaire est également un échec pour les deux campagnes : les démocrates misaient grandement sur le basculement de l’électorat blanc et féminin, il n’a que peu bougé, et c’est en faveur des républicains. Les républicains misaient sur une participation renforcée des hommes blancs, ce fut le cas, mais les démocrates y ont légèrement comblé leur retard abyssal.

La première préoccupation des électeurs, l’avenir de la démocratie aux Etats-Unis, est un sujet partagé chez les bases démocrate, effrayée des annonces autoritaristes de Donald Trump, et républicaine, toujours persuadée d’un grand complot du Parti Démocrate ayant dérobé l’élection de 2020.

Finalement, le sujet qui a déterminé les indécis et les indépendants, c’est l’état de l’économie, et l’inflation considérable qui touche les Etats-Unis depuis 2021.

Si cette préoccupation arrive en seconde position nationalement, elle est la première dans les Swing States et chez les électeurs qui se sont décidés dans la dernière semaine avant le vote.

C’est d’abord et avant tout la mise en avant de ce sujet qui explique la victoire de Donald Trump. Il a réussi à tenir sa coalition, les évangéliques et la classe ouvrière blanche, en y agrégeant les indécis et les indépendants. En se faisant discret sur l’avortement et en martelant sur l’immigration. Les démocrates, en se faisant discret sur l’immigration et en martelant sur l’avortement, ont aussi maintenu leur coalition des diplômés, des minorités, des femmes et des urbains, même si elle est légèrement en retrait.

Ce qui semble manquer à la plupart des analyses, c’est qu’au-delà de la guerre culturelle, bien réelle, en cours au Etats-Unis, il y a une crise économique persistante, et que c’est celle-ci qui a déterminé les électeurs pas ou peu politisés, pour qui les appels du pied identitaire, d’un camp ou de l’autre, n’ont pas fonctionné.

Donald Trump, en parlant plus d’économie, et en s’associant avec des hommes d’affaires tout au long de la campagne, est apparu plus crédible sur le sujet. Il gagne largement dans des Etats où des référendums sur l’avortement ont été perdus par les républicains. La guerre culturelle n’a pas été déterminante la nuit dernière, les républicains comme les démocrates devraient s’en souvenir s’ils veulent engranger de futures victoires.   Incapables de s’adresser à la classe ouvrière ou aux populations rurales, les démocrates américains reproduisent en boucle les mêmes erreurs que les gauches européennes « terra-novisées ».

En Europe comme en Amérique (et Bernie Sanders l’a redit), l’enjeu des gauches est de renouer avec les aspirations populaires

La morgue et l’élitisme d’une Hillary Clinton, déclarant en 2016 que les zones les plus dynamiques – comprendre, riches – du pays avaient voté pour elle et que ses opposants étaient déplorables, n’a fait qu’accentuer un divorce désormais bien consommé. Si le thème des élites urbaines progressistes contre le petit peuple conservateur est un lieu commun des Républicains depuis Nixon, déjà analysé par Thomas Frank en 2004 dans Pourquoi les pauvres votent à droite, force est de constater que l’establishement démocrate ne fait rien pour renverser cette tendance, qui aboutit à la répétition des mêmes débats et polémiques depuis l’élection de 2016.

Renouer avec les aspirations populaires à une vie meilleure sera nécessaire pour sortir de ce match joué en boucle depuis 3 élections présidentielles.

Du reste, l’élection de Donald Trump ne peut que nous inquiéter. Au-delà des politiques racistes et sexistes qu’il mettra en place aux Etats-Unis, et du climato-scepticisme forcené qui aura des conséquences sur la planète entière, le bouleversement géopolitique qui s’annonce doit nous faire réagir. Le protectionnisme annoncé et le retrait certain en Ukraine et probable de l’OTAN, doivent conduire les Européens, et au premier rang la France, à adopter une nouvelle stratégie de puissance et d’influence.

Augustin Belloc

Barnier, impasse parlementaire et budgétaire

Tout ça pour ça ?

Nommé début septembre, Michel Barnier était le premier ministre censé être capable de conduire un gouvernement assis sur un socle parlementaire suffisant pour faire passer un budget 2025 difficile et surtout ne pas être censuré.

La réalité est, comme on pouvait s’y attendre, bien différente. Le projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025) du nouveau premier ministre a été critiqué dans sa propre majorité, entre macronistes qui n’ont pas fait le deuil du pouvoir et élus de droite turbulents. On ne compte plus les prises de position défavorables des membres des groupes parlementaires « ensemble pour la république » et « droite républicaine ». On n’entend plus le MoDem.

Enfin, alors que le gouvernement Barnier est indexé sur sa capacité à obtenir la neutralité bienveillante du Rassemblement National, le parti de Marine Le Pen, qui voit sa candidate empêtrée dans le procès des assistants parlementaires fantômes du Parlement européen, a décidé d’ouvrir un contre-feu en s’exprimant de plus en plus fortement contre le projet de budget et en le menaçant d’une motion de censure.

Tout ceci explique le changement de stratégie du Premier Ministre : conscient, dès la présentation du PLF le 10 octobre dernier, qu’il ne pourrait le faire adopter que par le recours au 49.3, il a changé de pied et entend désormais invoquer l’article 47.1 (celui-là même qui avait été utilisé pour la réforme des retraites et qui explique qu’Emmanuel Macron et Élisabeth Borne aient à l’époque choisi le véhicule d’un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale) ; il s’agit de faire s’éterniser les débats pour empêcher tout vote à l’Assemblée nationale et repasser la patate chaude au Sénat où la majorité conservatrice sera, l’espère-t-il, plus favorable à son projet. Retour à la case départ de la stratégie inavouée de conduite des affaires parlementaires empruntée par Emmanuel Macron depuis juin 2022. Une dissolution et un Michel Barnier plus tard : tout ça pour ça ?

Car même sur la question budgétaire, la droite libérale-conservatrice est placée devant ses contradictions : selon de nombreux économistes, la purge qu’elle propose pourrait amputer la faible croissance bien plus qu’elle ne l’imagine. Mais nous n’aurions pas le choix ! et il n’existerait pas d’alternative moins douloureuse et plus crédible…

C’est pourtant le contraire qu’a affirmé bien fort le Nouveau Front Populaire à l’Assemblée nationale dans la foulée de son contre-budget. Nos parlementaires proposent une stratégie budgétaire qui augmente les recettes en faisant contribuer les plus fortunés et les multinationales … et qui stimule les dépenses dans les investissements d’avenir, afin de générer une croissance de l’activité qui a son tour augmentera les recettes de l’État. Il y a bien une autre politique possible que celle proposée par le gouvernement Barnier. Et elle donnerait de meilleurs résultats pour la France.

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